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Si votre esprit est si hargneux

Que le monde qui ne demeure

Qu'un moment avec vous, et ne revient qu'au soir,
Est déjà lassé de vous voir,

Que feront des valets qui, toute la journée,
Vous verront contre eux déchaînée (10) ?
Et que pourra faire un époux

Que vous voulez qui soit jour et nuit avec vous?
Retournez au village: adieu. Si de ma vie

Je vous rappelle, et qu'il m'en prenne envie,
Puisse-je chez les morts avoir, pour mes péchés,
Deux femmes comme vous sans cesse à mes côtés !

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Dès demain je chercherai fenime. Il fut pourtant marié ce bon La Fontaine. Raison de plus, me dira-t-on, pour médire des femmes. Quoi qu'il en soit de cette opinion, l'on conviendra que si elle n'est pas sans reponse du côté de la vérité, elle né laisse ancune objection à faire sous le rapport du style et de la narration. Quand on a lu les charmans détails qui composent ce joli conte, il faut se taire et admirer.

Et que peu de beaux corps, hôtes d'une belle ame. Notre poète, plein de la lecture des anciens philosophes, avoit lu sans doute dans Xenophon : « Comme le mot beau se joint toujours au mot bon; quand je voyois quelqu'un d'une belle figure, j'allois le trouver et je tâchois de découvrir si le beau et le bon se trouvoient réunis l'un à l'autre ; mais qu'il s'en falloit que cela fût ainsi! Jė crus appercevoir que quelques-unes de ces belles figures recéloient des ames corrompues » ( Econom. trad. de Gail, ch. VI, pag. 55). (2) Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point. Cette idée rappelle l'épigramme naïve et plaisante de Montcrif sur la méme

matière:

Amis, je vois beaucoup de bien
Dans le parti qu'on me propose;
Tome II.

B

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. (3) Rien ne la contentoit, etc. On reconnoît les mêmes traits, de semblables expressions dans le portrait

les mêmes tournures,

que Boileau a fait de

Sa revêche bizarre

Qui sans cesse d'un ton par la colère aigri,
Gronde, choque, dément, contredit un mari.
Il n'est point de repos ni de paix avec elle;
Son mariage n'est qu'une longue querelle :
Laisse-t-elle un moment respirer son époux;

Ses valets sont d'abord l'objet de son courroux. . . .
(Sat. X. v. 350.)

16 ans

L'ouvrage où se trouvent ces vers est de 1694, c'est-à-dire, après la publication de cette seconde partie des Fables, en 1678. Si donc l'un des deux poètes a imité l'autre, ce ne peut être La Fontaine. Les vers de Boileau sont beaux sans doute; peut-être le paroîtroient-ils moins à côté de ceux de notre fabuliste.

(4) On se levoit trop tard, on se couchoit trop tôt. La généralité de l'inculpation la rend plus imposante: ce n'est pas d'un seul individu qu'elle se plaint, c'est de tout le monde. Boileau a dit de même :

De ces coquins déjà l'on se trouvoit lassé. . . .
Alors on ne mit plus de borne à la lésine,

On condamna la cave, on ferma la cuisine.

(Ibid. v. 301.)

(5) Monsieur ne songe à rien; Monsieur dépense tout ; Monsieur court, etc. Ces répétitions sont bien le langage de l'humeur. La société en offre des témoignages journaliers : c'est là le livre qui a fourni toutes ces heureuses imitations dont nos auteurs comiques sont pleins. Mais combien l'art des gradations donne de vie et d'ordre à ce tableau, par-là sur-tout bien supérieur à celui du célèbre satyrique! L'esprit de contradiction empoisonne

tous les objets. Rien ne la contentoit, rien n'étoit comme il faut. Les murmures, à force de se généraliser, tombent dans le vague; on ne sait à qui s'en prendre. Puis du blanc, puis du noir, puis encore autre chose. Ils s'égarent et rencontrent d'abord les valets, les premiers soumis à l'empire de la capricieuse. Les valets enrageoient. Et voilà aussi les effets que produisent les tracasseries. Mais le poids en doit à la fin retomber tout entier sur le pauvre mari, esclave légal de son épouse. Monsieur ne songe à rien; Monsieur dépense tout, etc.

(6) Lassé d'entendre un te! lutin. On nomme lutins des esprits ou fantômes turbulens, inquiets, qui viennent pendant les nuits troubler le sommeil des vivans, ou errer autour des tombeaux des morts. Les anciens les connoissoient sous le nom de Larves et de Lemures. (V. la 2o. partie du 1er. vol. de l'Antiquité expliquée de Montfaulcon.)

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De certaines Philis qui gardent les dindons. D'autres peutêtre, à l'aide d'une métaphore, auroient pu couvrir d'une expression noble l'image d'une fiction qui l'est si peu ; mais y mettre ce joli badinage, et même de la grace, ce talent n'étoit donné qu'à La Fontaine.

(8) Je leur savois bien dire. On pourroit trouver à reprendre ici l'omission de la particule le.

(9) Reprit son époux tout à l'heure, pour tout de suite, sur-lechamp, n'est plus usité.

(10) Vous verront contre eux déchainée? Métaphore aussi noble que juste. C'est le Chien hargneux qui, libre de sa chaîne, se jette à tord et à travers, et aboie à tout venant.

FABLE I I I.

Le Rat qui s'est retiré du monde.

Les Lévantins (i), en leur légende (2),

ES

Disent qu'un certain Rat (3), las des soins d'ici bas (4), Dans un fromage de Hollande

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Notre Hermite nouveau subsistoit là dedans.

Il fit tant, des pieds et des dents (6),
Qu'en peu de jours il eut au fond de l'hermitage
Le vivre et le couvert : que faut-il davantage?
Il devint gros et gras: Dieu prodigue ses biens
A ceux qui font vœu d'être siens (7).
Un jour, au dévot personnage,

Des députés du peuple Rat

S'en vinrent demander quelque aumône légère (8): Ils alloient en terre étrangère (9)

Chercher quelque secours contre le peuple Chat. Ratopolis étoit bloquée

:

On les avoit contraints de partir sans argent,

Attendu l'état indigent

De la République attaquée.

Ils demandoient fort peu,

certains que le secours

Seroit prêt dans quatre ou cinq jours.
Mes amis, dit le Solitaire,

Les choses d'ici-bas ne me regardent plus:
En quoi peut un pauvre réclus

Vous assister? Que peut-il faire,
Que de prier le ciel qu'il vous aide en ceci?
J'espère qu'il aura de vous quelque souci.
Ayant parlé de cette sorte,

Le nouveau Saint ferma sa porte.

Qui désigné-je, à votre avis,
Par ce Rat si peu secourable?

Un Moine? Non, mais un Dervis;

Je suppose qu'un Moine est toujours charitable (10).

(Depuis La Fontaine). ITALIENS. Luig. Grillo, fav. 98. Pignotti, fav. 34,

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Les Levantins. L'excellent historien! Il ne raconte rien que sur témoignages; et quels témoignages encore! celui de tont un peuple: les peuples du Levant. Cette gravité du poète répand sur son récit l'intérêt et le charme de la curiosité.

(2) En leur légende. Légende est un recueil de fables pieuses, d'anecdotes monacales. Le héros se trouve déjà annoncé par le titre seul de l'ouvrage.

(3) Disent qu'un certain Rat. S'il eût mis: content, c'eût été quitter trop tôt son rôle. Disent est plus historique; l'attention se soutient.

(4) Las des soins d'ici bas. Beatus ille qui procul negotiis, etc. C'est le premier degré d'une vocation à la vie cénobitique. Se retira.... Auparavant; loin des soins d'ici bas, termes consacrés. Ainsi Molière met dans la bouche de son Tartuffe, le langage de la mysticité.

(5) La solitude étoit profonde. Le mot solitude, dans sa double acception, désigne et la retraite où l'on vit, et le recueillement où l'on Ꭹ vit. C'est une lumière vive qui éclaire à la fois et le lieu

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