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gratiam haberi datur: quæ quidem crux in materia insensata vim vivam tenens, ita ex illo tempore innumeris penè quotidie hominum votis, lignum suum commodat: ut detrimentum non sentiat, et quasi intacta permaneat quotidie dividuam sumentibus, et semper totam venerantibus, sed istam imputribilem virtutem, et indelebilem soliditatem, de illius profecto carnis sanguine bibit, quæ passa mortem, non vidit corruptionem.

Voylà pas de grands tesmoignages de la vertu de la croix? Tout le Christianisme en vouloit avoir en ce tems-là; et Dieu, se monstrant favorable à ceste devotion, multiplioit le bois de la croix, à mesure que l'on en levoit des pieces; signe evident que l'Eglise de ce tems-là avoit une autre forme que la reformation des novateurs.

Le mesme sainct Paulin, envoyant à sainct Sulpice une petite piece de la croix: Recevez, dit-il, un grand present, en peu » de choses, et en une roigneure presque indivisible d'une petite » buchette, recevez une deffense pour la vie presente, et un gage ⚫ de l'eternelle. »

Ainsi luy-mesme raconte que voyant brusler à Noël, par un embrasement presque incroyable, une mayson qui estoit vis-à-vis de l'eglise de sainct Felix, il s'eslança contre le feu, et l'esteignit par la vertu d'une piece de la croix qu'il tenoit (Poem. 27):

De crucis æternæ sumptum mihi fragmine lignum
Promo, tenensque manu, adversis procul ingero flammis.
Profuit, et nostram cognovit flamma salutem.

Nec mea vox, aut dextra illum, sed vis crucis ignem
Terruit; inque loco de quo surrexerat ipso,
Ut circumseptam præscripto limine flammam
Sistere, et extingui, fremitu moriente coëgit,
Et cinere exortam cineri remeare procellam:
Quanta crucis virtus, ut se natura relinquat!
Omnia ligna vorans, ligno crucis uritur ignis,
Vicerat ignis aquam, nos ligno extinximus ignem.

Comme seroit à dire :

Je prends de ce sainct bois de la croix, et en jette
Un seul eschantillon à travers de ce feu;
L'on cogneut tout soudain combien il avoit peu :
La flamme respectant nostre salut, s'arreste.

Ce ne fut point ma voix ny ma main plus puissante,
Mais l'effort de la croix qui luy fit ceste peur,

Et qui la contraignit de perdre sa fureur,
Là mesme où elle avoit esté plus violente;
Et comme l'on n'eust peu sa rage confiner,

On la vid de la cendre en cendre retourner.

Quelle est donc, ô chrestiens! de ceste croix la force?
Puisque contre elle en vain la nature s'efforce,
S'abandonne soy-mesme et luy quitte ses droits;
Puisque le feu, bruslant toute sorte de bois,
Par le bois de la croix brusle de telle sorte:
Tesmoignant que le feu ayant surmonté l'eau,
Pouvoit estre vaincu, quel remede nouveau !
Par le seul bois, pourveu que de la croix il sorte

Evagrius recite que la ville d'Apamée estant reduicte à l'extresmité par le siege de Chosroas, les habitans prierent leur evesque, nommé Thomas, de leur monstrer une piece de la croix, qui estoit là. Ce qu'il fit, la portant autour du sanctuaire : « Et alors une » flamme de feu resplendissant, et non bruslant, suivit Thomas, » allant de lieu en lieu, si que toute la place, en laquelle s'arres» tant, il monstroit la venerable croix au peuple, sembloit brusler; » et cecy fut fait non une fois ou deux, mais plusieurs chose » laquelle presagea le salut d'Apamée, qui s'ensuivit depuis. » Ce sont presque les parolles d'Evagrius, qui recite cecy comme tesmoin oculaire.

Ce n'est donc pas merveille si sainct Ambroise, parlant du bois de la croix, dit que c'est un remede pour le salut, et que par une puissance invisible il tourmente les diables. Et sainct Cyrille, que jusques à son tems, le bois de la croix, qui estoit en Hierusalem guerissoit les malades, chassoit les diables et les charmes. Et sainct Gregoire le Grand, livre 3o de ses Epistres, epistre 35, parle de l'huyle de la saincte croix, lequel en touschant guerissoit. Et Bede tesmoigne que c'estoit une huyle qui sortoit de soy-mesme du bois de la croix. Voyez le grand cardinal Baronius, sous l'an 598.

Qu'est-ce que respondra à tout cecy le traitteur? dira-t-il que les tesmoins que je produis sont reprochables? mais certes ce sont tous autheurs graves. Peut-estre respondra-t-il que cependant ils n'attribuoient rien à la saincte croix, ou au seul signe d'icelle ; mais nous avons desjà protesté que la croix n'est que l'instrument de Dieu és œuvres miraculeuses, si que d'elle-mesme elle n'a point de proportion avec telles operations: le cas est tout semblable en la robbe de Nostre Seigneur, et és os d'Helisée. Je conclueray donc, avec Justinien l'empereur, que ç'a esté pour nous que la croix a esté retreuvée : Helene, dit-il, mere de Constantin le Grand, femme tres-devote, nous a treuvé le sacré signe des chrestiens.

CHAPITRE X.

De l'honneur de la croix tesmoigné par les anciens.

Preuve neufviesme.

'AY dit cy-dessus que les anciens avoient en usage le bois de la saincte croix, pour honnorer en iceluy Jesus-Christ crucifié : d'autant que l'honneur de la croix se rapporte tout au Crucifix. Or, cecy a esté tesmoigné en l'antiquité par plusieurs moyens.

Et premierement par les lieux honnorables dans lesquels ils logeoient les pieces de la croix. Nous avons veu que l'empereur Constantin en mit une dans sa propre statue, en un lieu fort honnorable de Constantinople, comme une saincte deffense de toute la ville. Sainct Chrysostome nous a tesmoigné qu'on enchassoit les autres en or, et les pendoit-on au col, par honneur. Sainct Gregoire Nissene nous a dit que saincte Macrine en portoit une dans une croix d'argent. Theodoret, Ruffin, sainct Paulin, et les autres, racontent qu'Helene fit dresser un magnifique temple sur le mont de la croix, tout lambrissé en or, dans la sacristie duquel estoit

S. François. -3

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precieusement gardée une piece de la croix. Sainct Paulin envoya une petite piece d'icelle à sainct Sulpice, pour la consecration d'une eglise: « Nous avons treuvé, dit-il, de quoy vous envoyer » pour la sanctification du temple, et pour combler la benediction » des sainctes reliques, c'est à sçavoir, une partie d'une petite » piece du bois de la divine croix. » Et le mesme Paulin mit par honneur, en une belle eglise de Nole, une piece de la croix, avec les reliques des saincts dans le maistre-autel, avec ces vers:

Hic pietas, hic alma fides, hic gloria Christi,
Hic est martyribus crux sociata suis.

Nam crucis è ligno, magnum brevis hastula pignus,
Totaque in exiguo segmine, vis crucis est.
Hoc Melanæ sanctæ delatum munere Nolam.
Summum Hierosolymæ venit ab urbe bonum.
Sancta Deo geminum velant altaria honorem,
Cum cruce apostolicos quæ sociant cineres:
Quam bene junguntur ligno crucis ossa piorum,
Pro cruce ut occisis in cruce sit requies!

C'est-à-dire,

Icy la pieté, la foy, la gloire encore

De nostre Redempteur se treuvent assemblez :

Icy la saincte croix à soy tient accouplez

Les corps des saincts martyrs, que pour siens elle honnore;

Car, pour peu qu'il y ayt de ce bois admirable,

Le gage en est tres-grand, et le moindre festu,

De toute la grand'croix tient toute la vertu,

N'estant moins que son tout, à nous tous venerable.
C'est de Hierusalem, qu'un bien si grand et rare
Nous arriva jadis par le devot bienfaict

De Meleine qui fut de nom saincte, et d'effect,

Qui d'un si riche don ne nous fut point avare.

Ces grands et saincts autels, quoyque couvertement,

Presentent au grand Dieu double honneur doublement,
Ayant avec la croix les cendres glorieuses

Des Apostres aussi, reliques precieuses,

Qui sont bien à propos joinctes en mesme lieu :

Cy la croix, là les os des serviteurs de Dieu,

Lesquels autresfois morts pour la croix en ce monde,
Ore en la mesme croix prennent leur paix profonde.

Et sainct Ambroise dit qu'Helene fit sagement, laquelle leva la croix sur le chef des roys, afin que la croix fust adorée des roys. 2o Par les pelerinages que l'on faysoit en Hierusalem pour visiter la saincte croix. Helene laissa une partie de la croix en une chasse d'argent, pour souvenance et monument à ceux qui seroient conduicts du desir de la voir. Ce sont les parolles de Socrate; et sainct Paulin dit que ceste piece-là n'estoit monstrée sinon les festes de Pasques, hormys à la requeste de quelques devotes personnes qui alloient seulement en pelerinage en Hierusalem, pour voir ceste saincte relique, en rescompense de leur long voyage. Et tesmoigne que saincte Helene avoit esté en Hierusalem à cest effect, et en avoit apporté une petite piece du sainct bois. Ainsi

Jean Moscus, Eviratus, ou Sophronius, racontent que l'abbé Gregoire avec Tallelæus firent ce pelerinage ensemble, et que l'abbé Jean Anachorete avoit accoustumé de le faire bien souvent.

3o Par l'adoration solemnelle de ceste mesme croix qui estoit en Hierusalem, « laquelle (et ce sont les parolles de sainct Paulin) l'evesque de ceste ville-là produict toutes les années à Pasques, pour estre adorée du peuple, luy estant le premier à l'honnorer: Episcopus urbis ejus quotannis, cum Pascha Domini agitur, adorandam populo, princeps ipse venerantium promit. Et ceux qu'Eviratus raconte y avoir fait pelerinage y alloient pour adorer la saincte croix, et les lieux venerables, comme dit expressement l'histoire.

4o Mais il y a bien plus car, auparavant mesme que la croix fust treuvée par Helene, les chrestiens monstroient en quel honneur ils avoient la croix, honnorant mesme le lieu où elle avoit esté plantée. Ce qui est tousché par tous les autheurs; mais beaucoup plus expressement par Sozomene, qui dit : « Que les ennemys de la croix avoient dressé un temple à Venus, dans lequel ils avoient » mis l'idole d'icelle, à ceste intention, que ceux qui adoreroient » Jesus-Christ en ce lieu-là, semblassent adorer Venus, et qu'à la longueur du tems la vraye cause vinst en oubly, pour laquelle les > hommes honnorent ce lieu-là.» Doncques les Gentils virent que les chrestiens honnoroient ce sainct lieu, auquel Nostre Seigneur avoit esté crucifié. Combien plus eussent-ils honnoré la saincte croix? 5o Et partant Lactance Firmien, ayant que la croix fust treuvée, avoit desjà escrit :

Flecte genu, lignumque crucis venerabile adora.

Plie les genoüilx, et adore le bois venerable de la croix.

Et Sozomene apres avoir raconté l'histoire de l'Invention de la Croix, et les merveilles qui s'y firent : « Et cela, dit-il, n'est pas ⚫ tant esmerveillable, principalement puisque les Gentils mesmes >> confessent que cecy est un vers de la Sybille :

» O lignum felix in quo Deus ipse pependit.

>> O bois heureux qui tiens Dieu mesme en toy pendu!

» Car personne (quoyqu'on voulust par tous moyens combattre >> contre cecy) ne le sçauroit nyer; doncques le bois de la croix, et »sa veneration, a esté presignifié par la Sybille.» Voylà ses mots. 6o Parce que les anciens estimoíent beaucoup de s'entre-honnorer, quand ils se donnoient les uns aux autres des pieces de la croix par present, comme nous avons veu d'Helene et Constantin, de saincte Meleine et de Paulin, et de Sulpice. Ainsi sainct Gregoire le Grand envoya à Reccarede, roy des Visigoths, une particule de la croix, comme un grand present: comme de la memoire de nos peres, le roy des Abyssins envoya par honneur un pareil present au roy Emmanuel de Portugal, par Matthieu Armenien son ambassadeur, comme un gage de la fidellité de son allyance.

7° Les anciens ont honnoré la croix, luy attribuant plusieurs noms honnorables, comme Helene et sainct Ambroise l'ont appellée

« Estendart de salut, triomphe de Jesus-Christ, palme de la vie eternelle, redemption du monde, espée de laquelle le diable a » esté tué, remede de l'immortalité, sacrement de salut, bois de » verité. » Sainct Paulin l'appelle « Deffense de la vie presente, » gage de l'eternelle, chose de tres-grande benediction. » Macaire, evesque de Hierusalem, l'appelle Bois bien-heureux, croix qui à esté pour la gloire du Seigneur. Justinien l'empereur: Sacrum christianorum signum, Signe sacré des chrestiens. Et le grand sainct Cyrille, au recit du traitteur mesme, l'appelle Bois salutaire; et ailleurs Trophée du roy Jesus. Eusebe: Bois tres-heureux; Lactance Bois venerable. Ainsi l'antiquité l'a nommée de cent noms tres-venerables.

8° Quelques-uns des anciens Peres ont estimé que ce mesme bois de la vraye croix seroit reparé, et comparoistroit au ciel le jour du jugement, selon la parolle de Nostre Seigneur (Matth. 24); Alors apparoistra le signe du Fils de l'homme au ciel c'est l'advis, ce me semble, de sainct Chrysostome, au Sermon de la Croix et du Larron, et de sainct Ephrem, au livre de la Vraye penitence, chap. 3, 4, et a esté predit par la Sybille, disant :

O lignum felix in quo Deus ipse pependit !
Nec te terra capit, sed cœli tecta videbis,
Cùm renovata Dei facies ignita micabit!

C'est-à-dire,

O bois heureux qui tiens Dieu mesme en toy pendu
Quel honneur te pourroit en terre estre rendu?
Au ciel un jour, ô croix, tu seras triomphante,
Quand la face de Dieu s'y fera voir ardente.

Et la rayson y est bien apparente, parce qu'entre toutes les croix, la vraye croix est le plus proprement signe et estendart de Jesus-Christ.

9° Ce n'est donc pas merveille si sainct Macaire et Helene avoient esgale crainte en l'Invention de la Croix, « Ou de prendre le gibet » d'un larron pour la croix du Seigneur, ou que rejettant le bois » salutaire en guise de poteau d'un larron, ils ne le violassent, comme parle sainct Paulin ny que sainct Hierosme_ne_pouvoit voir assez tost le jour, auquel entrant en la caverne du Sauveur, » il peut bayser et rebayser le sainct bois de la croix, avec lá devote Marcelle. Et pour vray, « Si la robbe et l'anneau paternel, » ou quelque semblable chose, est d'autant plus chere aux enfans, comme dit sainct Augustin« que l'affection et pieté des enfans » vers leur pere est plus grande: » tant plus un chrestien sera affectionné à l'honneur de Jesus-Christ, tant plus honnorera-t-il sa

croix.

Sainct Chrysostome proteste « Que si quelqu'un luy donnoit les » sandales et robbes de sainct Pierre, il les embrasseroit à bras » ouverts, et les mettroit comme un celeste don dans le plus creux » de son cœur. » Combien eust-il plus honnoré la croix du Redempteur? Et sainct Augustin, lequel recite que plusieurs miracles s'estoient faits avec un peu de la terre du mont Calvaire, apporté

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