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Esprit, qu'il luy a donné. Comme c'auroit esté une impieté tresgrandé aux Apostres de contester contre leur Maistre, autant le seroit-ce à celuy qui contesteroit contre l'Eglise, parcé que si le Pere a dit du Fils: Ipsum audite, le Fils a dit de l'Eglise Si quis Ecclesiam non audierit, sit tibi sicut Ethnicus et Publicanus (Matth. 18).

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DISCOURS XV.

La mission des heretiques est abusive, puisqu'ils ont ruyné le credit de l'Eglise universelle.

JERITABLEMENT, Messieurs, je n'ay pas besoin de longs argumens, pour faire voir que vos ministres ont avily la sainctetě et la majesté de l'Eglise, puis qu'ils publient haut et clair, qu'elle a demeuré huict ou neuf cens ans en adultere, et qu'elle est devenuë anti-chrestienne depuis le tems de sainct Gregoire, jusques à Wiclef, que Beze tient pour le premier restaurateur du Christianisme. Calvin se voudroit bien couvrir d'une distinction imaginaire, en soustenant que l'Eglise peut errer dans les choses non necessaires au salut, non dans les autres qui sont essentielles à la foy; mais Beze passe plus avant, et sans biaiser confesse librement, qu'elle a erré en tout et qu'elle n'estoit plus Eglise, ny pour les choses qui regardent l'usage ny pour les choses qui sont essentielles et necessaires au salut. Il advouë neantmons que hors l'Eglise il n'y a point de salvation; et s'ensuit de son dire (quoy qu'il se tourne et contourne de tous costez) que puisque l'Eglise a erré aux choses necessaires, on ne s'est peu sauver chez elle dans le tems de son adultere. En effect, il est impossible qu'elle s'esgare dans les choses necessaires pour le salut, sans qu'elle nous destourne des choses necessaires à salut, car autrement, si elle avoit ce qui est necessaire pour le salut, elle seroit la vraye Eglise, à moins qu'il fust possible de se pouvoir sauver hors de la vraye Eglise, ce qui ne se peut accorder, selon le sentiment de Beze mesme, qui proteste assez franchement avoir apprins ceste doctrine de ceux qui l'ont instruict en sa religion pretenduë reformée, c'est-à-dire de Jean Calvin. Et de vray, si Calvin eust creu que l'Eglise romaine n'eust pas erré és choses necessaires à salut, if eust eu grand tort de s'en separer; car y pouvant operer son salut, et supposé que le necessaire et l'essentiel du vray Christianisme s'y fust treuvé, il eust esté obligé en conscience d'y demeurer pour se sauver, parce que le salut ne pouvoit estre en deux lieux differens et opposez. On me respliquera peut estre, que Beze tient que l'Eglise Romaine, telle qu'elle est aujourd'huy, erre dans les choses necessaires, et que pour cela mesme il s'en est separé; mais qu'il ne tient pas pour cela que la vraye Eglise ayt jamais erré toutesfois, un ministre ne peut s'eschapper de ce costé-là; car alors quelle autre Eglise y avoit-il au monde? Il y a deux cens, trois cens, quatre cens, et cinq cens ans, qu'on ne recognoissoit parmy les chrestiens que l'Eglise Catholique Romaine, et toute telle qu'elle est à present; il n'y en avoit point d'autre, et cela hors de doubte : par consequent c'estoit la vraye et la seule Eglise; mais s'il est certain qu'elle erroit, il n'y

avoit donc plus de vraye Eglise au monde. Beze l'advouë, et donne pour toute rayson que ce pitoyable et general aneantissement estoit arrivé par une erreur intolerable, et mesme dans les choses necessaires à salut. Il est mesme vray qu'il a son refuge à la conservation chimerique d'une Eglise invisible, dont nous avons fait voir la vanité cy-devant, et mesme dans le poinct que nous examinons, puisque, quand ils confessent que l'Eglise visible peut errer, à mesme tems ils violent l'Eglise à laquelle Nostre Seigneur nous renvoye pour esclaircir nos difficultez, et que sainct Paul appelle colomne et pilier de la verité. Car ce n'est que l'Eglise visible, de laquelle s'entendent ces tesmoignages, sinón que quelque obstiné voulust dire, que Nostre Seigneur nous eust renvoyez à une societé invisible, imperceptible, et du tout incogneue, ou que sainct Paul eust enseigné son Timothée de converser avec une assemblée, de laquelle il n'eust peu avoir aucune cognoissance. Mais, je vous prie, n'est-ce pas là rompre tout le respect et toute la reverence deue à ceste Espouse du Roy celeste? N'est-ce pas reduire à l'erreur toutes les troupes de nos anciens Peres, qui, depuis tant de siecles, avec tant de sang, avec tant de sueur et de travaux, ont deffendu l'Eglise, et les traitter comme des errans, des bannis, des revoltez et des conjurez contre sa couronne? n'est-ce pas remettre sur pied tant d'heresies et tant de fausses opinions que l'Eglise avoit condamnées, et l'accuser d'avoir entreprins sans la rayson de souveraineté sur son estat, absolvant ceux qu'elle avoit condamnez, et condamnant ceux qu'elle avoit absous; en voicy des exemples.

Simon Magus soustenoit, au rapport de Vincent de Lerins, que Dieu estoit cause du peché (Vinc. Lirin. c. 3, 4): Calvin et Beze le confessent, le premier au Traitté de l'eternelle predestination; le second en la response à Sebastien Castillio: car, quoy qu'ils nyent le mot, ils en deffendent le vray sens; et en effect ils sont convaincus de ceste heresie (si heresie on la doit appeller, non pas plutost un atheisme) par tant de doctes hommes, qui les ont combattus par leurs propres parolles, que je perdrois le tems de m'y arrester.

Judas, dit sainct Hierosme, a creu que les miracles qu'il voyoit operer par la vertu et de la main de Nostre Seigneur, n'estoient que des illusions diaboliques : je ne sçay, Messieurs, si vos ministres sont plus modestes; quand on leur produict des miracles, ils les appellent des prestiges et des sorcelleries. Ces miraculeuses merveilles que Nostre Seigneur a faites par ses serviteurs, au lieu de vous ouvrir les yeux, helas! qu'en dites-vous, quelles railleries n'en faites-vous point.

Les Pepusiens, dit sainct Augustin (c'est-à-dire les Montanistes ou les Phryges comme les appelle le Code), admettoient à la dignité de la prestrise, mesme les femmes: cela se void dans vos freres Anglois, qui tiennent Elizabeth leur reyne pour chef de leur Eglise.

Les Manicheens, au rapport de sainct Hierosme, nyoient le liberal arbitre; Luther a fait un livre contre la liberté de la nature humaine, qu'il a intitulé de Pravo arbitrio. Pour ce qu'en dit Calvin, je m'en rapporte à vous, et n'en veux point d'autres tesmoins.

Les Donatistes croyoient que l'Eglise de Dieu s'estoit perduë

en tout le monde, et qu'elle estoit demeurée seulement chez eux; vos ministres parlent de mesme sorte. Ceux-là disoient qu'un meschant homme ne pouvoit baptizer; Wiclef en tient tout autant que ces heretiques et ce poinct est si ridicule, que vostre ministre Beze a tenu pour un insensé ce reformateur. Pour ce qui touche leur discipline, voicy les caracteres de leurs vertus : ils donnoient le tresprecieux Sacrement aux chiens; ils jettoient le sainct Chresme aux pieds; renversoient les autels; rompoient les calices sacrez, et les vendoient aux prophanes; ils rasoient, par irrision, la teste aux prestres, pour leur lever la sacrée Onction; ils ostóient et arrachoient le voyle aux sainctes vierges pour les prophaner.

Jovinian, selon le tesmoignage de sainct Augustin (De hæres., ad quod-vult-deum, cap. 28), vouloit qu'on mangeast en tout tems et contre les deffenses de l'Eglise, de toutes sortes de viandes; il disoit que les jeusnes n'estoient point meritoires devant Dieu, que tous les esleus estoient esgaux en la gloire, que la virginité n'estoit pas plus excellente que le maryage, et que tous les pechez estoient esgaux. Or, chez vos maistres on enseigne le mesme (Luth. Serm. de Nat. B. V.; Petr. Mart. Epist. 6; Calvin, Antid. Trid. Sess. VI). Vigilance, comme escrit sainct Hierosme dans son livre contre cest heretique, et dans sa deuxiesme Epistre, ne vouloit point qu'on honorast les reliques des saincts; il tenoit fortement que leurs prieres n'estoient point profittables, que les prestres ne devoient vivre dans le celibat, que la pauvreté volontaire estoit un abus. Et vous, Messieurs, que ne dites-vous point sur ces articles?

Eustachius, en l'année 324, mesprisa temerairement les jeusnes ordinaires commandez de l'Eglise, les traditions ecclesiastiques, les lieux sacrez et reliques des saincts martyrs, et les basiliques dediées à leur devotion. Le recit en est fait par le Concile Gangrense (in præfat.), où, pour ces erreurs recogneues et advoüées, il fut anathematizé, et condamné. Voyez-vous combien il y a de tems qu'on a condamné vos reformateurs? Eunomius ne voulut point ceder à la pluralité, ny à la dignité, ny à l'antiquité, comme tesmoigne saint Basile contre luy. Il disoit que la seule foy suffisoit à salut, et justifioit le fidelle; c'est sainct Augustin qui le luy reproche (Hares. 14). Sur le premier poinct, voyez Beze en son Traitté des marques de l'Eglise; touschant le second, n'est-il pas d'accord avec ceste celebre sentence de Luther, que Beze tient pour bien-heureux reformateur: Vides quàm dives sit homo Christianus, sive baptizatus, qui etiam volens, non potest perdere salutem suam, quantiscumque peccatis ligatus, nisi nolit credere (Luth. de capt. Babyl.).

Arius, au recit de sainct Augustin, nyoit la priere pour les morts, les jeusnes ordinaires, et la superiorité des evesques par dessus lé simple peuple; vos ministres soustiennent tout cela!

Lucifer, selon la remarque de saint Hierosme, appelloit son Eglise seulement la vraye Eglise, et disoit que l'Eglise ancienne estoit devenue un lieu de prostitution; n'est-ce pas ce que preschent vos ministres dans vos assemblées?

Les Pelagiens (Hieron. adv. Pelag. 1. 3; Aug. contra Julian. 1. 5, c. 42) se tenoient si asseurez et si certains de leur justice, qu'ils

promettoient le salut aux enfans des fidelles qui mouroient sans baptesme; ils croyoient que tous pechez estoient mortels. Pour le premier, c'est un ordinaire langage dans la doctrine de Calvin. (Antid. Trid.); le second et troisiesme sont si communs parmy vous, qu'il est superflu d'en dire autre chose.

Les Manicheens rejettoient les sacrifices de l'Eglise, et les imaiges (Aug. 1. 20 contra Faust.); c'est ce que font vos gens.

Les Messaliens mesprisoient tous les ordres sacrez; ils ruynoient les eglises et les autels, comme l'observe sainct Damascene (Hæres. 80), et Ignatius (Apud Theodoret. in Dial, qui dic. Impatibilis) : Eucharistiam et oblationes non admittunt, quod non confiteantur Eucharistiam esse carnem Salvatoris nostri Jesu Christi, quæ pro peccatis nostris passa est, quam Pater sua benignitate suscitavit. Contre lesquels à escrit sainct Martial, ad Burdegalenses'.

Berangaire voulut advancer la mesme heresie longtems apres; mais il fut condamné par trois Conciles, aux deux derniers desquels il abjura l'impieté de son erreur.

Julien l'Apostat mesprisoit fort le signe de la croix. Aussi faysoit Xenaïas (chez Nicephore, 1. 16, c. 27); les Mahumetans n'en font pas moins (Damasc. Hæres. 100). Mais qui voudra voir cecy bien au long, qu'il voye Sander (1. 8, c. 57), et Bellarmin (in notis Eccles.). Voyez-vous, Messieurs, les colomnes desjà depuis longtems esbranlées, sur lesquelles vos ministres ont jetté et formé leur reformation? Or, de grace! ceste seule allyance d'opinions, ou, pour mieux dire, cest estroit parentage et consanguinité, que vos premiers maistres ont eu avec les plus anciens et les plus mortels ennemys de l'Eglise, ne vous devroit-elle pas detourner de les suivre en vous rangeant ainsi malheureusement sous leurs enseignes? Je n'ay pas cité une heresie qui n'ayt esté tenue pour telle en l'Eglise ancienne, que Calvin et Beze confessent avoir esté la vraye Eglise, à sçavoir dans les premiers cinq cens ans du Christianisme. Hé je vous prie, n'est-ce pas fouler indignement aux pieds la majesté de l'Eglise, que de produire comme une reformation et reparation tres-necessaire et tres-saincte, ce qu'elle a detesté tant de fois lorsqu'elle estoit encore en ses plus pures années, et qu'elle avoit terrassé, combattu, foudroyé, ruyné, et separé de la vraye doctrine? L'estomach délicat de ceste celeste espouse n'avoit peu soustenir aux premiers siecles la violence de ces venins; elle les avoit rejettez avec tant d'effort, que plusieurs de ses saincts martyrs en avoient signé la fausseté de leur propre sang; et maintenant vous les luy presentez comme une precieuse medecine. Les saincts et doctes personnages que j'ay citeż ne les eussent jamais mis dans le rang des heretiques, s'ils n'eussent veu le corps de l'Eglise les tenir pour tels; c'estoient des hommes tres-orthodoxes, et qui estoient considerez de tous les evesques et docteurs catholiques de leur tems, qui monstrent dans leurs escrits que ce qu'ils tenoient pour heretique l'estoit effectivement. Imaginez-vous donc ceste venerable antiquité, dans le ciel, autour du Maistre qu'ils ont servy, et où ils regardent avec pityé vos reformations: ils y sont allez à

1 Ouvrage apocryphe.

Dieu en combattant les opinions que vos ministres vous preschent, ils ont tenu pour heretiques ceux dont vous suivez les exemples; pensez-vous que ce qu'ils ont jugé erreur, heresie et blaspheme chez les Ariens, Manicheens et autres seducteurs, soit creu maintenant par eux pour articles de reformation et restauration? Qui ne void que c'est ici le plus grand mespris que vous pouviez faire à la majesté de l'Eglise? Si vous voulez venir à la succession de la vraye et saincte foy de ces premiers siecles, ne revoquez pas en doubte ce qu'elle a si solemnellement estably et constitué: personne ne peut estre heritier en partie, il le faut estre en tout, ou en rien. Acceptez l'heritage fidellement : les charges ne sont pas si grandes, qu'un peu d'humilité n'en fasse la rayson; il ne faut que renoncer genereusement à ses passions, et à ses opinions, et passer paisiblement, du differend que vous avez avec l'Eglise, à son unité, les hommes sont appellez pour estre heritiers de Dieu, coheritiers de Jesus-Christ, en l'heureuse compaignie de tous les bien-heureux. Amen.

DEUXIESME PARTIE.

DES REGLES DE LA FOY.

SECTION PREMIERE.

L'AUTHORITÉ DES ESCRITURES EST LA PREMIERE REGLE DE LA FOY.

L'on void dans ce Traitté que les ministres de la Religion pretendue ont violé toutes les loix de la Foy catholique, par la corruption des sainctes Escritures, et par le mespris des venerables traditions.

AVANT-PROPOS DE SAINCT FRANÇOIS DE SALES.

A MESSIEURS de la ville de THONON,

où, par maniere de prelude, sont desclarées et distinguées les regles de la Foy.

Il est certain que si l'advis que sainct Jean donne aux chrestiens, de ne pas croire legerement à toutes sortes d'esprits, fut necessaire de son tems, il ne l'est pas moins à present, mais plus que jamais, en un siecle corrompu, où tant d'esprits contraires et divers osent, avec une esgale asseurance, demander creance et authorité dans le Christianisme, en vertu de la parolle de Dieu, à la suite desquels on a veu tant de peuples s'escarter qui çà, qui là, chascun selon son sens et son humeur. Et en effect, comme on void le vulgaire admirer les comettes et les feux volans, et croire fermement que ce soyent de vrays astres et des planettes, au lieu que les plus entendus cognoissent bien que ce ne sont que flammes passageres, qui se roulent, et se perdent dans l'air, attachées à quelques vapeurs, pendant qu'il y a de quoy les nourrir, lesquelles neantmoins laissent tousjours quelque mauvais effect, et n'ont rien de commun avec les astres incorruptibles, que ceste grossiere

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