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tion, laquelle n'est ny meditation, ny contemplation, mais en est l'effect, n'estant autre chose qn'une vertu generale contraire à la paresse spirituelle, qui nous rend prompts au service de Dieu en sorte que là où est la foy, nous sommes faits plus prompts à croire par la devotion; là où est l'esperance, nous sommes rendus plus prompts à desirer ce que Dieu promet; et par la charité, à aymer ce que Dieu commande; par la temperance, à nous abstenir; par la force, à endurer; et ainsi des autres. La devotion, aux promptitudes particulieres que les habitudes donnent, en adjoustent une generale et commune, engendrée par la meditation et contemplation, ainsi que le pelerin est plus dispos par la refection.

Salomon a pour fin en ce livre la devotion; mais pour subjet, l'orayson mentale, prinse pour la meditation et contemplation, non pour la pensée, ny pour l'estude, ny pour la demande, ny pour la devotion, ny mesme pour la consolation et le goust que l'on a en l'orayson, lequel ne s'y treuvant pas tousjours, est distingué d'icelle; mais il arrive souvent que ce goust n'estant pas en l'orayson des bons, se treuve en celle des grands pecheurs mais le pelerin estant sain, apres estre repeu, soit avec goust ou sans goust, retourne tousjours plus promptement à son voyage.

Que si l'orayson mentale est distinguée du goust spirituel, comme la cause de l'effect, elle l'est encore plus de l'allegresse spirituelle qui est engendrée de la multitude des gousts. Le courtisan qui a receu de son prince diverses faveurs, acquiert une habitude avec laquelle il le sert non-seulement promptement, mais gayement. Ainsi nous devons tousjours servir Dieu promptement : nous le servons seulement gayement, quand nous recevons plusieurs gousts spirituels qui reviennent de l'orayson mentale. Le pelerin sera plus disposé au voyage, s'il a mangé avec goust et appetit; il sera non-seulement disposé, ains joyeux et allegre tout ensemble.

Disons aussi que la possibilité, la facilité, la promptitude et la gayeté, sont choses differentes en une action. Ressusciter un enfant mort n'est pas en la possibilité de la mere; le guérir estant extresmement malade est chose possible, mais non pas facile; mettre le feu à sa playe par ordonnance du medecin est possible et facile, mais non pas avec promptitude, mais avec resistance et frayeur; rafraischir son appareil se fait facilement, possiblement, promptement, mais non pas allegrement; mais apres qu'il est guery, le recevoir et accueillir entre ses bras, se fait possiblement, facilement, promptement et gayement.

Ainsi le pecheur n'a pas de soy la possibilité à servir Dieu meritoirement, estant en grace il a la possibilité avec resistance et sans facilité; apres avoir continué, il le sert facilement; apres qu'il est devot, il le sert promptement; s'il est contemplatif, il le sert allegrement; la grace donnant la possibilité, la charité donnant la facilité, l'orayson mentale, la promptitude et devotion, la multitude des gousts, la gayeté.

Au-dessus de toutes ces actions sont l'extase et le ravissement : car lorsqu'en l'orayson, meditant et contemplant, l'homme s'attache tellement à l'object, qu'il sort de soy-mesme, perd l'usage des sens, et demeure absorbé et attiré, ceste alienation d'entendement de la part de l'object qui ravit l'ame, s'appelle ravissement; et de la part de la puissance qui demeure absorbée et engloutie, s'appelle extase, dernier effect de l'orayson mentale icy-bas.

Bref, l'orayson mentale est le subjet des Cantiques; mais on a besoin de la cognoissance des choses susdittes pour la desclaration des termes,

mesme

orsqu'ils ne semblent estre que litteraux, bien que ce soit fort rarement, et qu'il soit bien difficile de les y cognoistre; ou au contraire les mystiques y sont en abondance et tres-divers comme, par exemple, devotion, goust, allegresse, ravissement, extase, et choses semblables, ne s'y trouvent jamais; mais à chaque pas, sommeil, songe, enyvrement, langueur, deffaillance, et choses pareilles : la nature mesme, ny les proprietez de Dieu ou de l'ame n'y sont point nommées; mais au lieu de tout cela, yeux, cheveux, dents, lèvres, cols, vestemens, jardins, unguent et mille choses pareilles, qui ont mis confusion és explications, par la liberté que les expositeurs ont euë de les fayre joindre un chascun à son sens, et qui pis est, par la licence insupportable qu'un mesme expositeur a prinse d'entendre en une mesme page une mesme parolle en diverses manieres et pour diverses choses.

Mais nous n'avons rien entreprins sans imitation des meilleurs autheurs, sans apparente convenance entre le terme signifiant et le signifié; et ayant donné une fois une signification à un terme, nous ne l'avons depuis jamais changée. Les baysers signifieront tousjours les consolations spirituelles; les embrassemens, les unyons avec Dieu, les douceurs des viandes, les gousts spirituels; les langueurs et deffaillances, les gayetez et allegresses; les sommeils et enyvremens, les ravissemens et extases. En l'espouse, quand il se traitte de vertu exterieure, le col signifiera la force pour executer; quand on traitte de vertu interieure, il signifiera la partie irascible, et jamais ne changera de signification. En l'espoux, le chef signifiera la charité, le theastre de Hierusalem sera tousjours l'Eglise militante, l'espoux sera tousjours Dieu increé ou incarné; l'espouse, l'ame; le chœur des dames, les conversations mondaines.

Enfin l'orayson mentale est le subjet mystique du Cantique. Mais quelles choses en veut dire Salomon, ou plutost le Sainct-Esprit ? Il nous veut monstrer par combien de degrez une ame estant en l'orayson mentale peut monter à la plus haute consideration de Dieu, et avec quels remedes elle se peut ayder contre beaucoup d'empeschemens. Doncques on peut fayre ceste division.

Il y a cinq principaux empeschemens en l'orayson, cinq principaux remedes, et cinq degrez d'icelle mais la sixiesme scene represente une ame, laquelle ayant surmonté tous ces empeschemens, n'a plus besoin de remedes; et à chascune des cinq autres scenes, donnant ou mettant un empeschement, un remede et un degré.

En la premiere, la souvenance des playsirs passez sensitifs est l'empeschement, le remede est le desir des choses spirituelles, et de les demander à Dieu. Le premier degré est de considérer Dieu és choses corporelles.

En la seconde, l'empeschement est la distraction de l'imagination par les phantosmes et visions sensibles; le remede est l'attention aux inspirations; le degré, la consideration de Dieu és choses spirituelles.

En la troisiesme, l'empeschement est les louanges humaines; le remede est de gouster les divines; le degré est la consideration que l'ame fait de Dieu en elle-mesme.

En la quatriesme, l'empeschement est la fatigue du corps, et partie sensitive; le remede sont les colloques et devis spirituels; le degré est de mediter Dieu, non en luy-mesme, mais en son humanité.

En la cinquiesme, l'empeschement est des respects humains; le remede est la solitude; le degré la consideration de Dieu en luy-mesme, mais comme Dieu.

S. François.

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LE CANTIQUE DES CANTIQUES,

EGLOGUE DE SALOMON EXPLIQUÉE D'UNE MANIERE MYSTIQUE.

ARGUMENT. - Le present livre traitte de la maniere d'arriver à une forme d'orayson mentale par faicte il désigne quels en sont les empesche mens, quels sont les remedes à ces empeschemens, et par combien de degrez on peut arriver à ceste orays on parfaicte. La scene est à Hierusalem, ou l'Eglise mili

Lante.

DISCOURS 1.

I. — Premier empeschement : la souvenance des playsirs sensibles.

UI delibere de ne plus offenser Dieu, rencontre plusieurs occa

Qsions suggerées par le diable pour pescher. Qui se resout de ne

plus vouloir de consolation qu'en Dieu, rencontre le monde qui luy presente de nouveaux playsirs temporels; ce luy est un grand empeschement pour apprehender les consolations divines, de ne se pouvoir separer ny deffayre des anciennes compaignies, conversations et recreations.

Doncques l'Espouse, c'est-à-dire l'ame desjà en grace, voulant entrer à la vie spirituelle par les baysers de son divin espoux, qui sont les consolations spirituelles, à une grande peyne à se deprendre du chœur des dames, conversations anciennes qui luy offrent des vins et parfums, qui sont les playsirs temporels donc ques, l'ame languissante pour l'absence de son espoux, desirant s'unir à luy par l'orayson, le chœur des dames la veut conforter avec vins et parfums, lui remettant en memoire les playsirs passez, nonobstant lesquels elle demande :

Osculetur me osculo oris sui; — Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche.

PRE

II. Remede au premier empeschement L'ame desire

et demande les biens spirituels.

DREMIEREMENT, elle considere que les biens et playsirs mondains, aupres des divins, ne sont que vanité. Secondement, que Dieu est doux et souhaictable en luy-mesme. Troisiesmement, que plusieurs ames sainctes ont frayé le chemin, n'ayant treuvé aucun playsir qu'en Dieu. Quatriesmement, elle demande à Dieu qu'il luy oste toutes ses affections terrestres.

Et quant au premier elle dit :

Quia meliora sunt ubera tua vino, fragrantia unguentis optimis; Tes amours sont meilleurs que le vin, et plus odorans que les parfums.

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Et pour le quatriesme:

Tire

Trahe me post te; curremus in odorem unguentorum tuorum; moy apres toy; nous te suivrons et courrons à l'odeur de tes parfums. Et tout incontinent, portée par une grande confiance d'obtenir ce qu'elle demande, comme si desjà c'estoit fait, elle adjouste:

Introduxit me rex in cellaria sua : exultabimus et lætabimur in te, memores uberum tuorum super vinum : recti diligunt te. Mon roy m'a menée en ses cabinets; nous sauterons de joye, et nous nous resjoüyrons en luy et avec luy de la souvenance de tes amours, qui sont meilleurs que le vin les bons t'ayment et te prinsent.

Les scrupules neantmoins surviennent par la memoire des pechez passez, dont elle dit :

sicut

Nigra sum, sed formosa, filiæ Jerusalem, sicut tabernacula Cedar, pelles Salomonis; Je suis noire (mais l'integrité de sa conscience presente, fait qu'elle adjouste): mais je suis belle, ô filles de Hierusalem, comme les tabernacles de Cedar et comme les peaux de Salomon.

Le foyer de la concupiscence y apporte du deschet, mais sans qu'il luy puisse estre reproché ny imputé à peché.

Nolite me considerare quod fusca sim, quia decoloravit me sol; Ne prenez donc pas garde à ce que je suis brune, car mon soleil m'a voulu ainsi laisser en ceste guerre; le soleil m'a donné le teinct que j'ay;

et ce n'est pas advenu par ma faute, mais par celle des premiers enfans de la nature humaine ma mere:

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Filii matris meæ pugnaverunt contra me; Les fils de ma mere ont com

battu contre moy.

Ce fut par leur peché que je fus mise en necessité de prendre tant de soings et garde à moy-mesme, comme si j'estois à garder une vigne.

Posuerunt me custodem in vineis; Ils m'ont mise à garder les vignes; contre les assauts de la concupiscence; et tout cela, helas! non par ma faute propre et actuelle, mais par celle d'aultruy, dont je puis dire:

Vineam meam non custodivi;

moy.

La vigne que j'ay gardée n'estoit pas à

Et partant, que la confiance revienne en moy, et que je commence à chercher mon espoux, où il est plus aysement treuvé par l'orayson.

Indica mihi, quem diligit anima mea, ubi pascas, ubi cubes in meridie, ne vagari incipiam post greges sodalium tuorum; O vous que mon ame ayme, enseignez-moy où vous paissez et où vous couchez à l'ombre du midy; alin que je ne coure çà et là esgaresment aux troupeaux de vos compaignons; c'est-à-dire apres les creatures. Enseignez-moy où je pourray vous treuver en l'orayson avec vos lumieres et consolations, sans m'arrester à la creature.

III.

Premier degré d'orayson: Consideration de Dieu
dans les choses corporelles.

VOY-TU bien ce soleil, ô mon espouse, ces estoiles, ces cieux, ceste terre, ces rochers? Ce sont autant de voies et chemins pour me treuver elles ne sont pas faites d'elles-mesmes, elles ne sont pas sans quelque principe qui les a faites, et qui est leur fin derniere, qui les conserve, qui les garde. Mais qui est ce principe et ceste fin? C'est Dieu les meres de toutes choses sont les idées qui en sont en moy, en ma puissance et bonté. Mais les agneaux, aussi-tost que l'huis de la bergerie est ouvert, courent droict à leurs meres ainsi l'homme, voyant les creatures, monte petit à petit à Dieu, c'est un moyen de me treuver.

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:

Si ignoras te, ó pulcherrima inter mulieres, egredere et abi post vestigia gregum; Si tu n'as pas encore une entiere cognoissance, ô la plus belle des femmes, parce que tu es encore commençante, sors de la souvenance des playsirs passez, et va suivant le pas de ces troupeaux.

Cherche mes sentiers en toutes creatures, laisse-toy guyder et meiner là par où elles-mesmes retournent, et tu treuveras qu'elles iront reposer aux pasturages de leur premier berger.

Et pasce hodos tuos juxta tabernacula pastorum; vreaux pres les loges des pasteurs.

Fay paistre tes che

Tu seras conduicte à trois paissants et un pasteur, à trois creans et un createur. Toutes les creatures sensibles te meineront là, et les plus nobles encore mieux.

Surtout la nature humaine, en tes premieres meditations, t'y sera profittable. Tu verras les biens surnaturels qui sont en elle, comme, qu'elle est l'habitation de Dieu, son throsne, et quasi son chariot, dont il luy peut dire :

Equitatui meo in curribus Pharaonis assimilavi te, amica mea ; O ma bien-aymée, je t'ay faite semblable à ma genisse attelée au chariot de Pha

raon.

Tu y verras les biens naturels; car elle est aussi belle en ellemesme, comme si elle avoit tous les ornemens du monde.

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Tes

Pulchræ sunt genæ tuæ sicut turturis ; collum tuum sicut monilia; joües sont belles comme si elles estoient parées de quelques beaux ornemens; ton cou est beau comme s'il estoit paré de quelque beau carcan. Tu verras ces biens accidentels, comme quoy tout le monde a esté fait pour ton usage, ornement et service.

-

Murenulas aureas faciemus tibi vermiculatas argento; Nous te ferons des bagues d'or qui seront esmaillées d'argent, qui sont des bienfaicts si grands, que l'ame les meditant s'enflamme d'amour, et est contraincte de s'escrier Puisque je ne puis autre chose, au moins t'aymeray-je, ô mon espoux! et seray moy-mesme ta salle royale, laquelle je parfumeray de nard; c'est-à-dire je m'empliray d'amour.

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- Tandis

Dum esset rex in accubitu suo, nardus mea dedit odorem suum ; que mon roy sera en sa salle, mon parfum, qui est composé de nard, embausmera tout ce lieu de la suavité de son odeur;

et de plus, je m'uniray tellement avec luy, que je le porteray comme un boucquet dedans mon sein.

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