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royaume en tant de zones étrangères les unes aux autres, nous devons faire remarquer que la tendance constante de l'administration avait été cependant vers l'uniformité. L'ordonnance de 1680 fut un grand pas en ce sens. Depuis lors, d'autres tentatives eurent lieu, des projets de réforme furent plus d'une fois mis en avant, mais toujours ils échouèrent devant l'opposition des provinces privilégiées. Toutefois, l'inégalité des contribuables devant la loi fiscale, considérée dans son ensemble, n'était pas en réalité aussi grande qu'elle pourrait le paraître. Necker, dans son Traité de l'administration des finances, fait observer que, par une juste compensation, le taux de la taille était généralement plus élevé dans les généralités exemptes des droits de gabelles. L'impôt direct compensait jusqu'à certain point les iniquités de la gabelle.

E. DE PARIEU.

de l'Institut

ALBA

SEPTIEME PARTIE'

LXIII

Dès l'aube du lendemain, des femmes, des mères, des filles et des sœurs se précipitèrent vers Malghera, pour compter les morts, soigner les blessés, embrasser les vivants. Alba, avec Faustine, sous la conduite de miss Shelby, obtint la permission d'aller voir son frère.

Beppo, après de longues hésitations, comprenant enfin que la neutralité devenait dangereuse, et qu'il ne devait plus maintenant y avoir dans Venise autre chose que des Vénitiens, Beppo avait demandé une épée : on lui donna un canon; il fut enrôlé dans la compagnie de Marino. Marino lui tendit la main, et comme le comte Nerini croyait en ce moment au triomphe possible de l'indépendance, et qu'il sentait derrière lui un passé à faire oublier, il joua bravement sa partie et paya de sa personne, comme eût pu faire le plus zélé patriote.

Si Beppo était le prétexte de la visite des deux jeunes filles, un autre en était le motif. Nous n'avons pas besoin de nommer Marino. Il habitait maintenant la pensée d'Alba, qu'il ne quittait plus. Tous ces dangers, affrontés pour elle, le lui rendaient plus cher encore;

Voir 20 série, t. IX, p. 233 (livr. du 31 mai 1859); p. 425 (livr. du 15 juin); p. 609 (livr. du 30 juin 1859); t. X, p. 30 (livr. du 15 juillet); p. 254 (livr. du 31 juillet); p. 433 (livr. du 15 août).

au milieu de tant de bouleversements et de tant de ruines, elle n'était plus certaine que d'une chose..... de son amour.

Quant à Faustine, depuis le duel dont elle avait été la cause involontaire, tous les yeux avaient pu voir en elle un changement notable. Sa jeune âme s'était repliée sur elle-même avec une sorte de pudeur craintive, et peu à peu elle s'était renfermée dans une douloureuse réserve. Elle s'était fait justice à elle-même, avec une humilité naïve qui la rendait infiniment touchante. Alba vaut mieux que moi! se disait-elle; puisqu'il l'aime, qu'il soit à elle ; j'ai exposé sa vie : c'est assez ! Je ne veux pas risquer son bonheur. Elle ne chercha pas les occasions de le rencontrer; et comme Marino ne vint plus au palais Nerini, elle cessa presque entièrement de le voir. Tout d'abord sa douleur fut vive; mais la pointe s'en émoussa peu à peu. Ce ne fut bientôt plus qu'une douce et rêveuse mélancolie, dans laquelle la pauvre enfant se réfugia pour y vivre. Elle y trouva ce que sa jeune âme inquiète n'avait pas connu depuis qu'elle s'était ouverte à l'amour une sorte de paix; peu à peu elle s'accoutumait à ne plus voir dans Marino qu'un frère. Mais, depuis que cette lutte terrible avait commencé, depuis que la vie de Lanzia n'était plus qu'un long danger, sa tendresse, si bien cachée, reparaissait, et, surexcitée par mille craintes, menaçait maintenant de reprendre le caractère passionné des premiers jours : elle pouvait bien renoncer à lui vivant, mais qui donc oserait l'empêcher de le pleurer mort?

Miss Shelby marchait au milieu des deux sœurs sans rien dire: miss Shelby ne parlait jamais beaucoup, elle était plus disposée à recevoir les confidences des autres qu'à leur faire les siennes.

A mesure que les trois femmes approchaient du fort, leur cœur se serrait; sans vouloir s'interroger l'une l'autre, chacune se demandait tout bas quelle nouvelle elle allait apprendre — et si elle aurait la force de cacher des émotions peut-être trop violentes.

Elles arrivèrent ainsi devant la porte extérieure, qui s'ouvre du côté de Venise, assez embarrassées, et ne sachant trop à qui s'adresser pour entrer. Le hasard voulut qu'au même moment une ronde d'inspection amenât Marino à cette porte.

Depuis la soirée du Lido, Alba et lui n'avaient pas échangé une parole; s'apercevant à peine, au milieu d'une foule d'indifférents, d'importuns ou d'ennemis, ils n'avaient cessé d'être l'un pour l'autre un sujet de préoccupation et d'inquiétude..... et maintenant qu'ils se retrouvaient, ils devaient cacher leur joie, comme ils avaient caché leur douleur.

Marino n'était pas seul : il avait autour de lui un certain nombre de jeunes gens, appartenant, pour la plupart, au même monde que les Nerini, et qui connaissaient les deux sœurs. C'était une

troupe assez étrange, mais qui inspirait une sympathique admiration. Leur costume, si militaire qu'il voulût être, faisait bien, çà et là, quelque concession à la fantaisie, mais leur attitude et leur air attestaient assez les changements qui s'étaient faits en eux depuis trois mois.

Leurs mains fines étaient noires de poudre, leurs fronts hâlės; quelques-uns portaient fièrement les cicatrices de blessures glorieuses. Tous témoignaient à Marino cette déférence empressée dans son respect, que le jeune courage commande, et l'éclatante valeur. Il avait maigri; ses traits portaient la trace visible des fatigues, mais ses yeux jetaient du feu; une ardeur généreuse animait son visage, et toute sa personne avait je ne sais quelle tournure héroïque et chevaleresque on devinait en lui la mâle assurance de l'homme qui s'est mesuré avec la mort et qui n'a pas tremblé. Qu'il y avait loin de l'intrépide défenseur de Malghera, acclamé par toute une armée, à ce pâle et triste jeune homme, d'esprit timide et même un peu sauvage, que, par un soir de printemps, Beppo avait amené presque de force dans le salon du palais des Nerini! Alba se tenait devant lui, sans paroles, le regardant comme si elle ne l'eût point reconnu, mais l'admirant dans son cœur. Jamais il ne lui avait paru si digne d'être aimé! Ah! si son cœur avait eu besoin d'être absous, comme il l'eût été en ce moment!

Marino éloigna d'un signe la patrouille qui le suivait, et marcha vers les trois femmes immobiles à quelques pas de la porte.

Miss Shelby n'était pas la moins émue des trois. Fille d'une race héroïque, elle eût voulu baiser ces mains de héros mais sa froideur d'Anglaise ne l'abandonna point. Si vifs que fussent les mouvements de son cœur, elle les contint, et son impénétrable visage ne laissa rien soupçonner de ce qu'elle éprouvait.

Faustine se tenait un peu en arrière, et comme perdue dans l'ombre de sa sœur : elle était pâle, et ses lèvres tremblaient; mais on pouvait lire dans ses yeux une expression de naïf bonheur : il y avait si longtemps qu'elle n'avait vu Marino! Seulement, elle avait peur de sa joie; elle se disait qu'elle n'avait pas le droit d'être si heureuse, et, détournant ses regards du jeune homme, plus calme, mais aussi plus triste, elle les reportait sur sa sœur. Alba, au contraire, s'abandonnait sans résistance au sentiment qui l'enivrait. Jamais elle n'avait éprouvé une telle plénitude de bonheur et d'amour : pour la première fois peut-être ce bonheur était parfait, et cet amour sans mélange; elle se sentait inondée d'une félicité si grande, que c'est à peine si son cœur la pouvait porter. Elle retrouvait celui qu'elle aimait; elle le retrouvait entouré d'un prestige qui le rehaussait même à ses yeux, et elle avait cette fortune, si chère à toutes les âmes vraiment déli

2e s. TOME X.

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cates et nobles, de pouvoir admirer autant qu'elle pouvait aimer. Le monde disparut devant leurs yeux; tous deux oublièrent ceux qui les entouraient; ils oublièrent tout ce qui n'était pas leur amour: un seul regard, un long regard, confondit leur âme; puis, tout à coup, avec un irrésistible élan, Alba tendit à Marino ses deux mains, qu'il étreignit passionnément dans les siennes; mais ni l'un ni l'autre n'avait encore parlé.

D'autres femmes, qui venaient aussi à Malghera, les rappelèrent à la réalité.

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-Nous venons pour le voir, dit Faustine en se rapprochant d'eux.

-Oh! je n'ai garde de m'y tromper, mademoiselle, » dit Marino en souriant.

Faustine releva sur lui ses grands yeux humides: ce fut sa seule réponse. Mais lui, tenant toujours une des mains d'Alba, tendit l'autre à la jeune fille « Chère enfant, lui dit-il, vous êtes bien la plus aimable et la plus charmante créature!

-Oh! après Alba! répondit-elle en hochant sa jolie tête.

Et vous, miss Shelby, comment va le courage? demanda l'officier.

- Toujours bien, quand mes amis sont heureux!

-

- Conduisez-nous vers Beppo, » reprit Alba sans quitter le bras de Marino.

L ambulance était située à l'autre extrémité des bâtiments de Malghera, dans l'aile la plus éloignée du feu de l'ennemi. On avança, à travers un dédale de corridors, sous des voûtes casematées.

« Ah! pourquoi êtes-vous venue ici! s'écria tout à coup le jeune homme en se retournant vers sa compagne, pendant qu'un artilleur leur ouvrait la porte de la première cour.

-Regrettez-vous de m'y voir ?

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Vous ne le pensez pas, dit-il en serrant contre sa poitrine la main qu'il avait gardée; mais il y a des spectacles si tristes, que je voudrais vous les épargner.

Avec vous, répondit-elle d'une voix qui révélait un calme profond et une résolution ferme, vous savez bien que je puis tout voir et tout supporter. >>

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