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bien dans son office la verité et la necessité de ceste preuve; car celuy à qui Dieu parle extraordinairement, doit estre authorisé d'une maniere miraculeuse : aussi, ce grand homme ayant demandé à Dieu le don de l'esloquence, il né le demanda qu'apres avoir receu le pouvoir des miracles, monstrant qu'il est plus necessaire d'avoir l'authorité de parler, que d'en avoir la promptitude (Exod. 4). La mission de sainct Jean-Baptiste, quoyqu'elle ne fust pas tout à fait extraordinaire, ne fut-elle pas authentiquée par sa conception et sa nativité, et mesme par sa vie miraculeuse, à laquelle Nostre Seigneur donna de si bons tesmoignages (Luc. 1)? Au regard des Apostres, qui ne sçayt les miracles qu'ils faysoient (Matth. 11)? et qui pourroit en calculer le nombre? leurs mouchoirs et leurs ombres servoient à la guerison des malades, et à chasser les diables, des corps que possedoient ces malheureux esprits (Act. 6); l'imposition de leurs mains produisoit quantité de signes et de merveilles parmy le peuple, en confirmation de leur predication et de leur doctrine (Act. 7). Sainct Marc le dit ouvertement dans les dernieres parolles de son Evangile; et sainct Paul aux Hebrieux. Comme donc pourront excuser et reveler par ceste preuve leur mission, ceux qui, en nostre aage, en veullent avancer une extraordinaire? quel privilege ont-ils plus grand que l'apostolique et le mosaïque? Que diray-je de plus? si nostre souverain Maistre, consubstantiel au Pere, duquel la mission estoit si authentique, qu'elle suppose en luy la communication d'une mesme essence, si luy-mesme, dy-je, qui est la source vive de toute mission ecclesiastique, n'a pas voulu s'exempter de ceste preuve des miracles, par quelle rayson ces nouveaux ministres seront-ils creus à leur seule parolle? Jesus-Christ allegue souvent sa mission, pour mettre sa parolle en credit: Comme mon Pere m'a envoyé, je vous envoye, dit-il (Joan. 20); Ma doctrine n'est point mienne, mais de celuy qui m'a envoyé; et vous me cognoissez, vous sçavez d'où je suis, je ne suis point venu de moy-mesme (Joan. 7), Mais aussi pour donner authorité à l'effect de sa mission, il met en avant ses miracles, et atteste que s'il n'eust fait des œuvres que nul autre n'a fait parmy les Juifs, ils n'eussent point eu de peché, de ne croire point en luy (Joan. 15). Et ailleurs il leur dit : Ne croyez-vous pas que mon Pere est en moy, et moy en mon Pere? au moins croyez-le par les œuvres (Joan. 14). Apres cela, qui sera si osé que de se vanter de la mission extraordinaire, sans produire à mesme tems des miracles? certes, il merite d'estre tenu pour imposteur. Or, est-il que ny les premiers, ny les derniers de vos ministres, n'ont fait aucun miracle, ils n'ont donc point eu de mission extraordinaire.

Disons quelque chose de plus : c'est chose hors de doubte, que jamais aucune mission extraordinaire ne doit estre facilement receuë, estant desadvoüée, ou du moins suspecte à l'authorité ordinaire, qui est en l'Eglise de Nostre Seigneur; car nous sommes tous obligez d'obeyr à nos pasteurs ordinaires, sous peyne d'estre desclarez publicains et payens (Matth. 18). Comme donc nous pourrions-nous nous ranger sans soupçon sous une autre discipline que la leur, s'ils venoient à rejetter l'extraordinaire? En ce cas nous

serions obligez de cognoistre l'Eglise, et de ne pas recevoir ces nouveaux venus, s'ils estoient desadvoüez des Ordinaires.

Dieu n'est point autheur de division, mais d'unyon et de concorde (1. Cor. 4), principalement entre ses disciples, et ses ministres ecclesiastiques. Nostre Seigneur le monstre clairement en la saincte priere qu'il addressa à son Pere celeste, dans les derniers jours de sa vie mortelle (Joan. 17). Sa bonté pourroit-elle se contrarier? authoriseroit-elle deux sortes de pasteurs et deux societez, l'une extraordinaire et l'autre ordinaire. Pour le regard de l'ordinaire, qu'elle soit authorisée, cela est certain; pour l'extraordinaire, nous le presupposons. Ainsi ce seroit deux Églises differentes : ce qui est contre la parolle de Nostre Seigneur, qui n'a qu'une seule espouse, qu'une seule colombe, qu'une seule parfaicte (Cant. 6); et comment pourroit estre en seure garde le troupeau conduict par deux pasteurs incogneus l'un à l'autre, en divers pasturages, à divers signes, et en diverses mains, dont l'une et l'autre voudroient tout avoir. Ainsi seroit l'Eglise sous la diversité des pasteurs ordinaires et extraordinaires, cantonnez çà et là en diverses manieres. Nostre Seigneur est-il divisé (1. Cor. 1), ou en luy-mesme, ou en son corps, qui est l'Eglise? Non, pour le vray; au contraire, il n'y a qu'un Seigneur (Ephes. 4), lequel a basti et formé son corps mystique avec une belle varieté de membres, tres-bien adjustez, assemblez et serrez, qui sont lyez par toutes les joinctures de la sousministration mutuelle; par conséquent, vouloir mettre en l'Eglise, ceste division de troupes ordinaires et extraordinaires, c'est la ruyner et la perdre. Il faut donc revenir à ce que nous disions, que jamais la vocation extraordinaire n'est legitimè, quand elle est desadvoüée de l'Ordinaire.

Et de fait, où me monstrera-t-on jamais une vocation legitime extraordinaire, qui n'aye esté receuë par l'authorité ordinaire ? Sainct Paul fut appellé, sans doubte, extraordinairement (Act. 9), mais ne fut-il pas appreuvé par Ananias, et par les Apostres une ou deux fois (Ibid. 9 et 13)? En ce sens, la mission receuë par l'authorité ordinaire est appellée vocation du Sainct-Esprit. La mission du Precurseur (Luc. 1), à parler proprement, ne peut pas estre dite extraordinaire, parce qu'il n'enseignoit aucune chose contre l'Eglise mosaïque, et que d'ailleurs sainct Jean estoit de la race sacerdotale; si est-ce neantmoins que la rareté de sa vie et de sa doctrine fut advoüée par l'ordinaire de l'Eglise judaïque, en la belle legation qui luy fut faite par les prestres et les levites, dont le subjet presuppose une grande estime et resputation, en laquelle il estoit vers eux (Joan. 1). Les pharisiens mesmes, qui estoient assis sur la chaire de Moyse, venoient communiquer à son baptesme ouvertement, et sans scrupule (Matth. 4). C'estoit bien là recevoir sa mission, et à bonnes enseignes.

Nostre Seigneur, quoy qu'il fust le superieur, ne voulut-il pas estre receu de Simeon, qui estoit prestre, puis qu'il benit le Fils, la Mere, et sainct Joseph (Luc. 2)? par Zacharie, qui fut un autre prestre (Luc. 1); par sainct Jean (Joan. 1): et mesme dans le tems de sa passion, qui estoit l'execution de sa mission principale, il voulut encore avoir le tesmoignage prophetique du grand-prestre,

qui estoit pour lors: et c'est ce que sainct Paul dit et enseigne, quand il ne veut que personne ne s'attribue l'honneur pastoral, sinon celuy qui est appellé de Dieu comme Aaron (Hebr. 5): car la vocation d'Aaron fut faite par l'ordre de Moyse: si bien que Dieu ne mit pas sa saincte parolle en la bouche d'Aaron immediatement, mais Moyse à qui Dieu fit ce commandement, parle à luy, et luy inspire ces parolles: Je seray en ta bouche et en la sienne (Exod. 4). Que si nous considerons de pres ce que dit sainct Paul, nous apprendrons, que la vocation des pasteurs et des magistrats ecclesiastiques, doit estre faite visiblement, non par maniere d'enthousiasme et de motion secrette et interieure (Lev. 8); en voylà deux exemples qu'il propose, celuy d'Aaron, qui fut oinct et appellé visiblement (Exod. 22), et celuy de Nostre Seigneur et Maistre, qui estant souverain Pasteur et Pontife de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy-mesme, c'est-à-dire ne s'est point attribué l'honneur de sa saincte prestrise, comme avoit dit sainct Paul auparavant, mais a esté manifesté par celuy qui luy a dit : Tu es mon fils, je t'ay engendré aujourd'huy, et tu es prestre eternellement selon l'ordre de Melchisedech (Hebr. 5). S'est-il ingeré et poussé luy-mesme à cest honneur? non; mais il y a esté appellé (Ibid.); qui l'a appellé ? son Pere eternel; et comment? immediatement et mediatement tout ensemble. Immediatement en son baptesme, et en sa transfiguration, avec ceste voix Cestuy-cy est mon fils bien-aymé, auquel j'ay prins mon bon playsir, escoutez-le (Matth. 3 et 17). Mediatement par les prophetes, et surtout par David, dans les lieux où saint Paul cite ses psalmes: Tu es mon fils, je t'ay engendré aujourd'huy selon l'ordre de Melchisedech (Psal. 2 et 109). Ainsi sa vocation est par tout visible; la parolle en la nuée fut ouye, et selon David, ouye et leuë. Mais sainct Paul voulant encore plus fortement monstrer la vocation de Nostre Seigneur, allegue les passages de David, par lesquels il dit, que Jesus-Christ avoit esté clarifié de son Pere; se contentant ainsi de produire le tesmoignage perceptible, et produict par l'entremise des Escritures ordinaires, et des prophetes receus et recogneus.

J'adjouste à ces raysons, que l'authorité de la mission extraordinaire ne destruit jamais l'ordinaire, et n'est jamais pour la renverser; tesmoins tous les prophetes, qui n'ont point eslevé l'autel contre l'autel, qui n'ont point contredit la prestrise d'Aaron, qui n'abolirent point les constitutions synagogiques; tesmoin enfin nostre Sauveur, qui asseure que tout royaume divisé en soy sera desolé, et une mayson tombera sur l'autre (Matth. 11). De là vint le grand respect qu'il portoit à la chaire de Moyse, dont la doctrine luy estoit si venerable, qu'il commanda tousjours de la garder. De yray, si l'extraordinaire authorité devoit abolir l'ordinaire, comme sçaurions-nous quand, à qui, et de quelle maniere nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est constante, et sera tousjours, pendant que l'Eglise sera dans ce bas monde : les pasteurs et docteurs, qu'il a une fois donnez à l'Eglise, doivent avoir une perpetuelle succession, pour la consommation des saincts, jusques à ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la cognoissance du Fils de Dieu en homme parfaict, à la mesure de

DISCOURS VI.

l'aage parfaict de Jesus-Christ, afin que nous ne soyons plus enfans ny flottans, ny des menez çà et là à tous vents de doctrine par la piperie des hommes, et par leur perfide seduction (Ephes. 4). Voylà le beau discours que fait sainct Paul, pour monstrer, que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient une perpetuelle succession, ou qu'ils fussent subjets à la subrogation des extraordinaires, nous n'aurions ainsi qu'une foy et discipline desordonnée, interrompue et variable; nous serions subjets à estre seduicts par les hommes menteurs, qui, à tous propos, se vanteroient de l'extraordinaire vocation; et comme les Gentils, nous cheminerions en la vanité de nos entendemens, un chascun se playsant à se persuader en soy une motion extraordinaire du Sainct-Esprit, de quoy nostre aage nous fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons, qu'on puisse presenter en ceste occasion. Car si la mission extraordinaire peut lever l'ordinaire administration, à qui en laisserons-nous la charge? à Calvin, à Luther, ou au Pacimontain, ou à Blandrate, ou à Brence, ou à la reyne d'Angleterre? Helas! chascun tirera de son costé ce beau pretexte de la mission extraordinaire, pour se couvrir. En verité, la parolle de Nostre Seigneur nous deslivre de toutes ces difficultez; il dit: qu'il a edifié son Eglise sur un si bon fondement, et avec une proportion si bien entendue, que les portes d'enfer ne prevaudront jamais contre elle (Matth. 16): que si jamais elles n'ont prevalu, ny ne prevaudront, la vocation extraordinaire n'est plus necessaire pour l'abolir; car Dieu ne hayt rien de ce qu'il a fait. Comment donc aboliroit-il la saincte Eglise son espouse ordinaire, pour en creer une extraordinaire? veu que c'est luy qui a edifié l'ordinaire sur soy-mesme, et l'a cimentée de son propre sang.

DISCOURS VI.

Où sont refutées les objections que les heretiques alleguent en faveur de leur mission extraordinaire, contre l'ordinaire.

PRES tout, jusques icy je n'ay peu rencontrer parmy vos maistres, A que deux objections au discours que je viens de faire, dont l'une est tirée de l'exemple de Nostre Seigneur et des prophetes, et l'autre de l'exemple des Apostres; voyons si elles ont quelque credit.

Pour l'examen de la premiere, dites-moy, je vous prie, treuvez-vous juste qu'on mette en comparayson vos nouveaux ministres avec Nostre Seigneur? Je demande si Jesus-Christ n'avoit pas esté prophetisé en sa qualité de Messie, son tems n'avoit-il pas esté determiné par Daniel (Dan. 9)? Croyez-vous qu'il ayt fait aucune action qui n'ayt esté particulierement predite dans les livres des prophetes (Agg. 2), et figurée dans les exemples des patriarches. Il est vray qu'il a fait le changement de bien en mieux de la loy mosaïque, en la loy de la grace; mais ce changement-là n'avoit-il pas esté predit? Il a changé le sacerdoce d'Aaron en celuy de Melchisedech (Heb. 5), beaucoup meilleur sans doubte; mais tout cela n'est-il pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres

n'ont point esté prophetisez en qualité de predicateurs de la parolle de Dieu, on n'a point annoncé le tems de leur venue, ny pas une de leurs actions; ils ont fait un remuement dans l'Eglise beaucoup plus grand et plus general que Nostre Seigneur fit au declin de la Synagogue; car ils ont tout osté, sans y remettre ou remplacer que de certaines ombres: mais pour les tesmoignages de ceste entreprinse, ils n'en ont point du tout dans l'Escriture, quoy que vous tiriez en pretexte les Escritures pour cela. Au moins ne devroient-ils pas s'exempter de faire des miracles, sur une mutation si considerable et si generale, puisque Nostre Seigneur ne s'en exempta pas luy-mesme, comme je l'ay monstré cy-dessus, ayant voulu encore que le changement qu'il faysoit, fust puisé et authorisé de la plus pure source des Escritures (Luc. 1). Mais vous, Messieurs, où me monstrerez-vous que jamais l'Eglise dust recevoir aucune reforme, oultre celle qui devoit estre faite par le Fils de Dieu. Pour le regard de ce qui touche les prophetes, je vois abuser plusieurs parmy les errans, qui croyent que toutes les missions des prophetes ont esté extraordinaires et immediates; la supposition est fausse entierement; car il y avoit des colleges et des congregations de prophetes, recogneuës et advoüées par la Synagogue, comme on le peut recueillir de plusieurs (1. Reg. 19; iv. Ibid. 2, 3) passages de l'Escriture; il y en avoit en Ramatha, en Betel, en Jericho, en la montaigne d'Ephraïm, en Samarie (Iv. Reg. 8); Helisée mesme fut oingt par Helie (11. Reg. '22), la vocation de Samuel fut recogneue et advoüée par le grand-prestre; en Samuel, dit le texte sacré, le Seigneur recommença de se faire voir en Silo (1. Reg. 3) ce qui fait que les Juifs tiennent Samuel comme fondateur des congregations prophetiques. J'adjouste à cecy, que ceux qui croyroient que tous les prophetes eussent exercé la charge de la predication, seroient grandement trompez le contraire se void dans la rencontre des sergens de Saül (1. Reg. 19): d'où s'ensuit que la yocation des prophetes ne sert de rien à pretexter celle des heretiques ou des schismatiques; car ou elle estoit ordonnée (III. Reg. 18), comme nous l'avons monstré cy-devant, ou appreuvée de la Synagogue, comme il est aysé de le faire voir en ce qu'on les recognoissoit incontinent, et ou on en faysoit une estime particuliere en tous les lieux parmy les Juifs, qui les appelloient les hommes de Dieu. En un mot, celuy qui regardera de pres l'histoire et l'estat de ceste ancienne Synagogue, verra clairement que l'office des prophetes estoit aussi ordinaire entre eux, qu'entre nous celuy des predicateurs. Mais jamais l'on ne monstrera aucun prophete qui ayt entreprins de renverser la puissance ordinaire; ils l'ont tousjours suivie, et n'ont rien dit de contraire à la doctrine de ceux qui estoient assis sur la chaire mosaïque et aaronique; il s'en est mesme treuvé parmy eux qui estoient de la race sacerdotale, comme Jeremie fils d'Alcias, et Ezechiel fils de Buz (Ezech. 1). Aussi ils ont tousjours parlé avec honneur des pontifes et de la succession sacerdotale, quoy qu'ils ayent reprins leurs vices et leurs mœurs ; lors qu'Isaïe fut commandé d'escrire dans un livre, ce qui luy fut monstré, il print Urie, prestre, à tesmoin (Is. 2). Zacharie le prophete a desclaré qu'il prenoit son authorité de celle des prestres et

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