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ner toutes ses affections en Dieu, et joindre de toutes parts son cœur avec celuy de sa divine Majesté. Car, si le desir de laisser les enfans riches, ou quelqu'autre sorte de pretention mondaine, arreste la veufve en viduité, elle en aura peut-estre la loüange; mais non pas certes devant Dieu, puisque devant Dieu rien ne peut avoir une veritable loüange, que ce qui est fait pour Dieu.

3o Il faut de plus que la veufve, pour estre vrayement veufve, soit separée et volontairement destituée des contentemens prophanes. La veufve qui vit en delices, dit sainct Paul, est morte en vivant. Vouloir estre veufve, et se playre neantmoins d'estre muguettée, caressée, cajolée; se vouloir treuver aux bals, aux danses et aux festins; vouloir estre parfumée, attifée et mígnardée, c'est estre une veufve vivante quant au corps, mais morte quant à l'ame. Qu'importe-t-il, je vous prie, que l'enseigne du logis d'Adonis et de l'amour prophane, soit faite d'aigrettes blanches perchées en guise de pennache, ou d'un crespe estendu en guise de rets autour du visage? ains souvent le noir est mis avec advantage de vanité sur le blanc pour en rehausser la couleur : la veufve ayant fait essay de la façon avec laquelle les femmes peuvent playre aux hommes, jette de plus dangereuses amorces dedans leurs esprits. La veufve doncques qui vit en ses folles delices, vivante est morte, et n'est à proprement parler qu'une idole de viduité.

Le tems de retrancher est venu, la voix de la tourterelle a esté ouye en nostre terre, dit le Cantique. Le retranchement des superfluitez mondaines est requis à quiconque veut vivre pieusement; mais il est surtout necessaire à la vraye veufve qui, comme une chaste tourterelle, vient tout fraischement de pleurer, gemir et lamenter la perte de son mary. Quand Noëmy revint de Moab en Bethleem, les femmes de la ville qui l'avoient cogneue au commencecement de son maryage s'entred isoient l'une à l'autre N'est-ce point icy Noëmy? mais elle respondit : Ne m'appellez point je vous prie, Noëmy (car Noëmy veut dire gracieuse et belle): ains appellez-moi Mara, car le Seigneur a rempli mon amé d'amertume; ce qu'elle disoit, d'autant que son mary luy estoit mort. Ainsi lá veufve devote ne peut jamais estre appellée et estimée ny belle, ny gracieuse, se contentant d'estre ce que Dieu veut qu'elle soit, c'està-dire, humble et abjecte à ses yeux.

Les lampes desquelles l'huyle est aromatique jettent une plus suave odeur quand on esteint leurs flammes ainsi les veufves desquelles l'amour a esté pur en leur maryage, respandent un plus grand parfum de vertu et chasteté quand leur lumiere, c'est-à-dire leur mary, est esteinte par la mort d'aymer le mary tandis qu'il est en vie, c'est chose assez triviale entre les femmes; mais l'aymer tant, qu'apres la mort d'iceluy on n'en veüille point d'autre, c'est un rang d'amour qui n'appartient qu'aux vrayes veufves. Esperer en Dieu, tandis que le mary sert de support, ce n'est pas chose si rare; mais d'esperer en Dieu quand on est destitué de cest appuy, c'est chose digne de grande foüange. C'est pourquoy on cognoist plus aysement en la viduité la perfection des vertus que l'on a eues au maryage.

La veufve laquelle a des enfans qui ont besoin de son addresse

et conduitte, et principalement en ce qui regarde leur ame et l'establissement de leur vie, ne peut, ny ne doit en façon quelconque les abandonner car l'apostre sainct Paul leur dit clairement qu'elles sont obligées à ce soing-là pour rendre la pareille à leurs peres et meres; et d'autant encore que si quelqu'un n'a soing des siens, et principalement de ceux de sa famille, il est pire qu'un infidelle. Mais si les enfans sont en estat de n'avoir pas besoin d'estre conduicts, la veufve alors doit ramasser toutes ses affections et cogitations, pour les appliquer plus purement à son advancement en l'amour de Dieu. Si quelque force forcée n'oblige la conscience de la vraye veufve aux embarrassemens exterieurs, tels que sont les procez, je luy conseille de s'en abstenir du tout, et suivre la methode de conduire ses affaires qui sera plus paysible et tranquille. quoyqu'il ne semblast pas que ce fust la plus fructueuse. Car il faut que les fruicts du tracas soyent bien grands pour estre comparables au bien d'une saincte tranquillité, laissant à part que les procez et telles broüilleries dissipent le cœur; et ouvrent souventesfois la porte aux ennemys de la chasteté, tandis que pour complayre à ceux, de la faveur desquels on a besoin, on se met en des contenances indevotes et desaggreables à Dieu."

L'orayson soit le continuel exercice de la veufve car ne devant plus avoir d'amour que pour Dieu, elle ne doit non plus presque avoir des parolles que pour Dieu; et comme le fer, qui estant empesché de suivre l'attraction de l'aymant à cause de la presence du diamant, s'eslance vers le mesme aymant, soudain que le diamant est esloigné, ainsi le cœur de la veufve qui ne pouvoit bonnement s'eslancer du tout en Dieu, ny suivre les attraicts de son divin amour, pendant la vie de son mary, doit soudain apres le trespas d'iceluy courir ardemment à l'odeur des parfums celestes, comme disant, à l'imitation de l'Espouse sacrée : 0 Seigneur, maintenant que je suis toute mienne, recevez-moy pour toute vostre, tirez-moy apres vous, nous courrons à l'odeur de vos unguens.

L'exercice des vertus propres à la saincte veufve sont la parfaicte modestie, le renoncement aux honneurs, aux rangs, aux assemblées, aux tiltres, et à telle sorte de vanité, le service des pauvres et des malades, la consolation des affligez, l'introduction des filles à la vie devote, et de se rendre un parfaict exemplaire de toutes vertus aux jeunes femmes la necessité et la simplicité sont les deux ornemens de leurs habicts; l'humilité et la charité les deux ornemens de leurs actions; l'honnesteté et debonnaireté les deux ornemens de leur langage; la modestie et la pudicité l'ornement de leurs yeux, et Jesus-Christ crucifié l'unique amour de leur

cœur.

Bref, la vraye veufve est en l'Eglise une petite violette de mars, qui respand une suavité nonpareille par l'odeur de sa devotion, et se tient presque tousjours cachée sous les larges feuilles de son abjection; et par sa couleur moins esclatante tesmoigne la mortification elle vient és lieux frais, et non cultivez, ne voulant estre pressée de la conversation des mondains, pour mieux conserver la fraischeur de son cœur contre toutes les chaleurs que le desir des biens, des honneurs, ou mesme des amours luy pourroient ap

porter. Elle sera bien-heureuse, dit le sainct Apostre, si elle per

severe en ceste sorte.

J'aurois beaucoup d'autres choses à dire sur ce subjet; mais "'auray tout dit quand j'auray dit que la veufve jalouse de l'honneur de sa condition, lise attentivement les belles Epistres que le grand sainct Hierosmé escrit à Furia et à Salvia, et à toutes ces autres dames qui furent si heureuses que d'estre filles spirituelles d'un si grand Pere: car il ne se peut rien adjouster à ce qu'il leur dit, sinon cest advertissement, que la vraye veufve ne doit jamais ny blasmer, ny censeurer celles qui passent aux secondes, ou mesme troisiesmes et quatriesmes nopces; car en certains cas Dieu en dispose ainsi pour sa plus grande gloire. Et faut tousjours avoir devant les yeux ceste doctrine des anciens, que ny la vuidité, ny la virginité, n'ont point de rang au ciel, que celuy qui leur est assigné par l'humilité.

CHAPITRE XLI.

Un mot aux vierges.

0 VIERGES! je n'ay à vous dire que ces trois mots; car vous treuverez le reste ailleurs. Si vous pretendez au maryage temporel, gardez donc jalousement vostre premier amour pour vostre premier mary. Je pense que c'est une grande tromperie de presenter, en lieu d'un cœur entier et sincere, un cœur tout usé, frelaté et tracassé d'amour. Mais si vostre bonheur vous appelle aux chastes et virginales nopces spirituelles, et qu'à jamais vous veuillez conserver vostre virginité! ô Dieu! conservez vostre amour le plus delicatement que vous pourrez pour cest Espoux divin, qui, estant la pureté mesme, n'ayme rien tant que la pureté, et à qui les premices de toutes choses sont deuës, mais principalement celles de l'amour les Epistres de sainct Hierosme vous fourniront tous les advis qui vous sont necessaires. Et puisque vostre condition vous oblige à l'obeyssance, choysissez une guide sous la conduitte de laquelle vous puissiez plus sainctement desdier vostre cœur et vostre corps à sa divine Majesté.

QUATRIESME PARTIE.

ADVIS NECESSAIRES CONTRE LES TENTATIONS PLUS ORDINAIRES.

CHAPITRE PREMIER.

Qu'il ne faut point s'amuser aux parolles des enfans du monde.

TOUT

UT aussi-tost que les mondains s'appercevront que vous voulez suivre la vie devote, ils decocheront sur vous mille traicts de leur cajollerie et mesdisance: les plus malins calomnieront vostre changement d'hypocrisie, bigotterie et artifice, ils diront que le monde vous a fait mauvais visage, et qu'à son refus vous recourez à Dieu; vos amis s'empresseront à vous fayre un monde de remonstrances fort prudentes et charitables, à leur advis. Vous tomberez (diront-ils), en quelque humeur melancholique, vous perdrez credit au monde, vous vous rendrez insupportable, vous envieillirez devant le tems, vos affaires domestiques en pastiront: il faut vivre au monde comme au monde, on peut bien fayre son salut sans tant de mysteres, et mille telles bagatelles.

Ma Philotée, tout cela n'est qu'un sot et vain babil; ces gens-là n'ont nul soing ny de vostre santé, ny de vos affaires : Si vous estiez du monde, dit le Sauveur; le monde aymeroit ce qui est sien; mais parce que vous n'estes pas du monde, pourtant il vous hayt. Nous avons veu des gentils-hommes et des dames passer la nuict entiere, ains plusieurs nuicts de suitte à jouer aux echets et aux cartes y a-t-il une attention plus chagrine, plus melancholique, et plus sombre que celle-là? les mondains neantmoins ne disoient mot, les amys ne se mettoient point en peyne; et pour la meditation d'une heure, ou pour nous voir lever un peu plus matin qu'à l'ordinaire pour nous preparer à la communion, chascun court au medecin pour nous fayre guerir de l'humeur hypocondriaque, et de la jaunisse. On passera trente nuicts à danser, nul ne s'en plaint, et pour la veille seule de la nuict de Noël chascun tousse et crie au ventre le jour suivant. Qui ne voit que le monde est un juge inique, gracieux et favorable pour ses enfans, mais aspre et rigoureux aux enfans de Dieu ?

Nous ne sçaurions estre bien avec le monde qu'en nous perdant avec luy. Il n'est pas possible que nous le contentions, car il est trop bigearre Jean est venu, dit le Sauveur, ne mangeant ny beuvant, et vous dites qu'il est endiable; le Fils de l'homme est venu en mangeant et beuvant, et vous dites qu'il est Samaritain. Il est vray, Philotée, si nous nous relaschons par condescendance à rire, à jouer, danser avec le monde, il s'en scandalizera; si nous ne le faysons pas, il nous accusera d'hypocrisie ou melancholie; si nous nous parons, il l'interprestera à quelque dessein, si nous nous demettons, ce sera pour luy vilité de cœur : nos gayetés seront par luy nommées dissolutions; et nos mortifications tristesses; et nous regardant ainsi de mauvais œil, jamais nous ne pouvons

luy estre aggreables. Il aggrandit nos imperfections, publie que ce sont des pechez; de nos pechez veniels il en fait des mortels, et nos pechez d'infirmitez il les convertit en pechez de malice; en lieu que, comme dit sainct Paul, la charité est benigne, au contraire le monde est malin; au lieu que la charité ne pense point de mal, au contraire le monde pense tousjours mal, et quand il ne peut accuser nos actions, il accuse nos intentions: soit que les moutons ayent des cornes, ou qu'ils n'en ayent point, qu'ils soyent blancs où qu'ils soyent noirs, le loup ne laissera pas de les manger s'il peut.

et

Quoy que nous fassions, le monde nous fera tousjours la guerre : si nous sommes longuement devant le confesseur, il demandera que c'est que nous pouvons tant dire; si nous y sommes peu, il dira que nous ne disons pas tout: il espiera tous nos mouvemens, pour une seule petite parolle de cholere, il protestera que nous sommes insupportables; le soing de nos affaires luy semblera avarice, et nostre douceur nyaiserie; et quant aux enfans du monde, leurs choleres sont generositez, leurs avarices, mesnages, leurs privautez, entretiens honnorables: les araignées gastent tousjours l'ouvrage des abeilles.

Laissons cest aveugle, Philotée, qu'il crie tant qu'il voudra, comme un chat-huant pour inquietter les oyseaux du jour : soyons fermes en nos desseins, invariables en nos resolutions; la perseverance fera bien voir si c'est à certes et tout de bon que nous sommes sacrifiez à Dieu, et rangez à la vie devote. Les cometes et les planetes sont presque esgalement lumineuses en apparence; mais les cometes disparoissent en peu de tems, n'estant que dé certains feux passagers, et les planetes ont une clarté perpetuelle. Ainsi l'hypocrisie et la vraye vertu ont beaucoup de ressemblance en l'exterieur, mais on recognoist aysement l'une d'avec l'autre, parce que l'hypocrisie n'a point de durée, et se dissipe comme la fumée en montant; mais la vraye vertu est tousjours ferme et constante. Ce ne nous est pas une petite commodité, pour bien asseurer le commencement de nostre devotion, que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie: car nous esvitons par ce moyen le peril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme les sages-femmes d'Egypte, auxquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfans masles d'Israël, le jour mesme de leur nayssance. Nous sommes crucifiez au monde, et le monde nous doit estre crucifié : il nous tient pour fols, tenons-le pour insensé.

L

CHAPITRE II.

Qu'il faut avoir bon courage.

A lumiere, quoyque belle et desirable à nos yeux, les esbloüit neantmoins, apres qu'ils ont esté en des longues tenebres; et devant que l'on se voye apprinvoisé avec les habitans de quelque pays, pour courtois et gracieux qu'ils soyent, on s'y treuve aucunement estonné. Il se pourra bien fayre, ma chere Philotée, qu'à ce changement de vie plusieurs soulevemens se feront en vostre

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