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escrivent ainsi en l'article quatriesme: Nous cognoissons ces livres pour tres-canoniques, et regle tres-certaine de nostre foy, non tant par le commun accord et consentement de l'Eglise, que par le tesmoignage et persuasion du Sainct-Esprit, qui les nous fait discerner d'avec les autres livres ecclesiastiques. Quittant donc le champ des raysons precedentes pour se mettre à couvert, ils se jettent sur l'interieure, secrette et invisible persuasion, qu'ils estiment parfaicte en eux par le Sainct-Esprict.

A la verité, c'est bien procedé entre eux, de ne vouloir point s'appuyer en cest article sur le commun accord et consentement de l'Eglise, puisque ce commun accord a canonizé l'Ecclesiastique et les Machabées, tout autant et aussi-tost que l'Apocalypse; neantmoins ils veulent recevoir celuy-cy, et rejetter ceux-là: Judith est authorisée par le grand, premier et irreprochable Concile de Nicée, mais il est biffé de mesme par les reformateurs. Ainsi ils pretendent avoir rayson de confesser, qu'en la reception des livres canoniques, ils ne reçoivent point l'accord et consentement de l'Eglise universelle, qui ne fut oncques plus grand, ny plus solemnel qu'en ce premier Concile general.

Mais, mon Dieu! voyez la fine ruse de ces Messieurs: Nous cognoissons, disent-ils, ces livres estre canoniques, non tant par le commun accord de l'Eglise. A les ouyr parler, ne diriez-vous pas qu'au moins en quelque façon ils se laissent guider par la doctrine de l'Eglise? leur parler n'est-il pas tout franc? il semble qu'ils ne refusent pas entierement de donner credit au commun accord des chrestiens, mais que seulement ils ne le reçoivent pas en mesme degré, que leur persuasion interieure ; et neantmoins ils n'en tiennent aucun compte, et ne marchent ainsi retenus en leur langage, que pour ne paroistre pas du tout incivils et desraysonnables. Car, je vous prie, s'ils defferoient tant soit peu à l'authorité ecclesiastique, pourquoy recevroient-ils plutost l'Apocalypse, que Judith et les Machabées, desquels sainct Augustin et sainct Hierosme nous sont fidelles tesmoins, qu'ils ont esté receus unanimement de toute l'Eglise catholique? les Conciles de Carthage, de Trulle, de Florence nous en asseurent: pourquoy disent-ils donc qu'ils ne reçoivent pas les livres sacrez, tant par le commun accord de l'Eglise que par l'interieure persuasion, puisque le commun accord de l'Eglise n'y tient ny rang ny lieu? C'est leur coustume, quand ils veulent produire quelque opinion estrange, de ne parler pas clair, afin de laisser à penser aux lecteurs quelque chose de mieux, et les embarrasser pour les surprendre.

Maintenant, s'il vous playst, examinons quelle regle ils ont prinse, pour discerner les livres canoniques d'avec les autres ecclesiastiques. Le tesmoignage, disent-ils, et persuasion du Sainct-Esprit. O Dieu! quelles cachettes, quels brouillards, quelles nuicts! ne nous voylà pas bien esclairez en un si important et grave differend? On demande comme l'on peut cognoistre les livres canoniques? on voudroit bien avoir quelques regles à l'escart pour les discerner, et on nous produict ce qui se passe en l'interieur de l'ame, que personne ne void, que personne ne cognoist, sinon l'ame mesme, et son Createur!

1° Monstrez-moy clairement que ces inspirations et persuasions que vous pretendez, sont du Sainct-Esprit et non du feint Esprit; qui ne sçayt que l'esprit de tenebres se travestit souvent en habict de lumiere?

20 Monstrez-moy nettement que lorsque vous me dites que telles et telles inspirations se passent en vostre conscience, vous ne me mentez point, vous ne me trompez point? Vous m'asseurez que vous sentez ceste persuasion en vous; mais pourquoy suis-je obligé de vous croire? vostre parolle est-elle si puissante que je sois forcé, sous son authorité, de croire que vous pensez et sentez ce que vous dites? je vous veux tenir pour gens de bien; mais quand il s'agit des fondemens de ma foy (comme est dé recevoir ou de rejetter les escritures ecclesiastiques), je ne treuve ny vos pensées, ny vos parolles assez fermes, pour me servir de base.

3. Cest esprit envoye-t-il ses persuasions indifferemment à chascun de vous, ou seulement à quelques-uns en particulier? si à chascun; et que veut dire que tant de millions de catholiques ne s'en soyent jamais apperceus? ny tant de femmes, artizans, laboureurs, et autres parmy vous, ne s'en soyent convaincus ? si c'est à quelques-uns en particulier, monstrez-les-moy, je vous en prie; et pourquoy à ceux-là plutost qu'aux autres? quelle marque mé les fera cognoistre, et tirer de la foule du reste des hommes ? me faudra-t-il croire au premier qui me dira d'en estre creu? ce seroit certes nous mettre à l'abandon et trop à la mercy des seductcurs; monstrez-moy donc quelques regles infaillibles pour cognoistre ces inspirez et persuadez, ou permettez-moy de n'en croire pas un.

40 Mais en conscience, vous semble-t-il que l'interieure persuasion soit un moyen suffisant, pour discerner les sainctes Escritures, et mettre les peuples hors de doubte? que veut donc dire, que Luther rascle l'Epistre de sainct Jacques, laquelle Calvin reçoit: accordez un peu, je vous prie, cest esprit si divers, et sa persuasion, qui inspire à l'un de rejetter, ce qu'il persuade à l'autre de recevoir ? Vous dites, peut-estre que Luther se trompe; il en dit autant de vous, à qui croire des deux? Luther se mocqué de l'Ecclesiaste, et tient Job pour une fable; luy opposerez-vous vostre persuasion, il vous opposera la sienne: ainsi cest esprit, se combattant soy-mesme, ne vous laissera aucune autre resolution, que de vous bien opiniastrer de part et d'autre.

5o De plus, quelle rayson avez-vous de croire que le SainctEsprit aille inspirant ce que chascun doit croire, à des je ne sçay qui, à Luther, à Calvin, qui ont abandonné avec ceste belle inspi ration, les Conciles et l'Eglise tout entiere? nous ne voyons pas à parler clairement, que la cognoissance des vrays livres sacrez soit un don du Sainct-Esprit, dans les hommes particuliers, comme tels; mais nous disons, que le Sainct-Esprit la bonne aux particuliers, par l'entremise de l'Eglise.

Certes, quand Dieu auroit revelé mille fois une chose à quelque fidelle en particulier, nous ne serions pas obligez de le croire pour cela, sinon que Dieu le marquast tellement, que nous ne pussions

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plus revoquer en doubte sa fidellité mais nous ne voyons rien tel en vos reformateurs. En un mot, c'est à l'Eglise generale, à qui le Sainct-Esprit addresse immediatement ses inspirations et persuasions pour le bien commun des chrestiens, et ensuite, par les predications de l'Eglise, il les communique aux particuliers. C'est l'Espouse en laquelle le laict est engendré, puis les enfants le succent de ses mammelles; mais vous voulez au rebours que Dieu inspire aux particuliers, et par leur moyen à l'Eglise; c'est-à-dire que les enfants donnent le laict, et que la mere soit nourrie à leurs tettins, ce qui est une chose absurde.

Si l'Escriture n'est pas violée, et sa majesté mesprisée par l'establissement de ses interieures et particulieres inspirations, jamais elle ne fut, et ne sera jamais violée; car ainsi la porte est ouverte à un chascun, de recevoir ou rejetter des Escritures ce que bon luy semblera. Hé! de grace! pourquoi permettra-t-on plutost à Calvin de rascler la Sapience et les Machabées, qu'à Luther de lever l'Epistre de sainct Jacques et l'Apocalypse, ou à Castalio, le Cantique des cantiques, ou aux Anabaptistes, l'Evangile de sainct Marc, ou à un autre, la Genese et l'Exode? Si tous protestent de l'interieure revelation, pourquoy croira-t-on plutost l'un que l'autre ? Ainsi ceste regle secrette, sous pretexte du Sainct-Esprit, demeure dereglée, par la temerité de chaque seducteur.

Cognoissez, je vous prie, le stratagème on a levé toute l'authorité à la traduction, aux Conciles et à l'Eglise; que demeuret-il plus? l'Escriture? L'ennemi est bien fin s'il la vouloit arracher tout à coup, il donneroit l'alarme; mais il establit un moyen certain et infaillible pour la lever piece apres piece, tout bellement; car, par ceste opinion de l'interieure inspiration, par laquelle chascun peut recevoir ou rejetter ce que bon lui semble, on ose tout; et de fait, voyez un peu le progrez de ce dessein.

Calvin oste et rascle du canon Baruch, Tobie, Judith, la Sapience, l'Ecclesiaste et les Machabées. Luther leve l'Epistre de sainct Jacques, de sainct Jude, la 2e de sainct Pierre, la 2e et 3° de sainct Jean, l'Epistre aux Hébrieux; il se mocque de l'Ecclesiaste, il tient Job pour un conte. En Daniel, Calvin a biffé le Cantiqué des trois enfants, l'histoire de Suzanne, et celle du dragon de Beel; de plus, une grande partie d'Esther; en l'Exode on a levé à Geneve et ailleurs parmy ces reformeurs le 22o verset du 2o chapitre, lequel est de telle substance, que ny les Septante interpretes, ný les autres traducteurs ne l'auroient jamais escrit, s'il n'eust esté dans les originaux. Beze met en doubte l'histoire de l'adultere, en l'Evangile de sainct Jean. Sainct Augustin nous asseure que desjà les ennemis du christianisme l'avoient rayé de leurs livres, mais non pas de tous, comme dit sainct Hierosme. Dans les mysterieuses parolles de l'Eucharistie, ne veut-on pas esbranler l'authorité de ce mot, Qui pro vobis fundetur, parce que le texte grec monstre clairement, que ce qui est dans le calice n'est pas du vin, mais le sang du Sauveur; comme qui diroit en françois Ceci est la coupe du Nouveau Testament, en mon sang, laquelle sera respanduë pour tous. Car ceste façon de parler desclare que ce qui est dans la coupe doit estre le vray sang, non le vin, puisque le vin n'a pas

esté respandu pour nous, mais le sang, et que la coupe ne peut estre versée qu'à rayson de ce qu'elle contient. Voylà le cruel cousteau avec lequel on a fait tant de retranchemens. A dire vray, l'opinion de ces inspirations particulieres, est ce qui fait si hardys vos reformeurs à rascler, l'un ceste piece, l'autre celle-là, et l'autre une autre, car c'est là le pretexte de ces interieures persuasions de l'esprit, qui les rend souverains, chascun chez soy, au jugement de la validité ou invalidité des Escritures. Au contraire, voicy ce que sainct Augustin proteste: Ego verò Evangeliis non crederem, nisi me catholicæ Ecclesiæ commoveret auctoritas. C'est-à-dire, je ne croirois pas à l'Evangile, si l'authorité de l'Eglise ne m'esmouvoit. Et ailleurs: Novum et vetus Testamentum in illo librorum numero recipimus, quem Sanctæ Ecclesiæ Catholicæ tradit auctoritas. C'est-à-dire, nous recevons le Vieil et le Nouveau Testament, au nombre des livres que l'authorité de la saincte Eglise catholique nous propose. Le Sainct-Esprit peut inspirer qui bon luy semble; mais, en ce qui concerne l'establissement de la foy publique et generale des fidelles, il ne nous addresse qu'à l'Eglise : c'est à elle de proposer quelles sont les vrayes Escritures, et quelles non. Cela ne veut pas dire qu'elle puisse donner la verité et la certitude à l'Escriture, mais seulement qu'elle peut nous faire certains et nous rendre asseurez de la certitude d'icelle : L'Eglise ne sçauroit rendre un livre canonique, s'il ne l'est de soy-mesme; mais elle peut le fayre recognoistre pour tel, non pas changeant la substance du livre, mais en determinant la persuasion des chrestiens, en se rendant toute asseurée de ce dont elle estoit doubteuse. Que si jamais nostre Redempteur deffend son Eglise contre les portes d'enfer, si jamais le Sainct-Esprit l'inspire et la conduict, c'est en ceste occasion, car ce seroit la laisser du tout et l'abandonner au besoin, s'il la laissoit en ce cas, duquel despend le gros de nostre religion. Pour vray, nous serions tres-mal asseurez, si nous appuyions nostre foy sur ces particulieres inspirations interieures, que nous ne sçavons point, ignorant mesme si elles sont, ou furent jamais, que par le tesmoignage de certains particuliers; et supposé mesme qu'elles soyent, ou ayent esté, nous ne cognoissons point si elles sont du vray ou faux esprit, et nous ne sçavons si ceux mesmes qui les recitent (supposé qu'elles soyent du vray Esprit) les recitent 'fidellement, ou non, puis qu'ils n'ont à nostre esgard aucune marque d'infaillibilité : nous meriterions, sans doubte, d'estre abymez, si nous nous jettions hors le navire de l'Eglise, pour voguer dans le miserable esquif de ces persuasions particulieres, nouvelles et discordantes. Nostre foy ne seroit plus catholique, mais particuliere, et schismatique.

Avant que je parte d'icy, je yous prie, Messieurs les reformateurs, dites-moy où vous avez prins le canon des Escritures que vous suivez? Vous ne l'avez pas prins des Juifs, car les livres evangeliques n'y seroient pas; ny du Concile de Laodicée, car l'Apocalypse n'y seroit pas; ny du Concile de Carthage ou de Florence, car l'Ecclesiastique et les Machabées y seroient: où l'avez-vous donc prins? Pour vray, jamais il ne fut parlé de semblable canon des Escritures, avant vous, parce que l'Eglise ne vid oncques aucun

canon des Escritures, où il n'y eust, ou plus, ou moins qu'au vostre. Quelle apparence y a-t-il que le Sainct-Esprit se soit celé à toute l'antiquité, et qu'apres mille cinq cens ans, il ait descouvert à quelque particulier le rosle des vrayes Escritures? Pour nous nous suivons exactement la liste du Concile Laodiceen, avec l'addition faite aux Conciles de Carthage et de Florence; jamais homme de jugement ne laissera ces saincts Conciles, pour suivre les persuasions des particuliers. Voylà l'origine et la source de toute la violation qu'on a faite de ceste saincte regle, quand on s'est imaginé de ne la recevoir, qu'à la mesure et reglé des inspirations que chascun croit et pense avoir.

DISCOURS XXIII.

Modifications des deux précédents.

Les reformateurs de l'Eglise pretenduë ont violé l'integrité
des sainctes Escritures.

ENFIN, apres les choses cy-dessus dites, comme pourroit une bonne ame s'empescher de donner cours à l'ardeur d'un sainct zele, et d'entrer en une chrestienne cholere (Ps. 4), sans pecher? considerant avec quelle temerité, ceux qui ne font que crier l'Escriture, l'Escriture, ont mesprisé, avily, et prophané ce divin Testament du Pere eternel; comme ils ont falsifié ce sacré contract d'une si celebre allyance. O Calvin! O Luther! comme osez-vous biffer, tronquer, et mutiler tant de nobles parties du sacré texte des bibles? Vous ostez Baruch, Tobie, Judith, la Sapience, l'Ecclesiastique, les Machabées pourquoy demembrez-vous ainsi la saincte Escriture? qui vous a dit qu'ils ne sont point sacrez? l'on en doubta en l'ancienne Eglise; mais n'a-t-on pas doubté en l'ancienne Eglise (Euseb., Hist., l. 3 et 4; Hieron. ad Dardan.), d'Esther, de l'Epistre aux Hebrieux, de celle de S. Jacques, de S. Jude, de la seconde de S. Pierre, et des deux dernieres de S. Jean, et sur tout de l'Apocalypse? Que ne rayez-vous aussi bien ceux-cy, que vous avez fait ceux-là? advoüez franchement, que ce que vous en avez fait, ce n'a esté que pour contredire l'Église. Il vous faschoit de voir dans les Machabées l'intercession des Saincts, et la priere pour les trespassez; l'Ecclesiastique vous picquoit, en ce qu'il attestoit du liberal arbitre, et de l'honneur des reliques des gens de bien. Plutost que de forcer vos cervelles, et les adjuster à l'Escriture, vous avez violé leur integrité, pour les accommoder à vos erreurs et à vos passions; vous avez retranché la saincte parolle pour ne retrancher point vos phantaysies: comme vous laverezvous devant Dieu de ce sacrilege? Avez-vous degradé les Machabées, l'Ecclesiastique, Tobie, et les autres, parce que quelquesuns des anciens Peres ont doubté de leur authorité ? Pourquoy recevez-vous donc les autres livres desquels on a doubté, autant et peut-estre plus que de ceux-cy? que leur pouvez-vous opposer, sinon que leur doctrine vous est mal-aysée à concevoir ? Ouvrez le cœur à la foy, et vous concevrez aysement ce dont vostre incredulité vous prive: parce que vous ne voulez pas croire ce qu'ils en

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