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par Hesperius, l'un de ses familiers; et entr'autres qu'un paralytique y estant apporté; avoit esté soudain guery, et qu'il avoit mis ceste terre-là honnorablement en l'eglise quel respect eust-il porté à la croix de Nostre Seigneur! Certes, il n'eust pas fait tant de diversions pour effacer la memoire des miracles que Dieu fait en icelle et luy refuser un juste honneur, comme fait le traitteur tout au long de son escrit.

LIVRE DEUXIESME.

DE L'HONNEUR ET VERTU DE L'IMAIGE DE LA CROIX.

CHAPITRE PREMIER.

De la façon de peindre les croix.

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'EST icy une forte preuve de l'honneur et vertu de la vraye croix; C'ear comme parle le traiteur: Il est ayse à recueillir que si le bois de la croix n'a point eu de vertu ny de saincteté, ce qui n'en est que le signe ou imaige n'en a non plus. » Au contraire donc, si le signe et imaige de la croix a beaucoup de saincteté et dé vertu, la croix mesme en aura bien davantage. Preuvant donc, comme je feray dans la suitte, la saincteté de l'imaige de la croix, je la preuve beaucoup plus, et à plus forte rayson, de la croix

mesme.

Or, l'on a fait des imaiges de la croix en diverses sortes, selon la diversité des opinions qui ont esté, de la forme et figure de la vraye croix; car les uns l'ont peincte comme un grand T latin ou grec. Comme aussi se faysoit le thau ancien des Hebrieux, duquel sainct Hierosme dit qu'il estoit fait en maniere de croix. Ceux-cy ont creu que la vraye croix de Nostre Seigneur a esté composée de deux bois, dont l'un estoit sur le bout de l'autre et neantmoins, comme il se void encore en quelques imaiges, ils plantoient sur la croix un autre petit baston, pour y attacher l'inscription et cause que Pilate y fit mettre. Ceste-cy est l'opinion de Bede.

Les autres, estimant que les deux bois de la vraye croix se traversoient en telle sorte que l'un surpassoit l'autre, ont fait l'imaige de la croix en la mesme maniere, affichant l'escriteau à la partie plus haute. Et certes, il y a plus de probabilité en cecy, quand ce ne seroit que pour la commune opinion des chrestiens; et que Justin le martyr, au dialogue qu'il fit avec Tryphon, appariant la croix à la corne d'une licorne, semble la descrire en ceste sorte; et sainct Irénée dit que l'habitude ou figure de la croix a cinq bouts » ou pointes, deux en longueur, deux en largeur, une au milieu, » sur laquelle s'appuye celuy qui est crucifié. » Et pour cela la croix ne laissera pas d'estre semblable au T latin, grec et hebrieu, puisqu'il y aura peu de difference.

Oultre cela, les anciens ont quelquesfois peinct ou façonné sur la

croix d'autres choses, pour remarquer quelques mysteres et moralitez; car les uns courboient le bout de la croix en forme d'une crosse pour representer la lettre P des Grecs: un peu plus bas, ils y mettoient deux pieces en forme de la lettre X, qui sont les deux premieres lettres du nom de Christ; et un peu plus bas estoit le traversier de la croix, auquel pendoit un voyle, comme on fait maintenant en nos gonfanons, pour monstrer que c'estoit l'estendart de JesusChrist. C'est ainsi que l'a descrit Pierius, et apres luy le docte Bellarmin, et plusieurs autres des nostres, à quoy le traitteur s'accorde. Les autres mettoient sur la croix une couronne emaillée, qui de pierres precieuses comme Constantin fit en son labare', qui de fleurs, comme fit sainct Paulin, en une belle eglise de Nole, sur l'entrée de laquelle ayant fait peindre en ceste sorte une croix, il y fit mettre ces vers:

Cerne coronatam Domini super atria Christi
Stare cruceт, duro spondentem celsa labori
Præmia: tolle crucem,qui vis auferre coronam.
Voy, sur le sainct portail de ceste eglise ornée,
La croix de ton Sauveur hautement couronnée,
Qui fidelle promet aux peines et travaux

De ses vrays courtisans mille loyers tres-hauts.
Prends donc avec sa croix tous les maux qu'il te donne,

Si par elle tu veux prendre un jour sa couronne.

Et sur trois autres portes de la mesme eglise estoient peinctes deux croix, deçà et delà, sur lesquelles, oultre les couronnes de fleurs, estoient branchées des colombes avec ceste devise:

Ardua floriferæ crux cingitur orbe coronæ,

Et Domini fuso tincta cruore rubet :
Quæque super signum resident cœleste columbæ.
Simplicibus produnt regna patere Dei.

De mille belles fleurs une large couronne

La croix de mon Sauveur tout par tout environne :
Croix qui prend sa couleur de ce rouge et pur sang
Qui sort des pieds, des mains, de la teste, et du flanc:
Deux colombes en sus monstrent qu'il nous faut croire
Qu'aux simples seulement Dieu fait part de sa gloire.

Et sur le mesme subjet :

Hac cruce nos mundo, et nobis interfice mundum,
Interitu culpæ vivificans animam:

Nos quoque perficies placitas tibi, Christe, columbas,

Si vigeat puris pars tua pectoribus.

Fay, Dieu que par ta croix nous mourrions tous au monde,
Fay que le monde aussi meure tout quant à nous :

Ainsi il adviendra pour le salut de tous,

Que le peché mourant, la vie en l'ame abonde;
Et puisque nos forfaits nous sont abominables,
Espure de nos cœurs les cachots plus infects:
Lors nous serons, ô Dieu ! comme colombes faits,
Simples et bien-aymez tout aussi-tost qu'aymables.

• Labarum.

Le mesme sainct Paulin avoit fait peindre la croix autour de l'autel, avec une troupe de colombes sur icelle, et force palmes, et un agneau qui estoit sous la croix teincte de sang: autant designoit-il d'en faire en une basilique qu'il faysoit bastir à Fondy; et tout cecy monstre combien d'honneur l'on portoit à la croix. Constantin mettant la croix en son labare, croyoit que ce luy seroit un estendart salutaire, comme dit Eusebe; et en y mettant le nom abregé de Christ, monstroit que la croix estoit la vraye enseigne de JesusChrist, et non le siege de l'idolastrie, comme le traitteur l'a descrit, et y mettant la riche couronne de pierres precieuses, il desclaroit que tout honneur et gloire appartient au Crucifix, et que la couronne imperiale devoit s'appuyer sur la Croix.

Sainct Paulin, mettant la couronne de fleurs sur la croix, vouloit dire, comme il tesmoigne par ses vers, que par la croix nous obtenons la couronne de gloire; par les colombes, il signifioit que le chemin du ciel, qui a esté ouvert par la croix, n'estoit que pour les simples et debonnaires; autresfois, par la troupe des colombes, il entendoit la troupe des Apostres, qui, en leur simplicité, ont annoncé par tout la parolle de la croix; par les palmes et par le sang, il figuroit la royauté de Nostre Seigneur; par l'agneau qu'il mettoit sous la croix, il representoit Nostre Seigneur, qui, estant immolé sur l'autel de la croix, a lavé les pechez du monde.

C'estoit une tres-honnorable persuasion que les anciens avoient de la saincte croix, qui les faysoit ainsi sainctement philosopher sur icelle. Par où l'on peut voir que quand le traitteur dit que les anciens ne faysoient autre honneur à la croix que de la couronner simplement de fleurs, ce n'est que faute d'en sçavoir davantage. Mais c'est une temerité trop excessive, qu'il mesure les choses par son sçavoir.

J'AUR

CHAPITRE II

De l'antiquité des imaiges de la Croix.

AUROIS une belle campagne, pour monstrer l'antiquité de l'imaige de la croix, si je voulois m'estendre sur un monde de figures de l'Ancien Testament, lesquelles n'ont esté que les autres imaiges de la croix et ne penserois pas que ce fust une petite preuve; car, quelle rayson y pourroit-il avoir que cest ancien peuple, oultre la parolle de Dieu, eust encore plusieurs signes pour se rafraischir coup sur coup l'apprehension de la croix future, et qu'il ne nous fust pas loysible d'en avoir en nostre eglise, pour nous rafraischir la memoire de la crucifixion passée.

Certes, il n'y auroit si bon traitteur qui ne s'esblouyst, quand je luy produirois tant de sainctes observations qu'en a fait toute l'antiquité. Et sainct Justin martyr, traittant avec Tryphon, Tertullien avec Marcion, et sainct Cyprien avec tous les Juifs, ont estimé de faire un bon et ferme argument, produisant les figures de l'Ancien Testament pour l'honneur et reverence de la croix. Pourquoy ne pourrois-je raysonner sur un mesme subjet par pareilles raysons, avec un traitteur qui se dit estre chrestien?

Or la briefveté à laquelle je me suis lyé ne me permet pas de

prendre le loysir qu'il faudroit pour faire un si grand amas. Aussi lira-t-on avec plus de fruict ce que j'en pourrois dire, és autheurs que j'ay desjà citez, et en Jonas d'Orleans, en sainct Gaudence sur l'Exode, et en la Theogonie de Cosme Hierosolymitain. Je me contenteray seulement de mettre en avant celle que tous les anciens, d'un commun accord, appliquent à la croix : c'est le serpent d'airain, qui fut dressé pour la guerison de ceux qui estoient mordus de serpens. Duquel parlant le traitteur il remarque : « Qu'il ne fut pas mis, ou dressé sur un bois traversier, comme on >> le peinct communement; car il estoit eslevé sur un estendart, » dit-il, ou sur une perche, comme le texte le dit. » Là où je contre-marqueray:

1o Que la proprieté des mots du texte ne porte aucunement que le serpent fust eslevé sur une perche. Aussi Sanctes Pagninus a laissé le mot d'Estendart, qui est sans doubte le plus sortable, et se rapporte mieux à ce qui estoit signifié.

2o Je remarque que les estendarts et enseignes se faysoient autresfois en forme de croix, en sorte que le bois auquel pendoit le drapeau traversoit sur l'autre, comme l'on void aujourd'huy en nos gonfanons. Tesmoins le labare des Romains, et Tertullien en son Apologetique. Si que le serpent estant mis sur un estendart, estoit par consequent sur un bois traversier.

3o Je remarque que le traitteur a tort de contredire en cecy à la commune opinion, qui porte que le serpent estoit eslevé sur un bois traversier sans avoir ny rayson, ny authorité pour soy; et qu'au contraire il est raysonnable que sainct Justin le martyr soit preferé en cest endroict, lequel, en l'Apologie pour les chrestiens, recitant ceste histoire, tesmoigne que Moyse eslevant le serpent, le dressa en forme de croix.

Voicy donc où je pourrois cotter la premiere imaige de la croix ; car puisqu'il est ainsi qu'une chose, pour estre imaige d'une autre, doit avoir deux conditions: l'une, qu'elle ressemble à la chose dont elle est l'imaige; l'autre, qu'elle soit copiée et tirée sur icelle; le serpent d'airain estant dressé en semblable forme que la croix, et ayant esté figuré par la prevoyance de Dieu sur icelle, ne peut estre sinon une vraye imaige de la croix. Mais pour m'accommoder au traitteur, il me suffira de parler des croix qui ont esté faites en l'ancienne Eglise. De quoy il parle ainsi :

« Les signes que l'on faysoit au commencement n'estoient sinon » avec un mouvement de la main appliquée au front, ou remüée » en l'air, n'ayant subsistance en matiere corporelle, de bois, » pierre, argent, or, ou autres semblables. Le premier qui en fit » d'estoffe fut Constantin, lequel, ayant obtenu une notable victoire › contre Maxence, fit son gonfanon en forme de croix enrichy d'or » et de pierreries. >>

J'admire ceste ignorance si hardye: qui est celuy tant soit-il peu versé en l'antiquité, qui ne sçache que tout au fin commencement de l'Eglise les Gentils reprochoient de tous costez aux chrestiens l'usage et veneration de la croix? ce qu'ils n'eussent jamais fait, s'ils n'eussent veu les chrestiens avoir des croix.

Pour vray, Tertullien, en son Apologetique, dit qu'on repro

choit aux chrestiens de son tems qu'ils estoient religieux et devots de la croix. A quoy il ne respond autre chose sinon : Qui crucis nos religiosos putat, consectaneus noster erit, cum lignum aliquod propitiatur; Celuy qui nous pense religieux de la croix, il sera nostre sectateur, quand il honnore ou flatte quelque bois.

Et apres avoir remonstré qu'en la religion des Romains on honnoroit et prisoit des pieces de bois, qui estoient peu differentes de la croix, et que les faiseurs d'idoles se servoient d'instrumens faits en formé de croix pour faire les mesmes idoles; item, qu'ils adoroient les victoires, et que le dedans de leurs trophées (c'est-à-dire, les instrumens sur lesquels on portoit les trophées) estoit en forme de croix; item, que la religion des Romains estant toute militaire, veneroit les enseignes et estendarts, juroit par iceux, et les prisoit plus que tous les dieux; et que les voyles ou drapeaux des estendarts n'estoient que comme des manteaux et vestemens des croix; il conclud disant: Je loüe ceste diligence; vous n'avez pas voulu consacrer des croix nuës et descouvertes ou sans ornement. Là où cest autheur si clairvoyant ne nye pas, mais confesse plutost que les chrestiens adoroient la croix, ne mettant point autre difference entre les croix des Gentils et les nostres, sinon en ce que les nostres estoient nuës et sans enrichissemens, et les leurs estoient vestuës de divers paremens.

Autant en dit, et beaucoup plus clairement, Justin le martyr, en sa seconde Apologie: là où ayant monstré que sans la figure de la croix l'on ne peut rien faire; et davantage, que les trophées et masses que l'on portoit devant les magistrats avoient quelque ressemblance de la croix; et que les Gentils consacroient les imaiges de leurs empereurs deffuncts, par la figure de la croix, il conclud enfin ceste sorte: Puis donc que par bonnes raysons, tirées mesme de la figure, nous faysons tant que nous pouvons ces choses avec vous, nous serons desormais sans coulpe. Justin donc confesse qu'en matiere de faire des croix, nous ne faysons rien moins que les Gentils, quoyque ce fust avec diversité d'intention, ce qu'il va deduisant par apres, fort doctement et au long. Autant en fait Minutius Felix. Sainct Athanase qui vivoit du tems de Constantin le Grand, au livre des Questions à Antiochus, fait ceste demande: Pourquoy est-ce que tous nous autres fidelles faysons des croix pareilles à la croix de Christ, et que nous ne faysons point de remembrance de la sacrée lance, ou du roseau, » ou de l'esponge; car ces choses sont sainctes comme la croix » mesme? A quoy il respond: « Pour vray, nous adorons la figure de la croix, là composant de deux bois. Que si quelqu'un des infidelles nous accuse que nous adorons le bois, nous pouvons aysement separer les deux pieces de bois, et gastant la forme » de la croix, tenant ces deux bois ainsi separez pour neant, persuader à cest infidelle que nous n'honnorons pas le bois, mais la figure de la croix : ce que nous ne pouvons faire de la lance, du roseau et de l'esponge. » Quelle apparence donc y a-t-il que Constantin ayt esté le premier qui a fait la croix en matiere permanente, puisque sainct Athanase confesse que tous les fidelles de ce tems-là faysoient des croix de bois, et les honnoroient, et n'en

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