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Supposez donc que Nostre Seigneur deffend son Eglise contre les portes de l'enfer, et que le Sainct-Esprit s'est obligé de l'assister, pour pouvoir dire avec luy: Visum est Spiritui Sancto, et nobis, il faut fermement croire qu'il l'inspire, principalement en ces occasions de si grande consequence; car ce seroit bien la laisser au besoin, s'il l'abandonnoit en ceste rencontre, d'où despend nonseulement un article ou deux de nostre foy; mais le gros de nostre religion. Quand donc l'Eglise a desclaré qu'un livre est canonique, nous ne devons jamais doubter qu'il ne le soit : nous avons mesme en ce faict le sentiment de nos adversaires, car les bibles de Calvin, de Geneve, et des Lutheriens, reçoivent plusieurs livres pour saincts, sacrez et canoniques, qui n'ont pas esté advoüez par tous les anciens, pour tels, et desquels l'on a esté longtems en doubte. Si l'on a doubté cy-devant, quelle rayson peuvent-ils avoir pour les rendre asseurez et certains aujourd'huy? sinon celle que produict S. Augustin Ego verò Evangelio non crederem, nisi me catholicæ Ecclesiæ commoveret auctoritas (Contra Epist. fundam.). Ou, comme il dit ailleurs : Novum et vetus Testamentum, et illos libros numero recipimus, quos sanctæ Ecclesiæ catholicæ tradit auctoritas (Ser. 191, de Tempore).

DISCOURS XXI.

La premiere violation des sainctes Escritures faite par les reformateurs, dans le retranchement de plusieurs parties des Livres

sacrez.

ANS ce catalogue des livres sacrez et canoniques, yous voyez ceux que l'Eglise a receus et recogneus unanimes depuis plus de douze cens ans. Or, je vous prie, Messieurs, avec quelle authorité ont osé, vos nouveaux reformateurs, biffer tout en un coup tant de nobles parties de la Bible? Ils ont rasclé une partie d'Esther, Baruch, Tobie, Judith, la Sapience, l'Ecclesiastique, et les Machabées; qui leur a dit que ces livres ne sont pas legitimes et recevables? Pourquoy demembrent-ils ainsi ce sacré corps des sainctes Escritures?

Voicy leurs raysons principales, à ce que j'ay peu recueillir de la vieille Preface qu'ils ont attachée devant les livres pretendus apocryphes, imprimez à Neuf-chatel, de la traduction de Pierre Robert, autrement nommé Olivetanus, parent et amy de Calvin; et encore dans les observations faites sur la nouvelle edition des mesmes livres, par les professeurs et pasteurs pretendus de l'Eglise de Geneve l'an 1588. 10 Il ne se treuve, disent-ils, ny en hebrieu, ny en chaldée, ny en quelles autres langues, ces livres ont jadis esté escrits (excepté peut-estre le livre de la Sapience). Ainsi ce seroit, selon leur pensée, une trop grande difficulté de les restituer. 20 Ils ne sont point receus comme escritures legitimes par les Hebrieux, 3o ny mesme de toute l'Eglise. 4° Sainct Hierosme desclare franchement qu'ils ne sont point assez solides pour corroborer l'authorité de la doctrine ecclesiastique. 5o Le droit canon en fait un pareil jugement (Canones, dist. 17, de Sancta Rom.). 6o La Glose dit

S. Francois. -3

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qu'on les lit, mais non point generalement, comme si elle vouloit entendre, que generalement partout ils ne sont point appreuvez. 70 Ils ont esté corrompus et falsifiez, comme le dit Eusèbe (l. Iv, c. 2). 8° Et principalement les Machabées. 9° Plus specialement le second livre que sainct Hierosme asseure n'avoir point treuvé en hebrieu. Voylà les raysons d'Olivetanus. 10° Adjoustez à cela, qu'il y a dans ces livres plusieurs choses tres-fausses, à ce que dit la nouvelle Preface. Voyons maintenant que valent ces belles observations.

10 Pour la premiere. Estes-vous d'avis, Messieurs, de ne recevoir pas ces livres, parce qu'ils ne se treuvent pas en hebrieu et en chaldée? recevez au moins Tobie, car sainct Hierosme (Ad Cremat. et Theodor.) atteste qu'il l'a traduict du chaldée en latin; vous l'advoüez en l'Epistre que vous citez vous-mêmes, ce qui me fait croire que vous n'estes pas des gens à la bonne foy. Et Judith, pourquoy non? il a esté tres-bien escrit en langue chaldaïque, comme dit le mesme sainct Hierosme en son Prologue. Si ce Pere confesse, qu'il n'a peu treuver le 2e des Machabées en hebrieu, au moins recevez le premier tousjours en bon compte, puis qu'il s'est treuvé par luy en hebrieu : nous traitterons par apres du second. Je vous diray de mesme de l'Ecclesiastique, que sainct Hierosme a leu et treuve en hebrieu, comme il s'en explique en sa Preface sur le livre de Salomon.

Que si vous rejettez esgalement ces livres escrits en hebrieu et en chaldée, avec les autres qui ne sont pas escrits en même langage, il vous faut chercher un autre pretexte que celuy que vous avez allegué pour proscrire ces livres du Canon, puisque vous n'avez plus rayson de les rejetter, par ce simplement qu'ils ne sont point escrits en hebrieu ny en chaldée. Ce n'est pas cela, car vous ne rejetteriez pas à ce compte Tobie, ny Judith, ny le premier des Machabées, ny l'Ecclesiastique, qui sont escrits en hebrieu et en chaldée. Mais parlons maintenant pour les autres livres, qui sont escrits en autres langues que celles que vous voulez, pour vous eschapper.

Où treuverez-vous que la regle, pour bien recevoir les sainctes Escritures, soit qu'elles soyent escrites en ces langues-là, plutost qu'en grec et en latin? Vous dites qu'il ne faut rien admettre, en matiere de religion, que ce qui est escrit en ces deux langues, et vous apportez en vostre belle preface le dire des jurisconsultes : Erubescimus sine lege loqui. Peut-estre vous semble-t-il que la dispute qui se fait, sur la validité ou invalidité des Escritures, ne soit pas une des plus importantes en matiere de religion? Sus donc, ou demeurez honteux, ou produisez la mesme saincte Escriture pour conclurre la negative que vous soustenez. Certes, le Sainct-Esprit se desclare aussi bien en grec qu'en chaldée. On auroit, dites-vous, une grande difficulté de les restituer, puis qu'on ne les a pas en leur langue originaire; est-ce cela qui vous fasche?

Mais de grace! dites-moy qui vous a dit qu'ils se sont perdus, corrompus et alterez, pour avoir besoin de restitution? vous presupposez sans doubte, que ceux qui les avoient traduicts sur l'original, avoient mal traduict, et vous voudriez avoir l'original, pour le collationner et le rapporter. Faites-vous donc entendre, et dites

qu'ils sont apocryphes, parce qu

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n'en pouvez pas estre vousno pouvez vous ༥-

mesmes les traducteurs sur l'original, eu
fier au jugement du traducteur: ainsi il n'y aura rie

"ré, que le

ce que vous aurez controslé vous-mesmes. Monstrez-moi co d'asseurance en l'Escriture: estes-vous bien certains d'avon les textes hebrieux des livres du premier rang, aussi purs et aussi nets comme ils estoient au tems des Apostres et des Septante? gardez de vous mesprendre, en verité, vous ne les suivez pas tousjours, et vous ne sçauriez le faire en conscience, si vous ne pouvez me monstrer cecy en la saincte Escriture. Voylà vostre premiere rayson bien deraysonnable.

20 Pour la seconde, vous dites que ces livres, que vous appellez apocryphes, ne sont point receus par les Hebrieux; vous ne dites rien de nouveau, ny d'important. Sainct Augustin proteste bien haut (De Civ. Dei, 1. 18, 38): Libros istos Machabæorum non Judæi, sed Ecclesia Catholica pro Canonicis habet. C'est-à-dire, ce ne sont pas les Juifs, mais l'Eglise catholique tient les livres des Machabées pour canoniques; graces à Dieu, nous ne sommes pas Juifs, nous sommes Catholiques. Monstrez-moy par l'Escriture que l'Eglise chrestienne n'ayt pas autant de pouvoir, pour authoriser les livres sacrez, qu'en avoit la loy mosaïque; il n'y a en cela ny Escriture, ny rayson qui le nye.

30 Pour la troisiesme. Toute l'Eglise mesme ne les reçoit pas, dites-vous; de quelle Eglise entendez-vous parler? Certes, l'Eglise catholique, qui est la seule vraye Eglise, les reçoit, comme sainct Augustin vient de vous l'attester tout maintenant, et le preuve encore (De Doctr. chr., cap. 8) en citant le Concile de Carthage, celuy de Trulle, 6e general, celuy de Florence; cent autheurs anciens en sont tesmoins irreprochables, avec sainct Hierosme (in Præfat.) nommement, qui desclare pour celuy de Judith, qu'il fut receu au Concile premier de Nicée.

Peut-estre voulez-vous nous apprendre qu'anciennement quelques catholiques doubterent de leur authorité? c'est selon la division que j'ay remarquée cy-dessus; mais quoy! le doubte de ceux-là pouvoit-il empescher la resolution de leurs pasteurs et superieurs? est-ce à dire que si l'on n'est pas tout au premier coup resolu d'une verité, il faille tousjours demeurer en bransle, incertain et irresolu? ne fut-on pas en doubte, pour un tems, de l'Apocalypse, du livre d'Esther, vous n'oseriez le nyer, j'ay trop de bons tesmoins. Pour le livre d'Esther, sainct Athanase et sainct Gregoire de Nazianzene; pour l'Apocalypse, le Concile de Laodicée; et neantmoins vous les recevez. Recevez-les donc tous, puis qu'ils sont d'esgale condition, ou n'en recevez point du tout, par la mesme rayson. Mais, au nom de Dieu! quelle humeur vous prend-il d'alleguer icy le credit de l'Eglise, l'authorité de laquelle vous tenez cent fois plus incertaine que ces livres mesmes, et que vous dites avoir esté un phantosme inconstant, voire mesme apocryphe, si apocryphe veut dire cachée. Vous ne la prisez en ce fait, que pour la mespriser, et la faire paroistre sans fermeté, en advoüant, ou en desadvoüant ses livres; mais il y a bien de la difference entre doubter d'une chose, si ellé est recevable, et la rejetter: le doubte n'empesche pas la resolu

tion suivante, c'en est un preambule; au contraire, rejetter presuppose resolution. Estre doubteux, ce n'est pas changer en doubte apres la resolution, mais changer en resolution apres le doubte : ce n'est pas instabilité de s'affermir apres l'esbranlement, mais ouy bien de s'esbranler apres l'affermissement. L'Eglise donc, ayant pour un tems laissé ces livres en doubte, enfin elle les a receus en resolution authentique, et vous voulez que de ceste resolution elle retourne au doubte: c'est vous mocquer de sa sagesse; car cecy est le propre de l'heresie, non de l'Eglise, de profitter ainsi de mal en pis. Mais de cecy ailleurs.

4o Pour la quatriesme de vos raysons, celle que vous alleguez de sainct Hierosme n'est point à propos, puisque de son tems, l'Eglise n'avoit pas encore prins la resolution qu'elle a prinse depuis, touchant la canonization de ces livres, excepté celuy de Judith.

50 Pour la cinquiesme, le Canón Sancta Romana, qui est de Gelase pape, que vous citez en preuve, ne fait point en vostre faveur; vous l'avez rencontré à tastons, car il est tout contre vous-mesmes, puisque censeurant les livres apocryphes sur la fin du Canon, il n'en obmet pas un de tous ceux que nous recevons; au contraire, il atteste que Tobie et les Machabées estoient receus publiquement en l'Eglise chrestienne.

6o Pour la sixiesme, la pauvre Glose ne merite pas que vous la glosiez ainsi, puisqu'elle dit fort clairement, que ces livres sont leus (Can. v, distinct. 16); mais non peut-estre generalement, ce peut-estre la garde de mentir, et vous l'avez tronqué, ou oublié. Que si la Glose met ces livres icy, dont il est question, comme apocryphes, avec celuy des Juges, sa sentence n'est pas si authentique, qu'elle passe en definitive; car enfin ce n'est qu'une Glose.

70 Pour la septiesme, ces falsifications pretendues que vous alleguez, ne sont en aucune façon suffisantes, pour abolir l'authorité de ces livres, parce qu'ils ont esté justifiez, et epurez de toute corruption, avant que l'Eglise les receut. Certes, il est trop vray, que tous les livres de la saincte Escriture ont esté corrompus par les anciens ennemys de la saincte Eglise, dans leurs traductions; mais par la providence de Dieu, ils sont demeurez francs et nets en la main de l'Eglise, comme dans un sacré depost, et jamais l'ennemy n'a peu gaster tant d'exemplaires, qu'il n'en soit demeuré assez pour conserver la pureté des autres.

8° Pour la huictiesme, vous voulez, sur tout, que les Machabées nous eschappent des mains, quand vous dites, qu'ils ont esté tous corrompus; mais parce que vous n'alleguez qu'une simple affirmation, je n'y satisferay, sans vous offenser, que par une simple négation.

9o Pour la neufviesme, vous alleguez que sainct Hierosme n'a point treuve en hebrieu le second livre des Machabées; et bien, que tirez-vous de là? Le second, n'est que comme une epistre, que les enfans d'Israël envoyerent aux frères Juifs, qui estoient captifs hors la Judée. Or, pour estre escrite au langage le plus cogneu et le plus commun de ce tems-là, s'ensuit-il qu'elle ne soit pas recevable? Les Egyptiens avoient én usage la langue grecque, beaucoup plus que l'hebrieu, comme le monstre Ptolemée, quand il

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procura la Version des Septante. Voylà pourquoy ce second livre des Machabées, qui estoit comme une epistre, ou commentaire, envoyé pour la consolation des Juifs qui habitoient en Egypte, a esté escrit en grec, plutost qu'en hebrieu.

10° Pour la dixiesme, c'est à vos nouveaux prefaceurs, à nous monstrer ces pretendues faussetez dont ils accusent ces livres, ce qu'à la verité ils ne feront jamais. Je les vois venir en avant : ils nous produiront l'intercession des saincts, la priere pour les trespassez, l'honneur des reliques, le franc-arbitre, et autres poincts semblables, qui sont expressement confirmez dans ces livres des Machabées, en l'Ecclesiastique, et autres livres qu'ils pretendent estre apocryphes. Prenez garde, Messieurs, que vostre jugement ne vous trompe; pourquoy appeller faussetez, ce que toute l'antiquité a tenu de tout tems pour article de foy? que ne censeurez-vous plutost vos phantaysies, qui ne veulent point embrasser la doctrine de ces saincts, et qui osent censeurer des articles receus depuis tant de siecles, parce qu'ils ne s'accordent pas avec vos humeurs? Ainsi, comme vous ne voulez pas croire ce que ces livres enseignent, vous les condamnez; mais condamnez plutost vostre temerité, qui se rend incredule à leurs enseignemens.

Voyla, ce me semble, toutes vos raysons esvanoüies, et vous n'en sçauriez produire d'autres. Mais enfin, nous yous desclarons, que s'il vous est ainsi loysible, indifferemment, de rejetter, ou revoquer en doubte l'authorité des Escritures, desquelles on a doubté pour un tems, quoy que l'Eglise du depuis en ayt determiné, il faudra rejetter, ou doubter d'une grande partie du Vieil et du Nouveau Testament ce n'est donc pas un petit gain à l'ennemy du Christianisme, d'avoir si indignement rasclé, en la saincte Escriture, tant de nobles parties. Mais passons oultre.

DISCOURS XXII.

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La seconde violation des Escritures est la regle imaginaire, que les reformateurs produisent, pour discerner les livres sacrez d'avec les autres, et quelques menus retranchemens qu'ils en ont fait.

OR, je vous prie, n'est-il pas vray que le marchand rusé tient en

vue, et monstre les moindres pieces de sa boutique, pour les offrir les premieres aux achepteurs, et essayer s'il pourra s'en defaire et vendre à quelque niais? mais il n'y a que les dupes qui s'y laissent surprendre. Les raysons que les reformateurs ont advancées au chapitre precedent, ne sont que des ruses, comme nous avons veu, desquelles l'on se sert comme d'amusement, pour voir si quelque simple et foible cervelle s'en voudroit contenter; mais apres tout, quand on vient à juger de la verité, ils confessent que ny l'authorité de l'Eglise, ny de sainct Hierosme, ny la Glose du chaldée, ny celle de l'hebrieu, ne sont pas cause suffisantes pour recevoir ou rejetter quelque Escriture. Voicy les protestations de vos ministres, en la confession de foy presentée au roy tres-chrestien par les François pretendus reformez. Apres qu'ils ont reduict en liste, en l'article troisiesme, les livres qu'ils veulent recevoir, ils

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