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l'une ou l'autre des deux parties qu'il contient soit la principale et fondamentale, et que l'autre se rapporte à elle, comme à son but et project que si l'une ne se rapportoit à l'autre, et n'en despendoit, ce seroient deux commandemens, et non un seul. Or, je vous prie, quelle jugera-t-on estre la principale partie de ce second commandement (je parle ainsi pour esviter debat); ou cestuycy Tu ne te feras aucune idole taillée, ny similitude quelconque; ou cestuy-cy: Tu ne les adoreras, ny serviras.

Pour vray, on ne peut dire que la prohibition de ne faire aucune similitude soit le project et but de tout le commandement; car à ce compte-là, il ne faudroit avoir, ny fayre imaige quelconque, qui est une rage trop expresse. Et d'ailleurs, comme pourroit-on reduire la prohibition de n'adorer les similitudes, à celle-là de ne les faire point? S'il est deffendu de ne les faire, à quel propos deffendre de ne les adorer, puisque sans les faire on ne les peut adorer? Il y auroit une trop grande superfluité en ce commandement de plus qu'aux autres. Doncques, la principale partie de ce commandement, qui est toute sa substance, son intention et project, est la prohibition de n'adorer, ny servir aux idoles et similitudes des choses creées; et l'autre prohibition de ne les faire point se rapporte à ne les adorer point, ny servir, comme s'il estoit dit : Tu ne te feras aucune idole, ny semblance quelconque, pour les adorer et servir.

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Voylà le vray suc de ce commandement, ce qui se peut cognoistre evidemment par les grands advantages que ceste interpretation tient sur toutes les autres; car 1o elle est puisée tout nettement de la parolle de Dieu, en laquelle ce qui est dit obscurement en un lieu, accoustumé d'estre dit plus clairement en un autre, notamment és articles d'importance et necessaires: or ce qui est dit icy par reduplication de negative: Tu ne te feras aucune idole, ny semblance quelconque, tu ne les adoreras, ny serviras, est mis au Levitique purement et simplement, ainsi que nous le desclarons, en ceste sorte: Vous ne ferez aucune idole et statuë, ny dresserez des tiltres, ny mettrez aucune pierre insigne en vostre terre pour l'adorer (Levit. 26). Et en l'Exode, Dieu, en inculquant son premier commandement: Vous ne ferez point de dieux d'argent ny d'or (Exod. 20), dit-il, monstrant assez que s'il a deffendu de ne faire aucune similitude, ce n'est sinon afin qu'on ne les fasse pour idolastrer.

2o Ceste interpretation joinct tres-bien à toutes les autres parties, non-seulement du premier commandement, mais de toute la premiere table, lesquelles ne visent qu'à l'establissement du vray honneur de Dieu; car elle leve toute occasion à l'idolastrie et à toute superstition qui peut offenser la jalousie de Dieu, sans neantmoins lever le droict usage des imaiges, ny imposer à Dieu une jalousie desreglée et excessive, selon ce que j'ay dit en l'Avant-propos.

3o Et comme ceste interpretation ne rejette aucunement le vray usage des imaiges (en quoy les Juifs et Turcs errent), aussi rejettet-elle et abolit tout usage des imaiges, statuës et similitudes, qui est contraire à l'honneur de Dieu, non-seulement és temples et eglises, ce qui ne suffit pas, comme pensent follement plusieurs novateurs, ny seulement des similitudes faites pour representer la

Divinité, qui ne suffit pas non plus, comme estiment plusieurs autres, mais absolument tout usage idolastrique, qui est le vray et unique project de ce premier commandement.

4o Adjoustez la convenance de l'idolastrie interieure avec l'exterieure. L'idolastrie ne consiste pas à se representer en l'ame les creatures, par les especes et imaiges intelligibles, mais seulement à se les representer comme divinitez. Tout de mesme l'idolastrie exterieure ne consiste pas à se representer les creatures, par les ressemblances et imaiges sensibles, mais seulement à se les representer comme divinitez; si que comme le commandement : Tu n'auras autres dieux devant moy, ne deffend point de se representer interieurement les creatures; aussi la prohibition : Tu ne feras similitude quelconque, ne deffend pas de se representer exterieurement les creatures, mais de se les representer pour Dieu, en les adorant et servant. C'est cela seul qui est deffendu, tant pour l'interieur que pour l'exterieur.

5o Et de plus, ceste interpretation est du tout conforme à la tresancienne et catholique coustume de la saincte Eglise, laquelle a tousjours eu des imaiges, notamment de la croix, qui est autant à dire, comme asseurer qu'elle est selon l'intention du Sainct-Esprit. Bref, le dire de Tertullien est tout vray : Non videntur similitudinum legi refragari non in eo similitudinis statu deprehensa, ob quem similitudo prohibetur. Ces choses-là ne semblent contrarier à la loy des similitudes prohibées, lesquelles ne se retreuvent en l'estat et condition de similitude, pour lequel la similitude est deffenduë.

Que l'on ayt donc des imaiges de la croix, aux champs, és villes, sur les eglises, dans les eglises, sur les autels, tout cela n'est que bon et sainct; car estant faict, institué et prattiqué pour la 'conservation de la memoire que nous devons avoir des benefices de Dieu, et pour honnorer d'autant plus sa divine bonté, ainsi que j'ay monstré tout au long de ces livres, il ne sçauroit estre deffendu en la premiere table, qui ne vise qu'à l'establissement du vray service de Dieu, et abolissement de l'idolastrie.

De mesme que l'on honnore la croix en tout et par tout, puisqu'on ne l'honnore que pour tant plus honnorer Dieu; que toute la veneration qu'on luy porte est relative et dependante ou accessoire, à l'endroict de la supresme adoration deue à sa divine Majesté; que ce n'est qu'une branche de ce grand arbre cela n'est en façon quelconque deffendu, puisque ceste semblance et figure n'est pas employée à l'action pour laquelle les similitudes sont prohibées, qui est l'idolastrie; car la croix prinse en la façon que la prennent les catholiques, ne peut estre ny idole, ny subjet d'idolastrie, tant s'en faut qu'elle le soit, l'idole n'estant que la representation d'une chose qui n'est point de la condition qu'on la represente, et une imaige fausse, comme dit le prophete Habacuc (c. 2), et l'apostre sainct Paul (1. Cor. 8). Or la croix represente une chose tres-veritable, c'est à sçavoir la mort et passion du Sauveur et ne la faiton pas pour l'adorer et servir, mais pour adorer et servir en icelle et par icelle le Crucifix, suivant le vray mot de sainct Athanase: Qui adorat imaginem, in illa adorat ipsum regem.

Si que non-seulement le vray usage des sacrées et sainctes imaiges n'est aucunement deffendu; mais est commandé, et compris par tout où il est commandé d'adorer Dieu, et d'honnorer ses saincts, puisque c'est une legitime façon d'honnorer une personne d'avoir fait, pour la priser, son imaige et pourtraict, selon la mesure et proportion de la valeur du principal subjet.

CHAPITRE XIV.

Confession de Calvin pour l'usage des imaiges.

INTRE tous les novateurs et reformateurs, il n'en a point esté, à

E mon advis, de si aspre, si hargneux et implacable que Jean

Calvin. Il n'y en a point qui ayt contredit à la saincte Eglise avec tant de vehemence et chagrin que celuy-là, ny qui en aye recherché plus curieusement les occasions, et surtout touschant le poinct des imaiges. C'est pourquoy, ayant rencontré en ses Commentaires sur Josué une grande et claire confession en faveur du juste usage des imaiges, je l'ay voulu mettre en ce bout de livre, afin qu'on cognoisse combien la verité de la creance catholique est puissante, qui s'est eschappée et levée des mains de ce grand et violent ennemy, qui la detenoit en injustice. Or, afin que tout soit mieux pesé, je mettray, et son dire, et le subjet de son dire au long.

Les enfans d'Israël estoient desjà saysis de la terre de promission, les lots et portions avoient esté assignez à une chascune des tribus : si que le grand Josué estima devoir congedier les Rubenites, Gadites (Jos. 22), et la moitié des Manasseens lesquels ayant desjà prins et receu le lot de leur partage au delà du Jourdain, avoient neantmoins assisté en tout, et par tout, au reste des enfans d'Israël, pour les rendre paysibles de la part du pays que Dieu leur avoit promise, comme se rendant evictionnaires les uns pour les autres. Estant donc congediées, les deux tribus et demie, pour se retirer au lieu de leurs partages, en la terre de Galaad, arrivées qu'elles furent és confins et limites du Jourdain, elles y dresserent un autel d'infinie grandeur (Jos. 10).

Les Israëlites qui estoient demeurez en Chanaan eurent nouvelle de l'edification de cest autel, et doubterent que les Rubenites, Galites, et ceux de la my-tribu de Manassé, ne voulussent faire schisme et division en la religion, d'avec le reste du peuple de Dieu, au moyen de cest autel. De quoy, pour sçavoir la vraye verité, ils leur envoyerent en ambassade Phinées, fils du grand sacrificateur Eleazar, lequel presupposant une mauvaise intention en l'edification de cest autel, tança bien asprement de primeface les bastisseurs d'iceluy, comme s'ils eussent voulu innover en matiere de religion, et dresser autel contre autel. A quoy les deux tribus et demie firent response, qu'ils craignoient qu'à l'advenir la posterité des autres tribus ne voulust forclore leurs enfans de l'accez du vray autel qui estoit en Chanaan, sous pretexte de la separation que le Jourdain faysoit entre l'habitation des uns et des autres, et d'autant que l'une estoit deçà, et l'autre delà ladite riviere : Et pourtant nous avons dit, ce furent leurs paroles, que s'ils veulent nous

dire ainsi, ou à nostre posterité, alors nous leur dirons: Voye la similitude de l'autel de l'Eternel que nos peres avoient fait, non point pour l'holocauste, ny pour le sacrifice; mais à ce qu'il soit tesmoin entre vous et nous.

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Calvin traduict ainsi, et sur l'excuse des deux tribus et demie, fait ce commentaire : Neantmoins, si semble-t-il qu'il y a eu en» core quelque faute en eux, à cause que la loy deffend de dresser » des statues de quelque façon qu'elles soient; mais l'excuse est » facile, que la loy ne condamne nulles imaiges, sinon celles qui » servent de representer Dieu. Cependant d'eslever un monceau de pierre, en signe de trophée, où pour tesmoignage d'un miracle qui aura esté fait, ou pour reduire en memoire quelque benefice » de Dieu excellent, la loy ne l'a jamais deffendu en passage quel» conque; autrement, et Josué, et plusieurs saincts, juges et roys, » qui sont venus apres luy, ne fussent soüillez en une nouveauté » prophane. » Ce commentaire est considerable; car ce fut le dernier ouvrage de son autheur (comme dit Beze en sa Preface sur iceluy) et qui le represente le mieux, et partant ce qu'il y a dit doit prevaloir contre tout ce qu'il a dit entre ses autres escrits inconsiderement, et eschauffé au debat qu'il avoit suscité. Mais surtout le texte porte une signalée consideration pour l'establissement du juste usage des imaiges, et remembrance des choses sainctes : considerons-le donc, et finissons tout ce traitté au nom de Dieu.

CHAPITRE XV.

Considerations sur le texte allegué de Josué,
et conclusion de tout cest œuvre.

les deux tribus et demie d'une part furent recherchées

Dcomme suspectes de schisme, à cause de la remembrance de

l'autel qu'elles avoient erigé; et nous de l'autre costé sommes chargez d'idolastrie, et accusez de superstition, pour les imaiges de l'autel de la croix, que nous dressons et eslevons par tout.

Les accusations sont presque semblables. Mais 1o les accusez et accusateurs, de part et d'autre, sont extresmement differens; car les accusateurs des deux tribus et demie, ce furent les dix tribus d'Israël, lesquelles, à l'esgard des deux et demie, estoient 1. le gros et le corps de l'Eglise, les deux et demie n'en estoient qu'un membre et portion; 2. les dix estoient en vraye possession du tabernacle et autel, les deux et demie n'en avoient que la communication; 3. les dix tribus avoient en elles, et de leur costé, la chaire de Moyse, la dignité sacerdotale, l'authorité pastorale, et succession aaronique; les deux et demie n'estoient qu'un simple peuple, et parcelle de la bergerie. Tout cela estoit un grand droict apparent et solide aux dix tribus, pour entreprendre la correction du fait des deux tribus et demie, lesquelles, en multitude, dignité et prerogative, leur estoient du tout inferieures.

Mais si nous considerons nostre condition, de nous qui sommes catholiques, et celle des novateurs, qui nous accusent si asprement, nous verrons que tout y va à contre-poids. Les catholiques,

qui sont les accusez, sont 1. la tige et corps de l'Eglise ; les novateurs ne sont que branches taillées et membres retranchez; 2. les catholiques sont en une ferme et indubitable possession du tiltre de vraye Eglise, tabernacle de Dieu avec les hommes, autel sur lequel seuf l'odeur de suavité est aggreable à Dieu; les novateurs, qui ne font que naistre de la terre, comme potirons, n'en ont qu'une vaine et fade usurpation; 3. les catholiques ont en eux et à leur faveur la chaire de sainct Pierre, la dignité sacerdotale, l'authorité pastorale, la succession apostolique; leurs accusateurs sont nouveaux venus, sans autres chaires que celles qu'ils se sont faites euxmesmes, sans aucune dignité sacerdotale, sans authorité pastorale, sans aucun droict de succession, ambassadeurs sans estre envoyez, deleguez sans delegation, messagers sans mission, enfans sans pere, executeurs sans commission. Ce sont des poincts qui rendent suspecte, ains convaincuë d'attentat, toute la procedure des censeures que les reformateurs font contre nous qui sommes catholiques, auxquels ils sont inferieurs en tant et tant de façons, et si notoirement.

20 Il y a encore une autre difference entre le subjet de l'accusation faite contre les deux tribus et demie, par le reste d'Israël et celle que les novateurs font contre nous, laquelle est bien remarquable. L'erection des remembrances et similitudes servit d'occasion à l'une et à l'autre accusation : à l'une, l'erection de la similitude de l'autel de la loy; à l'autre, l'eslevation de la remembrance de l'autel de la croix. Mais il y a cela à dire, entre l'une et l'autre erection, que l'erection de la similitude de l'autel de la loy estoit une œuvre notoirement nouvelle, qui, partant, meritoit bien d'estre considerée, comme elle fut, avec un peu de soupçon, et que l'approbation d'icelle fust precedée d'un bon examen. Mais l'erection de la similitude de l'autel de la croix, prattiquée de tout tems en l'Eglise, portoit, par son antiquité, une autre exemption de toute censeure et accusation.

3o De plus, il y eut encore une grande difference en la maniere de proceder en l'accusation : 1. les dix tribus, quoyque superieures aux deux et demie, ne se rüent pas de premiere volée à la guerre; mais envoyent premierement une honnorable legation aux accusez pour sçavoir leur intention, touschant l'edification de leur autel nouveau, et à cest effect; 2. ils employent l'authorité sacrée de leur grand-prestre et pasteur, et la civile de leur principaux chefs; 3. ne demandant pas absolument que l'autel, dont il estoit question, fust rasé et renversé, mais simplement que les deux tribus et demie, en edifiant un autre autel, ne fissent aucun schisme ou division en la religion; 4. et n'alleguent point d'autre autheur de leur correction que l'Eglise: Voicy que dit toute la congregation de l'Eternel (Jos. 22). O saincte et saine procedure !

Tout au contraire, les reformateurs, qui sont nos accusateurs, quoyque notoirement inferieurs: 1. se sont de pleyn saut jettez aux foudres, tempestes et gresles de calomnies, injures, reproches, diffamations, et ont armé leurs langues et leurs plumes de tous les plus poignans traicts qu'ils ont sceu rencontrer entre les despoüilles de tous les anciens ennemys de l'Eglise, et tout aussi-tost les ont

S. François. - 3

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