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ne puisse plus suffire aux conditions d'existence des nations modernes, il n'en conserve pas moins un caractère qui le rend respectable même à ceux qui croient devoir, dans certains cas, en repousser l'application exclusive. La modération dont use la dynastie française établie en Suède et en Norwége lui est d'ailleurs rendue plus facile par son affermissement désormais incontestable et par l'unanimité des sympathies dont l'entoure la population des deux royaumes.

Une autre mort, moins prévue que celle du roi Oscar, a excité une naturelle et triste impression. La jeune reine de Portugal, dont toutes les voix s'accordaient à vanter les grâces et la bonté, a été enlevée à un prince et à un peuple dont elle était adorée, par un mal aussi terrible que rapide. Le sentiment si général qu'avait fait naître cet événement a été renouvelé par la lecture d'une lettre touchante, dans laquelle le roi don Pedro, en exprimant sa propre douleur, remercie ses sujets de la part qu'ils y ont prise. Il rappelle, avec beaucoup de délicatesse et de dignité, que « son peuple et lui ont déjà été compagnons de malheur. » On n'a pas oublié, en effet, la conduite courageuse de ce prince, au milieu des circonstances, souvent difficiles, qui ont marqué le commencement de son règne, et surtout à l'époque où un fléau contagieux désolait sa capitale. Le nouvel événement qui vient de l'éprouver ne pourra qu'ajouter encore, s'il est possible, aux sympathies de l'Europe pour ce prince. La souveraine si inopinément ravie au Portugal était fille du prince de Hohenzollern-Sigmaringen on sait que la branche de la famille royale de Prusse à laquelle appartient le président du conseil des ministres de ce pays professe la religion catholique.

Nous commençons à connaître l'impression produite par le traité de Villafranca même en dehors de l'Europe. Aux Etats-Unis, la nouvelle de la paix n'a point été accueillie avec une complète satisfaction. Les complications qui surviennent en Europe ne peuvent ordinairement qu'être favorables aux intérêts de l'Union américaine. La guerre offre à plusieurs de ses produits spéciaux un débouché considérable; la dépréciation des valeurs financières sur le nouveau continent est favorable à ses capitalistes. Enfin qui sait si la lutte, en se généralisant, n'aurait pas fini par occuper toutes les grandes puissances européennes et par laisser le champ libre à des projets d'annexion que les hommes d'Etat de Washington ajournent quelquefois, mais n'abandonnent jamais? La sensation produite par l'annonce des préliminaires de Villafranca est d'ailleurs le seul fait qui nous soit marqué dans les dernières nouvelles. Le congrès est actuellement en vacances; le président de la république prend les eaux; Washington est désert; la politique sommeille.

Le Mexique a toujours deux gouvernements: celui de Miramon à Mexico; celui de Juarez à la Vera-Cruz. Jusqu'à ce jour, Miramon avait paru s'appuyer sur le clergé; aujourd'hui, il changerait de politique, donnerait à

la presse plus de liberté et confisquerait une partie des biens du clergé. On se demande sur quel appui il croit pouvoir compter, après avoir mécontenté tour à tour les deux partis extrêmes, dans un pays où il n'existe point de parti modéré. On annonce, en même temps, qu'un agent du gouvernement de la Vera-Cruz s'est rendu à New-York pour y négocier un emprunt, et enfin qu'un mouvement militaire vient d'avoir lieu à Guadalajuara, en faveur de Santa-Anna. Tous ces événements ne semblent pas de nature à faire cesser l'anarchie qui désole le Mexique depuis si longtemps; ils ne peuvent que préparer, dans un avenir plus ou moins éloigné, l'intervention intéressée des Etats-Unis.

L'Amérique méridionale est le théâtre de dissensions semblables. On sait que la république Argentine présente, depuis plusieurs années déjà, le même spectacle qu'offre aujourd'hui le Mexique : deux gouvernements opposés dans un même pays, chacun soutenant son droit absolu et contestant la légitimité de l'autre ; tous deux prêts à en venir aux mains à la première occasion. L'un des deux gouvernements réside dans l'ancienne capitale, Buenos-Ayres, et domine sur le territoire environnant; l'autre, sous le général Urquiza, a son siége à Parana, et s'étend sur la plus grande partie des provinces. L'hostilité qui existait entre l'Etat de BuenosAyres et les provinces scissionnaires semblait au moment de se changer en rupture ouverte, et des préparatifs étaient faits des deux côtés en vue d'une guerre prochaine.

Le Brésil seul, qui a eu le bon sens ou le bonheur de préférer la monarchie constitutionnelle à de hasardeuses expériences républicaines, est exempt de ces déplorables discordes et conserve, jusqu'à ce jour, le bienfait de l'ordre matériel. Tout n'est point parfait, toutefois, dans le jeune. empire de l'Amérique du sud; de graves questions y restent encore à trancher; des embarras financiers et des crises monétaires y entravent fréquemment le commerce et appellent la vigilance du gouvernement; les conditions faites à l'émigration européenne soulèvent de graves difficultés, dont la Revue a jadis entretenu ses lecteurs dans une étude spéciale, et qui ont provoqué plusieurs fois les réclamations des gouvernements de l'Europe, notamment du gouvernement fédéral de la Suisse. Mais, du moins, les questions qui peuvent préoccuper le Brésil sont débattues dans les Chambres ou entre les cabinets, et non pas dans les rues ou sur les champs de bataille, et les changements politiques s'y font par des lois ou par des décrets, et non pas à coups de fusil.

ÉDOUARD BOINVILLIERS

ALPHONSE DE CALONNE.

Paris. Imprimerie de Dubuisson et Ce, rue Coq-Heron. 5.

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Parmi les divers objets de consommation qu'atteignent les législations financières, le sel est peut-être celui qu'il convient de placer en première ligne. La contribution qui frappe cette denrée est aussi ancienne que générale; on la retrouve en remontant aux époques les plus éloignées, on la rencontre sous les climats les plus différents : à ce double titre, elle méritait le rang que nous lui donnons dans l'ordre de nos recherches.

Le sel est obtenu par l'homme sous des formes diverses. On le retire: 1° du sein de la terre, à l'état solide; 2o des sources salées, par l'évaporation; 3° des sables de la mer, par le lavage; 4o des eaux de la mer, par l'évaporation. Le premier de ces procédés s'applique notamment en Pologne, en Hongrie, en Catalogne, dans quelques parties de la France; le second dans les Basses-Pyrénées, dans nos provinces de l'Est, dans le Tyrol; le troisième en Normandie; le quatrième sur les côtes de différents pays, et notamment sur nos côtes de la Méditerranée et de l'Océan. Dans toutes ces conditions diverses, l'extraction du sel est d'une surveillance facile; sa valeur intrinsèque est modique : ce sont là deux raisons qui facilitent l'établissement d'une taxe sur cette denrée. Aussi l'impôt du sel remonte-t-il à une haute antiquité. On remarquera que chez nous cet impôt avait reçu le nom de gabelle, que son étymologie permet d'appliquer à tous les impôts, et que les financiers italiens et espagnols appliquent en effet à di

Voir 2 série, t. IX, p. 609 (livr. du 30 juin 1859).

2e s. TOME IX. -31 AOUT 1859.

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verses taxes: il semble que nos financiers l'aient regardé en quelque sorte comme l'impôt par l'excellence, tandis que les contribuables le regardaient peut-être comme l'impôt le plus onéreux.

La Bible renferme plus d'un renseignement curieux sur les institutions des peuples dont elle nous retrace les destinées. Elle nous apprend que l'impôt du sel existait en Syrie sous les successeurs d'Alexandre. Le chapitre x du livrer des Machabées rapporte que Démétrius l'adoucit pour les Juifs : « Et nunc absolvo vos et omnes Judæos a tributis et pretia salis indulgeo.

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A Rome, le monopole du sel paraît avoir été de bonne heure délégué à des particuliers. Cet état de choses fut changé en l'an 246 de Rome, comme l'a remarqué avec raison un auteur italien, M. Louis Guarini, dans son ouvrage sur les Finances du peuple romain. C'était au moment où la République soutenait la guerre contre Tarquin et Porsenna. La royauté déchue conservait encore des partisans, et le sénat devait être désireux de supprimer toute cause d'irritation dans le peuple en adoucissant les impôts. Il décida que le monopole du sel serait administré directement par l'Etat; cette mesure avait pour but de réduire le prix du sel devenu exorbitant : « Salis quoque vendendi arbitrium, quia impenso pretio venibat, in publicum omne sumptum, ademptum privatis. » Ce sont les expressions de Tite-Live, au chapitre Ix du livre de ses Histoires. Trois siècles plus tard, le monopole fut modifié. Les Romains, qui aimaient les surnoms, appliquèrent au principal auteur de ce changement une épithète qui a trompé certains auteurs, tels que MM. Dureau de la Malle et MacCulloch ils ont attribué à ce personnage l'invention d'un procédé fiscal connu depuis longtemps, et dont il n'avait fait que modifier l'application. A cette époque, Rome luttait contre Carthage; Annibal était en Italie, et les besoins de l'Etat réclamaient de nouvelles ressources. Tous les citoyens étaient unis contre l'ennemi commun : le sénat pouvait sans crainte élever les impôts. Mais il parait que les augmentations furent inégales; un sentiment de vengeance particulière avait quelque peu altéré l'équité d'un des magistrats qui présidèrent à la répartition de l'impôt. «Les consuls, dit TiteLive, mirent aussi un nouvel impôt sur le sel. Jusque-là cette denrée n'avait été vendue qu'au prix de six deniers, à Rome et dans toute l'Italie; ils la laissèrent à Rome au même taux, mais la porterent à des prix plus ou moins élevés dans les villes de foires ou de marchés. On attribuait cette augmentation de taxe à l'un des censeurs, irrité contre le peuple parce qu'il avait subi naguère une injuste condamnation; on remarqua même que cette surcharge porta principalement sur les tribus qui avaient provoqué cette injustice; de là Livius fut surnommé Salinator. » Le monopole du sel paraît avoir

subsisté, sauf quelques changements de détail, pendant tout le cours de la République. «Sous les empereurs, dit M. Dureau de la Malle, les particuliers semblent avoir recouvré le droit de fabriquer et de vendre du sel à bas prix, soit au fisc, soit aux fermiers généraux des salines. » L'impôt, d'après le même écrivain, avait été sous l'Empire fixe, modéré, perçu à la fabrication, et ne gênant ni l'agriculture ni les contribuables.

On ne s'étonnera pas de retrouver l'impôt du sel établi, au moyen âge, dans tout le midi de l'Europe. Les traditions romaines contribuent à l'y introduire, et la nature le soutient par une production abondante. Dans quelques contrées du nord, les circonstances semblent beaucoup moins favorables à cette branche de revenu public. M. Alfred Maury, dans un savant travail sur la philologie comparée, a constaté que les langues finnoises et tartares n'ont pas de nom pour désigner le sel, et que, pour suppléer à cette insuffisance, elles ont dû emprunter des mots au rameau philologique sanscrit-grec-latin. Il rapporte en outre que l'usage du sel resta longtemps inconnu aux habitants de l'Europe septentrionale, et que Christian II, roi de Danemark, gagna les paysans suédois en leur apportant ce condiment. L'Histoire du Danemark, par Mallet; la Vie de Gustave Wasa, par Archenholz, renferment des documents sur ce sujet.

On peut trouver dans la savante Histoire de Venise, par Daru, des détails relatifs à l'impôt du sel (ufizio del sale), qui fut établi dans cette république italienne jusqu'au XVIII siècle.

Mais la France a été, dans les siècles passés, la véritable patrie de l'impôt sur le sel. Nulle part le produit financier de cette taxe n'a été plus considérable, ni son assiette plus curieuse à étudier; nulle part les impressions morales qu'elle a fait naître n'ont été plus vives et plus ardentes. A tous ces titres, on nous permettra d'étudier avec quelque détail le système assez compliqué de nos anciennes gabelles.

L'opinion commune fixe à l'année 1342 l'établissement du premier impôt sur le sel. Il fut créé par Philippe de Valois, à titre d'aide, et pour faire face à des besoins imprévus; mais il ne conserva pas longtemps ce caractère temporaire : comme beaucoup d'autres impôts indirects, il devint définitif et perpétuel à l'avénement de Charles VI. Déjà il avait reçu le nom générique de gabelle, qu'il finit par garder seul.

Jusque vers la fin du règne de François Ier, le sel resta marchand; il était vendu dans les greniers du roi, pour le compte des particuliers, qui étaient tenus de l'y faire conduire. Les droits royaux étaient perçus lors de chaque vente par des officiers spéciaux (grenetiers, contrôleurs), et le prix du sel payé aux marchands. Le montant du droit avait été originairement fixé au cinquième du prix de

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