Oldalképek
PDF
ePub

CHAPITRE IV.

RÉVOCATION DE L'ÉDIT DE NANTES.

1685.

1° ÉTAT DES PROTESTANTS EN FRANCE AVANT LOUIS XIV.

Il est un acte du gouvernement de Louis XIV qu'on a particulièrement attribué à madame de Maintenon, et qu'on ne cesse pas de lui reprocher: c'est la révocation de l'édit de Nantes: Pour beaucoup de personnes, cet événement n'a d'autre origine que l'influence de cette favorite dévote qui, abusant de l'empire que l'âge et la dévotion lui avaient, dit-on, acquis sur le monarque, aurait tout à coup inspiré à celui-ci une longue et atroce persécution contre une partie de ses sujets. Peu s'en faut qu'on ne représente le grand roi agenouillé devant elle, un chapelet à la main, et, sur ses injonctions impitoyables, proscrivant, chassant les hérétiques de son royaume, pour expier sur eux ses péchés et les scandales de sa jeunesse. Il importe de rétablir ici la vérité et le caractère des faits.

Qu'on nous permette donc de suspendre le

cours de notre récit, et de sortir même de ses limites naturelles, pour examiner en abrégé cet événement dans ses causes, dans sa marche et dans ses suites; c'est la seule manière de le bien connaître et d'échapper aux déclamations et aux lieux communs, qu'on s'étonne de voir chaque jour répétés par des hommes instruits. Il y a des faits dont il faut tracer l'histoire comme celle d'un homme, en les prenant à leur naissance, et en les suivant à travers leurs transformations jusqu'à leur dénoûment.

La révocation de l'édit de Nantes fut une grande faute, plus grande toutefois, si l'on se reporte à ce temps-là, par l'exécution que par la pensée. On doit la considérer comme un acte plus politique encore que religieux, en ce que ce fut le dernier trait, malheureux et regrettable, d'une politique ancienne et constante qui tendait depuis longtemps, par des moyens divers, au rétablissement de l'unité de culte dans l'État; et l'on peut ajouter que cet acte appartient en quelque sorte à là nation entière, par l'assentiment général avec lequel il fut accueilli; mais pour le bien comprendre il faut se rappeler ce qui avait précédé.

Un exposé rapide de ce qu'était en France le parti protestant avant l'édit de Nantes, de la condition qui lui fut faite par cet édit, des changements que cet édit lui-même a subis, des causes éloignées

et successives qui ont amené de loin et précipité tout à coup sa révocation, est donc nécessaire pour expliquer, sinon pour justifier cette mesure, où madame de Maintenon n'eut aucune part directe et décisive, mais à laquelle elle applaudit comme le reste du royaume, se réjouissant, dans les illusions d'une foi sincère, de ce que le vrai culte allait enfin réunir toute la nation.

Le commencement du xvr° siècle avait vu naître l'événement le plus important peut-être qui se fût accompli jusqu'alors. En 1517, la réformation s'était produite en Allemagne par Luther; en 1534, elle s'établit en France par Calvin '. La nouvelle doctrine, en choquant la foi populaire et en alarmant le pouvoir, suscita les répulsions et les résistances; les bûchers se rallumèrent, la persécution enfanta les révoltes, les factions des grands mirent celles-ci à profit, et l'on vit s'ouvrir ce grand drame où la France usa contre elle-même, pendant plus d'un demi-siècle, des forces et des hommes capables de la rendre maîtresse de l'Europe.

Une guerre civile de quarante années, tout le

La nouvelle doctrine s'était introduite en France avant que parut Calvin; mais ce fut par l'influence de Calvin, et principalement à dater de son ouvrage intitulé de l'Institution chrétienne (1534), que la nouvelle croyance y prit un grand développement.

:

pays couvert de ruines et de pillage, une horrible compensation de crimes et de vengeances; l'étranger appelé en France par les deux partis, le massacre de la Saint-Barthélemy, les excès et les fureurs de la ligue, l'assassinat des ducs de Guise, celui de Henri III à Saint-Cloud, la vie aventureuse et la fortune sans cesse exposée du jeune roi de Navarre, le siége et la famine de la capitale, la terreur des Seize, le salut de la patrie, enfin, assuré par le triomphe de son roi; tels sont les événements que l'époque de la réforme déroule sous nos yeux, en mettant sur la scène les personnages les plus frappants par leur physionomie et leur destinée : les Guise qui comptent presque dans notre histoire pour une dynastie; Coligny et les Châtillons, Antoine de Bourbon, roi de Navarre, avec sa femme Jeanne d'Albret et son fils; les deux princes de Condé; Catherine de Médicis, le chancelier de L'Hôpital, les présidents Molé, Harlay et de Thou, la foule des savants et des lettrés qui paraissent, les mignons efféminés de Henri III, en regard de quelques austères figures de réformés; et pour les temps plus rapprochés de nous, Villeroy, le président Jeannin, Sully, les cardinaux Duperron et d'Ossat; puis, sur un plan inférieur et dans l'ombre, les grands massacreurs de la Saint-Barthélemy, les chefs des Seize, et le groupe des assassins Poltrot, Jacques Clément, et Ravaillac; vaste et

dramatique tableau, l'un des plus saisissants de

nos annales.

Une seule question, la liberté religieuse, agita tous ces esprits, fit naître tous ces événements. Ce n'est pas néanmoins qu'on entendit alors cette liberté comme on l'entend de nos jours; car lorsque le sectaire repoussait le joug de la communion dominante, c'était pour y substituer le joug de la sienne, et l'appel à la tolérance n'était qu'une arme passagère entre les mains des partis. Il ne vint dans l'idée à aucun d'eux d'en faire, pour la société, une loi permanente et salutaire. Mais enfin (quoique l'ambition et la politique se couvrissent aussi du manteau de la religion), la grande et véritable question, celle qui possédait réellement les âmes, et qui remua les masses profondément, ce fut la question religieuse, la plus grande, en effet, qui se fût élevée en Europe depuis la chute de l'empire romain, cù il s'agissait de savoir si l'unité catholique allait être rompue sans retour, et où les intérêts politiques qui s'y mélèrent lui donnèrent une si grande importance.

Dès l'origine, on sévit donc avec rigueur contre la nouvelle croyance, et l'on fit revivre, contre les hérétiques, les anciennes ordonnances qui relevèrent les bûchers. Non-seulement la rébellion contre l'Église, regardée comme une rébellion contre l'État, mais les désordres, les violences,

« ElőzőTovább »