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comme si c'estoient veritablement les Psalmes de David. La seule insuffisance de l'autheur, qui n'estoit qu'un vray ignorant, sa lasciveté, de laquelle il a donné des preuves par ses escrits, sa vie tres-libertine, qui n'avoit rien moins que celle d'un chrestien, meritoit bien qu'on luy refusast la frequentation de l'Eglise. Neantmoins, son nom, ses versions et versifications, sont comme sacrez en vos assemblées; on les recites parmy vous autres, comme si c'estoient les parolles de David: mais qui ne void combien y est violé le sens du sacré Texte? car les vers, la mesure, et la contrainte de cest esprit forcé, ne permettent pas qu'on y suive la proprieté de l'expression de l'Escriture; il y mesle du sien pour rendre le sens insensé, et il a esté necessaire à cest ignorant rímailleur de choysir un sens destourné, en quittant le droict et le canonique. N'est-ce pas une extresme absurdité, d'avoir laissé à ceste cervelle eventée un jugement de si grande consequence, et suivre aussi estroitement le triage d'un poëte prophane, dans les offices et prieres publiques, comme on le pourroit fayre de l'interpretation des Septante, qui furent si particulierement assistez du Sainct-Esprit? Combien de mots et combien de sentences il a meslez dans ceste version, qui ne furent jamais dans l'Escriture, et qui sont bien d'autre importance, que de mal prononcer le mot Scibbolleth? Toutesfois, on sçayt bien qu'il n'y a rien qui ayt tant chatoüillé vos curieux, et sur tout les femmes, que ceste libertine liberté, de chanter en l'Eglise et aux assemblées. Certes, nous ne refusons à personne de chanter avec le choeur modestement et decemment; mais il me semble plus convenable que l'ecclesiastique le fasse par estat, et pour l'ordinaire, comme il fut prattiqué en la Dedicace du Temple de Salomon (11. Paralip. 7). Si vous vous playsez si fort à faire resonner vos voix dans les eglises, au moins ne changez point le sens du texte, ny la naïfveté des Escritures. Le tems ne me permet pas maintenant la commodité, ny le loysir d'examiner et poursuivre le reste; souvenez-vous de ce que cy-dessus nous avons remarqué sur le Psalme huictiesme.

Pour ce qui regarde l'usage que vous avez introduict, de faire chanter indifferemment en tous lieux, et en toutes occupations les cantiques de David, c'est à mon advis un mespris formel de la saincte Religion. N'est-ce pas offenser la Majesté divine, de luy parler avec des parolles tres-sainctes, sans aucune reverence et attention? Reciter des prieres sans esprit d'orayson, n'est-ce pas se mocquer de celuy à qui on parle? Quand on void à Geneve, ou autre part, des garçons de boutique, se jouer au chant de ces Psalmes, et rompre le fil d'une tres-belle priere, pour y mesler des bagatelles, ou des actions indecentes, ne void-on pas qu'ils font un accessoire du principal, et que ce n'est sinon par passe-tems qu'ils chantent ces cantiques, qu'ils croyent neantmoins estre du SainctEsprit? Ne fait-il pas beau voir des cuisiniers chanter en ridicule les parolles de la Penitence de David, et demander à chaque verset, le lard, le chappon, la perdrix? Ceste Escriture, dit de Montaigne, est trop divine, pour n'avoir autre usage, que d'exercer les pourmons, et playre aux aureilles. Je ne nye pas, qu'en particulier et en tous lieux, il ne soit tres-bon de prier, et mesme en toute con

tenance decente, pourveu qu'on prie d'esprit, parce que Dieu void l'interieur, dans lequel gist la principale substance de l'orayson; mais je croy que celuy qui prie en public, doit faire demonstration exterieure de la reverence que les parolles qu'il profere demandent de luy; autrement il scandalize le prochain, qui n'est pas tenu de penser qu'il ayt de la religion en son interieur, voyant le mespris qu'il en fait en son exterieur. Je tiens pour moy, qu'on ne peut chanter sans peché, la version des Psalmes de Marot qui sont tous mal traduicts, et que c'est au moins une grande irreverence de les permettre dans vostre Eglise pretenduë reformée, parce qu'il n'y a ny esprit ny verité. Spiritus est Deus, et eos qui adorant eum, in spiritu et veritate oportet adorare (Joan. 4). Et en effect, dans ceste ridicule rimaillerie, bien souvent vous attribuez au Sainct-Esprit les conceptions de Marot, contre la verité; ainsi la bouche crie parmy les rues et dans les cuisines: O Seigneur! O Seigneur! quoy que le cœur et l'esprit n'y soyent point, mais au trafic et au gain, comme dit Isaye (29). Vous vous eslancez de bouche vers Dieu, et le glorifiez de vos levres, mais vostre cœur est bien esloigné de luy, et vous le craignez selón les commandemens et la doctrine des hommes. Je confesse que cest inconvenient, de prier sans devotion, arrive bien souvent aux catholiques; mais ce n'est pas par l'adveu de l'Eglise aussi je ne reprens pas maintenant les particuliers de vostre secte, comme particuliers, mais le corps de vostre doctrine, laquelle, par ses traductions et libertez, reduict en usage prophane ce qui devroit estre en tres-grande reverence. Lisez au chapitre 14 de la 1. aux Corinthiens: Mulier in Ecclesia taceat; ce qui doit s'entendre aussi bien des Cantiques, que du reste des Escritures. Pour ce qui regarde nos religieuses, je vous respons qu'elles sont in oratorio, non Ecclesia, et qu'elles ne chantent point leurs offices en langue populaire, mais elles conservent en tout le respect qui est deu aux Escritures.

DISCOURS XXVII.

Refutation des objections des religionnaires, au discours precedent, sur le subjet des versions, et chants en langue vulgaire.

TOUS examinons, Messieurs, en ce discours, ce que vous alleguez NOU pour vostre deffense. S. Paul semble ordonner qu'on fasse le service en langue intelligible et populaire, principalement aux Corinthiens (1. Cor. 14); mais lisez bien, et vous verrez asseurement que pour cela il ne pretend pas qu'on diversifie le service en toutes sortes de langages; il entend seulement que les exhortations familieres et les expositions des Cantiques, qui se faysoient par les disciples qui avoient receu le don des langues, fussent interpretez, afin que l'Eglise fust instruicte des choses que l'on chantoit : Et ideò, qui loquitur lingud, oret et interpretetur. Il veut que les louanges qui se faysoient à Corinthe, fussent interpretées en langue grecque par ceux qui en avoient l'office, pour enseigner et consoler le peuple. Il estoit en effect bien raysonnable que ces expositions instructives se fissent en langue intelligible, et sur-le-champ par

maniere d'homelies et de catechisme; ce que l'Apostre semble monstrer evidemment, quand plus bas il adjouste: Si ergo conveniat universa Ecclesia in unum, et omnes linguis loquantur, intrent autem idiotæ, aut infideles, nonne dicent quod insanitis? Et plus bas Sive lingua quis loquitur, secundum duos aut multos, et per partes unus interpretetur, si autem non fuerit interpres, taceat in Ecclesia, sibi autem loquatur et Deo. Vous voyez, qu'il ne parle pas icy des offices solemnels, qui ne se faysoient en l'Eglise que par le pasteur; mais des cantiques qui se recitoient par le don des langues, et qui vouloient estre entendus corde. De vray, ne l'estant pas, cela destournoit l'assemblée, et ne servoit de rien. Plusieurs anciens Peres parlent de ces cantiques, et entre autres Tertullien (Apolog. 39), lequel, parlant de la saincteté des Apostres, et de la charité des anciens, dit: Post manualem aquam, et lumina, ut quisque de scripturis sanctis, vel de proprio ingenio, potest provocatus in medium Deo canere.

Quand le Prophete dit: Populus hic labiis me honorat, cor autem eorum longè est à me, cela s'entend de ceux qui chantent et qui prient en quel langage que ce soit, et qui parlent à Dieu par maniere d'acquit, sans reverence et sans devotion; non pas de ceux qui parlent en langage à eux incogneu, mais cogneu de l'Eglise, et qui neantmoins ont le cœur uny à Dieu.

Les Actes des Apostres nous apprennent à louer Dieu en toute langue aussi faut-il; mais, dans la ceremonie des offices solemnels et catholiques, il y faut une langue universelle et catholique, par laquelle toute langue confesse, que le Seigneur Jesus-Christ est à la dextre de Dieu le Pere.

Au Deuteronome, il est dit que les commandemens de Dieu ne sont pas secrets ny scellez (Deut. 30); le Psalmiste s'en desclare en ces termes Præceptum Domini lucidum. Lucerna pedibus meis verbum tuum (Ps. 18 et 118). Tout cela va bien; mais il s'entend et se doit entendre de la prédication publique et expliquée : Quomodo credent sine prædicante? Or tout ce que David, ce grand prophete, apporte, ne doit pas estre tiré indiscretement en consequence pour un chascun, ny pour un sens particulier.

Mais on objecte à tout propos : Ne dois-je pas chercher la viande de mon ame et de mon salut? Qui nye celă? il est vray neantmoins que les brebis ne vont pas d'elles-mesmes au pasturage, comme les vieilles oyes n'est-ce pas le pasteur qui leur cherche le lieu, qui les y conduict et qui les y garde? Se mocqueroit-on pas du malade presomptueux, qui voudroit chercher sa santé dans Hyppocrate, sans l'ayde du medecin? ou de celuy qui voudroit chercher son droict en justice dans le code, sans s'addresser au juge? Cherchez, luy dira-t-on, vostre santé, mais par le moyen des expers; cherchez vostre droict et le procurez, mais par les mains du magistrat. Mediocriter sanus intelligat, scripturarum expositionem ab iis esse petendam, qui earum sunt doctores, dit saint Augustin (De Morib. Eccl.). S'il est vray que personne ne pourra treuver son salut, à moins de lire et d'entendre les Escritures, que deviendront tant de pauvres idiots? Certes, ils ont un bon remede, car ils treuvent et cherchent leur salut assez suffisamment, quand ils apprennent de

la bouche de leur pasteur le sommaire de ce qu'il faut croire, esperer, et aymer, de ce qu'il faut faire et demander à Dieu. Persuadez-vous qu'en fait de doctrine, il est vray ce que dit le Sage : Melior est pauper, ambulans in simplicitate sua, quàm dives in pravis itineribus (Prov. 28); et ailleurs : Simplicitas justorum diriget eos (C. 11); et: Qui ambulat simpliciter, ambulat confidenter (C. 10). Je ne pretens pas inferer, qu'il ne faille prendre la peyne d'entendre sa creance, mais seulement qu'on ne doit pas penser treuver de soy-mesme son salut et son pasturage, sans la conduitte de ceux que Dieu a constituez pour cest effect, selon le mesme Sage: Ne innitaris prudentiæ tuæ, et ne sis sapiens apud temetipsum (Prov. 3). Ce que ne font pas ceux qui se fondent sur leur seule suffisance, et qui veulent temerairement se mesler de cognoistre toute sorte de mysteres, sans observer l'ordre que Dieu a estably, puisqu'il en a fait entre nous les uns docteurs et les autres pasteurs; non tous et chascun pour soymesme. En verité, sainct Augustin (Conf., 1. 8) advoüera que sainct Anthoine, homme indocte, ne laissoit pas de sçavoir le chemin du paradis; au contraire, luy-mesme avec toute sa science en estoit bien loin, estant alors plongé dans les erreurs des Manicheens. Je veux achever ce discours par de bons tesmoignages de l'antiquité, et citer des exemples signalez, que je vous veux laisser en forme de conclusion.

Sainct Augustin monstre evidemment que le peuple n'entend pas tousjours ce qu'il prononce dans l'Eglise, et qui a besoin d'exposition et d'interprete: Admonenda fuit charitas vestra, confessionem non esse semper vocem peccatoris ; nam mox ut hoc verbum sonuit in lingua lectoris, secutus est etiam sonus tunsionis pectoris; audito, scilicet, quod Dominus ait, Confiteor tibi, Pater, in hoc ipso quod sonuit, Confiteor, pectora vestra tutudistis; tundere autem pectus, qui est, nisi aperire quod latet in pectore, at evidenti pulsu occultum castigare peccatum? quare hoc fecistis? nisi quia auditis, Confiteor tibi, Pater: Confiteor, audistis; qui est qui confitetur, non attendistis: nunc ergo advertite (De verb. Doni). Voyez, Messieurs, comme le peuple oyoit la leçon publique de l'Evangile, et ne l'entendoit pas, sinon ce mot: Confiteor tibi, Pater, qu'il entendoit par equivoque et par coustume, parce qu'on le disoit au commencement des confessions auriculaires. Cela monstre sans doubte que la leçon se faysoit en latin, qui n'estoit pas leur langage vulgaire.

Mais ceux qui veulent voir l'estime que les catholiques ont tousjours faite de la saincte Escriture, et le respect qu'ils luy portoient, qu'ils admirent le grand et sainct cardinal Borromée, qui n'ouvroit et n'estudioit jamais ce livre sacré sans se mettre à genouilx, luy semblant qu'il alloit ouyr parler Dieu visiblement, et que telle reverence estoit deue à une si divine audience. Jamais peuple ne fut mieux instruict, eu esgard à la malice du tems, que le peuple de Milan sous ce sainct prelat; mais l'instruction du peuple fidelle ne vient pas à force de tracasser les sacrez escrits, et lisotter ceste divine parolle, ny à chanter çà et là par phantaysie et critiquerie les Psalmes de David; mais à les manyer, dire, ouyr et chanter mo

destement, et prier Dieu, avec apprehension et vuë de la majesté de Dieu, à qui on parle, de qui on lit et recite la parolle, tousjours avec ceste Preface de l'ancienne Eglise Sursum corda. Ce grand amy de Dieu, S. François d'Assise, à la glorieuse et saincte memoire duquel on celebroit hyer par tout le monde la feste anniversaire, nous monstroit un rare exemple de l'attention et reverence avec laquelle on doit prier Dieu. Voyez ce qu'en raconte le sainct et fervent docteur de l'Eglise, S. Bonaventure: Solitus erat vir sanctus horas canonicas non minus timoratè persolvere, quàm devotè; nam, licet oculorum, stomachi, splenis et hepatis ægritudine laboraret, nolebat muro, vel parieti inhærere, dum psalleret, sed horas semper erectus, et sine strepitu, non gyrovagis oculis, nec cum aliqua syncopa persolvebat: si vere esset in itinere constitutus, figebat tunc temporis gressum; hujusmodi consuetudinem reverentem et sanctam propter pluviarum inundationem non omittens, dicebat enim: Si quietè corpus cibum suum convenit sumere, cum ipsa vermium esca communem, cum quanta tranquillitate accipere debet anima cibum vitæ æternæ ?

SECTION SECONDE.

DE L'AUTHORITÉ DES TRADITIONS.

DISCOURS XXVIII.

Que l'Eglise des pretendus reformez a violé entierement les traditions apostoliques qui sont la seconde regle de la foy chres

tienne.

OUT le secret de ceste controverse consiste à bien sçavoir ce que nous entendons icy par les traditions apostoliques; voicy les parolles expresses du sainct Concile de Trente, sess. IV, parlant de la verité et integrité de la discipline chrestienne et eyangelique. Prospiciens (sancta Synodus) veritatem, et disciplinam contineri in libris scriptis, et sine scripto traditionibus, quæ ab ipsius Christi ore ab Apostolis acceptæ, vel ab ipsis Apostolis, Spiritu sancto dictante, quasi per manus traditæ, ad nos usque perneverunt; orthodoxorum exempla patrum secuta, omnes libros tàm veteris, quàm novi Testamenti (cum utriusque unus Deus sit author) nec non traditiones ipsas, tum ad fidem, tum ad mores pertinentes, tanquam vel ore tenus à Christo vel à Spiritus sancto dictatas, et continua successione in Ecclesia Catholica servatas, pari pietatis affectu, ac reverentia suscipit, et veneratur. Voylà à la verité un décret digne d'une assemblée qui pouvoit dire: Visum est Spiritui Sancto et nobis; car il n'y a presque pas un mot qui ne porte coup sur les adversaires, et qui ne leur leve toutes les armes offensives et deffensives. Car, de quoy leur profittera desormais de crier : In vanum colunt me, docentes mandata et doctrinas hominum (Is. 29); Irritum fecistis mandatum Dei, propter traditionem vestram (Matth. 15); Ne intendas fabulis Judaïcis (Tit. 1), Æmulator exis

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