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clarté ainsi les miserables peuples de nostre aage, qui se laissent conduire par certaines cervelles chaudes qui s'enflamment et courent à la suite de quelques subtilitez humaines, sont esblouys par la fausse lueur et sous l'ecorce de la parolle de Dieu, et s'imaginent que ce sont des veritez celestes, en s'amusant à les considerer, quoy que les gens de bien descouvrent et tesmoignent assez que ce ne sont que des inventions terrestres, qui bien-tost se dissiperont; car ils ne laissent autre memoire de leur apparition que le ressentiment des malheurs qui les suivent. O! combien donc estoit-il necessaire de ne pas s'abandonner si promptement à ces esprits, et avant que de les suivre, espreuver s'ils estoient de Dieu, ou non? Hélas! il ne manquoit pas de pierres de touche pour cognoistre le bas-or, avec lequel ils pipoient le monde car celuy mesme qui nous a dit, que nous esprouvions les esprits s'ils sont bons ou mauvais, condamne leur legereté, s'ils ne l'ont pas fait : ils n'ont que trop peu sceu que nous avions des regles infaillibles pour recognoistre le sainct d'avec le feint, et l'esprit desolateur d'avec le consolateur. Graces à Dieu, nous avons en l'Eglise des regles tres-certaines pour discerner la doctrine fausse d'avec la vraye, et pour establir nostre saincte foy; et c'est icy, Messieurs, où je vous appelle, mais je vous prie de juger justement, car je me promets de vous monstrer tres-clairement, que Calvin et tous vos ministres ont violé en leur doctrine toutes les regles de la vraye religion et de la predication chrestienne, et afin que vous voyiez (comme vous avez desjà veu qu'ils vous ont levé du sein de la vraye Eglise), afin, dy-je, que vous voyiez encore qu'ils vous ont osté la lumiere de la vraye foy, pour vous faire suivre les illusions de leurs nouveautez, voicy la seconde partie de mon projet. La foy chrestienne est fondée sur l'authorité de Dieu tout-puissant, souveraine et supresme Verité; c'est cela qui la met au premier rang, et qui luy donne le premier degré d'asseurance et de certitude; de telle sorte qu'il n'y a rien icy-bas qui luy soit comparable, puisque ceste parolle a esté renouvellée. Je me tiendray tousjours icy sur les mesmes demarches, car je vous monstreray presentement que les regles que je produis sont les vrayes regles; ensuite je vous feray voir comme vos pretendus docteurs les ont violées, et parce que je ne pourrois pas aysement vous preuver, que nous, qui sommes catholiques, les avons gardées tres-estroictement, sans faire de trop grandes interruptions et disgressions, je reserveray ceste preuve pour la troisiesme partie, qui servira encore d'une tres-solide confirmation pour ceste seconde que je vous addresse.

PREMIERE REGLE DE LA FOY.

LA foy chrestienne est donc fondée sur la parolle que Dieu lui-mesme a revelée; et c'est cela qui la met au supresme rang d'infaillibilité, comme ayant pour tesmoin ceste eternelle et infaillible authorité et verité premiere, qui ne peut non plus decevoir et mentir, qu'elle ne peut estre deceuë ny trompée. La foy qui n'a pas son fondement et son appuy sur la parolle de Dieu, n'est pas une foy chrestienne; d'où s'ensuit, que la parolle de Dieu est la vraye regle et un fondement de foy aux chrestiens, puis qu'estre fondement et estre regle est une mesme chose en cest endroict. Mais parce que ceste infaillible regle ne peut pas mesurer nostre croyance, si elle ne nous est appliquée, preschée, proposée et desclarée, et qu'elle peut estre bien ou mal appliquée, preschée, proposée et desclarée, encore devons-nous avoir quelque authorité qui la confirme; et en effect, il ne suffit pas de sçavoir que la parolle de Dieu est la vraye et infaillible regle pour bien croire à

salut, si je ne sçay quelle est ceste parolle de Dieu, et où elle est, et celuy qui la doit appliquer, proposer et desclarer. J'ay beau tomber d'accord que la parolle de Dieu est infaillible, pour tout cela je ne croiray pas que JesusChrist est le Christ Fils de Dieu vivant, si je ne suis asseuré que ce soit une parolle revelée par le Pere celeste; et quand je sçauray cecy, encore ne seray-je pas hors d'affaire, si je ne sçay comme il la faut entendre; si c'est d'une filiation adoptive, à l'arienne, ou d'une filiation naturelle, à la catholique.

SECONDE REGLE DE LA FOY.

Il faut par consequent, oultre ceste regle premiere et fondamentale de la parolle de Dieu, une autre seconde regle, par laquelle la premiere nous soit bien et deuëment proposée, appliquée et desclarée et afin que nous ne soyons pas subjets à l'esbranlement et à l'incertitude, il faut que nonseulement la premiere regle, à sçavoir la parolle de Dieu, mais encore la seconde, qui propose et applique ceste parolle, soit du tout infaillible : autrement nous demeurerions toujours en branle et dans le doubte d'estre mal reglez et appuyez en nostre foy et en nostre croyance, non point par le deffaut de la premiere regle, mais par l'erreur et faute de la proposition et application d'icelle. Or certes, le danger est esgal, ou d'estre desreglé à faute d'une juste regle, ou d'estre mal reglé, à faute d'une application bien reglée et juste de la regle mesme, mais ceste infaillibilité requiert, tant en la regle, qu'en son application, de ne pouvoir avoir sa source que de Dieu mesme, qui est la vive et premiere fontaine de toute Verité. Passons oultre. Tout de mesme que Dieu revela sa parolle, et la prescha par la bouche des Peres et des Prophetes, et finalement par son Fils unique, puis par les Apostres et les Evangelistes, desquels les langues ne furent que comme les plumes des Secrétaires, escrivant tres-promptement et fidellement, et employant en ceste sorte les hommes pour parler aux hommes; ainsi, pour nous proposer, appliquer et desclarer ceste divine parolle, il employe encore aujourd'huy son espouse visible, la saincte Eglise, comme le truchement et l'interpreste de ses intentions. C'est donc Dieu seul qui regle nostre foy chrestienne, mais avec ces deux instrumens qui nous sont appliquez en diverses façons: premierement, par sa parolle, comme avec une regle formelle; secondement, par son Eglise, comme par la main du regleur et du compasseur. Disons, s'il est permis, que Dieu est le peintre, nostre foy la peinture : les couleurs sont la parolle de Dieu, le pinceau c'est l'Eglise. Voylà donc les deux regles ordinaires et infaillibles de nostre croyance la parolle de Dieu, qui est la regle fondamentale, et la mesure formelle; et l'Eglise de Dieu, qui est la regle d'application.

Subdivision des regles de la foy. — Je considère en ceste seconde Partie l'une et l'autre de ces deux regles; mais pour en rendre le Traitté plus clair et plus manyable, j'ay subdivisé ces deux regles en plusieurs. Et voicy de quelle maniere.

La parolle de Dieu (Regle formelle de nostre foy) est de deux sortes : ou elle est couchée littéralement en l'Escriture, ou elle est en la main de la Tradition. Je traitte donc premierement de l'Escriture, et ensuite de la Tradition.

Quatre regles d'application ordinaire. L'Eglise, qui est la regle d'application, se desclare ou en tout son corps universel, par une croyance

generale de tous les chrestiens, ou en ses principales et plus nobles parties, par un unanime consentement de ses Pasteurs et de ses Docteurs; et en ceste derniere façon, ou elle s'explique en ses Pasteurs assemblez en un lieu et en un tems dans un concile general; ou en ses Pasteurs qui, quoy que separez de terres, de lieu et d'aage, sont assemblez en unyon de correspondance de foy; ou enfin ceste mesme Eglise se desclare et parle en son Chef ministeriel. Voylà les quatre regles expliquantes et appliquantes les articles de nostre foy. Sçavoir, l'Eglise en corps, le Concile general, le consentement des saints Peres, et le Pape, evesque de Rome et vicaire de Jesus-Christ. Oultre lesquelles nous ne devons pas en rechercher ny d'autres, ny ailleurs, car celles-cy suffisent pour affermir les cœurs les plus inconstans.

Regle extraordinaire. Mais Dieu, qui se plaist de nous donner en la surabondance de ses faveurs, pour mieux fortifier la foiblesse des hommes, ne laisse pas d'adjouster souvent à ces regles ordinaires (quand il s'agit de l'establissement et fondation de l'Eglise) une regle extraordinaire tres-certaine, et de grande importance, qui est la preuve des miracles, tesmoignage extraordinaire et asseuré de la vraye explication de la parolle de Dieu. Regle naturelle. La foy, quoy que superieure, ne dedaigne pas le secours de nostre rayson naturelle, qui peut encore estre appellée une regle de foy, ce qui se doit entendre negativement, non pas affirmativement, car qui diroit ainsi : Telle ou telle proposition est un article de nostre foy, parce qu'elle est selon la rayson naturelle; ceste consequence affirmative seroit tres-mal tirée, puisque toute nostre foy est par dessus nostre rayson. Mais qui diroit: Ceste proposition est un article de foy, par consequent elle ne doit pas estre contre la rayson naturelle; la consequence seroit tresbonne parce que la rayson naturelle et la foy, estant esmanées d'une mesme source, et origines d'un mesme autheur, en divers ordres, ne peuvent estrǝ contraires l'une à l'autre.

Huict regles de la foy en tout. Voylà donc ce me semble, huict bonnes regles de la foy : l'Escriture; la Tradition; l'Eglise ; le Concile; les Peres; le Pape; les Miracles; la Rayson naturelle. Les deux premieres sont la regle formelle; et les quatre suivantes ne sont que des regles d'application; la septiesme est d'une puissance extraordinaire, et la huictiesme est negative. Au reste, qui voudroit reduire toutes ces regles en une seule regle, diroit tresbien, que l'unique et vraye regle pour bien croire à salut est la parolle de Dieu, preschée et desclarée par l'Eglise de Dieu.

J'entreprens icy, Messieurs, de vous monstrer aussi clair que le plus beau jour, que vos reformateurs ont violé et falsifié toutes ces regles: il suffiroit de faire voir qu'ils en ont violé une, puis qu'elles s'entretiennent tellement, que celuy qui en blesse une, blesse toutes les autres. Comme vous avez veu dans nostre premiere Partie, que vos ministres vous ont levé du sein de la vraye Eglise par un schisme evident, vous cognoistrez en ceste seconde Partie qu'ils vous ont osté la lumiere de la vraye foy par l'heresie, pour vous tirer à la suite de leurs illusions. Je me tiens tousjours en mesme posture, car je preuve premierement, que les regles que je produis sont tres certaines et infaillibles; apres cela je fais touscher au doigt, que vos docteurs les ont violées. C'est icy où je vous appelle au nom de Dieu toutpuissant, et que je vous somme de sa part de juger justement.

DISCOURS XVI.

Les sainctes Escritures sont la premiere et l'infaillible regle de la foy chrestienne.

'ON doit tenir pour indubitable que la Tradition a esté devant toutes les Escritures, puisque mesme la plus grande partie de l'Escriture n'est rien qu'une tradition reduicte par escrit, avec une infaillible assistance du Sainct-Esprit qui nous l'a conservée : mais parce que l'authorité de l'Escriture est plus aysement appreuvée et mieux reçeuë de vos reformateurs, que celle de la Tradition, je commence par cest endroict pour faire une entrée plus facile à mon discours.

La saincte Escriture est si clairement et si absolument la regle de nostre creance chrestienne, que celuy-là qui ne croit point tout ce qu'elle contient, ou qui croit quelque chose qui luy est tant soit peu contraire, est infidelle. Nostre Seigneur y a envoyé les Juifs (Joan. 5), pour redresser leur foy. Les Sadduceens estoient dans l'erreur, parce qu'ils ignoroient les Escritures: c'est donc un niveau asseuré, c'est un flambeau luisant et sans obscurité, comme parle sainct Pierre (11. Pet. 1), lequel ayant ouy luy-mesme la voix du Pere, en la transfiguration du Fils, se tient neantmoins plus asseuré au tesmoignage des prophetes, qu'en ceste superieure illustration. Mais je perds le tems de m'en expliquer : nous sommes d'accord en ce poinct; ceux qui sont si desesperez que d'y contredire, ne peuvent appuyer leur contradiction que sur l'Escriture mesme, si bien que, se contredisant eux-mesmes avant que de contredire l'Escriture, ils se servent de son credit, en la vaine protestation qu'ils font de ne s'en point vouloir servir.

L

DISCOURS XVII.

Que le chrestien doit estre grandement jaloux de conserver
l'integrité de l'Escriture.

A matiere doit estre fort briefvement traittée en cest endroict; on appelle le livre de la saincte Escriture, livre du Vieil et Nouveau Testament. Certes, quand un notaire a expedié un contract ou une escriture authentique, personne n'y peut alterer, oster, ou adjouster, non pas mesme un seul mot, sans estre tenu pour un faussaire. Or, Messieurs, voicy l'Escriture des Testamens de Dicu expediez par les notaires publics à ce desputez, on ne la peut alterer tant peu soit sans impieté. Les promesses, dit sainct Paul, ont esté dites à Abraham et à sa semence, il n'est pas dit en ses semences, comme en plusieurs, mais comme à une, et en sa semence, qui est Christ (Gal. 3). Voyez, je vous prie, combien la variation du singulier au pluriel eut gasté les sens mysterieux de ceste parolle sacrée ! Nostre Seigneur y met en compte les ïota, voire mesme les plus petits poincts et accens de ses sainctes parolles (Matth. 5), combien donc est-il jaloux de leur totale integrité! Les Ephrateens disoient

Sybboleth (Judic. 12), sans oublyer aucune lettre ', mais parce qu'ils ne le prononçoient pas assez grassement, les Galaadites les egorgerent sur le bord du Jourdain; la seule difference de prononciation en parlant, la seule transposition sur la lettre scin en escrivant, faysoit tout l'équivoque car en changeant le scin, en samech, au lieu d'un épy de bled, il signifioit une charge ou un fardeau; ce qui nous apprend que celuy qui change tant soit peu la saincte Escriture et là saincte parolle, merite la mort, parce que c'est mesler le prophane avec le sacré.

Les Ariens qui corrompoient ceste sentence du sainct Evangile, In principio erat Verbum, et Verbum erat apud Deum, et Deus erat, mettoient icy le poinct, et puis recommençoient la periode, Verbum hoc erat in principio apud Deum : leur ponctuation estoit apres l'Erat, au lieu de la metire apres le Verbum; ce qu'ils faysoient de peur d'estre convaincus par ce texte, que le Verbe est Dieu. Il faut donc peu, pour alterer ceste sacrée parolle. Quand le vin est meilleur, il sent plustost du goust estranger, et la beauté d'un excellent tableau ne peut souffrir le meslange de nouvelles couleurs ainsi le sacré depost des sainctes Escritures doit estre gardé bien soigneusement, et fidellement conservé.

DISCOURS XVIII.

Que les reformateurs ont violé la regle de la foy, en corrompant les livres des sainctes Escritures.

CON

:

ONFESSANT donc que la saincte Escriture est asseurement une vraye regle de la foy chrestienne, j'adjouste que l'Escriture saincte est tellement une regle de la foy chrestienne, que nous sommes tenus et obligez par toutes sortes d'obligations, de croire tres-exactement tout ce qu'elle contient, et de ne croire jamais chose aucune qui luy soit tant soit peu contraire car si Nostre Seigneur mesme y a (Joan. 5) renvoyé les Juifs pour redresser leur foy, il faut que ce soit un niveau très-asseuré. Les Sadduceens erroient lourdement, parce qu'ils ne sçavoient pas les Escritures; ils eussent mieux fait d'y estre attentifs, comme à un flambeau esclairant les obscuritez, selon l'advis de sainct Pierre (1. Pet. 1), lequel ayant ouy luy-mesme la voix du Pere en la Transfiguration de son Fils, se tint neantmoins plus affermy au tesmoignage des Prophetes, qu'en ceste superieure experience. Quand Dieu dit à Josué : Non recedet volumen Legis hujus ab ore tuo (Jos. 1), il monstre clairement, qu'il vouloit qu'il l'eust tousjours present en l'esprit et que jamais il ne laissast entrer en sa creance aucune persuasion qui luy fust contraire. Mais je perds le tems de marquer cecy: ceste dispute seroit propre contre les infidelles, et non entre chrestiens; nous sommes, à mon advis, d'accord en ce poinct, neantmoins il est bon d'observer combien on doit estre zelateur de leur integrité. Quand un testament honnorable est confirmé par la mort du tes

La Vulgate marque la difference de prononciation; le vrai mot est Seibboleth, les Ephrateens prononçoient Sibboleth.

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