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à ces sortes d'opinions, avec attention à ces parolles de Jesus-Christ grandement remarquables: Il y a beaucoup d'appellez, mais bien peu de choysis (Matth. 22); tous ceux qui sont en l'Eglise sont appellez, mais tous ceux qui sont en l'Eglise ne sont pas esleus.

Enfin, Messieurs, je croy que vos ministres ne treuveront en aucun texte de l'Escriture aucune authorité qui leur puisse servir de quelque excuse, pour advancer tant d'absurditez, et pour contredire des preuves si claires que celles que nous avons produictes, je sçay pourtant qu'ils alleguent des contre-raysons, parce que jamais l'endurcy et l'opiniastre ne se rend sans resplique.

DISCOURS X.

Refutation des objections des heretiques, qui ne veulent point que les resprouvez soyent membres de l'Eglise.

quoy! apres ce que nous avons dit, nos errans pourront-ils rapporter ce qui est escrit au Cantique de l'Espouse sacrée, que c'est un jardin fermé, une fontaine cacheptée, un puits d'eau vive, et qu'elle est toute belle et sans aucune tache, ou comme dit l'Apostre, glorieuse, sans ride, saincte et immaculée (Eph. 5)? je les prie de bon cœur qu'ils regardent ce qu'ils veulent conclurre de cecy; car s'ils veulent inferer, qu'il ne doit y avoir aucune chose dans l'Eglise qui ne soit saincte, immaculée, et sans ride, je leur feray voir, avec ce mesme passage, qu'il n'y a en l'Eglise ny esleus ny resprouvez (Heb. 2); car, comme dit tres-bien le grand Concile de Trente, voicy la voix commune de tous les justes et esleus de Dieu Remettez-nous nos debtes, comme nous les remettons à nos debiteurs (Matth. 6). Je tiens sainct Jacques pour un esleu, et neantmoins il confesse que nous offensons tous en plusieurs choses. Sainct Jean nous ferme aussi la bouche et apprend à tous les reformateurs, que personne ne se vante d'estre sans soüilleure; il veut tout au contraire, que chascun scache et confesse humblement qu'il a peché. Je croy que David, dans son ravissement et dans son extase, sçavoit ce que c'estoit que des esleus; toutesfois il tenoit que tout homme estoit un menteur (Ps. 115): si donc ces bonnes qualitez qui sont données à l'Eglise, considerée en son tout, et en sa doctrine, se doivent prendre pour tous les membres particuliers, de telle sorte qu'il n'y ayt aucune tache, ny aucunes rides dans les fidelles, il faudra sortir hors de ce monde pour treuver la verification de ces beaux esloges; les esleus de ce monde n'en seront pas capables. Mettons la verité au net pour l'esclaircir.

Certes, l'Eglise est, a esté, et sera tousjours toute belle, toute saincte et toute glorieuse, selon les mœurs et selon la doctrine. Les mœurs dependent de la volonté, la doctrine de l'entendement : or, jamais n'entrera aucune fausseté dans l'entendement de l'Eglise, ny en sa volonté aucune malice, elle peut, par la grace de son Espoux, dire comme luy : Qui d'entre vous, o mes conjurez ennemys! me reprendra de vice et de peché (Joan. 8)? il ne s'ensuit pas pourtant que dans les particuliers de l'Eglise il n'y ayt des meschans; ressouvenez-vous de ce que j'ay dit ailleurs, que l'Es

pouse a des cheveux et des ongles, qui ne sont pas vivans, quoy qu'elle soit vivante; que le senat est souverain, mais non pas chaque senateur; que l'armée est victorieuse, mais non pas chaque soldat en particulier; si elle emporte la bataille, plusieurs soldats s'y perdent et y demeurent; plusieurs par divers accidens y sont blessez, d'autres y meurent. Prenez donc garde l'un apres l'autre, à ces belles louanges de l'Eglise qui sont semées en l'Escriture, et luy en faites une couronne; car elles luy sont tres-bien deuës (Cant. 6); mais aussi considerez plusieurs maledictions, qui sont données à ceux qui s'y perdent : c'est une armée bien ordonnée, encore que plusieurs s'y debandent.

On scayt assez que bien souvent on attribuë à tout un corps ce qui n'appartient qu'à une des parties. L'Espouse appelle son Espoux blanc et vermeil (Cant. 5 et 10); mais incontinent elle dit qu'il a les cheveux noirs. Sainct Matthieu dit, que les larrons qui estoient crucifiez avec Nostre Seigneur, le blasphemerent (Matth. 27), neantmoins ce ne fut que l'un deux, au rapport de sainct Luc (23). On dit que le lys est tout blanc, il y a pourtant du jaune et du verd. A dire vray, celuy qui parle en terme d'amour, comme l'Espouse et l'Espoux du Cantique, usent volontiers de ceste façon de langage, où sous les representations chastes et amoureuses, toutes ses qualitez sont justement attribuées au corps de l'Eglise, à cause de beaucoup de sainctes ames qui y sont, et qui observent estroittement les saincts commandemens de Dieu : ce sont des cœurs parfaicts, de la perfection qu'on peut avoir dans le pelerinage de ce monde, non pas encore de celle que nous esperons en la bien-heureuse patrie; au surplus, quoy qu'il n'y eust point d'autres raysons de qualifier l'Eglise par ces tiltres, l'esperance qu'elle a de monter là-haut toute pure, et toute belle, en contemplation du seul port auquel elle aspire et va courant, suffiroit pour la faire appeller glorieuse et parfaicte, principalement à la vue de tant de solides promesses et asseurances de ceste attente bien-heureuse.

Il seroit inutile d'en dire plus sur ce subjet; car qui voudroit s'amuser sur tous les pieds de mouche qu'on fait icy, et sur lesquels on baille mille fausses allarmes au pauvre peuple, on ne finiroit jamais la meslée. On produict le passage de sainct Jean: Je cognois mes brebis, et personne ne les levera de mes mains (Joan. 10); on insiste que ces brebis sont les predestinez, qui sont seuls au bercail du Seigneur. On produict ce que dit sainct Paul à Timothée: Le Seigneur cognoist aussi ceux qui sont à luy (11. Tim. 2); de plus, ce que sainct Jean dit des Apostres: Ils sont sortis d'entre nous; mais ils n'estoient pas d'entre nous (11. Joan. 2). Quelle difficulté treuve-t-on en cela? Nous confessons que les brebis predestinées entendent la voix de leur bon Pasteur, et ont toutes les proprietez qui sont descrites en sainct Jean, ou presentes, à ou venir; nous confessons aussi qu'en l'Eglise de Dieu, qui est la bergerie de Nostre Seigneur, il n'y a pas seulement des brebis, mais encore des boucs : autrement pourquoy seroit-il remarqué, qu'à la fin du monde, au jour du jugement, les brebis seront separées (Matth. 25), sinon, parce qu'en ce pelerinage, pendant que l'Eglise combat en ce monde elle a en son sein des boucs meslez avec les brebis (Ezech. 34)?

DISCOURS X.

Certes, si jamais ils n'avoient esté ensemble, on ne les separeroit point; et puis, en fin de compte, si les predestinez sont appellez brebis, aussi le sont bien les resprouvez; tesmoin David: Vostre fureur est courroucée sur les brebis de vostre parc; j'ay erré comme la brebis, qui est perduë (Psal. 118); et ailleurs, quand il dit: 0 vous qui regentez sur Israël, escoutez, vous qui conduisez Joseph comme une oüaille (Psal. 79); quand il dit Joseph, il entend les Josephois, et le peuple Israëlitique, parce qu'en Joseph fut cedée la primogeniture, et l'aisné donnoit le nom à la race (1. Paral. 5). Mais qui ne sçayt que parmy le peuple d'Israël tous n'estoient pas predestinez, ny tous esleus (Is. 23)? et neantmoins ils sont tous appellez brebis, et tous regis sous un mesme pasteur. Ainsi nous confessons qu'il y a des brebis sauvées et predestinées, desquelles il est parlé en sainct Jean; il y en a d'autres damnées, desquelles il est parlé ailleurs (Ezech. 34), et toutes neantmoins icy-bas dans un masme parc.

En oultre, Messieurs, nous ne nyons pas que Nostre Seigneur ne cognoisse ceux qui sont à luy: il sceut, sans doubte, ce que Judas deviendroit par sa perfidie, neantmoins Judas ne laissa pas d'estre de ses Apostres; il sceut ce que devoient devenir les disciples, qui retournerent en arriere, ayant mal receu la doctrine de la realité de la manducation de sa chair, et neantmoins il les recogneut pour ses disciples (Joan. 6). C'est une chose bien differente d'estre à Dieu, et cogneu de Dieu, selon son eternelle prescience par rapport à l'Eglise triomphante, et d'estre à Dieu selon la presente communion des saincts par rapport à l'Eglise militante: les premiers sont seulement cogneus de Dieu; les derniers sont cogneus et de Dieu et des hommes selon sa volonté presente. Sainct Augustin s'escrie : O combien de loups sont dedans, combien de brebis sont dehors (Tract. 45, in Joan.). Nostre Seigneur donc cognoist ceux qui sont à luy, pour l'Eglise triomphante, desquels la fin sera en perdition, comme l'Apostre le monstre quand il dit, qu'en une grande mayson il y a de toutes sortes de vases, quelques uns pour l'honneur, et d'autres pour l'ignominie (II. Tim. 2). Pour ce que sainct Jean dit: Ils sont sortis d'entre nous, mais ils n'estoient pas d'entre nous, cela ne fait rien à nostre propos; car je respons comme sainct Augustin Ils estoient des nostres, ou d'entre nous, numero, et ne l'estoient pas merito. C'est-à-dire, comme l'explique le mesme docteur, ils estoient entre nous et des nostres par la communion des Sacremens, mais selon leur particuliere proprieté et disposition de leur vie ils ne l'estoient pas; ils estoient heretiques en leurs ames et de volonté, quoy que selon l'apparence ils ne le fussent pas. Et cela n'est pas à dire que les bons ne soyent avec les mauvais en l'Eglise; s'ils n'y estoient par merite, ils y estoient sans doubte de faict et de nombre, comme de volonté ils en estoient desjà dehors.

Enfin, Messieurs, voicy vostre fort argument qui semble estre fourny de forme et de figure: Celuy-là n'a point Dieu pour pere, qui n'a point l'Eglise pour mere; c'est une chose tres-certaine, car Jesus-Christ l'a dit. Or est-il que les resprouvez n'ont point Dieu I our pere, donc ils n'ont point l'Eglise pour mere; par consequent

les resprouvez ne sont point en l'Eglise. Mais la response est belle, et n'est pas difficile à expliquer. On reçoit le premier fondement de ceste rayson; mais le second, à sçavoir, que les resprouvez ne soyent pas enfans de Dieu, a besoin d'estre espluché : tous les fidelles baptisez peuvent estre appellez enfans de Dieu, pendant qu'ils sont fidelles, sinon que l'on voulust oster au baptesme le nom de regeneration et de nativité spirituelle, que Nostre Seigneur luy a donné; que si on l'entend ainsy, il y a plusieurs resprouvez enfans de Dieu; car combien y a-t-il de gens fidelles et baptisez qui seront toutesfoís damnez, lesquels, comme dit la verité mesme, croyent pour un tems, et au tems de la tentation se retirent en arriere (Joan. 3)? de façon que nous nyons tout court ceste seconde proposition, que les resprouvez ne soyent pas enfans de Dieu; car les resprouvez estant en l'Eglise, ils peuvent estre appellez les enfans de Dieu par la creation (Luc. 8), par la redemption, par la regeneration, par la doctrine, et par la mesme profession de foy. Gal., 3: Omnes vos filii Dei estis per fidem in Christo Jesu, quoy que Nostre Seigneur se plaigne d'eux en ceste sorte en Isaye: Jay nourry et eslevé des enfans, et ils m'ont mesprisé (Is. 1). Que si l'on veut persister à dire obstinement que les resprouvez n'ont point Dieu pour pere, parce qu'ils ne seront point heritiers, selon la parolle de l'Apostre, s'il est fils, il est heritier (Gal. 4), nous nyerons encore la consequence, car non-seulement les enfans sont en l'Eglise, mais encore les serviteurs; mais avec ceste difference, que les enfans y demeureront à jamais comme heritiers, les serviteurs, non, mais seront chassez quand il semblera bon au pere de famille, tesmoin le Maistre mesme en sainct Luc (cap. 15), parlant du fils prodigue penitent, qui sçavoit bien recognoistre, que plusieurs mercenaires avoient des pains en abondance chez son pere, quoy que le vray et legitime fils mouroit de faim, et mangeoit avec les pourceaux: ce qui rend preuve de la foy catholique en ce subjet. O combien de serviteurs, puis-je dire avec l'Ecclesiastique, ont esté vus à cheval en bon ordre, et combien de princes à pied comme des valets! Combien d'animaux immondes et de corbeaux en ceste arche mystique de l'Eglise! O combien de pommes belles et excellentes exterieurement sont sur le pommier, qui sont toutes vermouluës par dedans, et neantmoins elles sont toutes attachées à l'arbre, et tirent le bon suc de la tige! Celuy qui auroit les yeux assez clairvoyans pour regarder l'issue de la course des hommes, verroit bien dans l'Eglise de quoy s'escrier: Plusieurs sont appellez, mais peu y sont esleus! c'est-à-dire, plusieurs sont en la saincte Eglise militante, qui ne seront jamais en la triomphante; combien sont dedans qui seront dehors, comme sainct Anthoine previt d'Arius (Athan. in Vita S. Anton.), et sainct Fulbert de Berengaire. C'est donc chose certaine, que non-seulement les esleus, mais les resprouvez encore, peuvent estre et sont les enfans de l'Eglise celuy donc qui, pour la rendre invisible, n'y admet que les esleus, fait comme les disciples, qui conseilloient d'oster l'ivraye d'avec le bon bled, avant la moisson; mais le bon pasteur les en corrigea.

DISCOURS XI.

La perpetuité de la succession et de la doctrine ruyne entierement la mission pretenduë des heretiques, car l'Eglise veritable ne peut perir.

TTENDANT le lieu propre, je seray d'autant plus retenu et rac

A courcy en ce discours, que ce que je deduiray au suivant, sera

une augmentation de forte preuve à la creance de la perpetuité de l'Eglise et de sa ferme immutabilité. Nos adversaires, pour se souslever et s'affranchir du joug de la saincte sousmission qu'on doit à l'Eglise, asseurent qu'elle estoit perie il y a environ mille ans et tant d'années; qu'elle estoit morte, ensevelie, et la saincte lumiere de la foy entierement esteinte. C'est sans doubte un grand blaspheme, parce que tout cecy est contre le merite de la Passion de Nostre Seigneur, contre sa providence, contre sa bonté, contre sa verité; ne sçayt-on pas ce que dit la parolle de Nostre Seigneur mesme : Si je suis une fois eslevé de terre, j'attireray toutes choses à moy (Joan. 12)? N'a-t-il pas esté eslevé en l'arbre de la croix ? N'a-t-il pas souffert une mort visible? Et qui peut dire, sans impieté, qu'il auroit laissé l'Eglise (qu'il avoit attirée) à l'abandon? Comme auroit-il lasché ceste precieuse prinse, qui luy avoit cousté si cher? Le prince du monde, c'est-à-dire le diable, auroit-il esté chassé avec le sainct baston de la croix pour un tems de trois ou quatre cens ans, afin de revenir maistriser mille ans? Voulez-vous evacuer de ceste sorte la force de la croix? Etes-vous des arbitres de si bonne foy, que de vouloir si injustement partager Nostre Seigneur, et mettre desormais une alternative entre sa divine bonté et la malice diabolique de son ennemy? Non, non, quand un fort et puissant guerrier garde sa forteresse, tout y est en paix ; que si un plus fort survient (et le surmonte, il luy leve les armes et le despouille (Luc. 11). Ignorez-vous que Jesus-Christ se soit acquis l'Eglise par son sang? Et qui pourra la luy lever? Pensez-vous qu'il soit plus foible que son adversaire? Ha! je vous prie, parlons honnorablement de ce capitaine; où est ce fort qui osera oster son Eglise d'entre ses mains? Peut-estre direz-vous qu'il peut la garder; mais qu'il ne le veut pas ; c'est donc sa providence, ou sa bonté ou sa verité, que vous attaquez! La bonté de Dieu a donné des dons aux hommes montant au ciel; elle leur a donné des apostres, des evangelistes, des pasteurs et des docteurs pour la consommation des saincts, en l'œuvre du ministere, pour l'edification du corps de Jesus-Christ (Ephes. 4): la consommation des saincts estoit-elle faite il y a onze cens ou douze cens ans? l'edification du corps mystique de Nostre Seigneur, qui est l'Eglise, avoit-elle esté parachevée? Ou cessez de vous appeller nouveaux edificateurs, ou dites que non. Si elle n'avoit pas esté achevée (comme de fait elle ne l'est pas mesme maintenant), pourquoy faites-vous ce tort à la bonté de Dieu, que de dire qu'il ayt osté et levé aux hommes ce qu'il leur avoit donné? c'est une des qualitez de la bonté de Dieu, comme dit sainct Paul, de distribuer ses dons et ses graces sans repentir, c'est-à-dire, qu'il ne donne pas pour oster.

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