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ces chevaux, cette sorte de bivouac, tout ce désordre guerrier au pied de ces gothiques tourelles, formaient un tableau qui eût charmé les yeux s'il n'eût affligé la pensée; mais ce roi fugitif devant son peuple, le petit-fils de Louis XIV venant demander un asile dans une demeure encore empreinte des marques de la grandeur de son aïeul, cette halte de la monarchie en marche pour l'exil, en face du monument de son orgueil et de son faste passés, dont la ruine semblait regarder tristement la scène qui se passait à ses pieds; quel spectacle sous le calme d'un ciel pur et en présence de la nature toujours immuable devant toutes les agitations des hommes!

Le lendemain, à dix heures, Charles X entendit la messe dans la chapelle du château. Ce fut dans cette petite chapelle que l'infortuné monarque offrit à Dieu le sacrifice de la couronne qui lui était si douloureusement arrachée. C'est en effet à Maintenon que Charles X cessa véritablement de régner: c'est là qu'il licencia la garde royale et les Cent-Suisses, ne gardant pour escorte que les gardes du corps, qui l'accompagnèrent jusqu'à Cherbourg. Après la messe, le roi remonta un instant dans sa chambre, et à onze heures, le cortége se remit en route. La fille de Louis XVI portait tous les malheurs et toutes les grandeurs de sa race empreints sur son visage,

habitué, dès l'enfance, à l'expression de la douleur. Elle s'avança vers les gardes qui étaient rangés dans la cour, et leur présenta sa main qu'ils baisèrent en versant des larmes; ses propres yeux en étaient remplis, et elle répétait ces paroles d'une voix émue: « Ce n'est pas ma faute, mes amis, ce n'est pas ma faute. >> Monsieur le Dauphin embrassa l'officier qui commandait la compagnie des Cent-Suisses, et monta à cheval. Madame la duchesse de Berry, en demi-costume d'homme, avec un certain appareil militaire qui faisait prévoir la prise d'armes de la Vendée, monta aussi en voiture, suivie de ses deux enfants, dont le visage gracieux et inquiet tour à tour, souriait innocemment à leur malheur; le roi partit le dernier. Il remercia, avec une bonté touchante, de l'hospitalité qu'il avait reçue; puis, il s'avança vers les troupes et les remercia aussi avec cet accent du cœur qu'il possédait et dont il usait trop rarement : «< J'espère, leur dit-il, que nous nous reverrons bientôt. » Un gendarme des chasses se jeta à ses pieds et lui baisa la main, il la donna à plusieurs, et se tournant vers le garde à pied qui était de faction au bas de la tour et qui lui présentait les armes : « Allons, dit-il, je vous remercie, vous avez bien fait votre devoir, je suis content de vous, mais vous devez être bien fatigué! Ah! Sire, répondit le vieux soldat en laissant tomber de grosses larmes sur sa moustache

blanchie, la fatigue n'est rien; encore si nous avions pu sauver Votre Majesté!... » Un grenadier perça la foule et vint se placer devant le roi. « Que me voulez-vous? lui dit Sa Majesté? - Sire, répondit le soldat en portant la main à son bonnet, je voulais vous voir encore une fois. »

Le roi, profondément attendri, se jeta dans sa voiture, et toute cette scène disparut bientôt, laissant dans les âmes une impression ineffaçable, et attachant à ces lieux, déjà pleins de souvenirs, une nouvelle et triste célébrité.

CHAPITRE III.

MADAME DE MAINTENON ÉPOUSE LE ROI, SON EXISTENCE

A LA COUR APRÈS CE MARIAGE.

1685.

C'est à l'époque où Louis XIV était à l'apogée de sa puissance, dans toute la force de l'âge et de l'esprit, entouré des respects de sa cour et de la crainte de l'Europe, que ce prince, voulant mêler aux fatigues du gouvernement les douceurs innocentes d'une vie privée, résolut, par un choix libre et réfléchi, d'unir à sa destinée celle d'une personne qui avait toute sa confiance, et dont il connaissait depuis longtemps la modestie, le secret, la délicatesse et le désintéressement. On avait parlé quelquefois à la cour de la chance qu'il y avait que le roi se remariât, et on lit dans les Mémoires du marquis de Sourches, à la date du mois de février 1685 « Il courait de grands bruits de mariage du roi avec l'infante de Portugal, et on disait même que c'était madame de Maintenon qui voulait le faire réussir; mais toutes ces choses étaient bien incertaines, quoique le fils

de M. de Croissy ne fût pas encore revenu de Portugal'. >>

On lit encore dans ces Mémoires, à la même date de février 1685: « Ce fut à peu près en ce temps-là que le roi, se rendant à la messe, dit à M. Le Grand N'avez-vous point entendu dire, aussi bien que les autres, que je fais faire une livrée, et que c'est une marque certaine que je me remarie? Ce discours tenu en public, parut affecté à ceux qui y firent réflexion, et les courtisans éclairés, au lieu de croire que ce fût une exclusion pour le mariage du roi, se persuadèrent plutôt qu'il avait envie de se remarier; ayant remarqué plusieurs fois qu'il avait mis la même finesse en usage, quand il avait voulu faire croire qu'il ne pensait pas à des choses auxquelles il pensait en effet. >>

Mais la succession au trône étant assurée par

1 Mémoires manuscrits du marquis de Sourches.

Mémoires manuscrits du marquis de Sourches. On lit dans les Mémoires de Dangeau, à la date du 13 août 1684 : « Madame la comtesse de Grandpré ayant perdu son procès, le roi dit le soir à son souper que tout d'une voix on avait décidé dans le conseil que les secondes noces étaient malheureuses. Un conseiller d'État lui dit : Sire, ce n'est que pour les particuliers; et le roi repartit qu'il y avait de grands inconvénients pour toutes sortes de gens sans exception. » Saint-Simon ajoute en note, sur le manuscrit de Dangeau, que c'est de madame de Maintenon que le conseiller voulait parler, et que le roi fit une sage réponse en ne faisant pas semblant de l'entendre.

bien

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