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argument avec une grande force, dans une lettre que nous avons sous les yeux. Quant au projet de traité dont il avait été question, le cabinet de Berlin, par l'organe de la Gazette officielle, en a nettement décliné la responsabilité. Il résulterait des explications données avant-hier dans la Chambre des communes par le ministère anglais, que ce projet serait d'origine française à la demande du gouvernement français, il aurait été communiqué, mais non pas recommandé, par le cabinet de Saint-James à celui de Vienne. Dans ce cas, on se demande comment l'Autriche a pu attribuer à la Prusse et à l'Angleterre un projet uniquement émané de la France.

D'autres dissentiments commencent à se faire jour entre les deux grandes puissances allemandes. Les récents événements ont montré combien l'organisation de la Confédération germanique se prête mal à tout projet de défense nationale. Les lenteurs propres à une Diète, la rivalité de tant d'Etats souverains, la faiblesse du pouvoir central s'opposent à toute prompte entente sur les questions diplomatiques et militaires. Cette expérience peut être utile aux hommes d'Etat qui régleront l'organisation de la future Confédération italienne; mais elle a surtout été instructive pour l'Allemagne. Dans plusieurs parties de ce grand pays, et surtout dans les régions du nord, on commence à s'occuper du projet d'une sérieuse réforme du pacte fédéral. Dans le Hanovre, une pétition a déjà été signée dans ce sens. Il est évident que cette réforme, qui ne pourrait s'opérer qu'en faveur de la prépondérance prussienne, sera vivement combattue par l'Autriche. Il y a là le germe d'une question allemande qui aura bientôt peutêtre autant d'importance qu'en a eu la question italienne.

En Angleterre, la nouvelle de la signature de la paix a été reçue tout d'abord avec une complète satisfaction. Plus tard, les conditions en ont été discutées avec une certaine vivacité. Aujourd'hui, on paraît les trouver trop peu favorables à l'Italie. Les orateurs du Parlement laissent entendre que les diplomates anglais ne doivent prendre part au Congrès que s'ils peuvent obtenir d'importantes modifications dans le traité. L'Angleterre, comme on pouvait s'y attendre, va essayer de reprendre, à nos dépens, une partie de la popularité et de l'influence que nous avions conquises en Italie.[D'un autre côté, les Anglais paraissent avoir été alarmés par l'entente qui s'est si promptement établie entre deux puissants empereurs, hier encore ennemis; ils veulent y voir le présage d'une sorte de coalition contre l'Angleterre. L'empereur Napoléon s'est hâté de répondre à ces craintes excessives: il a ordonné que nos troupes de terre et de mer fussent promptement replacées sur le pied de paix. Cela sera facile si, comme le disait l'autre jour le Moniteur et comme nous le croyons, la France n'a point fait d'armements excessifs. Le nombre des soldats que nous avions appelés pour servir en Italie peut, il est vrai, être diminué; à l'occasion, d'ailleurs, nous les retrouverions sans peine. Quant à notre budget maritime, il n'a

rien d'exagéré, et il se trouve encore fort au-dessous de celui de l'Angleterre. Il ne semble pas d'ailleurs que cette puissance soit prête à restreindre ses armements; les journaux de Londres, tout en acceptant avec satisfaction la nouvelle dont nous parlions plus haut, conseillent au gouvernement de redoubler d'activité pour mettre les côtes britanniques en état de défense; le cabinet avait peut-être des vues un peu différentes; mais on sait qu'en Angleterre les ministres sont tenus de suivre l'opinion, ou de succomber devant elle; et il nous semble que la politique de la paix à tout prix, qui était si universellement adoptée par l'Angleterre au commencement de cette année, y a maintenant perdu beaucoup de terrain.

En même temps l'une des plus belles parties de l'empire colonial de la Grande-Bretagne continue à lui donner de réelles inquiétudes. L'Inde est loin d'être complétement pacifiée. Après la soumission de l'Oude, la dispersion des insurgés, la prise et la mort de TantiaTopee, nous avions pu croire que les troubles qui ont désolé ce pays touchaient à leur fin. Depuis cette époque de nouvelles causes ont fait naître de nouvelles complications. Les soldats entrés au service de la Compagnie des Indes ont soutenu qu'ils étaient déliés de leurs engagements par le changement qui a fait passer le gouvernement de l'Inde entre les mains de la reine; ils réclamaient donc la prime accordée aux soldats qui entrent au service du gouvernement anglais. Il a fallu que l'autorité cédât dans une certaine mesure à une résistance qui ressemblait beaucoup à une révolte. Ce qu'il y avait de plus alarmant pour le gouvernement, c'est que les troupes nouvellement venues d'Europe étaient peu disposées à marcher contre les soldats de la Compagnie, dont elles trouvaient les réclamations fondées; à vrai dire, il nous semble qu'en droit strict les soldats pouvaient ne point avoir tout à fait tort. D'un autre côté, les anciens ferments de révolte ne sont point éteints: le bas peuple croit que Tantia-Topee n'est point mort et qu'il reparaîtra up jour à la tête d'une terrible insurrection. Malgré ces symptômes alarmants, il est probable que l'Angleterre finira, à force de sacrifices, par raffermir sa domination dans l'Inde. Cette situation n'est pas nouvelle pour elle; depuis qu'elle a mis le pied sur les bords du Gange, elle n'a jamais été en paix, et l'histoire de son empire indien n'est guère que l'histoire d'une lutte déjà séculaire.

Si l'Angleterre veut faire face à la fois aux nécessités de son empire indien et aux dangers qu'elle croit apercevoir en Europe, elle devra s'imposer de nouvelles et lourdes charges. C'est en effet la voie dans laquelle elle paraît disposée à s'engager. La séance de la Chambre des communes qui a eu lieu hier nous fournit sur ce point d'importants renseignements. Lord Palmerston, répondant à une interpellation de lord Bentinck, a déclaré que la conduite que suivrait le gouvernement de la reine au sujet des

armements maritimes dépendrait des circonstances. Il a fait entendre que le cabinet anglais consentirait difficilement à régler cette importante question par une convention spéciale conclue avec le gouvernement français. Selon le premier lord de la Trésorerie, les exigences des services maritimes dans les deux pays ne sont pas les mêmes, et l'Angleterre ne peut, à ce sujet, prendre conseil que de sa propre prévoyance. Ainsi, le ministère whig luimême, toujours si attaché au maintien de l'alliance française, cède jnsqu'à un certain point aux méfiances qui se produisent autour de lui.

On annonce, d'un autre côté, que le gouvernement autrichien va élever le nombre de ses régiments, que la Prusse va donner un développement nouveau à certains corps de son armée. La Belgique elle-même suit l'exemple donné par les grandes puissances. A peine les chambres avaientelles été convoquées, que le ministère leur a soumis un projet de loi pour la défense nationale. D'après ce projet, Anvers serait entouré d'une grande enceinte, et la dépense considérable qu'occasionnerait la construction de ces fortifications serait supportée en partie par l'Etat, en partie par la ville.

Dans ces circonstances, nous ne pouvons négliger de citer une pièce que plusieurs journaux viennent de faire connaître, et qui a son importance. Elle nous renseigne sur les dispositions présentes d'un homme dont les événements d'Italie ont mis pour la seconde fois en relief le caractère énergique et hardi : nous voulons parler du général Garibaldi. L'ancien chef de partisans, devenu général au service du roi Victor-Emmanuel, avait pu être tenté de quitter, après la guerre, ses fonctions régulières. Il a eu le bon esprit de résister à ces tentations, soit spontanément, soit à la suite de certaines instances. Il vient d'adresser à ses volontaires un ordre du jour, dans lequel il laisse entrevoir la possibilité d'une nouvelle lutte. « Quelle que soit, dit-il, la marche des événements politiques, dans les circonstances actuelles, les Italiens ne doivent ni déposer les armes, ni se décourager; ils doivent au contraire grossir les rangs et témoigner à l'Europe que, guidés par le vaillant Victor-Emmanuel, ils sont prêts à affronter derechef les vicissitudes de la guerre, de quelque nature qu'elles soient. » L'ordre du jour d'un de ses lieutenants, le colonel Ardoino, est plus explicite encore: «Peut-être, dit-il, au moment où nous y penserons le moins, sonnera encore le signal d'alarme. » Ainsi toute l'Europe se prépare à jouir des bienfaits de la paix en se mettant en état de faire la guerre. ÉDOUARD BOINVILLIERS. BOINVILLIERS

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CAIN

DEUXIÈME PARTIE'

V

Au bout de quelques mois, le commandant Georges était devenu célèbre dans la mer des Antilles. Le gouverneur lui avait tenu parole. Il avait été nommé capitaine de frégate, et commandait officiellement la Thétis. De toutes parts, il n'était bruit que de son audace et de son bonheur. Il semblait que sortir sa frégate du port, la faire passer au travers d'une flotte ennemie par un temps de brume ou d'orage, ne fût plus qu'un jeu pour l'intrépide marin. Toutefois, à son bord, malgré ses succès, il était craint et respecté plutôt qu'il n'était aimé. Aux heures de combat, il est vrai, il fascinait son équipage; ses traits resplendissaient d'une beauté sinistre; son front, les sourcils plissés, se chargeait de tempêtes; ses narines dilatées aspiraient l'odeur de la poudre, et ses yeux lançaient des flammes. Impassible tant que durait la canonnade, il sautait le premier à l'abordage, une hache à la main, pendant que ses hommes roulaient sur ses traces comme un torrent. Une fois sur le pont ennemi, il marchait devant lui, frappant sans relâche avec une joie sauvage, et ne s'arrêtait que lorsque le bâtiment avait amené son pavillon. Il n'était jamais blessé et paraissait invulnérable. Il le fut bientôt en effet par la terreur qu'il inspirait à ses adversaires. Son visage, pâle, empreint d'une implacable résolution, produisait sur eux l'effet de la

'Voir 2 série, t. X, p. 185 (livr. du 31 juillet 1859).

3. - том х. - 15 Δοστ 1859.

Gorgone. Ils ne lui portaient que des coups mal assurés, et quelquesuns même, qui se trouvaient à l'improviste sur son passage, jetaient leurs armes en demandant merci. Mais, ces terribles instants passés et dans la vie ordinaire du bord, ses matelots n'osaient plus le regarder qu'à la dérobée, avec une sorte de crainte superstitieuse. Son visage, devenu sombre et froid, leur faisait peur. Georges ne parlait à personne, pas même à ses officiers; et, en service, il écrivait ses ordres pour ne point être obligé de les donner de vive voix. Il passait de longues heures à se promener, les mains croisées derrière le dos, ou à contempler la mer, les coudes appuyés sur le bastingage. Dans les quarts de nuit, parmi les matelots groupés sur les passavants, des bruits étranges couraient sur son compte. Les timoniers racontaient que plusieurs fois ils l'avaient vu sortir de son appartement, en chemise, les bras tendus en avant, les yeux fixes et ouverts, la figure bouleversée. Il arrivait près d'eux, s'arrêtait, passait la main sur son front, laissait tomber ses bras, se penchait pour regarder à l'habitacle à quel cap était la route, et rentrait chez lui. On disait aussi que la vue du plus petit miroir le faisait tressaillir. Il avait fait recouvrir d'une toile la grande glace qui se trouvait au fond de sa chambre. Un matin qu'il dormait encore, son domestique avait voulu nettoyer cette glace. Georges, s'éveillant tout à coup, l'avait surpris dans cette occupation, et lui avait ordonné de reclouer la toile d'un ton si menaçant, que le pauvre homme avait été saisi d'un tremblement convulsif, et n'avait pu obéir qu'au bout de quelques secondes. Les anciens matelots du bord prétendaient qu'il était ainsi depuis la mort du commandant Raoul, son grand ami. Ces hommes étaient d'ailleurs en petit nombre, car, sous un prétexte ou sous un autre, une grande partie de l'équipage de la Thétis avait été changée. Quant aux officiers, il n'y en avait plus un seul de ceux qui avaient assisté à l'expédition de la Trinité. En somme, l'opinion commune à bord était que le souvenir de cet ami mort tourmentait le commandant Georges.

Cette supposition était juste. Depuis le dîner que lui avaient offert les officiers de la Guadeloupe, Georges avait eu sans cesse présent à l'esprit le souvenir de Raoul. Ce n'est pas impunément que deux hommes, intimement unis par le cœur et par la pensée, partagent pendant plusieurs années de suite la même existence, les mêmes joies et les mêmes chagrins. A chaque instant, Georges croyait voir Raoul. Aux repas, il l'apercevait à table, à sa place ordinaire; en se promenant, il se tournait involontairement de côté pour lui adresser la parole; dans le combat, au milieu même de la mêlée, il le cherchait encore du regard et croyait s'entendre appeler par lui. Il le voyait avec deux physionomies bien distinctes, l'une douce et

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