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conduite à tenir, et il recommande, au début d'une campagne, d'assurer le moral de l'armée par de vigoureux combats d'avant-postes. Nul doute qu'à ce point de vue, la journée de Montebello n'ait rempli un but utile, en même temps qu'elle a enrichi notre histoire d'un beau fait d'armes. Ce combat nous a montré dès le début que la baïonnette est toujours une arme terrible entre des mains françaises, mais il nous a aussi fait voir l'importance des armes nouvelles. Sept officiers supérieurs ont été frappés. Or, pour huit ou neuf bataillons engagés, il ne devait pas y avoir plus de quatorze ou quinze officiers de cette classe; il y en a donc eu la moitié, à peu près, atteints par le feu, ce qui est hors de proportion avec les pertes éprouvées par la troupe, et indique évidemment que les tireurs ajustaient les officiers supérieurs et malheureusement avec des armes qui leur permettaient d'atteindre trop souvent le but. Il en a été de même dans les autres combats, et plusieurs généraux, le général Trochu entre autres, ne s'avançaient plus sur le terrain sans s'être fait précéder par des chasseurs spécialement chargés de battre les buissons et d'en débusquer les Tyroliens.

Nous ne saurions clore ces observations sur l'influence des nouvelles armes de jet sans remarquer que toutes les petites opérations de la guerre vont devenir très difficiles le jour où les infanteries en seront complétement munies. Tout le monde connaît ce fait de cent carabiniers suisses, qui, embusqués sur le bord d'une rivière, empêchèrent une division ennemie, établie sur l'autre rive, de faire les travaux préparatoires pour l'établissement d'un pont. Les hommes qui se présentaient étaient aussitôt renversés. On dut renoncer à l'entreprise. A l'aide de ces engins terribles, un homme est tué à 7 ou 800 mètres par un tirailleur embusqué, et il n'est pas possible de découvrir d'où vient la balle, la fumée ne se voyant pas, la détonnation ne s'entendant le plus souvent pas à cette distance. Nous indiquons ce détail, parce rien n'inquiète les hommes comme d'être en butte à des coups dont ils ne peuvent connaître le point de départ.

sonnera,

La guerre d'Italie a été d'une rapidité foudroyante, les nouvelles armes y ont joué un grand rôle, et toutefois, nous l'avons dit, leur emploi n'a pas encore déterminé complétement leur influence sur la conduite de la guerre à l'avenir. Quand l'heure de cette expérience plaise au ciel qu'elle soit loin de nous ! toutes les armées de l'Europe seront munies de canons rayés et de carabines; mais il restera toujours à l'armée française une supériorité, en dehors même du génie de ses chefs, c'est cet élan, ce feu sacré qui les faisaient vaincre au pont de Magenta et emporter d'assaut les collines de Solferino, malgré la supériorité numérique de l'ennemi et les excellentes positions que celui-ci avait prises.

F. HUGONNET.

DE QUELQUES RÉCENTS ÉCRITS

SUR LA

PHILOSOPHIE DU BEAU

Philosophie des Beaux-Arts appliquée à la Peinture, par D. SUTTER. du Salon de 1857, par CASTAGNARY.

- Philosophie Essais d'Esthétique, par J. LESFAURIS. Métaphysique de l'Art, par Antoine MOLLIERE.

Les œuvres de l'art ont été considérées chez tous les peuples comme un grand titre de gloire. Si la Grèce, inférieure à Rome en génie politique et en génie guerrier, l'égale et la surpasse peut-être dans l'histoire de la civilisation, elle ne le doit qu'à la philosophie et à l'art. Mais, chez les Grecs, l'art et la philosophie, quoique brillant d'un égal éclat, restèrent séparés; on créa des chefs-d'œuvre, on fit de beaux poèmes, de belles statues, de beaux tableaux, bien avant de s'aviser que la science de l'art est une partie de la philosophie. L'inspiration que suivaient les artistes n'était réglée que par l'étude et par l'exemple des maîtres. Le sentiment fit les premiers chefs-d'œeuvre, la gloire les consacra; on les étudia pour les imiter, pour les égaler, pour les surpasser : on s'éleva sur eux, s'il est permis de le dire, pour s'élever au-dessus d'eux. Les artistes n'eurent d'autre loi que la tradition, et ils lui obéirent sans se demander si elle avait une raison d'être. Quant aux philosophes, un seul, Aristote, chercha le principe de l'art : il crut le trouver dans l'imitation, non des modèles, mais de la nature, prise dans les types généraux, et soit embellie, soit enlaidie. C'était une erreur : mais du moins cherchait-il ailleurs que dans le culte de certains maîtres le secret de la poésie. Malheu

reusement les critiques, peu philosophes pour la plupart, quand ils voulurent philosopher, s'en tinrent à la théorie d'Aristote, et, quand ils voulurent juger, à la pratique des maîtres : imitation de la nature telle que l'ont comprise les maîtres de l'art, ainsi eussent-ils pu formuler leur système. C'est encore celui des classiques de nos jours. Les romantiques ont revendiqué, contre l'autorité de la tradition, le droit de l'inspiration libre; mais comme l'inspiration, si libre qu'elle soit, a besoin d'une règle, ils sont revenus au principe d'Aristote mal compris, et ils sont tombés de la fantaisie dans le réalisme. Le principe de l'art est-il donc l'imitation de la nature? S'il ne l'est point, comment se fait-il qu'un philosophe tel qu'Aristote ait pu le croire, et que tous les critiques de profession l'aient répété ou l'aient supposé après lui? Comment se fait-il surtout que l'on semble le reconnaître plus que jamais aujourd'hui, si bien qu'il est la mesure de la valeur des œuvres, lesquelles ne sont estimées que dans la proportion où elles sont le calque servile des choses?

Les quatre ouvrages que nous avons sous les yeux, Philosophie des Beaux-Arts appliquée à la peinture, Philosophie du Salon de 1857, Essais d'Esthétique, Métaphysique de l' Art, abordent plus ou moins directement ces grandes questions, et nous offrent une occasion naturelle de les étudier.

I

L'esthétique, considérée à la fois comme philosophie du beau et comme philosophie de l'art, est une science toute moderne. Des trois plus grands philosophes de l'antiquité, deux, Platon et Plotin, nous ont laissé sur le beau, l'un quelques admirables dialogues, l'autre un livre plein d'enthousiasme et de profondeur. Déjà, sans doute, par la force des choses, la pratique suivait la théorie, et les artistes se trouvaient, sans le savoir, d'accord avec les philosophes; mais ni les philosophes ni les artistes ne voyaient que les premiers principes de l'art sont compris dans la science du beau. Quand Platon parle du beau, il entend ce beau invisible dont les choses visibles ne sont que d'imparfaites images; selon lui, l'homme, appesanti par le corps, s'élève peu à peu de la contemplation de ces belles choses au souverain beau qui est comme l'essence de leur beauté, et le culte de la beauté n'est à ses yeux que le commencement de la pratique du bien. Il ne songe pas, tandis qu'il parle avec tant d'éloquence de la beauté, que l'artiste est, si l'on peut le dire, un créateur de beauté, un prêtre de cet idéal qu'il adore; dans son amour pour la poésie, qui

le ravit sans le séduire, qui enchante son imagination d'un prestige que sa raison n'avoue pas, il a des fleurs, mais il a l'exil, pour les poètes, il leur ferme les portes de sa république de la même main qui tresse des guirlandes pour eux, et il ne peut s'empêcher ni de les couronner, ni de les bannir.

Que dire de Plotin, plus métaphysicien peut-être, moins poète à coup sûr? Ainsi, les artistes étant généralement trop peu philosophes, et les philosophes trop dédaigneux de l'art, il était réservé à l'Allemagne, ce pays où la métaphysique s'est toujours associée à la poésie, de découvrir que la science de l'art devait être la science du beau.

Qu'est-ce, en effet, que l'art? Est-il, comme on a coutume de le prétendre, l'imitation de la nature? est-il même l'imitation de la belle nature, ou l'imitation embellie de la nature? Ce sont là les définitions que l'on aperçoit, tantôt nettement énoncées, tantôt implicitement contenues dans les appréciations des critiques ou dans les œuvres des artistes. Nous les croyons également fausses. Deux d'entre elles n'ont été imaginées que pour corriger les vices trop apparents de la première. Celle-ci seule est logique; seule elle contient tout le bien et tout le mal qu'on peut tirer du système qui considère l'art comme une imitation. Aussi beaucoup d'esprits y sont-ils revenus, après avoir constaté que les modifications qu'on avait essayé de lui faire subir n'étaient pas heureuses. Toutes trois, d'ailleurs, reposent sur une même erreur, qui est de confondre l'art avec un des éléments dont il se compose, ou la fin de l'art avec le moyen dont il se sert pour l'atteindre.

Dire que l'art est une imitation, c'est dire qu'il est une reproduction. Qu'est-ce que reproduire ? C'est produire une seconde fois. Et quel but peut avoir la reproduction, sinon celui qu'avait la production elle-même? Si l'on imite un poète, si l'on s'efforce de reproduire son œuvre ou quelques-unes de ses qualités, c'est sans doute qu'on veut atteindre la fin même de l'œuvre ou des qualités qu'on reproduit. La parfaite copie d'un tableau de Michel-Ange ferait le même effet que l'original ; et si l'on s'exerce à imiter les œuvres ou la manière d'un maître, c'est dans l'espoir d'obtenir, par de semblables moyens, un résultat semblable. Dire que l'art est une imitation ou une reproduction, c'est donc lui attribuer la même fin qu'à l'objet qu'il doit reproduire.

Or, quel est ici cet objet? La nature. Quoi de plus vague qu'un objet qui contient tous les objets, qu'une chose qui embrasse toutes choses? Mais est-il bien vrai que les arts reproduisent véritablement, dans le sens rigoureux du mot, les objets que produit la nature? Nous en donnent-ils des imitations complétement ressemblantes et susceptibles d'atteindre les mêmes fins? Je vois bien que la peinture et la

sculpture imitent en quelque façon les objets naturels ; mais elles ne m'en donnent que les apparences, et encore celles qui frappent les yeux; pour les autres, je ne les y vois point, et si je veux trouver des imitations plus exactes, plus complètes, il me faut aller chercher les automates de Vaucanson. Sont-ce là les modèles de l'art? Allons plus loin. La musique donne-t-elle même ces apparences superficielles des choses, que fournissent, jusqu'à un certain point, la sculpture et la peinture? Nullement. Par une combinaison d'intonations et de rhythmes qui ne représentent rien, elle éveille des sentiments, qui éveillent des idées. La poésie écrite, par une combinaison d'articulations et de rhythmes qui ne représentent rien, éveille des idées, qui éveillent des sentiments. Où est l'imitation en tout cela? Et si l'on peut appliquer ce mot aux apparences de la peinture ou de la sculpture, qui du moins représentent pour les yeux des objets réels, peut-on l'étendre jusqu'aux rhythmes de la musique et de la poésie, qui ne représentent rien pour aucun de nos sens, mais qui expriment pour l'âme, l'une des sentiments, l'autre des idées? Ne faut-il pas, dès lors, distinguer des arts d'imitation et des arts d'expression? Ne s'ensuit-il pas que l'art est mal défini, quand il nous est donné pour l'imitation de la nature; que cette définition convient tout au plus à quelques-unes de ses branches, non pas à toutes; et que, si l'imitation est, comme l'expression, un des moyens employés par les arts, la fin qu'ils poursuivent est toute autre?

Si l'art n'a pas pour fin une simple reproduction, il faut admettre qu'il produit quelque chose d'original. Et que doit-il produire, sinon le beau? A vrai dire, je crois qu'en y réfléchissant, tous les artistes et tous les poètes admettraient cette idée. Tous l'admettent implicitement; car tous, en faisant leurs œuvres, veulent qu'elles soient belles ils conviennent donc, par là, que le but de l'art est de produire le beau. Seulement, ils estiment que, pour y arriver, il faut imiter la nature, telle qu'elle est, suivant les uns; en y choisissant ce qu'elle a de plus beau, suivant d'autres; en l'embellissant, suivant d'autres encore. Voilà le véritable point de vue où il convient de se placer pour juger leurs définitions. Ils n'entendent pas définir la fin de l'art, mais la condition à laquelle cette fin peut être réalisée; le but que poursuit l'art, mais le moyen par lequel ce but peut être atteint. Envisagées de la sorte, les trois définitions pèchent encore contre la logique, puisqu'elles prétendent découvrir la condition du beau avant le beau lui-même, les moyens avant la fin, tandis que la connaissance exacte de la fin peut seule déterminer la nature et la portée des moyens, et qu'il faudrait définir le beau avant de songer à dire les conditions auxquelles il peut être réalisé.

La condition du beau, c'est l'imitation de la nature, disent les uns.

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