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3o Ou la chose adorable n'aura reellement, ny de soy, ny en soy l'excellence pour laquelle on adore; mais seulement par une certaine imputation et relation, à cause de l'allyance, appartenance, ressemblance, proportion et rapport qu'elle a avec la chose qui en soy-mesme a l'excellence et bonté; et lors l'adoration deue aux choses pour ce respect est appellée respective, rapportée, ou relative. De laquelle sont capables toutes les creatures, tant raysonnables qu'autres, hormys les miserables damnez, qui n'ont autre rapport qu'à la mísere, laquelle offusque en eux tout ce qui peut y estre demeuré de leurs naturelles facultez.

Mais Dieu, qui n'est capable d'autre excellence que de l'independante, n'est capable d'autre adoration que de l'independante. La maniere d'avoir la perfection, avec la dependance, et d'ailleurs que de soy, est trop basse et vile pour Dieu, et beaucoup plus la maniere de l'avoir par imputation ou relation; ces menus honneurs ne sont pas sortables pour une excellence infinie. L'honneur doncques souverain et supresme est deu à Dieu, non-seulement pour la perfection infinie qui est en luy, mais encore pour la maniere aveč laquelle il l'a; car il l'a de soy-mesme, et par soy-mesme.

L'honneur absolu subalterne n'est que pour les creatures intelligentes, lesquelles seules ont en soy la vertu qui requiert l'honneur absolu; mais elles ne l'ont pas de soy, et partant il est subalterne. L'honneur relatif, ou rapporté, est en certaine façon propre et particulier pour les creatures irraysonnables, d'autant qu'elles ne sont capables d'autre honneur, n'estant vertueuses, ny d'ellesmesmes, ny en elles-mesmes. Et neantmoins les creatures intelligentes sont encore capables de cest honneur relatif, aussi bien que de l'absolu subalterne. Ainsi puis-je considerer sainct Jean, ou comme tres-sainct personnage, et par-là je l'honnore d'honneur absolu, quoyque subalterne; ou comme proche parent de Nostre Seigneur, et par-là je l'honnore d'un honneur relatif et rapporté.

L

CHAPITRE IX.

D'où se prend la difference de la grandeur ou petitesse entre les honneurs relatifs, et de la façon de les nommer.

'HONNEUR relatif doit estre prisé à la mesure et au poids de l'excellence à laquelle il vise, et selon la diversité avec laquelle l'excellence se treuve en la chose honnorée. Par exemple, je veux mettre en comparayson l'imaige du prince avec le fils d'un amy: si je considere la qualité des excellences pour lesquelles j'honnore et l'un et l'autre, j'honnoreray plus l'image du prince que le fils de l'amy (je suppose que ce fils ne me soit respectable que pour l'amour du pere), parce que l'imaige du prince appartient à une personne qui m'est plus honnorable; mais si je considere le rang et degré d'appartenance que chascune de ces choses tient à l'endroict des excellences pour lesquelles on les honnore, j'honnoreray beaucoup plus le fils de mon amy que l'imaige du prince; car, bien que je prise plus le prince que le simple amy, si est-ce que l'imaige appartient incomparablement moins au prince que le fils à l'amy.

De mesme, selon la premiere consideration, l'imaige de Nostre

Seigneur est plus honnorable que le corps d'un martyr, d'autant qu'elle appartient à une infinie excellence, et le corps du martyr n'appartient qu'à une excellence limitée; mais, selon la seconde consideration, le corps du sainct est plus venerable que l'imaige de Nostre Seigneur; car, encore que l'imaige de Dieu appartienne à une excellence infinie, si luy appartient-elle infiniment peu, au prix de ce que le corps appartient de fort pres au martyr, duquel il est une partie substantielle, qui ressuscitera pour estre faite participante de la gloire.

Pour donc donner le juste prix d'honneur, respectif ou relatif, qui est deu aux choses, il faut considerer et peser l'excellence à laquelle elles appartiennent, et quant et quant le rang et grade d'appartenance qu'elles ont à l'endroict de ceste excellence. Ainsi la vraye croix et l'imaige de la croix meritent un mesme honneur, en tant que l'une et l'autre se rapportent à Jesus-Christ: mais elles le meritent bien differemment, en tant que la vraye croix appartient plus excellemment à Jesus-Christ, que ne fait pas l'imaige de la croix; car la vraye croix luy appartient comme rélique, instrument de la redemption, autel de son sacrifice, et son imaige encore; mais l'imaige de la croix ne luy apppartient que comme remembrance de sa passion. La difference de leur adoration ne se prend pas du subjet auquel elles appartiennent, mais de la façon en laquelle elles luy appartiennent elles appartiennent à un mesme subjet; mais non pas en mesme façon, ains diversement : c'est ce qui en diversifie et rend differentes les venerations.

Mais comme nommerons-nous ces adorations relatives, selon leurs differences?

1o Pour vray il ne les faut jamais appeller adorations simplement, et sans bonnes limitations; car, si le mot d'adoration penche plus à signifier l'honneur deu à Dieu seul que le subalterne, et que partant il ne doit pas estre employé à signifier le subalterne, sinon qu'il soit borné par quelque addition, combien moins le faut-il mettre en usage, pour signifier les adorations relatives et imparfaictes, sinon qu'on ayt limité la course de sa signification à la mesure de l'honneur qu'on veut nommer.

2. Il ne suffit pas d'appeller une de ces adorations, adoration relative ou imparfaicte; car par ces parolles on ne mettroit aucune difference entr'elles. Toutes ont part à ce nom d'adoration relative, comme à leur genre: ceste estoffe leur est commune. Elles sont toutes de ceste espece d'honneur qu'on appelle adoration et toutes de ceste espece d'adoration qu'on appelle relative. Il faut donc accourcir encore ces deux noms par quelque addition: mais où prendra-t-on ceste addition? Il la faut chercher en la qualité d'excellence à laquelle vise l'adoration. Si elle vise à l'excellence divine, il la faut appeller adoration relative, de latrie; car l'honneur qui a pour son subjet la divinité est appellé latrie. Si elle vise à l'excellence surnaturelle creée, on l'appelle adoration relative, dulie, ou hyperdulie, selon le plus et le moins de l'excellence'; car ainsi appelle-t-on l'honneur deu aux excellences surnaturelles. Si l'adoration vise à une excellence purement humaine, elle se nommera adoration relative, humaine ou civile.

30 Quí voudra encore plus particulariser ces adorations, selon le

divers rang de rapport et appartenance que la chose qu'il en veut honnorer tient à l'endroict de l'excellence à laquelle il vise, il le pourra faire aysement, disant par exemple: J'honnore telle chose d'adoration de latrie respective, comme reliques, ou images, ou memorial, ou instrument de Jesus-Christ. Ainsi faut-il parler des reliques, imaiges, ou instrumens des saincts, laissant chaque chose en son grade; car, à la vérité, les reliques, comme les clouds, la vraye croix, le sainct suaire, méritent plus d'honneur relatif dé latrie, que ne font les imaiges ou simples.croix de Nostre-Seigneur, d'autant qu'elles appartiennent à Nostre-Seigneur, par une relation plus vive et estroicte que les simples remembrances.

Au reste, personne ne doit treuver estrange que ces menus honneurs, imparfaicts et relatifs, portent les noms des honneurs absolus et parfaicts, de latrie, hyperdulie et dulie; car comme pourroit-on mieux nommer les feuilles que du nom de l'arbre qui les produict, et duquel elles dependent? Les choses que nous honnorons d'honneur relatif sont appartenances et dependances des excellences absoluës: les honneurs que nous leur faysons sont aussi des appartenances et dependances des honneurs absolus que nous portons aux excellences absoluës. La croix est une appartenance de l'honneur de Jesus-Christ. L'honneur de Jesus-Christ s'appelle justement latrie; l'honneur de la croix est appartenance de latrie: c'est une feuille de ce grand arbre, c'est une plume de cest aigle qui yise droict au soleil de la Divinité.

Pourquoi appelle-t-on l'imaige de sainct Claude, sainct Claude, et le corps mort d'iceluy encore, sinon pour la relation et rapport que l'une et l'autre appartenance ont à ce sainct vivant? De mesme peut-on appeller l'honneur deu au corps et à l'image de ce sainct, du nom de l'honneur deu au sainct mesme; car autant de proportion que l'imaige ou le corps d'un sainct homme a à la personne du sainct propre, autant en a l'honneur deu au corps et à l'image d'un sainct, avec l'honneur qui est deu à la personne d'iceluy. L'homme en peincture est homme, un homme mort est homme; mais non pas simplement homme, ains homme par proportion, representation et relation. De mesme l'honneur deu à l'imaige et au corps de cest homme, s'il est simplement homme, sera humain, non absolument, mais proportionné et relatif s'il est homme sainct, l'honneur sera de dulie, mais respective et relative. Si c'est l'image de Jesus-Christ, l'honneur sera de latrie, mais respective. Si on me demande quel amour me fait caresser le laquais de mon frere, voire son chien, je ne sçaurois nyer que ce ne soit l'amour fraternel, et que ces affections et beneficences ne soyent fraternelles, non que j'estime le laquais, ny le chien de mon frere, mais parce qu'ils appartiennent à mon frere: aussi la propension ou inclination que j'ay à leur bien n'est pas simplement fraternelle, et de mesme estoffe que celle que j'ay à l'endroict de mon frere; mais elle y a son rapport et relation, dont elle peut estre dite fraternelle relative. Ces honneurs relatifs et imparfaicts procedent des honneurs absolus et parfaicts; et non seulement en procedent, mais s'y rapportent et reduisent: ce n'est pas merveille s'ils empruntent le nom du lieu de leur nayssance et de leur finale retraite.

Enfin, jamais il ne faut dire qu'on adore, de l'adoration de latrie simplement, autre que Dieu tout-puissant. Le docte Bellarmin le preuve suffisamment, et quand il ne produiroit que le Concile septiesme general, qui determine clairement qu'il faut honnorer les imaiges, mais non pas de latrie, cela doit suffire; car ce qui se dit à ce propos des imaiges appartient à toutes autres appartenances exterieures de Dieu. Et certes, puisque l'honneur de latrie est le souverain, il n'est deu aussi qu'à la souveraine excellence qui est Dieu.

J'ay dit l'adoration de latrie simplement, d'autant que si on parle d'une latrie imparfaicte et relative, avec semblables moderations et extenuations, on la doit attribuer à la croix, et autres appartenances de Jesus-Christ; autrement non, en façon que ce soit la rayson est, parce que, selon la regle des logiciens, le mot qui signifie deux, ou plusieurs choses, l'une principalement et directement, l'autre par similitude et proportion, estant mis à part seul, et sans limitation, il signifie tousjours la chose principalement signifiée Analogum per se sumptum stat pro famosiori significato. Si on dit homme, cela s'entend d'un homme vray et naturel, non d'un homme mort, ou peinct; si on dit latrie, c'est la vraye latrie, et non la latrie imparfaicte et relative. Que si j'ay tousjours dit qu'il ne falloit pas mesme dire simplement qu'on adoroit les creatures, sinon qu'on y employast des circonstances qui restreignissent la signification du mot adorer, d'autant qu'il penche plus à l'honneur de Dieu qu'à celuy des creatures; combien plus ay-je rayson de dire qu'il ne faut jamais mettre en usage le mot seul de latrie, pour aucun honneur que pour celuy de Dieu seul, puisque ce mot de latrie a esté particulièrement choysi et destiné à ceste seule signification, et ne peut desormais avoir autre usage, sinon par proportion et extension? Pour vray, le mot equivoque se prend tousjours en sa principale signification, quand il est mis seul et sans limitation, et non jamais pour les significations accidentaires et moins principales. En voylà bien assez, ce me semble, pour les bons entendeurs.

CHAPITRE X.

Resolution necessaire d'une difficulté.

vaut mieux loger icy ce mot que de l'oublyer; car il est necessaire. Si l'adoration relative des appartenances de Jesus-Christ s'appelle latrie imparfaicte, parce qu'elle se rapporte à la vraye et parfaicte latrie deue à Jesus-Christ, et de mesme l'adoration respective qu'on porte aux appartenances de Nostre-Dame s'appelle hyperdulie, d'autant qu'elle vise à la parfaicte hyperdulie, deue à ceste celeste Dame, ou l'adoration respective qu'on porte aux appartenances des saincts s'appelle dulie relative, d'autant qu'elle se reduict à la parfaicte dulie deue à ces glorieux Peres pourquoy n'appellera-t-on adoration de latrie l'honneur qu'on fait à la Vierge Mere de Dieu et aux saincts, puisque l'honneur de la mere et des serviteurs redonde tout, et se rapporte entierement à l'honneur et S. François. 3

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gloire du Fils et Seigneur Jesus-Christ, nostre souverain Dieu et Redempteur? Tout honneur se rapporte à Dieu, comme il a esté clairement deduict en l'Avant-propos: donc tout honneur est et se doit appeller adoration relative de latrie.

Ceste difficulté merite response. Je la prendray du grand docteur sainct Bonaventure. Les honneurs subalternes se rapportent à Dieu en deux façons, ou comme à leur premier principe et derniere fin, ou comme à leur object et subjet. Or l'honneur subalterne, quoyque absolu et propre, se rapporte à Dieu comme à son principe premier et fin derniere et non comme à son object. Mais l'honneur relatif se rapporte à Dieu comme à son object et subjet, dont il est nommé honneur de latrie. Il est neantmoins imparfaict et relatif, d'autant qu'il n'a pas Dieu pour son object, en tant que Dieu se considere en soy-mesme, où en sa propre nature; mais seulement en tant qu'il est representé ou recogneu en ses appartenances et despendances, par la relation et rapport qu'elles ont à sa divine Majesté. La reverence que sainct Jean portoit aux souliers de Nostre Seigneur, s'estimant indigne de les porter, estoit une saincte affection de latrie; mais de latrie relative, par laquelle il adoroit son Maistre, non en sa propre personne, mais en ceste basse et abjecte appartenance.

Les honneurs donc qui visent à Jesus-Christ, comme à leur principe et fin finale seulement, ne se peuvent ny doivent nommer en aucune façon latrie; mais ceux qui se rapportent à Jesus-Christ, comme à leur object, se peuvent et doivent appeller latrie, mais relative et imparfaicte. Or l'honneur de la Vierge et des Saincts a pour son object leur propre excellence qui se treuve reellement en leur personne et partant il a son propre nom de dulie et hyperdulie, bien qu'il se rapporte par apres à Dieu, comme à sa fin et à son principe. L'honneur de la croix et autres appartenances de nostre Sauveur a pour son object Nostre Seigneur mesme, qu'il considere et recognoist en ces choses insensibles, par la relation qu'elles ont à luy, si qu'on appelle raysonnablement cest honneur-là, latrie relative. Ainsi donne-t-on le pain au pauvre en aumosne, et au prestre en oblation : l'un et l'autre don vise et tend à Dieu, mais differemment; car l'aumosne vise à Dieu comme à sa fin, et à pour son object le pauvre; l'oblation vise à Dieu, comme à son propre object, quoyqu'elle soit reçeue par le prestre.

CHAPITRE XI.

Deux façons d'honnorer la Croix.

On peut honnorer les choses absentes, voire passées et futures, au moins conditionnellement aussi les peut-on priser et louer. Combien de fois, et en combien de façons les anciens Peres firentils honneur et adoration au Messie futur? Et pour vray, a bien considerer l'essence de l'honneur et adoration, elle ne requiert point la presence de son object, et peut avoir lieu pour les choses passées et futures. Le petit traitteur n'oseroit nyer ceste doctrine.« Nous » ne pouvons, dit-il, jamais assez honnorer la croix, mort et pas

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