Oldalképek
PDF
ePub

Enfin, la force produit la perseverance, je ne dy pas le don de perseverance (car c'est une grace toute divine dont nous avons parlé en passant ailleurs); mais la perseverance, qui est une vertu par laquelle nous continuons et poursuivons un bien jusques à la fin, contre la difficulté et l'ennuy que la longueur et durée d'une affaire ou entreprinse peut apporter. Mais quand, oultre l'ennuy de la durée et longueur du tems, nous avons encore des autres obstacles et resistances exterieures, qui s'opposent à la poursuitte et continuation de nos exercices en la vertu, et du dessein que nous avons fait pour le bien, alors nous avons besoin de la constance. Deux choses nous lassent en un chemin, la longueur et esgalité; car, comme dit Aristote, on se playst plus en un chemin où il y a parfois........ et varietez, qu'en un chemin tousjours uny, et sans diversité, et les pierres, les ronces, les fossez, les fanges, et autres difficultez. Ainsi, au chemin de la vertu, deux choses nous lassent la durée et continuation de mesme exercice, et contre cest ennuy nous avons la vertu de perseverance; et les autres difficultez et resistances, comme sont les oppositions des hommes, nostre foiblesse, les murmurations, les remonstrances de ceux qui sont de contraire opinion et toutes autres telles.......... contre lesquelles la constance nous arme. En sorte que nous ne sommes ny opiniastres ny aheurtez, pour continuer et vouloir poursuivre chose quelconque contre rayson, ny inconstans et legers, pour nous laisser vaincre à la durée et longueur du tems requis à nostre entreprinse, ny mols, tendres ou delicats de courage, pour nous laisser surmonter aux autres difficultez.

?

Or, entre toutes les actions de force, il n'y en a point de comparables à celles de nos martyrs chrestiens. Gens invincibles et invariables, entre les plus divers et espouvantables tourmens qu'il est possible d'imaginer, qui ont combattu contre les tyrans pour confirmer les plus excellentes vertus de toutes, en tant que Nostre Seigneur les a enseignées, et combattu par la seule volontaire souffrance, qui les rend tant plus vaillans en toute façon. Car, comme ont remarqué nos anciens Peres, celuy qui souffre courageusement, il combat le mal present; celuy qui attaque ou resiste, combat le mal à venir ou esvitable. Le martyr, estant le plus foible, fait l'office du plus fort, car il garde la vertu pour laquelle il combat et demeuré vainqueur. La souffrance n'est aydée d'autre chose que la vive force de la rayson, mais l'attaque est portée par la cholere, par l'esmotion et impetuosité sensitive. Et aussi le martyr est parfaictement conforme à Nostre Seigneur, qui tesmoigna sa charité, non attaquant ses ennemys et les mées........, mais souffrant la mort. Joinct que celuy qui meurt en se deffendant, comme font nos chevaliers de Sainct-Jean de Hierusalem contre le Turc..... La Force sert à la bouche de la crainte pour la moderer. La Temperance modere les joyes, la Prudence les douleurs, et la Justice les desirs.......

Enfin, dans le sanctuaire, il y avoit quatre cherubins deux estoient tout d'or, qui estoient sur le propitiatoire, qui s'entre-regardoient, et couvroient de leurs aisles estendues l'une vers l'autre tout le propitiatoire; et ceux-cy representoient l'arche des anges

assistans, qui n'ont aucune contemplation, et leur reciproque amour ne sert qu'à la loüange de Dieu. Les autres deux cherubins estoient de bois d'olive doré, et regardoient devers la porte du sanctuaire, ayant chascun une de leurs aisles estendue sur l'arche et le propitiatoire, et l'autre estendue jusques à la paroy du sanctuaire. Ils avoient dix coudées de haut et leurs aisles cinq de longueur, parce que les anges administrans ou servans, ont charge de regarder et garder l'Eglise, et partant, ils ont leurs affections misericordieuses comme d'olive, et sans laisser leur contemplation beatifique, laquelle est sur le propitiatoire, ils estendent leur secours et exercent promptement leur charité envers les murs de Hierusalem, de l'Eglise, envers la mayson et famille de Dieu. Ils ont dix coudées de hauteur, pour cooperer avec les hommes aux œuvres des dix commandemens, et leurs deux aisles sont de mesme, parce qu'à cest effect ils prient devers le sanctuaire et inspirent devers ses peuples.

De la Temperance, ou moderation.

La Temperance est ordinairement nommée en l'Escriture saincte modestie, sobrieté, honnesteté. Or, comme dit sainct Augustin, c'est l'amour qui se donne tout à Dieu; et c'est le 4e fleuve qui se respand sur nostre appetit concupiscibie. La complaysance que nous prenons és choses sensibles, par le moyen de nos cinq sens, lesquels, estant bas, corporels et caducques, rendent aussi nostre ame telle, quand elle est passionnée de leur delectation et jouyssance. Et lors, elle ne peut bonnement se relever à l'object intelligible, et s'attacher si fermement par amour à Dieu, car sa force et puissance amoureuse, ou amyante, ou affective s'escoulant et dissipant par les sens aux choses sensuelles, elle est d'autant plus foible et allangourie pour les choses superieures et spirituelles. C'est pourquoy sainct Augustin a dit que la temperance n'est autre chose que l'amour qui se donne à Dieu, c'est-à-dire l'amour qui ramasse toute sa vigueur, pour aymer Dieu, et pour la ramasser toute, il la divertit des objects sensuels ésquels elle se pourroit espancher et dissiper. Mais parce qu'entre tous les sens, il y en a deux qui sont plus grossiers, brutaux et impetueux en leurs actes, et qui, par consequent, dissipent et divertissent plus furieusement et desbordement la force affective de nostre ame, c'est à sçavoir, l'attouschement et le goust qui, comme dit Aristote, n'est presque qu'un certain attouschement par lequel nous nous appliquons immediatement aux objects les plus grossiers, partant, la Temperance modere les playsirs et voluptez de ces deux sens principalement, bien qu'elle regle aussi les autres playsirs, soit interieurs ou exterieurs, en tant que par iceux la force affective pourroit estre mise en desordre, et dissipée contre la rayson. Or, j'ay dit qu'elle les modere, parce que nostre nature, composée de corps et d'ame, ayant besoin des playsirs sensibles, soit pour la conservation particuliere de chaque personne, soit pour la conservation de l'espece et race humaine, ce seroit esgalement dementir la rayson et violer ses loyx, de vouloir estre sensuels en s'appliquant demesurement aux voluptez des sens. Ainsi y a-t-il deux vices contraires à la Temperance.

Mais l'autre, qui s'appelle intemperance, est le grand vice du monde, par lequel on desire les playsirs sensuels oultre mesure et sans discretion, et c'est le vice qui attira le deluge, qui fit perdre les quatre citez et les fit fondre; et en somme, c'est le vice le plus infame et vilain, comme dit Aristote, qui nous rend pareils aux bestes brutes, assoupit l'usage de la rayson; et, comme dit Hippocrate, le plus vehement de tous ces playsírs sensuels n'est autre chose qu'une epilepsie passagere. Et Aristote dit que tout animal est triste apres iceluy, hormys le coq, mais l'homme, plus que tous les animaux, comme ayant en iceluy perdu la rayson. Vice brutal, qui rend comme furieux et phrenetique l'homme avant qu'il lé commette, epileptique en le commettant, triste et melancholique apres l'avoir commis. Mais si l'intemperance passe jusques au delà de la nature, ce n'est plus un vice, c'est un monstre de vice, dit Tertullien; ce n'est plus un vice humain, dit Aristote, il est brutal et forcenerie.

Or, d'autant que les playsirs du goust et des autres sens sont donnez à nostre nature pour servir à la conservation de chaque particulier, la regle d'en bien user, c'est, comme dit sainct Augustin, d'en prendre autant que la necessité de la vie humaine et des offices le requiert. C'est-à-dire, qu'il faut premierement prendre ce qui est requis pour maintenir la vie; ayant la nourriture, dit l'Apostre (1. Tim. 6), et de quoy nous couvrir, nous en sommes contens. Mais non-seulement il faut prendre ce qui est pour la necessité, aussi ce qui est pour la bien-seance, selon la varieté des offices et occurrences de ceste vie; c'est pourquoy on jeusne quelquesfois et quelquesfois on fait des festins, on s'habille mieux une fois qu'autre, et Dieu mesme donne quelquesfois du pain seul à Hely, quelquesfois il luy envoye de la chair; quelquesfois il donne du pain et du poisson, d'autresfois il donne du miel et de la manne. La Temperance sçayt discerner le quand et le comment..

DE LA CRUCIFIXION DE N.-S. JESUS-CHRIST.

PROPOSITION DU MYSTERE, LEÇON INTERIEURE,
OU FABRICATION DU LIEU.

me semble que, parmy ceste grande foule de gens qui accourent

I de toutes parts de la ville de Hierusalem, pour voir crucifier Nostre Seigneur, je me treuve au mont de Calvaire, en un lieu un petit peu plus esloigné que les autres, separé et relevé, qui me le rend advantageux, pour voir et considerer à part moy ce triste et cruel spectacle. La crucifixion est desjà faite; c'est-à-dire, la croix estant couchée sur la terre, Nostre Seigneur y est estendu tout nud et despoüillé, et les bourreaux l'ont serré et cloué pieds et mains là-dessus. Maintenant donc, dés ce lieu-là, je m'imagine que je voy relever ce sainct Crucifix en l'air, petit à petit, et que la croix est fichée et plantée dans le trou fait à ceste intention. Voylà le mystere

proposé en gros par l'imagination, laquelle a logé en mon cœur un lieu propre pour voir et bien considerer tout ce qui se passe. Les deux parties du mystere sont l'eslevation et le plantement de ce sainct arbre. Il reste que je poursuive à considerer les particularitez par lesquelles ma volonté puisse estre excitée à produire beaucoup de bonnes sainctes affections et resolutions, et cela c'est la meditation.

PREMIERE CONSIDERATION. Je considere ce que Nostre Seigneur souffre en ce mystere, tant exterieurement qu'interieurement. Exterieurement: par ceste eslevation, son corps est tout entierement supporté sur ses pieds et ses mains cloüez, d'où il arrive que les playes s'aggrandissent et la douleur se rend immense. Quand la croix tombe dans le trou preparé auquel elle est fichée, le Sauveur reçoit une secousse effroyable, qui augmente de nouveau les playes, et donne comme un coup d'estrapade à tous ses nerfs et tendons; de tous costez le sang pleut et distille; l'air et le vent froid saysissent tout ce corps eslevé, penetrant dans les playes, et le font presque transir et pasmer. Ses aureilles n'entendent que blasphesmes, ses yeux ne voyent que la furie de ceux qui le tuent; et en tous ses sens il endure des douleurs insupportables. Mais ce n'est rien de cela au prix des douleurs de son cœur, qui, languissant de l'amour des ames, void une si grande perte de personnes, et surtout de ceux qui le crucifient.

et

Affections. Ah! qui sera ce tigre qui ne pleurera, voyant cest innocent, ce jeune Roy, le Fils de Dieu, endurer tant de peynes? Elles sont desjà bien grandes, et capables de tenir à couvert tous les hommes du monde contre l'indignation du Pere eternel. Hé! je vous prie, de grace, mes amys, relevez bellement ceste croix, fichez-là si doucement, que ses playes ne s'aggrandissent point, et que la secousse n'en soit pas si grande. Helas! il n'y a personne si denaturé qui, voyant un criminel sur la rouë, n'en ayt compassion. Hé donc mon ame, n'auras-tu pas compassion de ton Sauveur qui souffre tant? Si jamais tu fus touschée de commiseration sur la nudité d'aucun pauvre, parmy la rigueur de l'hyver, ne doy-tu pas compatir à ce pauvre Roy, qui est exposé tout nud sur cest arbre? Si jamais quelque pauvre ulceré te fit pityé, regarde, je te prie, celuy-là, auquel tu ne verras, depuis la plante des pieds jusques à la teste, aucun lieu qui ne soit gasté de coups. Hé! voy ce cœur affligé de tant de pechez que le peuple commet; et si ton cœur ne s'afflige avec luy, il faut que tu ne l'ayes pas de chair, mais de pierre, et plus dur que le diamant mesme.

De la commiseration ou compassion naist ordinairement le desir de secourir celuy auquel nous compastissons: partant, à la precedente affection j'adjouste celle-cy.

O qui me donnera la grace que je puisse en quelque façon donner allegement à mon Sauveur affligé! Hé! que ne m'est-il loysible de prendre mes habicts plus precieux pour couvrir vostre nudité! que n'ay-je du bausme excellent pour en oindre vos playes! que ne suisje pres de vous sur la croix, pour soustenir vostre corps en mes bras, afin que la pesanteur ne dechirast pas si fort les playes de

vos pieds et de vos mains! mais surtout, que ne puis-je empescher les pescheurs de tant offenser vostre cœur, qui ne feroit que se jouer de toutes les peynes de vostre corps, si, pour icelles, les pecheurs pouvoient estre amendez! que ne suis-je quelque excellent et fervent predicateur, pour leur annoncer la penitence! O! comme je dirois aux iniques: Ne veuillez plus vivre iniquement, et aux delinquans: Ne relevez plus les cornes de vostre fierté et felonie.

Confusion. Mais, ô Seigneur, pourquoy m'amusé-je à ces desirs, desquels je n'ay pas la force d'en prattiquer un seul? Helas! comme vous donnerois-je mes habicts precieux, moy qui n'en donnay jamais un vil et usé à vos pauvres? Sur la croix, vous ne me les demandez pas, et je vous les offre; en vos pauvres, vous me les demandez et je les refuse! O vaines et miserables offres? qui ne se font qu'en apparence, et en effect ne sont que mocqueries! Comment respandrois-je du bausme sur vos playes, puisque je ne respandis jamais un verre d'eau pour vos pauvres? Comment voudrois-je vous supporter en croix, puisque je ne fuis jamais rien tant que les croix? Et quel predicateur de penitence, moy qui n'en fay point, et qui contribue tous les jours, plus qu'aucun autre, aux deplaysirs que les pechez vous donnent?

Resolution.- O Seigneur, ayez pityé de moy! je me propose cyapres de vous estre plus fidelle. Non, ce ne seront plus des desirs ce seront des effects. Je souslageray le pauvre, je feray penitence, et cesseray de pecher. J'instruiray les devoyez, et diray à mon cœur et aux autres: Voulez-vous estre plus cruels à l'endroict de vostre Sauveur, que ne sont les vautours à l'endroict des colombeaux ? ils n'en deschirent ny devorent jamais le cœur : voulez-vous bien estre si acharnez à l'encontre du divin colombeau qui niche sur la croix, que de deschirer son cœur avec les dents de vos impietez? Seigneur, ha! doresnavant je consoleray par effect le pauvre, et empescheray le peché.

[ocr errors]

DEUXIESME CONSIDERATION. Je considere la maniere avec laquelle Nostre Seigneur souffroit en ce mystere; et ceste maniere est double. Il souffre exterieurement avec un grand silence, les yeux doulx et benins, qui regardent parfois au ciel dans le sein de la misericorde du Pere, quelquesfois sur le peuple, auquel il procure la grace de ceste misericorde, sa bouche n'estant ouverte en ce mystere que pour jetter des souspirs de douceur et de patience. Il me semble que je voy en sa poictrine l'endroict du cœur qui pantele et tresmousse d'amour, et fait une inflammation si grande, que tout cest endroict me semble rougissant.

Reprehension pour l'exterieur. Il souffre patiemment, volontairement et amoureusement. Mais, helas! miserable que je suis, qui ne sçaurois souffrir sans crier, sans me plaindre, sans fayre du bruict au logis; jamais je ne finis mes lamentations, je les estens et les respans par tout.

Pour l'interieur. - Et si quelquesfois je garde quelque contenance, mon cœur comment se comporte-t-il? il semble qu'il s'enflamme de cholere, d'impatience, de vengeance, et de douleur. Resolution. Mais doresnavant, ô mon ame, je veux que nous

[ocr errors]
« ElőzőTovább »