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battre, à qui considerera bien ce qui suit: 111111'; premierement, j'advouë et vous ne le nyerez pas, que Nostre Seigneur avoit en son humanité deux parties, le corps et l'ame; ainsi l'Eglise son espouse a deux parties: une interieure, qui est (comme son ame) invisible; et celly-cy comprend la grace, la foy, l'esperance et la charité; l'autre exterieure (comme son corps) est toute visible la confession de sa foy, les loüanges, les cantiques, les predications, les sacremens, les sacrifices; ainsi tout ce qui se fait en l'Eglise a son exterieur et son interieur; la priere a sa parolle interieure, et sa voix exterieure (Cor. xiv, 15); la foy remplit le cœur d'asseurance et la bouche de confession (Rom. x, 9); là predication se fait exterieurement par les hommes; mais la celeste lumiere du Pere celeste y est requise; car il faut tousjours l'ouyr et apprendre de luy, avant que de venir au fils (Joan. VI, 44, 45); et dans les sacremens, le signe est exterieur, mais la grace est interieure; qui ne le sçayt? Voylà donc l'interieur de l'Eglise et son exterieur; son plus beau est dedans, et le dehors n'est pas si excellent (Cant. IV. 1); car, comme disoit l'Espoux aux Cantiques: Tes yeux sont des yeux de colombe, sans exclure ce qui est caché au dedans; car le miel et le laict sont sous ta langue, c'est-à-dire en ton cœur (v. 11), voylà le dedans; et l'odeur de tes vestemens est comme l'odeur de l'encens, voylà le service exterieur. Le Psalmiste dit: Toute la gloire de ceste fille royale est par dedans (Ps. XLIV, 16). C'est l'interieur; mais elle est revestue de belles varietez, avec des franges d'or. Voilà l'exterieur +++ 2.

Secondement, il faut considerer, que tant l'exterieur que l'interieur de l'Eglise, peut estre dit spirituel, mais diversement; car l'interieur est spirituel purement, et de sa propre nature; l'exterieur de sa propre nature est corporel; mais parce qu'il tend et vise par rapport à l'interieur spirituel, on l'appelle spirituel, comme fait sainct Paul, parlant des hommes qui rendoient le corps subjet à l'esprit, quoy qu'il fut corporel (Galat. 18); ainsi une personne particuliere de sa nature, en servant le public, est appellée publique; maintenant, selon le mesme sens, la loy evangelique a esté donnée et escrite dans les cœurs interieurement, non pas sur les tables de pierre, comme dit Jeremie (31). Et voicy comme il faut respondre à nos reformateurs, que l'interieur de l'Eglise est dans son cœur; mais quoy que cest interieur soit le principal de sa gloire, il ne laisse pas de rayonner jusques à l'exterieur; et c'est ce qui la fait voir et recognoistre; c'est pourquoy il est dit en l'Evangile, que l'heure est venue, où les vrays adorateurs adoreront en esprit et en verité. Nous sommes assez persuadez et enseignez, que l'interieur est le principal, et que l'exterieur est vain, s'il ne tend et ne se va rendre à l'interieur pour s'y spiritualiser. C'est en ce sens que sainct Pierre appelle l'Eglise une Mayson spirituelle (Petr. 2); parce que tout ce qui part de l'Eglise tend à la vie spiri

Dans la marge de l'original, il y a trois quarrez croisez en ceste maniere: Nous n'avons peu en treuver le rapport ny la signification. 2 En cest endroict, en marge, il y a dans l'original trois +++, et nous n'avons peu dire ce que ce rapport vouloit signifier.

DISCOURS VIII.

tuelle; et que sa plus grande gloire est interieure. Ce n'est donc pas une mayson faite de chaux et de sable; mais une mayson mystique composée de pierres vivantes, où la charité sert de ciment, pour faire les joinctures de plusieurs pieces reduictes en un.

La saincte parolle, dites-vous, nous apprend que le royaume de Dieu ne vient pas avec ostentation. Le royaume de Dieu c'est l'Eglise, donc l'Eglise n'est pas visible. Voicy, Messieurs, ce que nous respondons: Le royaume de Dieu, en ce texte, signifie Nostre Seigneur avec sa grace, ou, si vous voulez, la compaignie de Nostre Seigneur, pendant qu'il fut au monde. Voicy: le royaume de Dieu est parmy vous. Ce royaume icy ne s'est pas produict avec l'apparat et le faste d'une majesté mondaine, comme les Juifs le croyoient; et nous avons dit cy-dessus que le plus riche ornement de cesté fille royale, l'humanité saincte de Jesus-Christ (Ps. 44) est cachée au dedans, et ne se peut voir; pour signifier cela, sainct Paul a dit aux Hebrieux, que nous ne sommes pas venus vers une montaigne manyable, comme celle de Sina, mais vers une Hierusalem celeste cela ne conclud rien pour establir une Eglise invisible; car sainct Paul monstre en cest endroict, que l'Eglise est plus magnifique et plus enrichie que la Synagogue, et qu'elle n'est pas effectivement une montaigne naturelle, comme celle de Sina, ains mystique et spirituelle, d'où ne s'ensuit aucune invisibilité; oultre ce que l'on pourroit dire avec rayson, que l'Apostre parle en ce lieu de la Hierusalem celeste, c'est-à-dire de l'Eglise triomphante; c'est pourquoy il adjouste la societé des anges, comme s'il vouloit enseigner que dans la vieille loy, Dieu fut veu en la montaigne de Sina, avec une face redoubtable, mais la nouvelle nous prepare à le voir en sa gloire dans le paradis.

Enfin, voicy l'argument que chascun allegue, et croit estre le plus fort: Je croy la saincte Eglise catholique; si je la croy, donc je ne la vois pas, et de là s'ensuit qu'elle est invisible; est-il rien au monde de plus foible que ce phantosme de rayson? les Apostres n'ont-ils pas creu que Nostre Seigneur est ressuscité et ne l'ont-ils pas veu; Parce que tu m'as veu, dit-il luy-mesme à sainct Thomas, tu as creu, et pour le rendre plus croyant il luy dit: Vois mes mains, apporte ta main, et la mets dans mon costé, et ne sois plus incredule, mais fidelle. Voyez, Messieurs, comme la vuë n'empesche pas la foy, ains la produict. Sainct Thomas vid une chose et en crut une autre; il vid le corps, il crut l'esprit et la divinité; ce ne fut pas sa vuë exterieure qui luy apprint à dire : Mon Seigneur et mon Dieu, ains la foy: on void le baptesme, mais on ne void pas la remission des pechez; ainsi l'on void l'Eglise, mais non sa saincteté interieure; on void les yeux de la colombe, mais on croit ce qui est caché par le dedans; on void sa robbe richement recamée en mille belles diversitez avec ses houppes d'or, mais la splendeur la plus brillante de sa gloire est au dedans, et nous la croyons; il y a donc en ceste royale Espouse de quoy repaistre l'œil interieur et l'œil exterieur, la foy et le sens, et c'est tout pour la plus grande gloire de son Espoux.

DISCOURS IX.

Les resprouvez et les predestinez sont de l'Eglise, et dans l'Eglise, ce qui destruit l'invisibilité de l'Eglise, et la mission pretenduë des heretiques.

ST-IL possible que nos adversaires, qui veulent rendre l'invisibilité de l'Eglise probable à leurs disciples, produisent pour la meilleure de leurs raysons, celle qui, en effect, est la plus foible; car ils rapportent tout à l'eternelle predestination; de vray, ceste ruse n'est pas petite, de destourner les yeux spirituels de l'aspect de l'Eglise militante, et les mener à la predestination invisible et tres-cachée, afin qu'esbloüys par l'esclair de ce mystere inscrutable, nous ne voyons pas mesme ce qui est devant nous. Ils disent donc, qu'il y a deux Eglises, une visible et imparfaicte; l'autre invisible et parfaicte; que la visible peut errer et s'esvanoüyr au vent des erreurs et des idolastries, mais non pas l'invisible. Que si l'on demande quelle est la differénce de ces Eglises, ils respondent que l'une est l'assemblée des personnes qui font profession de mesme foy, et des mesmes sacremens, que celle-cy contient les bons et les mauvais, et n'est Eglise que de nom. Mais l'invisible, est celle qui contient les esleus seulement, qui n'estant pas en la cognoissance des hommes, sont invisiblement recogneus et veus de Dieu seul.

Mais de grace? où nous monstreront-ils bien clairement, que la vraye Eglise ne contient pas les bons et les mauvais ensemble, les resprouvez et les eslus ensemble? c'est le poinct de quoy il s'agit. Premierement, n'estoit pas la vraye Eglise, celle que sainct Paul appelloit la colomne et la fermeté de la verité et la mayson de Dieu vivant (Ad. Timot. III, 15)? Sans doubte elle l'estoit; car une telle colomne de verité ne peut appartenir à une Eglise errante et vagabonde, or l'Apostre atteste, parlant de ceste vraye Eglise et mayson de Dieu, qu'il y a en elle des vaisseaux d'honneur et d'ignominie (Ibid. 20); c'est-à-dire, des bons et des mauvais; n'appellons-nous pas la vraye Eglise, celle contre laquelle les portes d'enfer ne prevaudront point, et neantmoins en ceste mesme Eglise il y a des hommes qui ont besoin que l'on delve leurs pechez, et d'autres à qui il les faut retenir, comme Nostre Seigneur le fit voir en la promesse et en la puissance qu'il donna à sainct Pierre (Matth. 16). Or ceux auxquels on retient les pechez, ne sont-ils pas mauvais, et mesme resprouvez? Car c'est le propre des resprouvez, que leurs pechez soyent retenus; mais l'ordinaire des esleus, c'est qu'ils leur soyent remis et pardonnez: qui peut nyer que ceux à qui sainct Pierre avoit donné pouvoir et de les retenir et de les pardonner, ne fussent de l'Eglise? Il n'appartient qu'à Dieu seul de juger de ceux qui sont hors de l'Eglise (1. Corinth. 5); par consequent ceux dont sainct Pierre devoit juger, n'estoient pas hors, mais dans l'Eglise, et toutesfois c'estoient des predestinez, et des resprouvez.

Nous apprenons de Jesus-Christ, que si nous sommes offensez par quelqu'un de nos freres, apres l'avoir reprins et corrigé deux

DISCOURS IX.

fois et en deux divers tems, nous le defferions à l'Eglise, et qu'on luy dise, que s'il n'entend l'Eglise, qu'il soit comme un payen et un publicain; on ne peut icy s'eschapper, l'argument est inesvitable; car il s'agit de nostre frere, qui ne soit ny payen ny publicain, mais sous la discipline et correction de l'Eglise, par consequent son subjet, son fils et son membre; neantmoins il arrivera, ou du moins il peut arriver, qu'il sera resprouvé, acariastre et obstiné. Donc les bons ne sont pas seulement de la vraye Eglise, mais encore les mauvais, qui en seront jusques au temps que Dieu les juge, ou qu'ils soyent separez de sa communion.

Quand Nostre Seigneur nous dit que le serviteur ne demeurera pas tousjours en la mayson, mais que le fils y demeurera tousjours (Joan. 8); n'est-ce pas autant que s'il nous disoit, qu'en la mayson de l'Eglise l'esleu y demeurera perpetuellement, et les resprouvez pour un tems; car qui peut estre ce serviteur, qui ne demeure pas tousjours en la mayson, que celuy-là qui sera jetté à la fin dans les tenebres exterieures? Et de fait, Jesus-Christ nostre Sauveur monstre bien que c'est ainsi qu'il l'entend, en ce qu'il avoit dit immediatement devant ces parolles: Celuy qui fait le peché, est le serviteur du peché. De là s'ensuit, que ce serviteur, qui ne demeure pas d'une maniere fixe, demeure au moins pour un tems dans l'Eglise, pendant qu'il y est retenu pour quelque service. Sainct Paul escrit à l'Eglise de Dieu, qui estoit à Corinthe, qu'il veut qu'on en chasse un certain incestueux (1. Corinth. 5); si on l'en chasse, il y estoit, et s'il y estoit, et que l'Eglise fust la seule compaignie des esleus, comme peut-on l'en avoir retiré? Car les esleus ne peuvent estre resprouvez.

Mais pourquoy nyerez-vous, Messieurs, que les resprouvez et meschans soyent de la vraye Eglise? Puisque mesme ils y peuvent estre et pasteurs, et evesques; la chose est claire: Judas estoit un resprouvé, et toutesfois il fut apostre et mesme evesque selon le Psalmiste (Ps. 108); sainct Pierre adyouë qu'il eut part au ministere de l'apostolat (Act. 6); l'Evangile l'a tousjours mis dans l'ordre du college des Apostres. Nicolas Anthiochien fut diacre, aussi bien que sainct Estienne, et neantmoins plusieurs anciens Peres ne font point de difficultez de le tenir pour un heresiarque; entre autres, Epiphane, Philastre (1. de hæres.) et sainct Hierosme (Epist. sur l'Apoc.); et de fait, les Nicolantins prirent occasion de luy attribuer leurs abominations, desquelles sainct Jean en l'Apocalypse fait mention (Apoc. 2), et les denonce comme des vrays heretiques. Sainct Paul attesté aux prestres Ephesiens, que le Sainct-Esprit les avoit fait evesques pour regir l'Eglise de Dieu (Act. 2); mais il asseure aussi, que quelques-uns d'entre eux s'esleveront et semeront des meschancetez pour les desbaucher, et s'attirer des disciples à part; il parle à tous quand il dit que le Sainct-Esprit les avoit faits evesques, et parle de ceux-là mesmes quand il adjouste que d'entre eux sortiroient des schismatiques. J'entreprendrois un narré superflu, si je voulois entasser icy les noms de tant d'evesques et de prelats, lesquels, apres avoir legitimement gouverné l'Eglise, sont descheus de l'estat de leur premiere grace, et sont morts heretiques; qui vid jamais rien de plus sainct, pour un simple prestre,

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que le mal-heureux Origene, si docte, si chaste, et si charitable, personne ne peut dire ce qu'en escrit Vincent dé Lyrins, l'un des plus polis escrivains ecclesiastiques, ny le considerer dans les cheutes de sa vieillesse, apres une si admirable et saincte vie, qu'il ne soit esmeu de compassion, de voir ce grand et valeureux nocher, qui avoit essuyé tant de tempestes passées, qui avoit remply de la resputation de sa doctrine presque tous les peuples, Hebrieux, Arabes, Chaldées, Grecs et Latins, revenant pleyn d'honneur et dé richessés spirituelles, faire naufrage et se perdre au port de sa propre sépulture; qui oseroit dire qu'il n'eust esté de la vraye Eglise? Luy, qui avoit tousjours combattu pour toute l'Eglise, et que toute l'Eglise honnoroit et tenoit pour l'un de ses plus grands docteurs mais quoy! le voylà enfin heretique, excommunié, hors de l'arche, et en estat de perir mal-heureusement dans le deluge de sa propre opinion! Tout cecy se rapporte à la saincte parolle de Nostre Seigneur, qui tenoit les Scribes et les Pharisiens pour vrays pasteurs de la vraye Eglise de ce tems-là, puisqu'il commande qu'on leur obeysse, et neantmoins il ne les tenoit pas pour ses esleus, mais plutost pour des resprouvez. Apres tout, quelle absurdité seroit-ce, je vous prie, si les seuls esleus estoient de l'Eglise? Il faudroit dire, ce qu'enseignoient les Donatistes, que nous ne pourrions pas cognoistre nos vrays prelats, par consequent nous ne pourrions leur rendre l'obeyssance; car, comme pourrionsnous sçavoir si ceux qui se diroient nos peres, nos prelats, et nos pasteurs, seroient de l'Eglise, puisque nous ne pouvons point discerner celuy qui est predestiné avec celuy qui ne l'est pas, comme il se dira en un autre endroict? Mais si ces prelats, rejettez de Dieu, n'estoient pas de l'Eglise, auroient-ils peu tenir lieu de Chef? Cé seroit bien un monstre des plus estranges qui se pust voir, que le Chef de l'Eglise ne fust pas de l'Eglise; de là j'infere non-seulement qu'un resprouvé peut estre de l'Eglise, mais encore pasteur en l'Eglise ainsi l'Eglise ne peut estre appelée une societé invisible, non plus qu'une compaignie composée des seuls predestinez. Justifions encore ce discours par les belles comparaysons evangeliques, qui monstrent clairement ceste verité. Certes, sainct Jean' fait l'Eglise semblable à l'aire d'une grange en laquelle non-seulement est le bon grain pour le Seigneur, mais encore la paille, quoy que destinée pour estre bruslée au feu eternel (Matth. 3); né sontce pas les esleus et les resprouvez? Nostre Seigneur a comparé l'Eglise aux filets jetez dans la mer, dans lesquels on tire les bons et les mauvais poissons (Matth. 13); de plus, à la compaignie de dix vierges, dont il y en a cinq folles et cinq qui sont sages (Matth. 25); de plus, aux trois valets, dont l'un est faineant et condamné aux tenebres exterieures (Ibid.): enfin, à un festin de nopces, dans lequel sont entrez les bons et les méchants (Matth. 22); les mauvais n'ayant pas la robbe convenable, sont jettez dans l'abysme des tenebres exterieures. Ne sont-ce pas de suffisantes preuves, que non-seulement les esleus, mais encore les resprouvez sont en l'Eglise? il faut donc fermer et clorre la porte de nostre propre jugement

Il s'agit de saint Jean-Baptiste.

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