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moriel car, par la confession, vous ne recevrez pas seulement l'absolution des pechez veniels que vous confesserez, mais aussi une grande force pour les esviter à l'advenir, une grande lumiere pour les bien discerner, et une grace abondante pour reparer toute la perte qu'ils vous avoient apportée. Vous prattiquerez la vertu d'humilité, d'obeyssance, de simplicité, et de charité, et en ceste seule action de confession, vous exercerez plus de vertu qu'en nulle autre. Ayez tousjours un vray deplaysir des pechez que vous confesserez, pour petits qu'ils soyent, avec une ferme resolution de yous en corriger à l'advenir. Plusieurs se confessant par coustume des pechez veniels, et comme par maniere d'agencement, sans.penser nullement à s'en corriger, en demeurent toute leur vie chargez, et par ce moyen perdent beaucoup de biens et proficts spirituels. Si doncques vous vous confessez d'avoir menty, quoyque sans nuysance, ou d'avoir dit quelque parolle desreglée, ou d'avoir trop joué; repentez-vous-en, et ayez ferme propos de vous en amender; car c'est un abus de se confesser de quelque sorte de peché, soit mortel, soit veniel, sans vouloir s'en purger, puisque la confession n'est instituée que pour cela.

Ne faites pas seulement ces accusations superfluës, que plusieurs font par routine : Je n'ay pas tant aymé Dieu que je devois; je n'ay pas prié avec tant de devotion que je devois; je n'ay pas chery le prochain comme je devois, je n'ay pas receu les sacremens avec la reverence que je devois, et telles semblables: la rayson est, parce qu'en disant cela, vous ne direz rien de particulier, qui puisse faire entendre au confesseur l'estat de vostre conscience, d'autant que tous les saincts du paradis, et tous les hommes de la terre, pourroient dire les mesmes choses, s'ils se confessoient. Regardez doncques quel subjet particulier vous avez de faire ces accusationslà, et lorsque vous l'aurez descouvert, accusez-vous du manquement que vous aurez commis tout simplement et naïfvement. Par exemple, vous vous accusez de n'avoir pas chery le prochain comme vous deviez c'est peut-estre, parce qu'ayant veu quelque pauvre fort necessiteux, lequel vous pouviez aysement secourir et consoler, vous n'en avez eu nul soing. Eh bien! accusez-vous de ceste particularité, et dites: Ayant veu un pauvre necessiteux, je ne l'ay pas secouru comme je pouvois, par negligence, ou par dureté de cœur, ou par mespris, selon que vous cognoistrez l'occasion de cette faute. De mesme, ne vous accusez pas de n'avoir pas prié Dieu avec telle devotion comme vous devez, mais si vous avez eu des distractions volontaires, ou que vous ayez negligé de prendre le lieu, le tems et la contenance requise, pour avoir l'attention en la priere, accusez-vous-en tout simplement, selon que vous treuverez y avoir manqué, sans alleguer ceste generalité, qui ne fait ny froid ny chaud en la confession.

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Ne vous contentez pas de dire vos pechez veniels quant au faict, mais accusez-vous du motif qui vous à induict à les commettre. Par exemple, ne vous contentez pas de dire que vous avez menty sans interesser personne; mais dites si ç'a esté, ou par vaine gloire, afin de vous louer ou excuser, ou par vaine joye, ou par opiniastreté. Si vous avez peché à jouer, expliquer si ç'a esté pour le desir du

gain, ou pour le playsir de la conversation, et ainsi des autres. Dites, si vous vous estes longuement arrestée en vostre mal, d'autant que la longueur du tems accroist pour l'ordinaire de beaucoup le peché, y ayant bien de la difference entre une vanité passagere, qui se sera escoulée en nostre esprit l'espace d'un quart d'heure, et celle en laquelle nostre cœur aura trempé un jour, deux jours, trois jours. Il faut donc dire le faict, le motif, et la durée de nos pechez; car encore que communement on ne soit pas obligé d'estre si poinctilleux en la desclaration des pechez veniels, et que mesme on ne soit pas tenu absolument de les confesser, si est-ce que ceux qui veulent bien espurer leurs ames pour mieux atteindre à la saincte devotion, doivent estre soigneux de bien faire cognoistre au medecin spirituel le mal, pour petit qu'il soit, duquel ils veulent estre gueris.

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N'espargnez point de dire ce qui est requis, pour bien faire entendre la qualité de vostre offense, comme le subjet que vous avez eu de vous mettre en cholere, ou de supporter quelqu'un en son vice. Par exemple, un homme lequel me deplayst, me dira quelque legere parolle pour rire, je le prendray en mauvaise part, et me mettray en cholere. Que si un autre qui m'eust esté aggreable en eust dit une plus aspre, je l'eusse prins en bonne part; je n'espargneray donc point de dire: Je me suis relaschée à dire des parolles de courroux, contre une personne, ayant prins de luy en mauvaise part quelque chose qu'il m'a dit, non point pour la qualité des parolles, mais parce que celuy-là m'estoit desaggreable; et s'il est encore besoin de particulariser les parolles pour vous bien desclarer, je pense qu'il seroit bon de les dire: car s'accusant ainsi naïfvement, on ne descouvre pas seulement les pechez qu'on a faits, mais aussi les mauvaises inclinations, coustumes, habitudes, et autres racines du peché, au moyen dequoy le Pere spirituel prend une plus entiere cognoissance du cœur qu'il traitte, et des remedes qui luy sont propres. Il faut neantmoins tousjours tenir couvert le tiers qui aura cooperé à vostre peché, tant qu'il sera possible.

Prenez garde à une quantité de pechez, qui vivent et regnent bien souvent insensiblement dedans la conscience, afin que vous les confessiez, et que vous puissiez vous en purger; et à cest effect lisez diligemment les chap. 6, 27, 28, 29, 35 et 36 de la troisiesme partie, et le chap. 7 de la quatriesme partie. Ne changez pas aysement de confesseur; mais en ayant choysi un, continuez à luy rendre compte de vostre conscience aux jours qui sont destinez pour cela, luy disant naïfvement et franchement les pechez que vous aurez commis, et de tems en tems, comme seroit de mois en mois, ou de deux mois en deux mois, dites-luy encore l'estat de vos inclinations, quoy que par icelles vous n'ayez pas peché, comme si vous estiez tourmentée de la tristesse, du chagrin, ou si vous estes portée à la joye, aux desirs d'acquerir des biens et semblables inclinations.

CHAPITRE XX.

De la frequente communion.

N dit que Mithridates, roy de Pontes, ayant inventé le mithridat, O`renforça tellement son corps par iceluy, que s'essayant par apres de s'empoisonner, pour esviter la servitude des Romains, jamais il ne luy fut possible. Le Sauveur a institué ce sacrement tres-auguste de l'Eucharistie, qui contient reellement sa chair et son sang, afin que qui le mange vive eternellement. C'est pourquoy, quiconque en use souvent avec devotion, affermit tellement la santé et la vie de son ame, qu'il est presque impossible qu'il soit empoisonné d'aucune sorte de mauvaise affection: on ne peut estre nourry de ceste chair de vie et vivre des affections de mort, si que, comme les hommes demeurant au paradis terrestre pouvoient ne mourir point selon le corps, par la force de ce fruict vital que Dieu y avoit mis, ainsi peuvent-ils ne point mourir spirituellement, par la vertu de ce sacrement de vie. Que si les fruicts les plus tendres et subjets à corruption, comme sont les cerises, les abricots, et les fraises, se conservent aysement toute l'année, estant confits au sucre ou au miel; ce n'est pas merveille si nos cœurs, quoyque fresles et imbeciles, sont preservez de la corruption du peché, lorsqu'ils sont sucrez et emmiellez de la chair et du sang incorruptible du Fils de Dieu. O Philotée! les chrestiens qui seront damnez, demeureront sans resplique, lorsque le Juge leur fera voir le tort qu'ils ont eu de mourir spirituellement, puisqu'il leur estoit si aysé de se maintenir en vie et en santé, par la manducation de son corps, qu'il leur avoit laissé à ceste intention. Miserables, dira-t-il, pourquoy estesvous morts, ayant à commandement le fruict et la viande de la vie?

<< De recevoir la communion de l'Eucharistie tous les jours, ny je ne le louë, ny je ne le vitupere; mais de communier tous les jours de dimanche, je le suade, et en exhorte un chascun, pourveu que l'esprit soit sans aucune affection de pecher. » Ce sont les propres parolles de sainct Augustin, avec lequel je ne vitupere, ny loue absolument que l'on communie tous les jours; mais laisse cela à la discretion du pere spirituel de celuy qui se voudra resoudre sur ce poinct car la disposition requise, pour une si frequente communion, devant estre fort exquise, il n'est pas bon de le conseiller generalement. Et parce que ceste disposition-là, quoyqu'exquise, se peut treuver en plusieurs bonnes ames, il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader generalement un chascun; ains cela se doit traitter par la consideration de l'estat interieur d'un chascun en particulier ce seroit imprudence de conseiller indistinctement à tous cest usage si frequent; mais ce seroit aussi imprudence de blasmer aucun pour iceluy, ét sur tout quand il suivroit l'advis de quelque digne directeur. La response de saincte Catherine de Sienne fut gracieuse quand luy estant opposé, à rayson de la frequente communion, que sainct Augustin ne loüoit ny ne vituperoit de communier tous les jours. Et bien, dit-elle, puisque sainct Augustin ne le vitupere pas, je vous prie que vous ne le vituperiez pas non plus, et je me contente. »

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Mais, Philotée, vous voyez que sainct Augustin exhorte et conseille bien fort que l'on communie tous les dimanches faites-le doncques tant qu'il vous sera possible. Puisque, comme je presuppose, vous n'avez nulle sorte d'affection du peché mortel, ny aucune affection du peché venie, vous estes en la vraye disposition que sainct Augustin requie, et encore plus excellente, parce que non-seulement vous n'avez pas l'affection de pecher, mais vous n'avez pas mesme l'affection du peché si que, quand vostre pere spirituel le treuveroit bon, vous pourriez utilement communier encore plus Souvent que tous les dimanches.

Plusieurs legitimes empeschemens peuvent neantmoins vous arriver, non point de vostre costé, mais de la part de ceux avec lesquels vous vivez, qui donneroient occasion au sage conducteur de vous dire que vous ne communiiez pas si souvent. Par exemple, si vous estes en quelque sorte de subjection, et que ceux à qui vous devez de l'obeyssance ou de la reverence, soyent si mal instruicts, ou si bigearres, qu'ils s'inquiettent et troublent de vous voir si souvent communier à l'adventure, toutes choses considerées, serat-il bon de condescendre en quelque sorte à leur infirmité, et ne communier que de quinze jours en quinze jours; mais cela s'entend en cas qu'on ne puisse aucunement vaincre la difficulté. On ne peut pas bien arrester cecy en general, il faut fayre ce que le pere spirituel dira bien que je puisse dire asseurement, que la plus grande distance des communions, est celle de mois en mois, entre ceux qui veulent servir Dieu devotement.

Si vous estes bien prudente, il n'y a ny mere, ny femme, ny mary, ny pere qui vous empesche de communier souvent. Car, puis que le jour de vostre communion vous ne laisserez pas d'avoir le soing qui est convenable à vostre condition, que vous en serez plus douce et plus gracieuse en leur endroict, et que vous ne leur refuserez nulle sorte de devoirs, il n'y a pas de l'apparence qu'ils veuillent vous destourner de cest exercice, qui ne leur apportera aucune incommodité; sinon qu'ils fussent d'un esprit extresmement coquilleux et deraysonnable: en ce cas, comme j'ay dit, à l'adventure que vostre directeur voudra que vous usiez de condescendance.

Il faut que je die ce mot pour les gens maryez. Dieu trouvoit mauyais en l'ancienne loy, que les creanciers fissent exaction de ce qu'on leur devoit és jours de festes; mais il ne treuva jamais mauvais que les debiteurs payassent et rendissent leurs devoirs à ceux qui les exigeoient. C'est chose indecente, bien que non pas grand peché, de solliciter le payement du devoir nuptial, le jour que l'on s'est communié; mais ce n'est pas chose mal-seante, ains plutost meritoire de le payer. C'est pourquoy, pour la reddition de ce devoirlà, aucun ne doit estre privé de la communion, si d'ailleurs sa devotion le provoque à la desirer. Certes, en la primitive Eglise, les chrestiens communioient tous les jours, quoyqu'ils fussent maryez, et benis de la generation des enfans. C'est pourquoy j'ay dit, que la frequente communion ne donnoit nulle sorte d'incommodité, ny aux peres, ny aux femmes, ny aux marys, pourveu que l'ame qui communie soit prudente et discrette. Quant aux maladies corporelles, il n'y en a point qui soit empeschement legitime à ceste

S. François. 3

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saincte participation, si ce n'est celle qui provoqueroit frequemment au vomissement.

Pour communier tous les huict jours, il est requis de n'avoir ny peché mortel, ny aucune affection au peché veniel, et d'avoir un grand desir de se communier; mais pour continuer tous les jours, il faut, oultre cela, avoir surmonté la pluspart des mauvaises inclinations, et que ce soit par advis du pere spirituel'.

CHAPITRE XXI.

Comme il faut communier.

YOMMENCEZ le soir precedent à vous preparer à la saincte communion, par plusieurs aspirations, et eslancemens d'amour, vous retirant un peu de meilleure heure, afin de vous pouvoir aussi lever plus matin. Que si la nuict vous vous resveillez, remplissez soudain vostre cœur et vostre bouche de quelques parolles odorantes, par le moyen desquelles vostre ame soit parfumée pour recevoir l'Espoux, lequel veillant pendant que vous dormez, se prepare à vous apporter mille graces et faveurs, si de vostre part vous estes disposée à les recevoir. Le matin, levez-vous avec une grande joye, pour le bonheur que vous esperez, et vous estant confessée, allez avec grande confiance, mais aussi avec une grande humilité, prendre česte viande celeste, qui vous nourrit à l'immortalité. Et apres que vous aurez dit les parolles sacrées: Seigneur, je ne suis pas digne, ne remuez plus vostre teste ny vos levres, soit pour prier, soit pour souspirer, mais ouvrant doucement et mediocrement vostre bouche, et eslevant vostre teste autant qu'il faut pour donner commodité au prestre de voir ce qu'il fait, recevez, pleyne de foy, d'esperance et de charité, celuy lequel, auquel, par lequel, et pour lequel vous croyez, esperez et aymez. O Philotée ! imaginez-vous que comme l'abeille, ayant recueilly sur les fleurs la rosée du ciel, et le suc plus exquis de la terre, l'ayant reduict en miel, le porte dans sa ruche; ainsi le prestre, ayant prins sur l'autel le Sauveur du monde, vray Fils de Dieu, qui, comme une rosée, est descendu du ciel, et vray Fils de la Vierge qui, comme fleur, est sorty de la terre de nostre humanité, il le met en viande de suavité dedans vostre bouche, et dedans vostre corps. L'ayant receu, excitez vostre cœur à venir faire hommage à ce Roy de salut, traittez avec luy de vos affaires interieures, considerez-le dedans vous, où il s'est mis pour vostre bonheur. Enfin, faites-luy tout l'accueil qu'il vous sera possible, et comportez-vous en sorte, que l'on cognoisse en toutes vos actions que Dieu est avec vous.

Mais quand vous ne pourrez pas avoir ce bien, de communier reellement à la saincte messe, communiez au moins de cœur, et

• Entre la communion de tous les jours et la communion de tous les huit jours, il y a un milieu. Une âme en bon chemin, c'est-à-dire en volonté de bien attaquer ses inclinations, quoiqu'elle y cède encore assez souvent, peut certainement communier tous les deux jours si le directeur le conseille.

(N. E.)

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