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Etes-vous point prompt à parler du prochain en mauvaise part, surtout de ceux qui ne vous ayment pas? faites-vous point de mal au prochain, ou directement, ou indirectement? Pour peu que vous soyez raysonnable, vous vous en appercevrez aysement.

J'AY

CHAPITRE VII.

Examen sur les affections de vostre ame.

'AY estendu ainsi au loing ces poincts, en l'examen desquels gist la cognoissance de l'advancement spirituel qu'on a fait; car quant à l'examen des pechez, cela est pour les confessions de ceux qui ne pensent point à s'advancer.

Or, il ne faut neantmoins pas se travailler sur un chascun de ces articles, sinon tout doucement, considerant en quel estat nostre cœur a esté touschant iceux dés nostre resolution, et quelles fautes notables nous y avons commises.

Mais pour abreger le tout, il faut reduire l'examen à la recherche de nos passions? et s'il nous fasche de considerer si fort par le menu comme il a esté dit, nous pouvons ainsi nous examiner quels nous avons esté, et comme nous nous sommes comportez.

En nostre amour envers Dieu, envers le prochain, envers nous

mesme.

En nostre hayne envers le peché qui se treuve en nous, envers le peché qui se treuve és autres (car nous devons desirer l'exterminement de l'un et de l'autre) en nos desirs touschant les biens, touschant les playsirs, touschant les honneurs.

En la crainte des dangers de pecher, et des pertes des biens de ce monde : on craint trop l'un, et trop peu l'autre.

En esperance trop mise, peut-estre, au monde et en la creature, et trop peu mise en Dieu et és choses eternelles.

En la tristesse, si elle est trop excessive pour choses vaines. En la joye, si elle est excessive, et pour choses indignes. Quelles affections enfin tiennent vostre cœur empesché, quelles passions le possedent, en quoy s'est-il principalement detracqué.

Car, par les passions de l'ame, on recognoist son estat en les tastant l'une apres l'autre, d'autant que comme un joueur de luth pinçant toutes les cordes, celles qu'il treuve dissonnantes il les accorde, ou les tirant, ou les laschant: apres avoir tasté l'amour, la hayne, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye dé nostre ame, si nous les treuvons mal accordantes à l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace, et le conseil de nostre pere spirituel.

A

CHAPITRE VIII.

Affections qu'il faut fayre apres l'examen.

PRES avoir doucement consideré chaque poinct de l'examen, et veu à quoy vous en estes, vous viendrez aux affections en ceste

sorte.

Remerciez Dieu de ce peu d'amendement que vous aurez treuvé en vostre vie, dés vostre resolution, et recognoissez que ç'a esté sa misericorde seule qui l'a fait en vous, et pour vous.

Humiliez-vous fort devant Dieu, recognoissant que, si vous n'avez pas beaucoup advancé, c'a esté par vostre manquement, parce que vous n'avez pas fidellement, courageusement et cons tamment correspondu aux inspirations, clartez et mouvemens qu'il vous a donnez en l'orayson, et ailleurs.

Promettez-luy de le louer à jamais des graces exercées en vostre endroict, pour vous retirer de vos inclinations à ce petit amendement.

Demandez-luy pardon de l'infidellité et desloyauté avec laquelle vous avez correspondu.

Offrez-luy vostre cœur, afin qu'il s'en rende du tout le maistre. Suppliez-le qu'il vous rende toute fidelle.

Invoquez les saincts, la saincte Vierge, vostre ange, vostre patron, sainct Joseph, et ainsi des autres.

CHAPITRE IX.

Des considerations propres pour renouveller nos bons propos.

A PRES avoir fait l'examen, et avoir bien conferé avec quelque digne conducteur sur vos deffauts et sur les remedes d'iceux, vous prendrez les considerations suivantes, en en faysant une chaque jour par maniere de meditation, y employant le tems de vostre orayson, et ce tousjours avec la mesme methode, pour la preparation et les affections, de laquelle vous avez usé és meditations de la premiere partie, vous mettant avant toutes choses en la presence de Dieu, implorant sa grace pour vous bien establir en son sainct amour et service.

C

CHAPITRE X.

Consideration premiere, de l'excellence de nos ames.

ONSIDEREZ la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement, lequel cognoist non-seulement tout ce monde visible, mais cognoist encore qu'il y a des anges et un paradis, cognoist qu'il y a un Dieu tres-souverain, tres-bon et ineffable, cognoist qu'il y a une eternité, et de plus cognoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux anges en paradis, et pour joüyr de Dieu eternellement.

Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu et ne peut le hayr en soy-mesme. Voyez vostre cœur, comme il est genereux, et que, comme rien ne peut arrester les abeilles, de tout ce qui est corrompu, ains s'arrestent seulement sur les fleurs ainsi vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir. Repensez hardyment aux plus chers et violens amusemens qui ont occupé autresfois vostre cœur; et jugez en verité s'ils n'estoient pas pleyns d'inquiettudes molestes,

de pensées cuisantes, et de soucis importuns, emmy lesquels vostre pauvre cœur estoit miserable.

Helas! nostre cœur, courant aux creatures, y va avec des empressemens, pensant de pouvoir y accoiser ses desirs; mais, sitost qu'il les a rencontrées, il void que c'est à refayre, et que rien ne le peut contenter, Dieu ne voulant que nostre cœur treuve aucun lieu sur lequel il puisse reposer, non plus que la colombe sortie de l'arche de Noé, afin qu'il retourne à son Dieu, duquel il est sorty. Ha! quelle beauté de nature y a-t-il en vostre cœur! et doncques pourquoy le retiendrons-nous contre son gré à servir aux creatures? O ma belle ame (devez-vous dire), vous pouvez entendre, et vouloir Dieu; pourquoy vous amusez-vous à chose moindre? vous pouvez pretendre à l'eternité; pourquoy vous amusez-vous aux momens? Ce fut l'un des regrets de l'enfant prodigue, qu'ayant peu vivre delicieusement en la table de son pere, il mangeoit vilainement en celle des bestes. O mon ame! tu es capable de Dieu : malheur à toy, si tu te contentes de moins que de Dieu! Eslevez fort vostre ame sur ceste consideration, remonstrez-luy qu'elle est eternelle et digne de l'eternité; enflez-luy le courage pour ce subjet.

CON

CHAPITRE XI.

Seconde consideration, de l'excellence des vertus.

ONSIDEREZ que les vertus et la devotion peuvent seules rendre vostre ame contente en ce monde; voyez combien elles sont belles; mettez en comparayson les vertus et les vices qui leur sont contraires quelle suavité en la patience, au prix de la vengeance, de la douceur, au prix de l'ire et du chagrin; de l'humilité, au prix de l'arrogance et ambition; de la liberalité, au prix de l'avarice; de la charité, au prix de l'envie; de la sobrieté, au prix des desordres! Les vertus ont cela d'admirable, qu'elles delectent l'ame d'une douceur et suavité nonpareille, apres qu'on les a exercées, où les vices la laissent infinyment recreue et mal-menée. Or sus doncques, pourquoy n'entreprendrons-nous pas d'acquerir ces suavitez? Des vices, qui n'en a qu'un peu n'est pas content, et qui en a beaucoup est mecontent; mais des vertus, qui n'en a qu'un peu, encore a-t-il desjà du contentement, et puis tousjours plus en advançant. O vie devote, que vous estes belle, douce, aggreable et Soüefve! vous adoucissez les tribulations, et rendez soüefves les consolations; sans yous le bien est mal, et les playsirs pleyns d'inquiettudes, troubles et deffaillances ha! qui vous cognoistroit pourroit bien dire avec la Samaritaine : Domine, da mihi hanc aquam; Seigneur, donnez-moy ceste eau: aspiration fort frequente à la Mere Therese, et à saincte Catherine de Gennes, quoyque pour differens subjets.

CHAPITRE XII.

Troisiesme consideration, sur l'exemple des Saincts.

YONSIDEREZ l'exemple des Saincts de toutes sortes qu'est-ce

C qu'ils n'ont pas fait pour aymer Dieu, et estre ses devots? Voyez

ces martyrs invincibles en leurs resolutions : quels tourmens n'ont-ils pas souffert pour les maintenir? mais surtout ces belles et florissantes dames, plus blanches que les lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité, les unes à douze, les autres à treize, quinze, vingt, et vingt-cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plutost que de renoncer à leur resolution, non-seulement en ce qui estoit de la profession de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion, les unes mourant plutost que de quitter la virginité, les autres plutost que de cesser de servir les affligez, et consoler les tourmentez, et ensevelir les trespassez. O Dieu! quelle constance a monstré ce sexe fragile, en semblable occurrence!

Regardez tant de saincts confesseurs avec quelle force ont-ils mesprisé le monde? comme se sont-ils rendus invincibles en leurs resolutions? rien ne les en a peu fayre desprendre; ils les ont embrassées sans reserve, et les ont maintenues sans exception. Mon Dieu, qu'est-ce que dit sainct Augustin de sa mere saincte Monique? avec quelle fermeté a-t-elle poursuivy son entreprinse de servir Dieu en son maryage, en son veufvage? Et sainct Hierosme, de sa chere fille Paula, parmy combien de traverses, parmy combien tant de varietez d'accidens? Mais qu'est-ce que nous ne ferons pas sur ces si excellens patrons? Ils estoient ce que nous sommes, ils le faysoient pour le mesme Dieu, pour les mesmes vertus: pourquoy n'en ferons-nous autant en nostre condition, et selon nostre vocation, pour nostre chere resolution, et saincte protestation?

CHAPITRE XIII.

Quatriesme consideration, de l'amour que Jesus-Christ
nous porte.

ONSIDEREZ l'amour avec lequel Jesus-Christ Nostre Seigneur a tant souffert en ce monde, et particulierement au jardin des Olives et sur le mont de Calvaire cest amour vous regardoit, et, par toutes ces peynes et travaux, obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encore tout ce qui vous est necessaire pour maintenir, nourrir, fortifier et consommer ces resolutions. O resolution! que vous estes precieuse, estant fille d'une telle mere, comme est la passion de mon Sauveur! ô combien mon ame vous doit cherir, puis que vous ayez esté si chere à mon Jesus! Helas! ô Sauveur de mon ame, vous mourustes pour m'acquerir mes resolutions hé! faites-moy la grace que je meure plutost que de les perdre.

Voyez-vous, ma Philotée, il est certain que le cœur de nostre cher Jesus voyoit le vostre dés l'arbre de la croix, et l'aymoit, et par cest amour luy obtenoit tous les biens que vous aurez jamais, et entre

autres nos resolutions. Ouy, chere Philotée, nous pouvons tous dire comme Jeremie: 0 Seigneur, avant que je fusse, vous me regardiez et m'appelliez par mon nom; d'autant que vrayement sa divine bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens generaux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions. Ouy sans doubte, comme une femme enceinte prepare le berceau, les linges et bandelettes, et mesme une nourrice pour l'enfant qu'elle pretend fayre, encore qu'il ne soit pas au monde : ainsi Nostre Seigneur, ayant sa bonté grosse et enceinte de vous, pretendant vous enfanter au salut, et vous rendre sa fille, prepara sur l'arbre de la croix tout ce qu'il falloit pour vous; vostre berceau spirituel, vos linges et bandelettes, vostre nourrice, et tout ce qui estoit convenable pour vostre bonhenr, ce sont tous les moyens, tous les attraicts, toutes les graces avec lesquelles il conduit vostre ame, et la veut tirer à sa perfection. Or, Nostre Seigneur estoit en estat de grossesse et de femme enceinte sur l'arbre de la croix.

Ah! mon Dieu! que nous devrions profondement mettre cecy en nostre memoire! Est-il possible que j'aye esté aymé, et si doucement aymé de mon Sauveur, qu'il allast penser à moy en particulier, et en toutes ces petites occurrences, par lesquelles il m'a tiré à luy? et combien doncques devons-nous aymer, cherir et bien employer tout cela à nostre utilité? Cecy est bien doux : ce cœur amyable de mon Dieu pensoit à Philotée, l'aymoit et luy procuroit mille moyens de salut, autant comme s'il n'eust point eu d'autre ame au monde en qui il eust pensé : ainsi que le soleil esclairant un endroict de la terre ne l'esclaire pas moins que s'il n'esclairoit point ailleurs, et qu'il esclairast cela seul; car tout de mesme Nostre Seigneur pensoit et soignoit pour tous ses chers enfans, en sorte qu'il pensoit à un chascun de nous, comme s'il n'eust point pensé à tout le reste. Il m'a aymé, dit sainct Paul, et s'est donné pour moy; comme s'il disoit : Pour moy seul, tout autant comme s'il n'eust rien fait pour le reste. Cecy, Philotée, doit estre gravé en vostre ame, pour bien cherir et nourrir vostre resolution, qui a esté si precieuse au cœur du Sauveur.

Co

CHAPITRE XIV.

Cinquiesme consideration, de l'amour eternel de Dieu

envers nous.

MONSIDEREZ l'amour eternel que Dieu vous a porté : car desjà avant que Nostre Seigneur Jesus-Christ en tant qu'homme souffrist en croix pour vous, sa divine Majesté vous projettoit en sa souveraine bonté, et vous aymoit extresmement. Mais quand commença-t-il à vous aymer? il commença quand il commença à estre Dieu; et quand commença-t-il à estre Dieu ? jamais, car il l'a tousjours esté, sans commencement et sans fin: et aussi il vous a tousjours aymé dés l'eternité : c'est pourquoy il vous preparoit les graces et faveurs qu'il vous a faites. Il le dit par le prophete: Je t'ay aymé (il parle à vous, aussi bien qu'à nul autre), d'une charité perpetuelle; et partant je t'ay attiré, ayant pityé de toy. Il a doncques

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