Oldalképek
PDF
ePub

la créance de la Banque et liquider, partiellement du moins, les déficits des dernières années. C'est là, en effet, l'opération que dans toute l'Autriche on entend aujourd'hui proposer et solliciter, comme le seul moyen de salut pour les finances publiques et pour la circulation monétaire. Mais où le gouvernement viennois trouvera-t-il ces 500 millions et à quelles conditions les lui prêtera-t-on ? L'Autriche, personne ne l'ignore, est l'un des Etats les plus endettés de l'Europe; sa dette publique, en 1857, se montait à 2 milliards 400 millions de florins (plus de 6 milliards de francs), et absorbait, en intérêts, plus du tiers (91.8 millions) des revenus publics. Aussi, le crédit, même dans le temps normal, lui revenait-il plus cher qu'à toute autre grande puissance; la comparaison des cours des rentes respectives fait voir qu'en 1858, par exemple, les capitaux se donnaient au gouvernement anglais à 3.10 p. 0/0, au gouvernement prussien à 4.11, au gouvernement français à 4.24, au gouvernement russe à 4.65, et au gouvernement autrichien à 5.54 seulement. La dernière guerre n'a pu que renchérir encore le crédit pour l'Autriche; la veille de la signature de l'armistice, les métalliques 5 p. 0/0 étaient cotés 63 50, ce qui correspond à un taux d'intérêt de 8 p. 0/0; le 30 juillet, ils ne sont encore qu'à 74.75, soit un intérêt de 6.70 p. 0/0. Ce n'est pas, au reste, par les malheurs seuls dont la guerre a accablé l'Autriche et par la réduction de sa puissance dans la paix de Villafranca, que son crédit a été si profondément atteint; avec une imprudence qui serait inconcevable si la suprême détresse n'expliquait les mesures les plus extrêmes, le gouvernement viennois a directement indisposé le monde des capitalistes contre lui par l'ordonnance du 11 juin dont nous avons déjà parlé et par le décret du 29 avril qui assujettit à l'impôt du revenu (5 p. 0/0) les possesseurs de titres autrichiens à l'étranger. Les capitalistes de Londres, de Francfort, d'Amsterdam, se soucient peu de risquer capital et intérêt, pour le seul avantage de devenir, à un moment donné, des contribuables autrichiens.

Telle est après la paix la situation financière de l'Autriche. On ne s'étonnera pas si des hommes compétents et aucunement hostiles à l'Autriche restent convaincus que la paix de Villafranca devra être suivie, plus ou moins prochainement, d'une désastreuse liquidation, pareille à celle qui suivit la paix de 1810 et la paix de 1845; si d'autres, moins pessimistes, se résignent à voir l'Autriche, pendant une longue série d'années encore, traîner après elle le lourd boulet de la crise financière et monétaire qui depuis si longtemps paralyse tous ses mouvements et tous les progrès. Pour notre part, nous ne désespérons pas encore du salut financier de l'empire des Habsbourg. Nous croyons le pays assez riche pour se sauver lui-même par un suprême effort, effort qui devrait en premier lieu se traduire en un

emprunt de 200 millions d'espèces, souscrit par les populations autrichiennes. Mais cet effort suprême, celles-ci ne peuvent vouloir et ne doivent vouloir s'y résigner que si elles sont parfaitement assurées qu'il aboutira, qu'il ne partagera pas le sort tristement ridicule des «< conventions, » des « efforts héroïques, » des « grandes mesures » des années 1849 à 1858. Les doutes à cet égard ne sont que trop légitimés par toute la conduite passée du gouvernement. Et pour être efficace, la garantie cela va de soi ne devrait pas porter seulement sur l'emploi consciencieux, suivant le but indiqué, du fruit des sacrifices que la nation consentirait à s'imposer; il faudrait encore et surtout que la nation fût assurée contre les rechutes dans les dilapidations sans contrôle, dans les déficits sans fond et sans fin, dans les dettes légèrement contractées; car là est, nous croyons l'avoir suffisamment démontré, la cause fatale de la désastreuse situation financière que la guerre d'Italie a mise à nu.

-

Ceci revient à dire, que, pour la défaite financière aussi comme pour la défaite militaire, la réparation est impossible avec les opérations curatives qui se renfermeraient dans le cercle étroit où est le siége immédiat et apparent du mal..... On comprend que cette grave question de la régénération réelle et entière de l'Autriche ne peut pas être traitée ici à vol d'oiseau, dans quelques lignes finales; peutêtre y reviendrons-nous : le sujet en vaut la peine. Pour aujourd'hui, nous ne pouvons que résumer en peu de mots l'idée principale qui ressort toute seule de notre exposé Pour se sauver efficacement et d'une façon durable de la crise financière et monétaire qui la dévore, pour ramener une situation régulière et regagner la confiance générale qui seule peut la féconder, il faut que l'Autriche se résigne d'une façon prompte et loyale à des réformes civiles et sociales, qui rendent à toutes les facultés, à toutes les forces leur libre développement, et leur permettent de travailler aux progrès de la richesse nationale; à des réformes politiques qui, en remettant aux mains des populations elles-mêmes, c'est-à-dire de leurs légitimes représentants, la disposition des deniers publics, les assurent contre l'abus et l'arbitraire dans la fixation, la perception et l'emploi des impôts; à des réformes administratives qui garantissent au pays et au monde des capitaux en général, une gestion franche, économe et honnête des finances autrichiennes. Voilà la seule voie par où l'Autriche peut encore échapper, et échapperait sûrement, à la banqueroute; voilà le seul moyen de rendre profitables et fécondes les dures leçons que lui a infligées la courte mais terrible guerre d'Italie.

J.-E. HORN.

ÉCRIVAINS

ET

POÈTES MODERNES

DE LA POLOGNE

LE COMTE SIGISMOND KRASINSKI

Rien n'est plus intéressant et en même temps plus difficile à étudier que la littérature polonaise; elle est empreinte d'un caractère patriotique dont il faut tenir compte, si déterminé que l'on soit à rester dans les limites de la critique et de l'art; elle a un côté national qui touche à chaque instant au côté purement littéraire; et la politique, matière si périlleuse, y forme pour ainsi dire le fonds de la poésie, le levain de l'imagination. C'est, en effet, la littérature d'un peuple, qui, aux XVI et XVIIe siècles, était à la tête du développement politique, intellectuel et moral de la race slave, qui a laissé, dans l'histoire de l'Eglise, des traces ineffaçables de son activité comme champion de l'idée chrétienne, et qui, nous devons le reconnaître, a mis cette idée en pratique dans toutes ses relations internationales. En perdant son indépendance par suite d'un des événements les plus dramatiques dont l'histoire fasse mention, ce peuple a conservé, en raison de son rôle passé, le caractère, sinon les priviléges d'une nationalité distincte. Les passions qu'à soulevées sa chute sont encore vivaces dans tous les cœurs; et cette chute même, que les hommes

ont pu consommer, mais que l'histoire n'a pas encore définitivement enregistrée, est devenue le sujet ordinaire de la poésie polonaise. Elle a élevé le sentiment dramatique des écrivains modernes ; elle leur inspire tantôt des accents sublimes de fierté justifiés par le passé giorieux de leur pays, tantôt des malédictions énergiques, des cris de désespoir, que n'expliquent pas moins ses destinées présentes. Il est difficile de ne pas s'échauffer avec eux; de ne pas répondre à leurs chants de triomphe, à leurs plaintes patriotiques. Et pourtant nous ne le ferons point. Si ému que nous soyons, nous n'assisterons qu'en artistes à ce spectacle glorieux d'un pays qui, après tant de malheurs, ressuscite et se perpétue dans les vers de ses poètes. Nous étudierons leurs œuvres comme si elles étaient déjà couvertes de la poussière des siècles et ensevelies sous plusieurs générations. En un mot, nous nous contenterons de revendiquer dans, la sphère des arts la place de la Pologne effacée dans les actes des chancelleries. Cette manière de procéder, tout à l'avantage de l'art, nous met à l'aise vis-à-vis des peuples et des gouvernements qui ont entrepris la conquête du pays dont nous esquissons la littérature. Elle nous permet de regarder la lutte la plus acharnée d'éléments ennemis sans nous départir de notre neutralité politique, comme si nous assistions à la bataille d'Hastings, entre Guillaume l'envahisseur et le roi héroïque des Anglo-Saxons ; d'écouter en même temps la voix des deux camps ennemis, de prouver que l'orgueil de la victoire et l'héroïsme de la résistance trouvent également un écho dans le cœur des poètes; enfin, de citer quelquefois Pouchkine à côté de Mickiewicz. Ainsi, l'illustre poète russe, blessé dans son sentiment national par la guerre opiniâtre de 1831, s'indigne qu'on ose résister à la puissance de son pays. Sa belle ode sur la Prise de Varsovie, au rhythme court, saccadé, plein d'énergie et d'entrain, respire l'orgueil passionné et l'ardeur sauvage des envahisseurs. «Quoi! semble-t-il dire, vous osez lutter contre nous! oubliez-vous nos nombreuses phalanges, nos réserves nationales? Depuis les murailles immobiles de la Chine jusqu'aux remparts frémissants du Kremlin, la Russie s'illuminera des étincelles de nos baïonnettes. » Mickiewicz, vers la même époque, publie une pièce de poésie héroïque qu'on peut regarder comme une réponse à la menace du poète russe. Il chante l'exploit de l'officier d'artillerie Ordon, qui, pendant le siége de Varsovie, fit sauter le fort qu'il défendait et joncha de cadavres russes et polonais un monceau de ruines. Il termine ces beaux vers, qu'on pourrait dire taillés dans le granit, par cette conclusion pleine d'une majesté inébranlable : « Quand la folie, l'orgueil et la tyrannie envahiront le monde comme les Russes ont envahi la redoute d'Ordon, Dieu fera sauter cette terre comme Ordon sa redoute. » Voilà l'attaque, voilà la défense; le cri de triomphe du vainqueur,

le cri de révolte du vaincu, énergiques assurément et dignes d'être répétés l'un et l'autre. Si pourtant nos sympathies inclinent quelquefois, comme dans tout drame, pour les victimes, pour Marie Stuart contre Elisabeth, pour le comte d'Egmont contre le duc d'Albe, elles ne pourront du moins blesser aucune susceptibilité contemporaine. Il semble que l'empereur Nicolas lui-même ait voulu, à un moment de son règne, appliquer à la Pologne cette devise du célèbre poète allemand. « Ce qui revit dans le chant doit être mort dans la réalité. » Il encouragea les débuts de Mickiewicz; il autorisa l'impression du célèbre poème Conrad Wallenrod, dont les allusions frappantes avaient motivé les arrêts de la censure et attiré des persécutions à l'auteur lui-même. Il est vrai que le souverain ne conserva pas pendant tout son règne les mêmes sentiments; mais son successeur ne vient-il pas de permettre la réimpression des œuvres de Mickiewicz? Tout fait donc présager qu'il couvrira de sa puissante protection, même en dépit des vues étroites de l'administration russe, une langue et une littérature des plus anciennes et des plus cultivées parmi celles des Slaves.

Ces quelques mots nous ont paru nécessaires pour en venir à l'analyse des œuvres du comte Sigismond Krasinski. Elles ne puisent pas absolument leurs inspirations à la source des traditions locales, et n'ont pas un caractère exclusivement national comme celles des autres poètes polonais. Par leur esprit et par leur couleur générale, elles appartiennent plutôt à la littérature européenne; mais le sentiment patriotique qui les anime et qui se fait jour partout, rattache l'artiste cosmopolite par un attrait puissant à son sol natal. Son individualité peut donc servir de lien entre les deux mondes littéraires du Nord et de l'Occident. Elle apporte au premier les éléments de l'art, étudiés surtout en Italie et en Allemagne, les éléments de l'histoire et les idées sociales étudiés en Italie et en France; au second, elle révèle dans toute sa beauté et sa pureté chrétienne l'idéal des temps modernes : l'amour de la patrie et le sentiment de la nationalité. Le peuple polonais semble être le véritable dépositaire de cet idéal, car, après avoir perdu sa patrie, il la revoit sans cesse devant lui, flottante et insaisissable entre les deux aspirations les plus poétiques de l'âme un souvenir indestructible et un désir inassouvi.

[ocr errors]

Shakespeare et Goëthe, ces artistes par excellence, ont représenté les passions les plus tragiques, sans en être atteints eux-mêmes. Ils ont exprimé et provoqué des émotions auxquelles leur âme et leur vie sont restées étrangères. Mais il y a un autre groupe de poètes moins

Schiller.

« ElőzőTovább »