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(7) D'un Loup écorché vif appliquez-vous la peau. Dans Rabelais, frère Jean donne un conseil semblable. « Laissez-moi ces manteaux de Loup, et faictés écorcher Panurge, et de sa peau couvrez-vous. ( L. IV. ch. 24. T. IV. p. 107.) Le roman du Renard (ou Procès des Bétes), si célèbre dans les anciennes littératures, avoit été pour Rabélais et pour notre fabuliste, un canevas commun sur lequel ils ont fait leurs riches broderies.

(8) Messire Loup vous servira,

S'il vous plait, de robe de chambre. Ces vers deviennent rédondans et inutiles.

Souvent trop d'abondance appauvrit la matière, a dit Boileau dans son Art poétique.

FABLE IV.

Le Pouvoir des Fables.

A M. DE BARILLON (*).

(Avant La Fontaine). GRECS. Plutarque, Vie de Démosthène. -LATINS. Abstemius (Prologue de ses fables, au commencement).

LA qualité d'Ambassadeur

Peut-elle s'abaisser à des contes vulgaires?
Vous puis-je offrir mes vers et leurs graces légères?
S'ils osent quelquefois prendre un air de grandeur,
Seront-ils point traités (1) par vous de téméraires?
Vous avez bien d'autres affaires

A démêler que les débats

(*) Ambassadeur de France en Angleterre. Ami des Lettres, philosophe aimable, négociateur habile, un de ces illustres protecteurs que La Fontaine a immortalisés par les témoignages de sa reconnoissance et de son génie. Il l'avoit connu à la cour de madame la duchesse de Mazarin. Les éditeurs des Lettres de madame de Sévigné ont conservé quelques billets de cet ambassadeur.

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Du Lapin et de la Belette.

Lisez-les, ne les lisez pas :

Mais empêchez qu'on ne nous mette
Toute l'Europe sur les bras.

Que de mille endroits de la terre
Il nous vienne des ennemis,

J'y consens: mais que l'Angleterre

Veuille que nos deux Rois se lassent d'être amis (2),
J'ai peine à digérer la chose.

N'est-il point encor temps que Louis se repose?
Quel autre Hercule enfin ne se trouveroit las
De combattre cette Hydre? Et faut-il qu'elle oppose
Une nouvelle tête aux efforts de son bras (3)?
Si votre esprit plein de souplesse,

Par éloquence et par adresse,

Peut adoucir les cœurs, et détourner ce coup,
Je vous sacrifierai cent Moutons : c'est beaucoup
Pour un habitant du Parnasse.
Cependant faites-moi la grace

De prendre en don ce peu d'encens.
Prenez en gré mes vœux ardens,

Et le récit en vers qu'ici je vous dédie.
Son sujet vous convient (4): je n'en dirai pas plus.
Sur les éloges que l'envie

Doit avouer qui vous sont dûs,

Vous ne voulez pas qu'on appuie.

Dans Athène autrefois, peuple vain et léger,

Un orateur voyant sa patrie en danger,

Courut à la tribuṇe; et d'un art tyrannique (5),

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Voulant forcer les cœurs dans une République,

Il parla fortement sur le commun salut.

On ne

l'écoutoit pas: l'orateur recourut A ces figures violentes

Qui savent exciter les ames les plus lentes.

Il fit parler les morts, tonna (6), dit ce qu'il put.
Le vent emporta tout; personne ne s'émut.
L'animal aux têtes frivoles (7)

Etant fait à ces traits, ne daignoit l'écouter.
Tous regardoient ailleurs : il en vit s'arrêter
A des combats d'enfants, et point à ses paroles.
Que fit le harangueur? Il prit un autre tour.
Cérès, commença-t-il (8), faisoit voyage un jour
Avec l'Anguille et l'Hirondelle:

Un fleuve les arrête; et l'Anguille en nageant,
Comme l'Hirondelle en volant,

Le traversa bientôt. L'assemblée à l'instant
Cria tout d'une voix: Et Cérès, que fit-elle ?
Ce qu'elle fit? Un prompt courroux

L'anima d'abord contre vous.

Quoi! de contes d'enfants son peuple s'embarrasse;
Et du péril qui le menace,

Lui seul, entre les Grecs, il néglige l'effet!
Que ne demandez-vous ce que Philippe fait (9) ?

A ce reproche l'assemblée

Par l'Apologue réveillée,

Se donne entière à l'orateur:

Un trait de fable en eut l'honneur.

Nous sommes tous d'Athène en ce point; et moi-même

Au moment que je fais cette moralité,

Si Peau-d'Ane m'étoit conté (10),
J'y prendrois un plaisir extrême.

Le monde est vieux, dit-on (11),je le crois: cependant

Il le faut amuser encor comme un enfant.

(Depuis La Fontaine ). FRANÇAIS. Boursault, prologue de la comédie d'Esope à la Cour, intitulé: Le Pouvoir des Fables. Fables en chansons, Liv. IV. fab. 30.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Seront-ils pas. C'étoit au siècle dernier un usage commun de retrancher la négative. Les exemples en sont fréquens dans La Fontaine. Molière : Vous avois-je pas commandé de les recevoir? (Précieuses ridic. Acte I. sc. 4.) Nous avons vu que Thomas Corneille s'étoit à la fin élevé contre cette dispense, et l'usage a confirmé la juste sévérité du poète.

(2) Que nos deux rois se lassent d'être amis. Le bon La Fontaine auroit désiré voir partout autour de lui la paix qui régnoit dans son cœur. Le vœu qu'il en exprime ici, il l'avoit déjà proponcé en terminant son septième Livre. (Voy. plus haut, p. 68.)

(3) De combattre cette Hydre, etc. Quoique notre poète se fût bientôt dégoûté de la lecture de Malherbe, on voit qu'il lui en étoit resté bien des souvenirs. C'étoit une première passion. Ces beaux vers présentent les mêmes images que la première strophe de la fameuse Ode de Malherbe à Louis XIII, allant combattre les Rochelois. On sait que l'Hydre étoit un serpent à plusieurs têtes, lesquelles renaissoient sous les coups d'Hercule, à mesure qu'elles étoient abattues. Ce Dieu voyant le fer impuissant, les combattit avec le feu, et vint à bout d'exterminer le monstre. On a depuis donné ce nom à tout obtacle ou ennemi qui se renouvelle à mesure qu'il est détruit.

(4) Son sujet vous convient. On ne fera pas aux dédicaces de notre Fabuliste les reproches que Voltaire a faits à celles du grand Corneille. Il n'y a rien ici qui sorte du caractere du personnage auquel l'éloge s'adresse, et de l'écrivain qui l'a fait. Il est tout simple de comparer un négociateur à Démosthène; c'est lui rappeler le besoin et les ressources de l'éloquence. Il est en même

temps très-délicat au Fabuliste de choisir Démosthène pour héros -d'un apologue présenté à un Ambassadeur.

(5) D'un art tyrannique. L'éloquence, parce qu'elle subjugue et entraîne. L'antiquité avoit peint cet art sous l'emblême de la force elle-même, d'un Hercule jeune, plein de vigueur, tenant à la bouche un double rang de chaînes qui tombent et embrassent un grand nombre d'hommes accourus pour l'entendre.

(6) Tonna, dit ce qu'il put. Ardent, impétueux, et cependant toujours maître de lui-même, par la fécondité de ses ressources, comme il l'étoit des autres, par l'ascendant de son génie, ce grand homme devoit à l'étude et à la nature ce genre d'éloquence qui force les auditeurs à se reconnoître dans l'humiliante peinture de Icurs fautes et de leur situation.

(7) L'animal aux tétes frivoles. Cette expression hardie, mais si vraie, appartient à Horace, bellua multorum capitum, a-t-il dit en parlant du peuple romain. (Liv. I. ep. I. vers 76.) Tous les peuples se ressemblent. M. l'abbé Aubert s'est rencontré avec La Fontaine dans l'imitation du poète latin. (L. VI. f. 3.) En donnant au peuple cette qualification, les traducteurs français ont encore affoibli les couleurs dont on l'avoit peint avant cux. Palingene, dans son beau poème du Zodiaque, l'appelle une béte furieuse :

Quod furit atque ferit sævissima bellua Vulgus.

Sénèque, Montaigne, Charron, Naudé ne le traitent pas avec plus de ménagement; ce dernier enchérit peut-être, quand il dit: « Ceux qui en ont fait la plus entière description, le représentent à bon droit comme une beste à plusieurs testes, vagabonde, errante, folle, étourdie, sans conduite, sans esprit, ni jugement. (Considér. politiq. sur les coups d'état, p. 235.) Je doute que notre postérité brise ce tableau.

(8) Cérès, commença-t-il. On raconte d'une autre manière l'apologue employé par le célèbre orateur. Un jeune homme avoit loué un âne pour aller à Mégare. C'étoit un jour d'éte. Vers le midi, lorsque le soleil est dans sa plus grande force, le maître de l'âne et le voyageur se disputoient à qui profiteroit de l'ombre que 'donnoit le corps de l'animal. Je vous ai loué mon âne, et non pas l'ombre. Noa, disoit l'autre ; j'ai fait marché pour la bête

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