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Lafont, ont été honorées d'une médaille, et les Légendes, de M. Siméon Pécontal, conçues dans le même esprit, ont conquis une médaille de même valeur. M. X. Marmier a obtenu un prix pour ses Fiancés du Spitzberg, bien que le Spitzberg et les fiancés soient un peu passés de mode. L'Académie a surtout voulu récompenser les études consciencieuses que M. Marmier a faites sur les peuples et sur les langues du Nord, objet un peu glacial et où il n'avait pas de concurrent avant le pélerinage en Norvége de M. Louis Enault. L'Histoire de la littérature française pendant la Révolution, par M. Gerusez, a aussi été couronnée; une prime d'encouragement a été accordée à M. Sébastien Rhéal pour sa traduction des deux traités de Dante écrits en langue latine : De la monarchie et de la Langue vulgaire. Le prix Gobert est revenu cette année au quinzième volume de l'Histoire de France, de M. Henri Martin; mais l'Académie s'est pour ainsi dire excusée de ne point le laisser à l'Histoire de Henri IV, de M. Poirson. Restait le prix d'éloquence non décerné l'année dernière, et pour lequel M. le docteur Véron avait concouru. Le sujet du concours était, comme on sait, l'Eloge de Regnard; et M. Villemain a reproché aux candidats de s'être généralement montrés trop sérieux en cette matière plaisante. Si j'en crois ses réticences, quelques-uns des concurrents avaient dû écraser le gai comique de toute la lourdeur d'un éloge in-quarto, et c'est à peine s'il a pu se tirer sain et sauf de leurs pesantes mains. D'autres avaient trop sacrifié aux détails anecdotiques, aux curiosités inédites de la biographie; M. Villemain leur a fait entendre qu'un peu de critique bien sentie aurait bien mieux fait son affaire et la leur. Ce reproche va loin et s'adresse à bien des gens, qui s'imaginent qu'on a jugé un auteur quand on a rectifié une date, et fait un livre quand on a déterré un document. Enfin, ce prix a été décerné à M. Gilbert, déjà lauréat de l'Académie pour un éloge de Vauvenargues, et qui, seul, a rempli le programme de l'Académie. Le sujet du concours d'éloquence pour 1860 est une Etude littéraire sur le génie et les écrits du cardinal Retz, ce Saint-Simon de la Fronde, qui, suivant l'expression de M. Villemain, « écrivit des conspirations en attendant l'âge de conspirer à son tour. » Remarquez que l'Académie n'a pas dit l'Eloge du cardinal de Retz, et c'est ce qui m'étonne; car s'il est un homme qu'elle doit aimer, qu'elle doit prôner, c'est assurément celui-là, s'il est vrai qu'elle est ellemême une troisième fronde après les deux autres, et qu'elle compte dans son sein un certain nombre de Gondi, qui n'ont pas besoin, pour être frondeurs, de devenir cardinaux.

J'ai hâte d'arriver aux prix de vertu, aux prix Montyon, et surtout au discours dans lequel M. Guizot en a loué dignement les lauréats et le fondateur. Voici l'exorde de M. Guizot : « Nous avons aujourd'hui, messieurs, et nous venons vous offrir de partager avec nous un plaisir devenu assez rare, le plaisir de ne voir de notre société que ses vertus, et de ne parler de nos contemporains que pour les louer. Nous regardons notre temps avec des yeux un peu fatigués et tristes, comme ayant trop attendu de l'humanité et n'en espérant plus beaucoup. » L'aveu est amer; mais il fallait l'entendre, le voir tomber de la bouche de M. Guizot. Toute la personne de l'orateur n'était qu'amertume et dégoût de l'humanité. Son front hautain

se plissait, ses lèvres étaient contractées par une sorte de moue dédaigneuse, son corps tout entier semblait reculer sous le coup d'une subite répulsion; il regardait les hommes d'aussi haut qu'autrefois il regardait ses adversaires politiques, et sans doute il songeait encore, s'il ne le disait point, que tout leur tapage n'atteindrait jamais à la hauteur de son mépris. C'est bien le même homme; tel il fut, tel il est, et s'il apprend encore tous les jours, on peut bien dire qu'il n'a rien oublié. Combien plus sage pourtant, au début de son Corneille, lorsqu'il affirme qu'après avoir vu passer toutes les révolutions qui se sont succédé en France depuis soixante-dix ans, on doit se garder autant du découragement que de la présomption!

Quoi qu'il en soit, les prix de vertu, cette année, ont augmenté de valeur en passant par ses mains, et il faut rendre cette justice à l'Académie qu'elle ne les a pas tous accordés, comme c'est la coutume, à des domestiques, dont le seul mérite, très rare, je le veux, était de n'avoir point volé leurs maîtres. Dix-huit ont été décernés, dont quinze à des femmes ; mais il faut remarquer que le premier a été mérité par un homme, M. l'abbé Halluin, ce qui semblerait justifier cette opinion, déjà fort répandue, et à laquelle je n'ai garde de me ranger, que la vertu est plus triomphante chez les hommes, mais plus fréquente chez les femmes; qu'elles l'emportent par le nombre et nous par la qualité. C'est un point sur lequel il est bon de laisser la victoire indécise; nous faisons le bien d'une façon plus éclatante peut-être, nous inventons des moyens plus énergiques de le faire, mais elles en font plus que nous; elles sont les exécutrices de nos bonnes œuvres. A qui la palme? M. l'abbé Halluin, simple vicaire d'Arras, a consacré sa vie à l'éducation, au salut des vagabonds et des pauvres. Il les recueille, les instruit, les marie; les suit et les soutient depuis leur naissance jusqu'à leur mort. Il a fondé une école, qui est en même temps un hospice, où il pourvoit à tous les besoins de leurs corps et de leur âme. Il vit avec eux, comme eux, pour eux; il s'est fait le serviteur des malheureux et le protecteur des faibles. La charité publique, échauffée par la sienne, a augmenté ses ressources, et d'ailleurs le saint homme compte bien que Dieu le secondera. L'établissement devient tous les jours plus prospère, et chacun s'y prêtant assistance, il se transforme en une communauté évangélique, d'où sont même bannies les apparences de l'aumône, qui pourraient effrayer les pauvres honteux. Les études élémentaires, l'apprentissage des travaux manuels, l'habitude du prochain et de la famille, la discipline de la vie, tels sont les biens inestimables dont l'abbé Halluin dote ceux qu'il a recueillis. L'Académie lui a décerné un prix de 5,000 francs jamais la pensée de M. de Montyon n'a été mieux comprise, ni ses libéralités mieux placées.

Deux noms de femme venaient aussitôt après M. l'abbé Halluin; elles s'étaient signalées par un dévouement égal et par une philanthropie presque aussi ingénieuse. L'une est une Alsacienne qui arrête au passage une partie de ces populations bohémiennes que la mendiante Allemagne rejette sur nous, et qui leur fait aimer la rive française du Rhin autant et même un peu plus que la rive nationale. Elle quête pour eux dans le pays, et leur distribue un petit viatique qui les aide à s'habiller, à voyager et à ne pas

mourir de faim. Voilà certes une belle et bonne œuvre, et qui rappelle, par un côté, celle de l'abbé Halluin. Ici encore, c'est un être humain, qui, sans méconnaître l'action de la Providence sur la terre, s'y est substitué un instant pour la concentrer, pour la rendre plus efficace en la rendant plus particulière. Car Dieu, qui daigne gouverner la fourmilière, ne peut pas s'occuper de toutes les fourmis, et il est bon que ses substituts, que ses lieutenants s'en occupent.

Nous ne mentionnerons pas d'autres noms ni d'autres dévouements; tous les noms se ressemblent par leur obscurité, et tous les dévouements par leur grandeur. Partout, ce sont des humbles qui ont travaillé au bonheur de leurs semblables, et qui ont consacré leur vie à adoucir des souffrances qu'ils ont connues ou que leur cœur leur a révélées. Sans doute ils n'ont point tous également réussi; ils n'ont pu déployer le même talent, ni réunir les mêmes ressources; mais la charité remplit leurs âmes, et, s'il est vrai que Dieu n'exige rien de plus, l'Académie ne pouvait se montrer plus exigeante que Dieu.

Le théâtre n'a rien produit, absolument rien durant cette quinzaine, que la rentrée de nos troupes victorieuses, l'amnistie, et enfin la politique générale ont suffisamment remplie; la littérature proprement dite est restée aussi muette que le théâtre, et notre chronique devrait s'arrêter là, si la mort ne lui fournissait de la matière. Nous venons de parler assez longuement des immortels; un peu de nécrologie maintiendra la balance et nous rendra modestes. Un homme que je ne veux point oublier, c'est Jean-François Becquerel, autrement dit l'acteur Firmin, ancien sociétaire de la ComédieFrançaise, et, si je m'en rapporte à la chronique, un des amoureux les plus brillants qu'elle ait jamais possédés. Il aborda également la comédie et le drame, égala Fleury, son maître, et parut digne, autant qu'on pouvait l'être, de recueillir l'héritage de Talma. Il était incomparable dans le Misanthrope, comme Monrose dans le Mariage de Figaro. Les sociétaires du Théâtre-Français qui lui ont succédé ont ses qualités principales, la grâce, la finesse, le naturel; mais il y joignait la chaleur que ceux-ci paraissent fuir comme un fléau, et sans laquelle pourtant il n'est point de comédie, ni surtout d'amoureux. C'est, du reste, un trait caractéristique de notre temps; on redoute l'excès; on tombe dans la pénurie. Les premières grandes comédies de M. Scribe, les pièces de Casimir Delavigne n'ont jamais trouvé de plus brillant interprète; enfin, il eut l'honneur de créer le rôle d'Hernani dans la pièce de Victor Hugo, et de participer ainsi à la révolution romantique. Firmin prit sa retraite, le 6 décembre 1845, dans le Misanthrope et le Legs. Il avait alors cinquante-huit ans; il en avait soixante-douze quand il est mort.

M. Goubaux, auteur dramatique et directeur du collége Chaptal, était plus jeune de huit ans. Il a donné sous le nom de Dinaux, et en collaboration avec plusieurs écrivains, dont la popularité a dépassé la sienne, quelques drames terribles qui ont eu un terrible succès. Trente ans ou la Vie d'un joueur, avec Victor Ducange, Clarisse Harlow, Latréaumont, les Mystères de Paris, et, avec M. Legouvé, Louise de Lignerolles, qui fut un des derniers beaux rôles de Mile Mars. Ce qu'on peut dire à sa

louange, c'est que dans ses pièces il arrive à la terreur par le sentiment et par le jeu de passions qui, pour être exagérées, ne deviennent jamais brutales; mais non point, comme on le pratique aujourd'hui, par la grossière et banale représentation d'un spectacle matériel.

Reste cette pauvre Mm Desbordes-Valmore, que l'on se figurait toujours jeune et qui avait soixante-douze ans. La voilà morte aujourd'hui; et, sans doute, beaucoup de ses poésies sont mortes avant elle; mais quelques-unes survivront, parce qu'à défaut de style, elle y a mis du cœur. Fort éprouvée dans sa jeunesse, le malheur lui fournit ses inspirations naturelles, trop souvent renouvelées. Les titres de ses recueils sont tristes comme le sentiment qui les a dictés, comme les pensées qu'ils expriment: Elégies et romances, Elégies et poésies nouvelles, les Pleurs, Pauvres fleurs, etc. Assurément, ce n'est point là une lecture propre à donner de la gaieté, ni même de l'énergie; l'auteur s'y plaint en femme de douleurs féminines; mais ce qu'il faut remarquer de cette œuvre éplorée, c'est la première date 1818. Et qui, je vous prie, songeait alors à la poésie lamartinienne, si ce n'est Mm Desbordes, qui est certainement la fille aînée de Chateaubriand? De toutes les personnes de son sexe qui cultivèrent la poésie, de 1820 à 1850, elle est la plus vraiment émue, et ses soupirs sont les plus touchants de tous les soupirs: ils n'ont jamais été couronnés par l'Académie.

A. CLAVEAU.

CHRONIQUE POLITIQUE

30 août 1859.

La tâche de l'histoire serait aisée et son rôle agréable si elle n'avait jamais à enregistrer et à juger que des actes généreux autant qu'habiles, et où les inspirations du cœur s'accordent avec les conseils de la saine politique. Tel est assurément le caractère de l'amnistie décrétée au commencement de la quinzaine qui vient de s'écouler. L'importance de cette mesure réparatrice ne doit point s'apprécier d'après le nombre des exilés qui en profiteront: il est facile de se convaincre, d'après des chiffres qui ont été publiés partout, que la plupart des personnes frappées de condamnations ou atteintes par des mesures exceptionnelles ont déjà été l'objet de grâces individuelles; ce n'est que la très petite minorité qui va rentrer en France en vertu du décret du 16 août. Mais tant que ces condamnations, tant que ces mesures exceptionnelles subsistaient, quand il n'y aurait eu qu'un seul individu atteint par elles, la trace la plus triste de nos discordes civiles n'était pas effacée : il y avait encore des Français privés de leur patrie, vivants témoignages de nos malheurs passés et de nos inquiétudes présentes. Aujourd'hui ce triste spectacle ne sera plus donné aux nations étrangères: ceux de nos concitoyens qui continueront à vivre en dehors du sol de la patrie ne pourront imputer à personne leur exil désormais volontaire. La France ne les craint plus, puisqu'elle les rappelle; elle ne se souvient même plus de la cause pour laquelle elle les avait éloignés, puisqu'elle leur accorde non pas le pardon, mais l'amnistie, c'est-à-dire l'oubli.

Les circonstances dans lesquelles s'est accompli cet acte ne sont pas moins remarquables que l'acte lui-même. C'est au lendemain d'une guerre glorieuse que le décret bienfaisant a été signé ; et la même main qui venait de guider nos soldats en Italie a rouvert à nos concitoyens les portes de la France. Le moment ne pouvait être plus heureusement choisi. La victoire rendait la clémence plus facile; la France, triomphante au dehors, calme au dedans, pouvait supporter une mesure qui, un an plus tôt, eût été prématurée, et qui, aujourd'hui, portera sans doute tous ses fruits sans faire naître aucun danger. En accueillant l'amnistie avec l'entière satisfaction

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