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Si sa divine Providence, dés l'instant qu'elle eut creé l'homme, avec le ciel et la terre, et tout ce qui est dans le ciel et sur la terre, conserve tout cela perpetuellement, de telle sorte que la generation du moindre oysillon n'est pas encore esteinte, que dirons-nous de son Eglise? la production de tout ce monde ne luy cousta, du premier coup, qu'une seule parolle: il dit, et tout fut fait : il le conserve avec une perpetuelle et immuable providence; pourquoy, je vous prie, eust-il abandonné l'Eglise, qui luy a cousté tout son sang, avec tant de peyne et tant de travaux ? Il a tiré Israël de l'Egypte, et des deserts de la mer Rouge, de tant de calamitez et de captivitez: et nous croirons qu'il ayt laissé engloutir le Christianisme dans l'incredulité? Il a tant eu soing de son Agar, et il mesprisera Sara sa maistresse? Il a tant favorisé la servante, qui devoit estre chassée de la mayson, et n'aura tenu compte de son espouse legitime? Il aura tant honnoré l'ombre, et il abandonnera le corps? O que ce seroit bien pour neant que tant et tant de promesses auroient esté faites de la perpetuité de ceste Eglise ! Orietur in diebus ejus justitia, et abundantia pacis, donec auferatur luna (Psal. 71). Quæ pax, quæ justitia, nisi in Ecclesia (Aug.)?

C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondée en son eternité et sur son throsne (Psal. 47): il parle de l'Eglise, throsne du mesme Fils de David, en la personne du Pere eternel. Il sera comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaicte en mon eternité; il sera le tesmoin fidelle au ciel, et je mettray sa race és siecles des siecles; son throsne sera comme les jours du ciel (Psal. 88), c'est-à-dire, autant que le ciel durera. Daniel l'appelle un royaume qui ne se dissipera point eternellement. L'ange dit à Nostre-Dame, que ce royaume n'auroit point de fin (Luc. 1). Il parle de l'Eglise visible, comme nous le preuvons ailleurs. Isaïe avoit-il pas predit longtems auparavant de Nostre Seigneur : S'il met et expose sa vie pour le peché, il verra une longue race (Is. 53): c'est-à-dire, d'une perpetuité interminable? Et ailleurs : Je feray une longue allyance avec eux; apres vous, ceux qui les verront (il parle de l'Eglise visible) les cognoistront (Ibid. 61). Mais je vous prie, qui a donné la charge à Luther et à Calvin de revoquer en doubte, et mettre à neant tant de sainctes et solemnelles promesses de perpetuité, que Nostre Seigneur a faites à son Eglise? N'est-ce pas Jesus-Christ luy-mesme qui, parlant de l'Eglise, dit que les portes d'enfer ne prevaudront point contre elle (Matth. 28)? et comme verifiera-t-on ceste promesse, si l'Eglise a esté abolie mille

ou plus? que deviendra ce doux adieu que nostre Redempteur fit à ses Apostres: Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem sæculi (Act. 5)? comme l'entendrons-nous si nous voulons dire que l'Eglise puisse perir?

Mais voudrions-nous bien casser la regle de Gamaliel, qui, parlant de l'Eglise naissante, usa de ce discours: Si ce conseil, ou cest œuvre est des hommes, il se dissipera; mais si le dessein est de Dieu, vous ne sçauriez le dissoudre (Act. 5). L'Eglise est asseurement l'œuvre de Dieu, et comme dirons-nous qu'elle soit dissipée? si ce bel arbre ecclesiastique avoit esté planté de la main d'homme, j'advoüerois aysement qu'il pourroit estre arraché; mais ayant esté

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planté de si bonne main, comme est celle de Nostre Seigneur, je ne sçaurois consentir à ceux qui ne font que crier à tout propos que l'Eglise estoit perie. Jesus-Christ dit: Laissez-là ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantée sera arrachée; mais celle que Dieu a plantée ne sera point deracinée (Matth. 35). Sainct Paul nous apprend que tous doivent estre vivifies, chascun en son ordre, les premices sont Jesus-Christ, puis ceux qui sont chrestiens (1. Cor. 15). Enfin, entre Jesus-Christ et les siens, c'est à sçavoir l'Eglise, il n'y a rien entre deux; car, montant au ciel, il les a laissez en terre entre l'Eglise et la fin, il n'y aura point d'interruption, d'autant que son Eglise devoit durer jusques à la fin; et ne falloit-il pas que Nostre Seigneur regnast en elle, au milieu de ses ennemys jusques au tems qu'elle eust mis sous ses pieds et assubjetty ces mesmes adversaires (Psal. 109)? mais de grace? comme s'accompliront ces authoritez, si l'Eglise, qui est le royaume de Nostre Seigneur, avoit esté perdue et destruite? comme regneroit son Espoux sans royaume? et comme regneroit-il parmy ses ennemys, s'il ne regnoit en ce baş monde? Mais je vous prie, si ceste espouse fust morte au moment où son espoux estoit endormy sur la croix, elle eust premierement receu la vie; mais si, dy-je, elle fust morte, qui l'eust ressuscitée? Ne sçayt-on pas que la resurrection des morts n'est pas un moindre miracle que la creation, et beaucoup plus grand que la continuation et conservation? Ne sçayton pas que la reformation de l'homme est un plus grand mystere que sa formation, parce qu'en la formation Dieu dit, et il fut fait? Il inspira l'ame vivante, et il ne l'eut pas si-tost inspirée, que cest homme terrestre commença de respirer. Mais en la reformation, Dieu employa trente-trois ans, sua sang et eau, et mourut mesme pour meriter et operer ceste reformation. Celuy doncques qui sera si osé de dire que ceste Eglise est morte doit accuser la bonté, la diligence et la sagesse de ce grand Reformateur. Ainsi, celuy qui s'erigeroit en nouveau reformateur, ou ressuscitateur de ceste Eglise, s'attribueroit l'honneur deu à un seul Jesus-Christ, et se feroit plus qu'un apostre. Les Apostres n'ont pas donné ny rendu la vie à l'Eglise, mais la luy ont conservée par leur ministere apres que Nostre Seigneur l'eut establie. Mais Luther est bien plus fort, qui dit que, l'ayant treuvée morte, il l'a ressuscitée. En verité, il merite, cé me semble, d'estre assis au throsne de temerité. Nostre Seigneur avoit mis le feu de la charité dans le monde; les Apostres, avec le souffle de leur predication, l'avoient accreu et fait courir par toutes les nations. Mais vous dites, Messieurs, qu'il estoit esteint parmy les eaux de l'ignorance et de l'iniquité! Qui le pourra rallumer? Le souffler n'y sert de rien! et quoy donc? Il faudroit sans doubte, ou frapper de nouveau avec les clouds et la lance sur Jesus-Christ pierre vivante, pour en faire sortir un nouveau feu, ou dire qu'il suffira que Luther et Calvin soyent venus au monde pour le rallumer! Ce seroit bien, à la verité, une mission d'un troisiesme Hely; car ny Hely ny sainct Jean-Baptiste n'en firent jamais tant. Če seroit bien laisser tous les Apostres en arriere, qui porterent ce feu sacré par le monde; mais ils ne l'allumerent pas. O voix impudentel dit sainct Augustin contre les Donatistes, l'Eglise ne sera

point, parce que tu n'y es point (Aug. in Psal. 101, Serm. 2)! Non, non, dit sainct Bernard, les torrens sont venus, les vents l'ont soufflée et l'ont combattuë! mais elle n'est point tombée, parce qu'elle estoit fondée sur la pierre, et la pierre estoit Jesus-Christ (Serm. 69 in Cant.). Dire que l'Eglise a manqué, n'est-ce pas confesser que tous nos devanciers sont damnez? Ouy, pour le vray; car hors la vraye Eglise, il n'y a point de salut; hors de cesté arche, tout le monde se perd (1. Cor. 8). O quel outrage l'on fait à ces bons Peres qui ont tant souffert pour nous conserver l'heritage de l'Evangile! et maintenant les heretiques, qui sont les enfans esgarez, se mocquent d'eux ou les tiennent pour fols et insensez et mesme pour des resprouvez : ne voylà pas une belle reforme?

Je veux, Messieurs, conclurre ceste preuve avec sainct Augustin, et parler ad hominem à vos ministres : Que nous apporteront-ils de nouveau, ces estrangers? faudra-t-il encore une fois semer la bonne semence? Nostre Seigneur dit, que dés qu'elle est semée, elle croist jusques à la moisson; et eux disent, qu'elle est par tout perduë, et que ce n'est plus celle que les Apostres avoient semée. Nous vous respondrons à cela: Lisez-vous? voyez les sainctes Escritures: ce que vous y lirez, sera ce que nous vous soustenons; il est escrit, et cela s'entend de l'Eglise, que la semence qui fait fruict au commencement, croistra jusques au tems de la moisson (De unit. Eccles., c. 15). En effet, Messieurs, la bonne semence, ce sont les enfans du royaume de Jesus-Christ, la zizanie sont les mauvais; la moisson, c'est la fin du monde. Ainsi, ne dites plus que la bonne semence est abolie ou estouffée, car elle croist et croistra jusques à la consommation du siecle visible.

DISCOURS XII.

Refutation des raysons des heretiques, qui veulent que l'Eglise puisse perir, et qu'elle a esté quelque tems destruite.

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ous croyez 1o que l'Eglise fut toute abolie, quand Adam et Eve pecherent. A cela je respons, qu'Adam et Eve n'estoient pas l'Eglise, mais le commencement de l'Eglise; encore n'est-il pas vray qu'elle se soit perdue alors, dans ces deux personnes, qui ne pecherent pas contre la doctrine, mais dans les mœurs, et contre un precepte qui ne regardoit que la discipline.

20 Aaron, souverain prestre, adora le Veau d'or, avec tout son peuple (Exod. 32)? On vous repartira, qu'Aaron n'estoit pas encore souverain prestre ny chef du peuple: il le fut par apres (Exod. 39, per totum ejus init.); et l'on adjouste, que le peuple ne fut pas tout perdu ou idolastre, car les enfans de Levy n'estoient-ils pas enfans de Dieu? Or, ceux-cy se joignirent avec Moyse.

30 Hely se plaint d'estre demeuré seul en Israël (i. Reg. 19): on resplique qu'Hely n'estoit pas seul en Israël qui fust homme de bien, puis qu'il y en avoit encore sept mille, qui ne s'estoient pas corrompus ny abandonnez à l'idolastrie; et ce qu'en dit le zele du Prophete, n'est que pour mieux exprimer et exaggerer la justice de sa plainte et mesme il n'est pas vray, qu'encore que tout Israël

eust manqué, l'Eglise pour cela eust esté abolie; car Israël n'est pas toute l'Eglise au contraire, il estoit desjà separé du peuple fidelle, par le schisme de Hieroboam, et le royaume de Juda en estoit la meilleure et la principale partie. C'est d'Israël, et non pas de Juda, qu'Azarie avoit predit, qu'il seroit sans prestre et sans sacrifice (II. Paral. 15).

40 Il est escrit en Isaïe, que depuis la plante des pieds jusques au sommet de la teste, il n'y avoit point de santé en Israël (Is. 1). Nous respondons, que ces manieres de parler et de detester les vices d'un peuple avec vehemence, sont les effects du zele d'un homme de Dieu contre les vices; maís, quoyque les prophetes, les pasteurs et predicateurs usent de ces exaggerations dans leurs discours, il ne les faut pas reduire à la lettre sur chaque particulier, mais seulement sur une grande partie du peuple: ce qui se verifie par l'exemple d'Hely, qui se plaignoit d'estre seul en Israël, et neantmoins il y avoit encore, comme il le dit luy-mesme, sept mille fidelles. Sainct Paul se plaint aux Philippiens, que chascun recherchcit son propre interest et commodité; et toutesfois, à la fin de son Epistre, il confesse qu'il y en avoit plusieurs tres gens de bien de part et d'autre (Philip. 2). On sçayt la plainte de David: I n'y a pas, disoit-il, un seul homme qui fasse bien (Psal. 13); et pourtant il est asseuré qu'il y eut plusieurs justes de son tems. Ces façons de parler sont fréquentes dans l'Escriture; mais il n'en faut pas faire une conclusion particuliere pour un chascun oultre qu'on ne preuve pas par ces textes que la foy eust manqué en l'Eglise, ny que l'Eglise fust morte; car il ne s'ensuit pas qu'un corps, quoy que malade, soit mort entierement; et c'est avec ce sel de discretion qu'il faut entendre ce qui se treuve de semblable dans les menaces et reprehensions des prophetes, des prestres, et des sainctes Escritures (Aug. de unitate Eccles., c. 10).

50 Jeremie deffend qu'on se confie au mensonge, disant: Le Temple de Dieu, le Temple de Dieu (Jer. 7). Mais, Messieurs, qui vous a jamais dit, que sous pretexte de l'Eglise, il se faille confier au mensonge; nous disons, au contraire, que celuy qui s'appuye sur le jugement de l'Eglise, s'appuye sur la colomne et la fermeté de la verité; qui se fie à l'affabilité de l'Eglise ne se fie pas au mensonge, si ce n'est un mensonge ce qui est escrit: Les portes d'enfer ne prevaudront point contre elle. Nous nous confions donc en la saincte parolle, qui promet une perpetuité à l'Eglise de Dieu.

60 Vous dites qu'il est escrit: Qu'il faut que le depart et separation arrive, et qu'alors le sacrifice cessera, et qu'à grand'peyne le Fils de l'homme treuvera de la foy dans les cœurs, à son second retour visible, quand il viendra en terre juger les hommes (II. Thess. 2; x. Dan. 12; Luc. 18). Tous ces passages s'entendent de la persecution que fera l'ante-christ contre l'Eglise, durant les trois ans et demy qu'il regnera (Apoc. 11, 12 et 15). Lisez le reste, et vous treuverez que l'Eglise, durant ces trois ans mesmes, ne deffaillira pas; elle sera nourrie et conservée dans les deserts, et dans les solitudes, où elle se retirera, comme dit l'Escriture (Apoc. 12).

DISCOURS XIII.

L'Eglise n'a jamais esté dissipée, ny cachée, et c'est en vain qu'on veut une mission extraordinaire pour la reproduire.

To OUTE passion humaine a tant de pouvoir sur les hommes, qu'elle les pousse à ce qu'ils desirent, devant mesme que d'en concevoir aucune bonne rayson; et s'il arrive qu'ils ayent dit quelque chose, elle leur fait treuver des apparences de verité, où il n'y en a point du tout. Les anciens avoient sagement remarqué, que bien sçavoir recognoistre la difference des tems dans les Escritures, estoit une tres-solide regle, pour les entendre; à faute de quoy, les Juifs et les heretiques se sont equivoquez, attribuant au premier advenement du Messie, ce qui est proprement dit et entendu du second; ceux de la pretenduë reforme se sont encore plus lourdement abusez, quand ils veulent representer l'Eglise telle en ce tems (dit sainct Gregoire), qu'elle doit estre du tems de l'antechrist. Ils tournent à ce biais ce qui est escrit en l'Apocalypse, que la femme s'enfuyt en la solitude (Apoc. 12); et tirent ceste consequence, que l'Eglise a esté cachée et secrette, pour esviter la tyrannie du pape ; qu'elle s'est renduë mille ans invisible, jusques à ce qu'elle s'est reproduite en Luther et en ses adherans. Mais qui ne void, que cela se doit interpreter de la fin du monde, et de la persecution de l'ante-christ? Le tems y est determiné expressement de trois ans et demy, et mesme en Daniel (Cap. 2), tellement que celuy qui voudroit, par quelque glose mal suivie, confondre en un ce tems, que l'Escriture a determiné en l'autre avec difference, contrediroit tout ouvertement à Nostre Seigneur, qui dit, qu'il sera plutost accourcy pour la gloire des esleus. Comment donc osent-ils transporter ceste Escriture à une intelligence si esloignée de l'intention de l'autheur, et si contraire aux propres circonstances, sans vouloir regarder à tant d'autres sentences et parolles sainctes, qui monstrent et asseurent tres-clairement, que l'Eglise ne doit jamais estre reduicte en solitude, ny si cachée, qu'elle soit obligée de disparoistre, non pas mesme pour peu de tems? ce qui ne s'entend pas des Eglises particulieres, maís de l'Universelle. Je ne veux plus repeter importunement tant de passages cottez cy-dessus, où l'Eglise est dite semblable au soleil, à la lune, à l'arc-en-ciel, à une reyne, à une montaigne aussi grande que le monde, et un grand nombre d'autres. Je me contenteray de vous mettre en avant l'authorité de deux grands colonels ou capitaines de l'ancienne Eglise, et des plus fermes qui furent jamais, sainct Augustin et sainct Hierosme. Escoutons sainct Augustin (In Psal. 47 et Tract. 1. in Epist. Joan). David avoit dit : Le Seigneur est grandement loüable en la cité de nostre Dieu, assise en la saincte montaigne; l'Eglise est ceste saincte cité, eslevée sur la montaigne, qui ne peut se cacher ; c'est la lampe, qui ne peut estre celée ou couverte sous le boisseau; elle est cogneue de tous, et celebre par tout. Et le prophete adjouste: Le mont Sion est fondé avec grande joie dans l'univers. Et de faict, Nostre Seigneur enseigne que personne n'allume la lampe pour la couvrir sous un muy (Matth. 5): comme donc auroit-il mis tant de

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