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la première notion. » Il fallait tout de même qu'on les prévînt du mariage de leur fils. M. de Cavoye chargea Mme de SaintGéran, confidente de ses plans, qui avait passé les plus belles années de sa jeunesse avec les Bellefonds, et Mme de Nogaret, dame du palais elle aussi de la duchesse de Bourgogne, de les amener doucement à cet événement surprenant. Il leur envoya un billet à Vincennes pour les prier de venir sans tarder.

«Le lendemain, ils arrivèrent à Versailles. Mmes de SaintGéran et de Nogaret les furent trouver aussitôt, et leur apprirent que leur fils étoit marié, et marié avec cinq cent mille francs, à la fille d'un duc et pair, bien élevée, et qui sortoit tout à l'heure d'un couvent, et avec la survivance de Vincennes. Jamais surprise ne fut pareille à la leur. A la surprise succéda la joie. Ils ne pouvoient comprendre que la chose fût vraie 1... »

Il est à remarquer que M. de Clefmont et Mlle de Richelieu, les principaux intéressés, n'avaient joué dans ces événements qu'un rôle absolument passif. Le duc n'avait apporté, dans les pourparlers et dans l'unique démarche qu'il avait faite auprès de Mme de Maintenon, qu'une bonne volonté et une insouciance d'octogénaire. M. et Mme du Châtelet avaient tout ignoré. Cependant, les difficultés s'étaient aplanies comme par miracle, tout avait marché à souhait comme au théâtre dans un scénario savamment ordonné.

L'art du courtisan apparaît là dans toute sa finesse.

Certes, la maréchale de Bellefonds était soucieuse de voir son petit-fils épouser une fille bien née, religieusement élevée, capable d'assurer le bonheur du ménage. Mais, si l'on s'en rapporte à sa lettre à Louis XIV, elle devait être, aussi, fort sensible aux avantages pécuniaires. Or, voici que la dot de Mlle de Richelieu était supérieure de deux cent mille livres à celle de Mlle de Châtillon !

Jamais, sans doute, la maréchale, dans les plus beaux rêves qu'elle échafaudait en sa retraite austère, n'avait espéré rencontrer rien de semblable. La fortune était tombée du ciel à M. de Clefmont.

1. Mémoires de Saint-Simon, t. XXIV, p. 243.

Les courtisans apprirent l'événement avec la même surprise que M. et Mme du Châtelet, et, durant quelques jours, on ne parla plus que « du mariage impromptu ». D'autres disaient l'impromptu de Vincennes ».

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L'union s'accomplit solennellement cinq jours après en cette ville où résidaient M. et Mme du Châtelet et la maréchale de Bellefonds, c'est-à-dire le 24 avril 1714 1.

« Ainsi la vertu fut doublement récompensée, uniquement. par des traits de la Providence », dit Saint-Simon.

Le marquis de Cavoye n'avait fait que préparer les voies, mais il les avait bien préparées.

1. Journal de Dangeau, t. XV, pp. 127, 128 et 132. Le mardi 24 avril 1714: « M. de Clefmont épousa Mademoiselle de Richelieu, fille aînée de M. le duc de Richelieu; la noce se fit à Vincennes, chez M. du Châtelet, père du marié. »

CHAPITRE VII

« CAVOYE, MOURONS ENSEMBLE. »

M. de Cavoye veut quitter sa charge.

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Une prière du roi. Sa maladie. Ses adieux aux princes, aux princesses et aux grands officiers. Il se prépare à la mort. Le marquis, malade, assiste aux adieux. Il se démet de sa charge. Derniers moments de Louis XIV. Un serviteur de confiance de M. de Cavoye dans la chambre royale. Mort du roi. Chagrin de M. de Cavoye. Son état s'aggrave. Il voit sa fin prochaine. chrétienne. Mme de Cavoye lui parle de son salut. douleur d'une veuve. La succession du marquis. universels. Ses exécuteurs testamentaires. marquise de Cavoye. Ses bonnes œuvres.

Sa mort.

Sulpice.

Sa résignation

Suprême Ses légataires Veuvage de la Son testament.

Sépulture de M. et de Mme de Cavoye à Saint

1715-1729

M. de Cavoye, devenu septuagénaire et sentant de plus en plus ses forces l'abandonner, voulut remettre son bâton de grand maréchal des logis de la cour à M. de Cany, à qui il avait vendu sa charge, comme nous l'avons vu précédemment; mais le roi qui, lui-même, sentait sa fin prochaine, l'arrêta d'un mot : << Cavoye, mourons ensemble ! »

Ce n'était plus l'ordre du souverain; c'était la prière amicale à un vieux serviteur, à un compagnon d'enfance.

Cavoye conserva sa charge 1.

Le funeste pressentiment de Louis XIV devait se réaliser très tôt.

En 1715, survint l'événement qui devait pour toujours éloigner le marquis de la cour et qui fut comme l'effondrement de sa vie

1. Lettre de l'abbé Mascara du 28 août 1715. La correspondance de l'abbé Mascara au marquis de Grimaldo, secrétaire d'Etat du roi d'Espagne Philippe V, a été signalée par Mgr Baudrillart dans son rapport sur les archives d'Alcala. Il en a été donné quelques extraits à l'appendice I du tome XXVII des Mémoires de Saint-Simon.

et la ruine définitive de ce qui le rattachait au monde. Le roi, dont la santé était gravement ébranlée depuis près de trois ans, était rentré de Marly à Versailles le 11 août dans un état inquiétant qui s'aggrava de jour en jour. Le 26 août, les « principaux de la cour » et « tout ce qui avait les entrées », avaient été convoqués à Versailles; Louis XIV, sentant sa mort approcher, voulait faire ses adieux aux princes, aux princesses, à ses plus fidèles serviteurs. Il leur adressa à tous de touchantes paroles d'amitié, les engagea à l'union, à se souvenir de lui et à prier pour son âme. Puis, il se prépara à tout quitter, donna ses ultimes instructions avec une sérénité d'esprit, un détachement des choses de ce monde qui étonnèrent ceux qui l'entouraient. Déjà, il avait sacrifié le pouvoir souverain si jalousement exercé, et il lui arriva de trahir cette renonciation qu'il avait faite en son for intérieur, en disant : « Du temps que j'étais roi... >>

A ceux qui pleuraient devant cet adieu du plus puissant monarque de cette terre aux choses d'ici-bas, il dit doucement: Pourquoi pleurez-vous? M'avez-vous cru immortel 1? »

Détail qui montre combien le roi avait gardé la plénitude de sa pensée, le lendemain 27 août, il se souvint que, le dimanche précédent, il avait demandé qu'aussitôt qu'il serait expiré on menât le Dauphin au château de Vincennes, mais il lui revint à la pensée que Cavoye n'avait jamais fait les logements en cette ville, parce qu'il y avait cinquante ans que la cour n'y avait été ; « il indiqua une cassette où l'on trouveroit le plan du château et ordonna de le prendre et de le porter à Cavoye 2 ».

Le grand maréchal, lui-même très souffrant, avait fait un effort pour se rendre à Versailles aux adieux du roi 3. Il rentra

1. Journal de Dangeau, t. XVI, p. 132.

2. Mémoires de Saint-Simon; Journal de Dangeau; Relation de Quincy, p. 401; Mlle d'Aumale, p. 337. « Mouvement d'un esprit bien libre, qui ne vouloit rien omettre », disent aussi les Mémoires de SaintHilaire, qui relatent ce fait d'accord avec Saint-Simon. Edition Léon Lecestre, Paris, 1916, t. V, p. 129.

3. M. de Cavoye dut se rendre à Versailles dans la matinée du lundi 26, pour être, entre neuf et dix heures du matin, dans les cabinets de Sa Majesté, avec le maréchal d'Harcourt, et « quelques autres ayant les entrées ». Dangeau ne le nomme pas parmi les grands officiers qui avaient assisté, la veille, dans la chambre royale, aux cérémonies de l'extrême

à Paris le matin du 28 août, accablé de douleur, après avoir remis son bâton à M. de Cany. Louis XIV était entré en agonie 1.

M. de Cavoye avait laissé un valet de confiance à Versailles pour avoir sans cesse des nouvelles du mourant 2. Chose étonnante, ce serviteur, qui se tenait dans l'antichambre avec les princesses, le prince de Rohan, le chancelier Voysin « et peu d'autres », entra dans la chambre du roi jusqu'au vendredi 30 août, au seul nom de M. de Cavoye 3. Et cependant, à cette date, rares étaient ceux qui approchaient Louis XIV expirant 4. Chaque jour, ce valet revenait à Paris informer son maître de l'état de Sa Majesté 5.

onction, et qui revinrent ce même jour, 26, entendre les dernières paroles de Sa Majesté. M. de Cavoye dut donc assister à la scène des adieux du lundi, quand Louis XIV, s'adressant aux grands officiers rangés dans la ruelle et auprès du balustre, leur dit : « Messieurs, je suis content de vos services; vous m'avez fidèlement servi et avec envie de me plaire... Je m'en vais, mais l'Etat demeurera toujours; soyez-y fidèlement attachés, et que votre exemple en soit un pour tous mes autres sujets... Suivez les ordres que mon neveu vous donnera. Il va gouverner le royaume ; j'espère qu'il le fera bien. J'espère aussi que vous ferez votre devoir et que vous vous souviendrez quelquefois de moi. » (Journal de Dangeau, lundi 26 août).

1. « Dès qu'il a vu le roi à l'agonie, il a cédé le bâton et est arrivé ici à neuf heures du matin. » (Lettre de l'abbé Mascara, du 28 août).

2. L'abbé Mascara écrivait au marquis de Grimaldo le 29 août : « J'arrive de la maison de la duchesse du Lude, où j'ai vu arriver de Versailles le comte et le marquis de Béthune... M. de Cavoye avait aussi ses nouvelles particulières. »>

3. « Je suis allé chez M. de Cavoye que j'ai trouvé avec sa femme plongés dans leur douleur et leurs larmes ; ils ne recevaient personne ; cependant ils m'ont fait la grâce de me recevoir comme leur ami particulier et leur serviteur. Il arrivait à ce moment de Versailles son valet de chambre favori, lequel, avec le nom de M. de Cavoye, est entré dans la chambre du Roi. Il est venu en compagnie d'un célèbre chirurgien de l'hôpital de la Charité, qui est neveu de Mareschal et qui l'aide à soigner Sa Majesté... » (Lettre de l'abbé Mascara, du 30 août).

4. A la date du mardi soir, 27 août, Dangeau, qui donne un compte rendu si fidèle des derniers moments du roi, mentionne : « Il a entendu la messe à midi; mais il a ordonné qu'il n'y eût que le premier aumônier et deux aumôniers de quartier qui entrassent dans sa chambre. » SaintSimon précise : « Personne ne s'arrêtoit dans l'antichambre la plus proche de sa chambre ». (Mémoires de Saint-Simon, t. XXVII, p. 254.) Saint-Simon dit aussi : « Le vendredi 30 août, la journée fut aussi fâcheuse qu'avoit été la nuit... Il n'y eut dans sa chambre que les valets les plus indispensables pour le service, et la médecine, Mme de Maintenon et quelques rares apparitions du P. Tellier... » Le soir même, à cinq heures, Mme de Maintenon, dont le carrosse attendait tout prêt depuis trois jours, « s'en alla à Saint-Cyr pour n'en sortir jamais ». (Mémoires, t. XXVII, p. 290).

5. L'abbé Mascara écrit, encore sur la journée du 30 août : « A cinq heures, le Roi a pris un peu de bouillon... A six heures, Mareschal a

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