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BYRON.

Le xixe siècle, qu'on accusait d'être peu poétique, a vu, dans ses premières années, s'élever un des hommes qui ont exercé le plus d'empire par l'imagination et le talent des vers. Cet homme est Byron. Jamais, avant lui, la gloire contemporaine d'un poëte n'avait aussi rapidement parcouru l'Europe, et passé d'une nation chez toutes les autres. De son vivant, et dans une vie courte, il a eu l'honneur refusé longtemps aux plus grands poëtes de son pays, celui d'être compris, admiré, traduit, imité chez tous les peuples civilisés.

Plusieurs causes ont concouru sans doute à cette destinée, et d'abord le commerce plus facile et plus prompt entre les diverses langues, la curiosité crois-. sante pour les littératures étrangères, et le besoin d'émotions nouvelles en poésie. Mais la part du génie fut grande aussi dans ce succès cosmopolite d'un poëte anglais, mort à trente-six ans. A ce don du génie il faut ajouter une singulière affinité avec les mœurs, les idées, les passions, les dégoûts du siècle où il a vécu. Sous ce rapport, on peut dire que, s'il est Anglais par le tour de l'expression et le génie, il

est Européen par les idées. Il représente au plus haut degré ce qu'après de grandes destructions sociales les âmes devaient éprouver d'agitation et de doute. Il est le dernier type, mais le type éloquent du xvir siècle, relevant le scepticisme par la mélancolie, et la philosophie sensuelle par l'imagination. De ce mélange d'impressions et de qualités diverses s'est formé un talent original, quoique un peu monotone: par là aussi les âmes étaient préparées à le comprendre et à l'aimer dans ses rêveries romanesques, ses sombres peintures et ses héros toujours dessinés d'après luimême. Il a ressemblé à son temps, il en a été la vive et rayonnante image; et comme dans son temps plusieurs nations étaient à la fois arrivées au même degré de raffinement et d'égoïsme, de lumière et de satiété, en étant l'homme de son temps il a été le poëte de ces diverses nations à la fois. Cette influence sera-t-elle aussi durable qu'elle a été rapide? n'estelle pas déjà même affaiblie et partagée? ne doit-elle. pas s'affaiblir encore? La diversité des opinions à cet égard ne saurait diminuer l'admiration curieuse qui s'attache, pour l'ami des lettres, au génie de Byron; elle ajoute au contraire à une question de goût l'intérêt sérieux d'un problème social. Mais si la renommée à venir de Byron dépend, pour ainsi dire, du bon sens futur de l'Europe, et doit gagner ou perdre en proportion des erreurs ou des vérités qui prévaudront chez les peuples, son talent en lui-même dépend surtout des passions de sa vie; et sous ce rapport il n'est pas d'écrivain peut-être dont la biographie soit aussi nécessaire à l'intelligence de ses ouvrages, et pas de poëte qu'il faille considérer da

vantage comme le héros de roman de ses propres écrits.

Byron (George Gordon) était issu, par son père, d'une famille dont l'ancienneté remonte à la conquête de Guillaume, et qui, nommée plusieurs fois dans l'histoire, enrichie par Henri VIII de la confiscation d'un monastère, dotée de la pairie par Charles Ier, avait compté, dans le xvIIe siècle, un célèbre navigateur, le commodore Byron. Par sa mère, Byron était allié à la race des Stuarts, que ses ancêtres paternels avaient fidèlement servis; ce nom antique, dont il était si fier, n'était pas venu sans tache jusqu'à lui. Son grand-oncle, lord Byron, avait comparu devant la chambre des pairs, pour homicide d'un de ses voisins dans un duel; et, retiré du mondé, il menait dans son fief de l'ancienne abbaye de Newstead une vie solitaire et bizarre; son père, le capitaine Byron, homme d'esprit et de désordre, avait enlevé une femme mariée, de haute noblesse, lady Camarthen, qu'il épousa, quand elle devint libre par un divorce. Elle mourut bientôt, lui laissant une fille. Jeune encore, il se remaria l'année suivante à miss Catherine Gordon de Gight, riche et noble héritière d'Écosse, qu'il séduisit par ses agréments et l'éclat de son nom. En peu d'années il la ruina, coupa ses bois, lui fit vendre ses terres et l'abandonna, sans autre ressource qu'une rente substituée de cent cinquante livres sterling, dont ni lui ni elle n'avaient pu disposer. De cette union naquit à Londres, le 22 janvier 1788, George Gordon Byron. Lady Byron, obligée par son peu de fortune de retourner en Écosse, vint vivre avec son enfant dans la ville d'Aberdeen. Elle y

fut encore une fois visitée et rançonnée par son mari, qui s'éloigna d'elle enfin pour toujours, et passa sur le continent, où il mourut à Valenciennes, en 1791.

Lady Byron, qui paraît avoir eu dans le caractère beaucoup de passion et de violence, supporta ses malheurs avec courage, et s'occupa, dans une modeste retraite, d'élever son fils. Le jeune Byron, par un accident dont il ne se consola jamais, et qu'il reprochait, on ne sait pourquoi, à la pruderie de sa mère, avait été blessé en naissant, et son pied tordu était resté légèrement boiteux. Ce mal et des remèdes inutiles tourmentèrent son enfance. Il grandit cependant et se fortifia sous la tutelle un peu orageuse de sa mère. Vif et hautain, il eut, dès le bas âge, de ces saillies de caractère que tous les parents remarquent avec admiration, et qu'enregistrent les biographes des hommes célèbres.

Durant les premières études qu'il avait commencées à une petite école d'Aberdeen, étant tombé malade, il fut conduit par sa mère dans les montagnes d'Écosse, près du cours pittoresque de la Dee, et du sombre sommet de Loch-Na-Gar, que n'avait pas encore illustré la poésie. L'aspect sauvage de ces lieux, l'air libre, et les cimes azurées des montagnes, ne furent pas sans influence sur son imagination naissante. Son cœur ne fut pas moins précoce. Il fut amoureux au même âge que Dante, mais avec moins de constance c'est à huit ans qu'il aima cette jeune Marie, dont le nom est revenu souvent se mêler aux rêves de ses autres passions.

De l'obscure retraite où il était élevé, Byron se vit, à dix ans, appelé à un titre qui était encore à cette

époque le premier d'Angleterre. Son grand-oncle, lord William Byron, qui, depuis nombre d'années, vivait enfermé à Newstead, qu'il laissait tomber en ruine et dont il avait abattu les beaux ombrages, en haine de son fils unique, perdit ce fils, et n'eut plus d'autre héritier de son domaine et de sa pairie que le jeune neveu qu'il n'avait jamais vu. Il mourut en 1798; et Byron fut salué jusque dans son école du titre de lord. L'enfant ressentit avec joie cette fortune nouvelle. Sa mère, heureuse et fière, se hâta de quitter Aberdeen et l'Écosse, et partit avec lui et sa vieille gouvernante pour le domaine de Newstead, dans le comté de Nottingham. C'était un grand château gothique, couvert d'un côté par un lac et par quelques fortifications en ruine. L'intérieur avait gardé la forme d'un cloître antique, ses nombreuses cellules, ses vastes salles délabrées. Les terres d'alentour, dépouillées par la bizarre malédiction du feu lord, semblaient stériles et désolées. L'aspect du lieu, les souvenirs du maître, les récits sur sa vie farouche et mystérieuse, le lac où, disait-on, il avait secrètement noyé sa femme, les sombres corridors, la vieille tour, la salle d'armes, et les armoiries des usurpateurs du cloître, tout cela frappa vivement les yeux et la pensée du jeune Byron, qui prit dès lors l'usage de porter sur lui des armes chargées, comme son grandoncle, le feu lord.

Cependant il souffrait toujours de son pied boiteux. Sa mère essaya d'un nouveau traitement, et, après avoir épuisé l'art d'un médecin de Nottingham, elle le fit partir pour Londres, et l'y plaça dans une école, où il recevait aussi les soins orthopédiques d'un cé

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