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son Pere à chaudes larmes; demandez-luy humblement le don de l'orayson. Le mardy, mesdítez avec quelle douceur et mansuetude il reçoit le bayser du traistre Judas; demandez-luy la charité et suavité envers vos ennemys. Le mercredy, considerez-le prins et lyé par les Juifs; demandez-luy la patience aux tribulations. Le jeudy, admirez comme sans resistance quelconque il se laisse vestir en fol chez Herode; demandez-luy l'humilité et le mespris de vousmesme. Le vendredy, contemplez comme, volontairement et d'un grand courage, il charge le pesant fardeau de la croix, et la porte ainsi sur ses espaules jusques au mont de Calvaire; faites force actes de compassion sur ses inestimables tourmens. Le samedy, levez les yeux en haut, voyez-le estendu de son long, cloüé, eslevé en l'air sur l'arbre de la croix; prestez soigneusement l'aureille à ses douces parolles; priez-le qu'il vous fasse la grace de vivre tout à luy, puisqu'il est mort pour vous.

Troisiesme exercice. - Vous pourrez excellemment tirer le motif du sainct amour sur toutes les actions que le tres-aymable Jesus a prattiquées durant le cours de sa tres-saincte vie, en ceste sorte: quand il se presente quelque subjet d'exercer la vertu (il s'en presente à tous momens), voyez briefvement comme Nostre Seigneur l'a exercée, tandis qu'il vivoit icy-bas entre les hommes; et puis, animant vostre cœur d'une amoureuse imitation: Or sus, direzvous, allons, suivons, imitons le doux Jesus nostre Maistre. Par exemple, s'il faut prier, donner aux pauvres, conseiller quelqu'un estre solitaire, entrer en conversation, souffrir quelque travail, sou venez-vous que Nostre Seigneur, en diverses occasions, fit tout cela. Et par apres, excitant vostre ame: Hé! ce direz-vous, quand il n'y auroit point d'autre rayson pour prier, pour fayre l'aumosne, pour consoler les affligez, pour demeurer en solitude, pour acquiescer à ceste souffrance, pour m'arrester en ceste conversation, ne me suffit-il pas que mon cher Maistre m'en ayt monstré le chemin? cela se peut fayre par un simple regard et unique souspir: Ouy, Seigneur, je suis avec vous.

I.

TRAITTÉ VII.

Advis pour la conversation avec toutes sortes de personnes.

D"

IFFERENTIA est inter congressum et consuetudinem; nam congressus fortuitò fit ex occasione, consuetudo verò fit ex electione.

In congressu non est diuturna societas, non magna familiaritas, non expressus nimis affectus, nec impressus; at in consuetudine videmur sæpiùs invicem, familiaritate utimur, electis personis affectum damus,

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II. Je ne mespriseray jamais, ny monstreray signes de fuyr totalement la rencontre de quelque personne que ce soit, d'autant que cela donne bruict d'estre superbe, hautain, severe, arrogant, syndiqueur, ambitieux et controsleur. Je me garderay soigneusement aux rencontres de fayre le compaignon avec personne, ny mesme avec les familiers, s'il s'en rencontroit quelqu'un parmy le reste de la troupe, car ceux qui considereront cela, l'attribuëront à legereté. Je ne me donneray licence de dire ou fayre chose qui ne soit bien reglée, parce qu'on pourroit dire que je suis un insolent, me laissant transporter trop tost à trop de familiarité: surtout je seray soigneux de ne mordre, picquer, ou me mocquer d'aucun, veu que c'est une lourdise de penser se mocquer sans hayne de ceux qui n'ont point de subjet de nous supporter. J'honnoreray particulierement chascun; j'observeray la modestie; je parleray peu, et bon, afin que la compaignie s'en retourne plutost avec appetit de nostre rencontré qu'avec ennuy. Si le rencontre est bref, et que quelqu'un ayt desja prins la parolle, quand je ne dirois autre chose que la salutation avec une contenance ny austere ny melancholique, mais moderement et honnestement libre, ce ne seroit que mieux.

III. Quant à ma conversation, elle sera de peu de bons et honnorables, d'autant qu'il est mal-aysé de reüssir avec plusieurs, de n'apprendre de se corrompre avec les mauvais, et d'estre honnoré, sinon des personnes honnorables. Specialement je garderay pour le regard du rencontre et de la conversation ce pre

frequentamus ut vivamus cum laude, et ad invicem conferamus.

II. Nunquam spernam, nec signis demonstrabo me absolutè fugere alicujus, quicumquesit, congressum; hoc enim dat superbi nomen, elati, severi, arrogantis, cen soris, ambitiosi, et reprehensoris immodici. His in congressibus sedulò advertam, ne cum aliquo socium agam, ne quidem cum familiarioribus, si nonnulli cum reliquâ turbà adressent; hoc enim considerantibus levitatem saperet. Non conce dam mihi licentiam quidquam minùs rectum dicendi vel faciendi, nè fortè insolens audiam, si citô nimis ad familiaritatem erumpam. Curabo præ omnibus ne unquam mordeam, lancinem vel irrideam; stupiditas enim esset, si absque odio iis putaremus irridere, qui nos ferendi nullam habent causam. Unumquemque peculiari honore prosequar; modestiam observabo; parùm et benè loquar, ut recedat potiùs cum nostri congressus appetitu societas, quam cum tædio. Si brevis fuerit congressus, et jam aliquis in eo verbum teneat, quamvis à salutatione non aliud, cùm nec austero, nec melancholico, sed moderatè et honestè libero gestu dicerem, melius esset.

III. Quantùm ad consuetudinem, erit hæc mihi paucorum bonorum et honorabilium; quia cum multis proficere perquam difficile est, cum malis non corrumpi, et nisi ab honorabilibus honorari. Hoc specialiter circa congressum et consuetudi

nem præceptum observabo: Amicus omnibus, familiaris paucis. Ubique autem opus erit judicio et prudentià, cùm « nulla sit tam ge»neralis regula, quæ suam » non patiatur exceptio» nem, hanc si solam demas, quæ reliquarum omnium est fundamentum, Nihil contra Deum. In consuetudine ergo modestus ero absque insolentià, liber absque austeritate, suavis absque affectatione, tractabilis absque contradictione (id nisi ratio requiret), absque dissimulatione cordatus, quia volunt homines eos cum quibus agunt cognoscere. Nosmet autem magis aut minus patefacere debemus, secundùm consuetudines.

IV. Quandoquidem ut plurimùm cogimur eorum uti consortio qui differentium sunt conditionum, sciendum est mihi exquisitum aliquibus esse duntaxat ostendendum; aliis bonum, et aliis indifferens, nemini verò malum. Superioribus vel ætate, vel professione, vel aucthoritate, nonnisi exquisitum ostendendum est, paribus bonum, inferioribus indifferens. Malum nemini, est aperiendum, quandoquidem videntium oculos lædit, et eum cui inest deformem reddit. Et reverà, magni et sapientes nonnisi exquisitum mirantur, affectationem dicerent pares, et inferiores nimiam gravitatem. Sunt quidem melancholici nonnulli, qui gaudent cùm quis sua eis vitia detegit; illis verò sunt magis occultanda: cùm enim illi polleant imaginatione, super imperfec

en

cepte: Amy de tous et familier à peu. Encore me faudra-t-il par tout exercer le jugement et la prudence puisqu'il n'y a regle si generale qui n'ayt quelquesfois son exception, sinon celle-cy, fondement de toute autre, Rien contre Dieu. Donc, conversation je seray modeste sans insolence, libre sans austerité, doux sans affectation, souple sans contradiction (si ce n'est que la rayson le requist) cordial sans dissimulation parce que les hommes se playsent de recognoistre ceux avec lesquels ils traittent : toutesfois, il se faut ouvrir plus ou moins, selon que sont les compaignies.

IV. Puisque l'on est souvent quasi contrainct de converser avec des personnes de differentes qualitez, il faut que je sçache qu'à certains il ne faut montrer que l'exquis, aux autres que ce qui est bon, aux autres que l'indifferent; mais à personne ce qui est mauvais. Aux superieurs, ou d'aage, ou de profession, ou d'authorité, il ne faut fayre paroistre que ce qui est exquis; aux semblables, que ce qui est bon; aux inferieurs, que ce qui est indifferent. Quant à ce qui est mauvais, il ne le faut jamais descouvrir à qui que ce soit, d'autant qu'il ne peut qu'offenser les yeux qui le voyent, et rendre laid celuy auquel il est. Et de fait, les grands et sages n'admirent que l'exquis, les esgaux l'attribüeroient à affectation, et les inferieurs à trop de gravité. Il y a bien certains mélancholiques qui se playsent qu'on leur descouvre les vices que l'on a; toutesfois c'est à ceux-là qu'il les faut davantage cacher, car, ayant l'impression plus forte, ils rumineront et philosopheront dix ans sur la

moindre imperfection. Et puis, à quel propos descouvrir les imperfections? ne les void-on pas assez d'elles-mesmes? il n'est donc nullement expedient de les manifester; mais il est bon de les advoüer et confesser. Or, nonobstant ce que nous avons dit, on peut, conversant avec les superieurs, les esgaux et inferieurs, temperer parfois l'entretien de ce qui est exquis, bon et indifferent, pourveu que le tout se fasse discrettement. Enfin, il se faut accommoder à la diversité des compaignies, sans prejudicier neantmoins aucunement à la vertu.

V. S'il me convient converser avec personnes insolentes, libres, ou melancholiques, j'useray de ceste precaution aux insolentes, je me cacheray tout à fait; aux libres, pourveu qu'elles soyent craignant Dieu, je me descouvriray tout à fait, je leur parleray à cœur ouvert; aux sombres et melancholiques, je me monstreray seulement, comme on dit en commun proverbe, de la fenestre, c'està-dire qu'en partie je me descouvriray à elles, parce qu'elles sont curieuses de voir les cœurs des hommes, et si on fait trop le renchery, elles entrent incontinent en soupçon; en partie aussi je me cacheray à elles, à cause qu'elles sont subjettes, ainsi que nous avons desjà dit, à philosopher et remarquer de trop pres les conditions de ceux qui les frequentent.

VI. Ši la necessité me force de converser avec les grands, c'est lors que je me tiendray soigneusement sur mes gardes; car il faut estre avec eux comme avec le feu, c'est-à-dire, qu'il est bien bon par fois de s'en approcher, mais il ne faut pas aussi que ce soit trop pres. Partant, je me comporteray en leur presence avec beaucoup de modestie, meslée neantmoins d'une honneste liberté. Ordinairement les grands seigneurs se playsent d'estre aymez et respectez

:

tione vel minima decennio et ampliùs philosophabuntur. Ad quid porrò imperfectiones detegere? num sa tis videntur? numquid ex seipsis satis palàm fiunt? Nullo igitur modo expedit eas manifestas reddere, bonum est autem eas confiteri. Non obstantibus tamen iis quæ diximus, superioribus, paribus et inferioribus consuescendo, exquisiti, boni et indifferentis sermonem possumus temperare, modò cum discretione omnia fiant.

V. Si cum insolentibus, liberis aut melancholicis versari me conveniat, sic præcavebo insolentibus absolutè me abscondam; liberis, dummodò Deum timeant, absolutè me aperiam, et patenti eis corde loquar; melancholicis ostendam meduntaxat, ut communi fertur proverbio, ex fenestrå, hoc est me ex parte aperiam, quia tales hominum corda videndi magnâ ducuntur curiositate, et cùm nimis vident restrictos, subitò suspicantur; ex parte etiam me abscondam, quia, ut diximus, tales cominùs nimis eorum qui secum versantur conditiones solent notare, et super eis philosophari.

VI. Si ad magnorum consuetudinem me necessitas impellat, tum maximè ero sollicitus: standum est enim cum illis sicut cum igne, scilicet: bonum est aliquando proximum esse; sed advertendum, ne nimia sit hæc proximitas. In illorum ergo præsentia cum multâ modestiâ me geram, ita tamen ut honestam habeat admixtam libertatem. Amant semper

magnates amari et revereri; amor profectò libertatem generat, et reverentia modestia. Malè igitur non erit in eorum societate aliquantulùm liberum esse, dummodò non omittatur reverentia, et hæc sit libertate major. Inter æquales libertas et reverentia æquales esse debent; cum inferioribus reverentiá libertas debet esse major; cum magnis verò et superioribus contrarium est observandum.

I.

l'amour certainement engendre la liberté, et le respect la modestie. Il n'y a donc point de mal d'estre en leur compaignie un peu libre, pourveu qu'on ne s'oublye point du respect, et pourveu que le respect soit plus grand que la liberté. Entre les esgaux, il faut estre esgalement libre et respectueux; avec les inferieurs, il faut estre plus libre que respectueux; mais avec les grands et superieurs il faut estre beaucoup plus respectueux que libre.

TRAITTÉ VIII.

Exercice du despoüillement de soy-mesme.

DE EMEUREZ fidellement invariable en ceste resolution, de vous tenir en la tres-simple unité et tres-unique simplicité de la presence de Dieu, par un entier despoüillement et remise de vousmesme entre les bras de sa tres-saincte volonté. Et toutes les fois que vous treuverez vostre esprit hors de cest aggreable sejour, ramenez-l'y doucement, sans fayre pourtant des actes sensibles de l'entendement ny de la volonté; car cest amour de simple confiance, ceste remise et repos de vostre esprit dans le sein paternel de la divine Bonté, comprend excellemment tout ce qu'on peut desirer pour playre à Dieu.

II. Demeurez ainsi, sans vous divertir pour regarder ce que vous faites, ce que vous ferez, ou ce qui vous adviendra en toutes occurrences. Ne philosophez point sur vos contradictions et afflictions; mais recevez tout de la main de Dieu sans exception, avec douceur et patience, acquiescant en tout et par tout à sa tres-adorable volonté. Si vous appercevez naistre en vous quelque soing ou desir, despoüillez-vous-en soudainement, et le remettez en Dieu, protestant ne vouloir que luy et l'accomplissement de son bon playsir. III. Tenez-vous donc en la tres-saincte solitude et nudité avec Jesus-Christ crucifié; laissez-vous reduire à l'amyable pureté et nudité des enfans, afin que le debonnaire Sauveur vous prenne mes-huy entre ses bras, comme sainct Martial, pour vous porter à son gré à l'extresme perfection de son amour. Courage; car, s'il vous despoüilloit mesmement quelquesfois des consolations et sentimens de sa presence, c'est afin que sa presence mesme ne tienne plus vostre cœur, mais luy seulement et son divin playsir; ainsi qu'il fit à celle qui, le voulant embrasser et se tenir à ses pieds, fut renvoyée ailleurs: Ne me tousche point, dit-il; mais va, dy-le à Simon, et à ses freres (Joan. 20).

IV. O'que bien-heureux sont les nuds! car Nostre Seigneur les revestira: Demeurez-là, dit-il à ses Apostres, jusques à ce que d'en haut vous soyez revestus de vertu (Luc. 24). O que bien-heureux

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