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Wicherley, de son côté, remerciait de tout; mais enfin quelques ratures un peu trop hardies l'effarouchèrent, et il pria le jeune poëte de proposer ses corrections à la marge, sans rien effacer sur le manuscrit. Du reste, Pope lui-même paraît avoir profité de ces confidences; et il a pris quelques idées de sa Dunciade dans un poëme sur la Stupidité, que Wicherley soumit à ses critiques, dont il le remercia même dans une lettre : « Je vous remercie d'avoir perfectionné ma Stupidité, en la rendant plus méthodique. » Cet édifiant commerce, entre deux amourspropres assez irritables, fut cependant interrompu quelques années avant la mort du vieux poëte. Tourmenté de ses embarras de fortune et de ses infirmités, Wicherley n'acheva pas l'édition de ses poésies; mais il se maria dans sa soixante-dix-septième année, avec une jeune personne de vingt ans ; et de plus il fit, en cela pour son compte, un mariage d'intérêt.

Ne pouvant, comme nous l'avons vu, disposer de ses biens immeubles que par un mariage, et n'ayant aucun moyen d'emprunter, il imagina d'épouser une héritière qui possédait quinze cents livres sterling, et qui, pour ainsi dire, lui escompta sa succession. Il mourut onze jours après cette union (le 1er janvier 1715), laissant, comme auteur comique, une réputation qui ne fut effacée que par celle de Congrève. Voltaire, qui avait fort goûté la représentation des pièces de Wicherley, voulut transporter sur notre scène la comédie du Plain dealer. Il en fit, sous le titre de la Prude, une imitation épurée, mais très froide, qui fut jouée au théâtre de Sceaux, chez la duchesse du Maine, et qui n'eut pas, je crois, beaucoup de succès.

Voltaire a dit de l'ouvrage de Wicherley: « Je ne connais pas de comédie, ni chez les anciens ni chez les modernes, où il y ait autant d'esprit; mais c'est une sorte d'esprit qui s'évapore, dès qu'il passe chez l'étranger. On est forcé d'en convenir, en lisant la comédie de la Prude. Quelques années après la mort de Wicherley, en 1728, on fit paraître, sous le titre d'OEuvres posthumes, des poésies inédites qu'il avait laissées. Ce recueil ne réussit pas. Les Anglais curieux de leur littérature y ont cependant recherché, parmi beaucoup de détails spirituels et négligés, quelques vers et quelques morceaux d'une touche plus élégante et plus correcte, où se reconnaît l'empreinte, soit des conseils, soit même du travail de Pope.

YOUNG.

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Young (Edward), poëte anglais, naquit en juin 1681, à Uphan, près de Winchester. Son père, ecclésiastique et prédicateur, après avoir occupé longtemps un petit bénéfice à Upham, parvint au titre de chapelain du roi Guillaume et de doyen dans l'église assez opulente de Sarum. Le jeune Edward eut pour marraine honorifique la reine Marie.

Edward Young fut, dès l'enfance, élevé dans le college de Winchester et pourvu d'une bourse qu'il garda jusqu'à l'âge de dix-huit ans. On ne sait s'il fit des études brillantes, mais il essaya vainement d'obtenir l'agrégation dans l'université d'Oxford. Alors il se tourna vers l'étude du droit; et il fut, à ce titre, agrégé au collège d'All-Souls; mais il suivit ce noviciat avec assez peu d'ardeur et de longues interruptions; car il ne prit le degré de bachelier de droit qu'en 1714, et ne fut docteur qu'en 1719, à l'âge de trente-huit ans.

Le goût de la poésie le préoccupait sans lui inspirer quelque grand ouvrage. Il était poëte de circonstance et poëte de cour; début assez singulier pour le chantre mélancolique des Nuits. Son premier essai,

qui date de 1712, fut une épître à lord Lansdown, pour justifier la promotion des douze pairs faite par la reine Anne; événement qui, dans un autre pays, serait à peine remarqué, et qui en Angleterre fut le sujet d'un grand scandale et d'un procès criminel. Deux ans après la mort de cette princesse, le poëte fit paraître un panégyrique pompeux de Georges Ier, son successeur. La manie de l'éloge le tenait tellement, que, chargé de prononcer un discours latin pour un collége où il était agrégé, il le dédia, dans une épître flatteuse, aux dames de la famille Codrington. Il fit également des vers à la gloire d'Addison, et de la prose à la louange du marquis de Wharton, homme impudent et déshonoré, dont il rechercha la protection et reçut les bienfaits.

De plus nobles productions s'étaient mêlées cependant aux premiers essais d'Young, et pouvaient annoncer déjà le caractère particulier de son talent. Le poëme du Jugement dernier, publié en 1713, offre des traits de pathétique et de grandeur, une poésie forte, malgré la diffusion et la monotonie des images. On est impatienté seulement de voir le poëte retomber dans ses adulations habituelles, et, avec ce ton d'emphase qui les rend plus ridicules, faire l'apothéose de la reine, qui vivait encore. On ne conçoit pas que le grand et solennel spectacle contemplé par l'imagination de l'auteur ne l'ait pas prémuni contre les misérables illusions de ce bas monde, et qu'il ait eu besoin, pour ainsi dire, de flatter la puissance jusqu'au milieu du Jugement dernier.

Ce qui rend cette faiblesse plus choquante, c'est qu'elle recommence sans cesse. Le poëte ne se lassa

pas, pendant vingt ans, d'adresser de pompeuses dédicaces et des panégyriques en vers aux rois, aux ministres et aux grands seigneurs. Il travaillait aussi pour le théâtre, et donna la tragédie de Busiris en 1719, et une autre pièce, intitulée la Vengeance, en 1721. Mais ces deux ouvrages, médiocrement goûtés du public, lui rapportèrent moins que les dédicaces qu'il en fit au duc de Newcastle et au marquis de Warthon.

Young, dont le talent ne semblait avoir encore de vocation bien décidée que pour la flatterie, publia, vers la même époque, un recueil de satires; mais chacun de ces morceaux, où le poëte médisait de quelques vices obscurs, était adressé pompeusement à quelque grand seigneur, et placé sous ses auspices. Le poëte moraliste, dans l'alternative de s'irriter ou de se moquer des folies du monde, avait préféré, ditil, le dernier parti comme plus salutaire à l'âme du spectateur, et plus déplaisant pour l'erreur et pour le vice. Mais pour exercer avec succès telle représaille, l'intention ne suffit pas; il faut à l'amertume joindre la gaieté, blesser avec grâce et jeter le ridicule sur le mal même, comme sur la sottise. Horace avait excellé dans cet art; mais rien n'est plus loin de la roideur monotone du poëte anglais. Restait cette autre forme de la satire plus sérieuse et plus âpre, où la déclamation même s'efface et disparaît dans la passion, et où l'hyperbole du mépris et de la haine se confond avec la verve du počte. Juvénal en avait donné l'exemple, qui ne fut pas perdu pour Dryden et Rochester, et dont s'accommode volontiers la licence. hardie de la langue anglaise. Mais le grave et circonspect Young eut peur de tels exemples; et ses

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