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comme sainct Hierosme (Præf. in Matt.) l'atteste de l'Evangile de sainct Matthieu; en Latin, comme quelques-uns pensent de celuy de sainct Marc; et en Grec, comme on le tient des autres Evangiles (Ex pontific. Damasi. in vita Petri), qui furent les trois langues gravées sur le front de la croix de Nostre Seigneur, pour publier la predication du Crucifix (Hilar. Præf. in Psal.)? Ne porterent-ils pas l'Evangile par tout le monde? n'y a-t-il point d'autres langues que ces trois parmy tant de peuples (Act. 2)? cela ne se peut croire; et neantmoins ils ne jugerent pas expedient de diversifier en tant de langages leurs saincts escrits. Qui mesprisera donc la coustume de nostre Eglise, qui se propose pour son modelle l'usage et l'intention des Apostres? Et de cecy nous avons un beau traict dans l'Evangile (Matth. 21); car le jour que Nostre Seigneur entra en Hierusalem, les troupes alloient criant Hosanna Filio David, benedictus qui venit in nomine Domini, Hosanna in excelsis.

Mais il faut remarquer, que ceste parolle Hosanna, a esté laissée en son entier parmy les textes grecs de sainct Marc et de sainct Jean, pour signifier que c'estoit la mesme parolle du peuple. Or est-il que ce terme Hosanna, ou bien Hosianna; (car l'un vaut l'autre, selon les doctes en ceste langue), est une parolle hebraïque, non syriaque, tirée avec le reste de ceste sentence qui fut donnée à Nostre Seigneur, et tirée du Psal. 117. Ces peuples donc avoient accoustumé de réciter les Psalmes en hebrieu; neantmoins l'hebrieu n'estoit plus leur langue vulgaire. Ce qui se recognoist facilement par plusieurs textes de l'Evangile prononcé par Nostre Seigneur, qui estoient syriaques, et que les Evangelistes ont gardez : Abba Aceldama, Golgotha, Pascha, et autres, que les savans asseurent n'estre pas hebraïques, parce que le syriaque estoit devenu le langage vulgaire des Hebrieux, depuis la captivité de Babylone; de sorte que l'hebraïque, oultre le grand poids qu'elle doit avoir pour contre-balancer nos vaines curiositez, a une rayson que je tiens tres-bonne, c'est que les autres langues populaires ne sont point permanentés, elles changent de ville en ville, varient les accens, les phrases et les parolles, s'alterent et prennent le change de sayson en sayson, et de siecle en siecle. Qu'on prenne en main les memoires du sire de Joinville, ou l'histoire de Philippe de Commines, on verra que le tems a entierement changé leurs langages; et neantmoins ces historiens devoient estre des plus polis de leur aage, ayant esté tous deux nourris à la Cour. Si donc il nous estoit permis (sur tout quand il faut rendre à Dieu les services publics) de nous servir des Bibles chascun à sa mode, et en son langage, de cinquante ans en cinquante ans il faudroit remuer mesnage et tousjours corriger en adjoustant, levant ou changeant une bonne partie de la naïfveté et saincte simplicité de l'Escriture, ce qui ne se pourroit faire sans une grande perte. N'est-ce pas, apres tout, une chose plus que raysonnable, qu'une si pure regle, comme est la parolle de Dieu, soit conservée en des langues reglées et immuables, puisqu'elle ne sçauroit se maintenir en ceste parfaicte integrité dans des langues bastardes et dereglées, qui changent en tous les siecles?

Je vous advise toutesfois, que le sainct Concile de Trente ne

rejette pas et ne proscrit pas les editions vulgaires imprimées par l'authorité des Ordinaires; mais seulement il commande, avec rayson, qu'on n'entreprenne pas de les lire, ny de les produire, sans congé des superieurs : ce qui est tres-religieux, afin de ne pas mettre ce glaive affilé, et tranchant à deux costez, entre les mains de tel indiscret, qui pourroit s'egorger soy-mesme; de quoy nous parlerons cy-apres plus amplement.

Par là, vous voyez que l'Eglise ne treuve pas bon que chascun (qui sçayt lire simplement, sans autre asseurance de sa capacité que celle qu'il se persuade dans sa temerité) manye ce sacré thresor, comme en effect ce n'est pas la rayson. Je me souviens d'avoir leu dans les Essays du sieur de Montaigne, quoy que laïque, qu'il trouvoit ridicule, de voir tracasser entre les mains de toutes sortes de personnes, dans une salle ou dans une cuisine, le sainct livre des sacrez Mysteres de Dieu et de nostre creance: car, dit-il, ce n'est pas en passant ny tumultuairement qu'il faut manyer une estude si serieuse et venerable; ce doit estre une action d'estime et de sens rassis à laquelle on doit tousjours apporter pour disposition ceste preface de nostre office, Sursum corda, et y adjouster le corps mesme disposé par une contenance qui tesmoigne une particuliere attention et reverence, et je croy, dit-il, que la liberté que chascun prend de la traduire, et par ce moyen de dissiper une parolle si religieuse et importante en tant de sortes d'idiosmes, a beaucoup plus de danger que d'utilité, dans la prophanation qui s'en fait.

Le sainct Concile deffend que les prieres et services publics de l'Eglise soyent celebrez en langue vulgaire ; mais en un langage reglé, chascun selon les anciens et authentiques formulaires, appreuvez des superieurs. Ce decret est si juste, qu'il se fonde en partie sur les mesmes raysons que j'ay desduites; car, s'il n'est pas expedient de traduire ainsi, à tout propos, de province en province, le texte venerable de l'Escriture, puisque la plus grande partie des prieres et des offices qu'on recite en public est tirée de la Bible; s'il n'est donc pas bien seant ny convenable de la reciter, il l'est encore moins de la travestir en langue populaire, sans authorité des superieurs, et encore moins de la donner à manyer à toutes sortes de personnes, crainte qu'estant prononcée en vulgaire, non-seulement les vieux, mais les jeunes enfans; non-seulement les sages, mais les fols; non-seulement les hommes, mais les femmes, et enfin tous ceux qui sont incapables, pourroient y prendre occasion d'erreur ou de scandale, qui plus, qui moins, selon sa disposition. S'ils lisoient les passages de David, où il semble que ce sainct roy murmeure contre Dieu sur la prosperité des meschans, le peuple indiscret s'en pourroit flatter dans ses impatiences. S'ils escoutoient les textes où il semble demander la vengeance contre ses ennemys, leur cholere en prendroit un mauvais pretexte, pour excuser son indignation. S'ils lisoient les transperts du divin amour du Cantique des cantiques, à moins de les sçavoir spiritualiser, ils n'y profitteroient qu'en mal. Comme pourroient-ils ouyr ces parolles du prophete Ozée: Vade, et fac tibi filios fornicationis (Os. 1)? Plusieurs actions des anciens patriar

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ches ouvriroient la porte au libertinage des idiots, qui n'ont pas l'esprit de discernement. Mais de grace! examinons serieusement pourquoy on veut avoir les Escritures et le service divin en langue vulgaire? est-ce pour y apprendre la doctrine? mais certes la doctrine ne s'y peut treuver, à moins qu'on n'ayt ouvert l'escorce de la lettre, dans laquelle est contenue l'intelligence: ce que je desduiray tantost en son propre lieu. La predication sert à ce poinct (non pas la recitation simple du Service) en laquelle la parolle de Dieu est non-seulement prononcée, mais exposée par le pasteur; et qui est celuy du menu peuple, tant soit-il esclairé, qui puisse entendre sans estude les propheties d'Ezechiel, et les mysteres contenus dans les Psalmes? Que servira donc au peuple grossier de les ouyr, sinon peut-estre pour les prophaner, et les mettre en doubte? Apres tout, nous qui sommes bons catholiques, ne devons en aucune façon reduire nos offices sacrez en langage particulier; car comme nostre Eglise universelle, en tems et en lieux, elle doit aussi celebrer les offices publics en un langage qui soit universel, en tems et en lieux. Le latin parmy nous est evident, le grec en Orient; et nos Eglises en conservent l'usage, d'autant plus à propos, que nos prestres qui vont en voyage, ne pourroient dire Messe hors de leur contrée, ny les autres l'entendre.

L'unité, la conformité, et la grande estenduë de nostre saincte religion, requiert que nous disions nos prieres publiques en un langage qui soit un et commun à toutes les nations. En ceste façon, nos prieres sont universelles, par le moyen de tant de gens qui en chaque province, peuvent entendre le latin, et il semble en conscience que ceste seule rayson doit suffire; car si nous convenons du fait, nos prieres ne sont pas moins entendues en latin, qu'en françois divisons, si vous le voulez, le corps d'une respublique en trois parties, selon l'ancienne division françoise, ou selon la nouvelle, en quatre, s'il y a quatre sortes de personnes dans un Estat: les ecclésiastiques, les nobles, ceux de robbe, et le populaire. Les trois premiers entendent le latin, ou le doivent entendre reste le dernier rang, duquel encore une grande partie l'entend, le reste pour vray si on ne parle le langage corrompu de leur contrée, à grand peine pourroit-il comprendre le simple recit naturel et litteral des Escritures. Ce tres-excellent theologien Robert Bellarmin dyt, pour l'avoir apprins de lieu tres-asseuré qu'une bonne femme ayant ouy lire en Angleterre, par un ministre, le chapitre de l'Ecclesiaste (quoy qu'ils ne le tiennent que pour livre ancien, non pas pour canoniqne), où il est discouru de la malice des femmes, elle se leva, disant: Hé quoy! c'est là la parolle de Dieu? non, mais celle du diable. Il cíte de Theodoret Hist., 1. 4, 17) un bon et juste mot de sainct Basile le Grand : Un cuisinier, dyt-il, de la mayson de l'Empereur, voulant faire l'entendu, si mit à produire certains passages de l'Escriture, mais ce grand et pieux evesque luy repartit : Tuum est de pulmento cogitare, non dogmata divina decoquere; comme s'il eust voulu dire: Meslez-vous de gouster vos sausses, non pas de gourmander la divine parolle.

DISCOURS XXVI.

La prophanation des Escritures se void encore en la facilité que pretendent nos freres abusez, dans l'intelligence de leurs mysteres et de leurs sens cachez.

IN verité, l'imagination doit avoir grande force sur les entendemens des Huguenots, puisqu'elle leur persuade si fermement, et à vous aussi qui les suivez, ceste grande absurdité, que les Escritures sont aysées à interprester, et que chascun les peut entendre. De vray, pour produire les traductions vulgaires avec quelque honneur, il falloit parler en ceste maniere; mais dites-moy la verité, pensez-vous que les sages entrent dans vostre sentiment? les treuvez-vous si aysées que vous le dites? les entendez-vous bien? Si vous le pensez, j'admire vostre creance, qui est non-seulement contre l'experience, mais contre ce que vous voyez et sentez en vous-mesmes. S'il est ainsi, que l'Escriture soit aysée à entendre, à quoy bon tant de commentaires de vos ministres ? à quel propos tant d'harmonies? à quoy servent ces escholes de theologie? Il ne faut, dites-vous, que la doctrine de la pure parolle de Dieu en l'Eglise; mais où est ceste parolle de Dieu? En l'Escriture. Et l'Escriture est-ce quelque chose de bien secret? Non, car vous enseignez tout le contraire. A quoy sert donc ce grand nombre d'interpretateurs et de predicans? Si vous estes fidelles, yous y entendrez autant qu'eux; renvoyez-les aux infidelles, et gardez seulement quelques diacrés pour vous donner le morceau de pain, et verser le vin de vostre disner. Si vous pouvez vous repaistre vous-mesmes au champ de l'Escriture, qu'avez-vous affaire de pasteurs? quelque jeune innocent et petit enfant qui sçaura lire, en fera la rayson. Mais d'où vient ceste discorde si frequente et irreconciliable qui est entre vous autres et les freres de Luther, sur ces parolles: Cecy est mon Corps, et sur la justification? Certes, sainct Pierre n'est pas de vostre advis, qui advertit en sa secondé Epistre que dans les lettres de sainct Paul, il y a de certains traicts si difficiles, que les ignorans et remuans les despravent, comme le reste de l'Escriture, à leur propre malheur (11. Petr. 3). L'eunuque tresorier general d'Ethyopie estoit fidelle, puis qu'il estoit venu adorer au Temple de Hierusalem, il lisoit Isaye, il lisoit tout clair les parolles, et neantmoins sans les entendre, puisqu'il demandoit, de quel prophete vouloit parler ce qu'il y avoit leu (Act. 8). Certes, il n'en avoit pas l'intelligence ny l'esprit, comme luy-mesme le confessoit: Et quomodo possum, si non aliquis ostenderit mihi? Non-seulement il ne les entendoit pas, mais il confessoit son insuffisance, qui avoit besoin d'estre enseignée; et nous verrons parmy yous une simple femme se vanter d'entendre aussi bien l'Escriture que sainct Bernard! Ne cognoissez-vous pas icy l'esprit de division? Il faut, dit-il, leur faire croire que l'Escriture saincte est tres-aysée, afin que chascun la lise, qui çà, qui là; que chascun s'en fasse le maistre, et qu'elle serve aux opinions et aux phantaysies d'un chascun. Au contraire, David tenoit l'Escriture bien mal-aysée, quand il disoit: Da mihi intellectum, ut discam mandata tua. Si on

vous a laissé l'Epistre de sainct Hierosme ad Paulinum, en la preface de vos Bibles, lisez-la; car il entreprend ceste cause tout exprez. Sainct Augustin en parle en mille endroicts, mais surtout en ses Confessions; et en l'Epistre 119, où il confesse d'ignorer beaucoup plus en l'Escriture, qu'il n'y sçayt. Origene, et sainct Hierosme, celuy-là en sa Preface sur les Cantiques, celuy-cy en la sienne sur Ezechiel, observent qu'il n'estoit pas permis aux Juifs, devant l'aage de 30 ans, de lire les trois premiers chapitres de la Genese, le commencement et la fin d'Ezechiel, ny le Cantique des cantiques, pour la profondeur de leurs difficultez, en laquelle peu de gens peuvent nager sans s'y perdre. Et maintenant, ô Dieu! chascun en parle, chascun en juge, chascun s'en fait accroire. Or, combien est grande la prophanation des Escritures de ce costé, personne ne le sçauroit suffisamment penser, qui ne l'auroit veu. Pour moy, je diray ce que je sçay, et je ne mentiray point : J'ay veu une personne en bonne compaignie, à qui, dans un entretien familier, on proposa la sentence de Nostre Seigneur : Qui percutit te in maxilla, prebe ei et alteram (Luc. 6). Elle l'entendit incontinent en ce beau sens: Que comme pour flatter un enfant qui estudie bien, on luy donne legerement un petit coup sur la joue, pour l'inciter à mieux faire ainsi vouloit dire Nostre Seigneur, à celuy que tu treuveras bienfaysant, et à qui tu te conseilleras, fais si bien qu'il ayt occasion une autre fois de te consoler et de te flatter, ou amadouer des deux costez. Ne voylà pas un sens rare et admirable? Mais la rayson estoit encore plus belle, parce que, adjousta ceste personne, entendre ce texte autrement, et à lá lettre, seroit contre nature; et il faut interpreter l'Escriture bonnement par l'Escriture. Neantmoins, Messieurs, nous trouvons que Nostre Seigneur n'en fit pas de mesme, quand le serviteur le frappa; accordez vostre sens avec l'exemple. Un homme de bien, et qui, á mon advis, ne voudroit pas mentir, m'a raconté, qu'il avoit ouy dire à un ministre en ce païs, traittant de la Nativité de Nostre Seigneur, qu'il s'asseuroit qu'il n'estoit pas nay en une cresche, qu'on devoit exposer le texte (qui est expressement contraire) paraboliquement, disant : Nostre Seigneur dit bien qu'il est la vigne, et il ne l'est pas pour cela de mesme, encore qu'il soit dit qu'il est nay dans une cresche, il n'y est pas nay pour cela, mais en quelque lieu honnorable, qui, en comparayson de sa grandeur, se pouvoit appeller une cresche, ou une ecurie. Ceste interpretation est merveilleuse, et je la cite d'autant plus volontiers, que celuy de qui je la tiens, estoit un homme particulier et sans estude, qui ne l'auroit pas controuvée. Quoy qu'il en soit, n'est-ce pas une chose bien estrange, de voir comme ceste suffisance pretendue fait prophaner l'Escriture saincte? N'est-ce pas accomplir sans doubte ce que dit Dieu en Ezechiel (34) : Nonne satis vobis erat pascua bona depasci? insuper, et reliquias pascuarum vestrarum conculcastis pedibus.

et

Mais entre toutes les prophanations, il me semble, Messieurs, que celle-cy se fait voir eminente par dessus les autres, que dans vos temples publiquement, dans les villes, dans les champs, et dans les boutiques, on chante la rimaillerie des Psalmes dé Marot,

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