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l'infasme comparayson que vous faites entre les Juifs et les chrestiens, quant au danger de tomber en idolastrie, ne deviez-vous pas raysonner en ceste sorte? Dieu qui n'a pas voulu que le sepulchre de Moyse ayt esté cogneu, pour prevenir l'idolastríe, toutesfois il a voulu que le sepulchre de Nostre Seigneur ayt esté cogneu et recogneu en l'Eglise chrestienne, comme tout le monde scayt, et personne ne le nye : c'est donc signe que le danger de l'idolastrie n'est pas esgal en l'un des sepulchres et en l'autre; et s'il n'y a pas tant lieu de danger d'idolastrie en la manifestation du sepulchre de Nostre Seigneur, que pour l'esviter il l'ayt fallu tenir caché, pourquoy y en auroit-il davantage en la croix?

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«Mais, se dit le traitteur, il n'y a point de tesmoignage que Dieu ayt voulu que la croix de son Fils vinst à cognoissance. » Certes, voicy une trop grande negative. Sainct Ambroise, sainct Chrysostome, sainct Cyrille, sainct Hierosme, sainct Paulin, sainct Sulpice, Eusebe, Theodoret, Sozomene, Socrate, Nicephore, Ruffin, Justin, et plusieurs autres tres-anciens autheurs, sont des tesmoins irreprochables que Dieu a voulu que la croix de son Fils vinst à cognoissance et fust treuvée.

Ör voyons maintenant comme nostre traitteur enfile les raysons qu'il a pour sa negative. « Car de dire (ce sont ses parolles) que la » croix a esté conservée et enterrée au lieu où elle avoit esté érigée, >> qui estoit, comme on le devine, le lieu où estoit enterré Adam, » cela n'a vraysemblance aucune; car si on croit les anciens, Adam » a esté enterré en Hebron, et non pres de Hierusalem. »

Voyez-vous comme il extravague? Son intention estoit de preuver que la croix n'estoit venue à cognoissance, il le preuve, parce qu'il n'est pas vraysemblable qu'elle ayt esté enterrée là où elle est erigée. Ce qu'il adjouste du lieu où est enterré Adam n'est qu'un incident, et le voylà qui se ruë à le rejetter, comme si c'estoit son principal; sautant ainsi de matiere en matiere, comme vraye sauterelle de ce grand puits de l'Apocalypse. Et n'est-ce pas une belle consequence? la croix n'est pas enterrée là où elle fut erigée donc elle n'est pas venue à cognoissance! comme si elle n'eust peu venir à cognoissance, sans estre enterrée au lieu où elle fut dressée.

Mais quant à ce qu'il adjouste de la sepulture d'Adam, il monstre combien il a peu de cognoissance des anciens: car la plus grande troupe d'iceux a soustenu que la croix fut plantée sur la sepulture d'Adam. Voicy comme S. Augustin en parle : « Hierosme prestre » a escrit qu'il a apprins asseurement des anciens et plus vieux » Juifs, qu'Isaac de volonté a esté immolé là où depuis Jesus-Christ » a esté crucifié, et mesme, par le rapport des anciens, l'on dit » qu'Adam le premier homme fut jadis ensevely au lieu où la croix » est fischée, et que partant on l'appelle le lieu de Calvaire, ou du Test, parce que le chef du genre humain fut ensevely en ce lieu» là: et pour vray, mes freres, on ne croit pas sans rayson que là >> ayt esté eslevé le medecin où le malade gisoit, et estoit bien » convenable que là où estoit tombé l'orgueil humain, là s'incli>> nast aussi la divine Misericorde. Si que comme ce sang precieux daigne touscher, en distillant, la poudre de l'ancien pecheur, l'on

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» croie qu'il l'ayt aussi rachepté. » Si donc on croit les anciens, • Adam aura esté enterré au Mont Calvaire. Mais cela n'est gueres » à nostre propos, et n'importe pas beaucoup.

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Le traitteur donc vient à sa seconde rayson, et nous recharge bien vivement à son advis. « Item (dit-il), veu que les disciples et apostres de Jesus-Christ ont esté espars durant la mort d'iceluy ⚫ et qu'apres son ascension ils ont esté prohibez de parler au nom ⚫de Jesus-Christ, que Hierusalem peu apres a esté reproduicte à » une totale extresmité et ruyne : quelle apparence y a-t-il qu'elle ayt esté lors serrée et honnorée par ceux qui ont adhéré à Jesus» Christ? » Un enfant verroit ceste ineptie: l'Eglise a esté persecutée, donc elle n'a pas serré la croix? Au contraire, la persecution l'a fait cacher; incontinent que la persecution a cessé, on l'a retreuvée. Item, l'Eglise estoit persecutée, donc elle n'honnoroit pas la croix? Au contraire, la persecution l'enflammoit davantage à son devoir, mais en secret, de peur d'exposer ce mémorial de la persecution de Nostre Seigneur à l'opprobre des ennemys de la croix.

Mais ce n'est que pour embroüiller que ce traitteur dit cecy car nous ne disons pas que ce soyent les amys de la croix qui l'ont ainsi enterrée; ains plutost les ennemys d'icelle, afin d'en abolir la memoire, l'ont ainsi cachée. Ny ne disons pas que ces mesmes ennemys ne l'ayent peu jetter en mer: au contraire, nous disons qu'ils l'ont peu jetter dans la mer, nonobstant la distance qui est entre le port de Japhet et la ville de Hierusalem, ou avec peyne, ou sans peyne, par le moyen des rivieres qui l'eussent regorgée dans la mer. Et disons encore qu'ils la pouvoient brusler; mais nous admirons d'autant plus la Providence supresme, qui n'a pas permis la perte de ce sien estendart.

Or sur tout le traitteur se fasche de ce qu'on dit que sur le mont de la Croix on adjusta les idoles de Venus et d'Adonis : « Qui estce, dit-il, qui ne rejettera ceste fable, s'il considere la hayne que » portoient les Juifs à toutes sortes d'imaiges? » Mais je diray : Qui est-ce qui ne rejettera l'ineptie de ce petit traitteur, s'il considere qu'on ne dit pas que ce soyent les Juifs, mais les Gentils qui ayent fait cela; et que ce n'est pas Esope qui raconte ce fait, mais une infinité de tres-graves et anciens autheurs, comme Eusebe, Ruffin, Paulin, Sulpice, Theodoret, Sozomene, Socrate?

Le seul sainct Hierosme devroit suffire pour rendre mieux apprins ce traitteur; voicy ses parolles en l'Epistre à Paulinus: « Des ⚫le tems d'Adrian jusques au regne de Constantin, l'idole de Jupi»ter a esté reverée par l'espace de presque cent quatre-vingts ans, » sur le lieu de la Resurrection de nostre Sauveur, par les Gentils. Et de mesme en ont-ils fait à celle de Venus, qui estoit eslevée › en marbre sur la montaigne de la Croix : les autheurs de la persecution se persuadant que par ce moyen ils enleveroient de >> nostre estomach la foy de la Resurrection et de la Croix, s'ils ⚫ venoient à polluer les lieux saincts par leurs idoles. Nostre > Bethleem (un petit coing du monde, duquel le Psalmiste chante

' Profaner.

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» (Psal. 84): La verité est nay de la terre), est maintenant ombragée »ès bocages d'Adonis; et en la caverne en laquelle jadis Jesus» Christ petit a jetté ses cris enfantins, estoit regretté et pleuré l'a» moureux de Venus. » Voyez-vous à quel propos ce traitteur allegue la jalousie des Juifs, puisqu'on ne dit pas que ce fussent les Juifs, mais les Gentils; à quel propos il allegue le tems de la ville de Hierusalem, puisque ce fut apres son extermination?

Qui sera donc si desesperé que de mettre en doubte ceste histoire, tesmoignée par tant de graves autheurs, et tous voisins des tems dont ils ont parlé, pour bailler credit à ce contrediseur, qui, sans rayson, apres douze cens ans, les vient impudemment dementir?

« Mais, se dit le traitteur, tels contes ne servent sinon à aneantir la croix du Christ. » Mais quelle insolence est celle-cy, d'injurier tant de saincts Peres, desquels la suffisance est incomparable, au prix de celle de tous ces novateurs?

La saincte histoire (resplique le traitteur) nous enseigne bien » une autre façon qu'ont tenue les ennemys de la Croix, en ce qu'ils » ont rejetté la predication de l'Evangile.» Voylà pas une belle rayson? Je confesse que celle-là est une autre façon qu'ont tenue les ennemys de la Croix; mais il ne s'ensuit pas qu'ils n'ayent tenu encore celle qui est recítée par ces anciens Peres: car l'une n'est pas contraire à l'autre, mais s'entre-suivent.

Au reste, avant que de finir ce propos, je veux descouvrir un trait de ce traitteur, qui monstre combien il est passionné et de mauvaise foy. Il fait dire à sainct Athanase, au commencement du livre contre les idoles, qu'apres la venue de la Croix, toute l'adoration des imaiges a esté ostée. Voylà une fausseté bien expresse; car sainct Athanase ne parle point là des imaiges, mais des idoles. Et de fait, comme auroit-il dit que par la Croix toute l'adoration des imaiges a esté ostée, luy qui, és questions qu'il a escrites à Antiochus, dit exprez ces parolles: Certes, nous adorons la figure de la Croix, composée de deux bois.

Je sçay bien que le traitteur se voudra couvrir de la commune opiniastreté avec laquelle les reformateurs veulent maintenir qu'idole et imaige n'est qu'une mesme chose. Mais certes, c'est une trop grande ineptie; car par là on pourroit dire que Jesus-Christ est une idole, puisqu'il est appellé disertement imaige de Dieu en l'Escriture. Si donc imaige et idole n'est qu'une mesme chose, Jesus-Christ, qui est une imaige de Dieu, sera idole de Dieu, et ceux qui l'adorent seront idolastres. Tout cela n'est que bíaspheme.

L'absurdité est toute pareille, quand il dit : « Que les noms des » idoles ont esté changez, mais que les choses sont demeurées au » Christianisme; » car à ce compte-là, ce que nous appellons JesusChrist ne sera que le Jupiter des payens, et le baptesme de Calvin, Beze, et tels autres, qui furent baptizez parmy les catholiques, sous le nom de la Saincte-Trinité, ne sera fait en realité qu'au nom et en la vertu de quelques idoles.

Il a bien aussi bonne grace quand il met difference entre l'idolastrie payenne et l'idolastrie chrestienne (car il semble que ces

parolles se rapportent à ceste intention); c'est comme qui diroit une chaleur froide, ou une lumiere tenebreuse. Mais tout revient à ce poinct de faire les chrestiens idolastres, et Jesus-Christ idole. La vehemence du mal-talent que ces reformateurs ont contre l'Eglise catholique les offusque tellement que, pour nous courir sus, ils vont fondre dans ces precipices. Mais cecy soit dit en passant, pour decharger la croyance que l'antiquité nous a faite du sous-enterrement et conservation du bois de la croix, des calomnies et reproches que luy fait ce traitteur.

Et cependant ce n'est pas un petit argument pour la vertu et honneur de la saincte Croix, que Dieu l'ayt ainsi conservée pres de trois cens et trente ans sous terre, sans que pourtant elle soit aucunement pourrie, et que, les ennemys du Christianisme ayant fait tout leur possible pour en abolir la memoire, elle leur ayt esté cachée, pour estre relevée en un tems auquel elle fut sainctement reverée. Et pour rendre le miracle de l'Invention et conservation de ceste saincte Croix d'autant plus illustre, avoir conservé deux autres croix, qui donnassent occasion à la preuve miraculeuse que l'on eut de la vertu de la troisiesme. Ce sont les parolles de sainct Paulin Donc, dit-il, la croix du Seigneur si longtems couverte, ⚫ cachée aux Juifs, au tems de la passion, et qui ne fut point des» couverte aux Gentils, qui, sans doubte, creuserent et tirerent » beaucoup de terre pour l'edification du temple qu'ils avoient » dressé sur le mont de Calvaire, n'a-t-elle pas esté cachée par la >> main de Dieu, à ce que maintenant elle füst treuvée quand elle » a esté religieusement cherchée? »

Le grand Constantin recognoist en ce fait l'admirable providence de Dieu en l'epistre qu'il escrit à Macaire, selon le recit d'Eusebe (De Constant. Vita, 1. 3, c. 29) et de Theodoret (1. 1, cap, 27) là où parlant de la conservation du sepulchre et autres saincts lieux du Calvaire, il dit ainsi : « Car que la remembrance de la tres-saincte » Passion ayt esté si longuement accablée de terre, ainsi, par l'es» pace de tant d'années, incogneuë jusques à ce que, le commun » ennemy de tous ayant esté exterminé, elle apparut à ses serviteurs; pour vray, cela surpasse toutes sortes d'admirations. Et plus bas : La croyance de ce miracle surpasse toute nature capable » de rayson humaine.»

Mais à qui revient l'honneur de ceste conservation si miraculeuse de la Croix, sinon à Jesus-Christ crucifié? Elle a prins et beu ceste vertu incorruptible du sang de la chair, laquelle, ayant souffert la mort, n'a point veu la corruption: Istam incorruptibilem virtutem, de illius profecto carnis sanguine bibit, quæ passa mortem, non vidit corruptionem. Ce sont les parolles de sainct Paulin, Sever.

CHAPITRE VII.

De l'Invention de la Croix. Preuve sixiesme.

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PRES que ce traitteur a discouru à playsir sur le sous-terrement A et lieu de la croix, il veut en un autre endroict combattre l'Invention d'icelle, et veut persuader que ceste Invention est inventée.

<< Il n'est besoin, dit-il, d'entrer sur la recherche, si ça esté une >> invention contreuvée, ou vraye combien que Volaterran, et >> frere Onuphrius Panuinus, de l'Ordre des Augustins, en ses notes » sur Platine, en la vie d'Eusebe, pape trente-deuxiesme, donne >> assez à entendre que c'est chose incertaine, veu la diversité qui >se treuve és autheurs, touschant le tems de ceste Invention; et si » l'on croit quelques historiens, Helene estoit encore infidelle alors, » et Constantin mesme n'estoit pas ferme chrestien, et n'avoit rien » en Syrie encore et quelques-uns disent qu'elle ne fut treuvée >> du tems du grand Constantin, mais de Constantin son fils: joinct » qu'Eusebe, qui a escrit la vie de Constantin, et qui parle de ce ⚫ qu'Helene fit en Hierusalem, ne dit un seul mot de ceste inven» tion de croix. Aussi ne s'accorde sainct Ambroise avec les autres » historiens; car il dit que ceste croix fut cogneue au tiltre d'icelle, » et les autres disent que ce fut par la guerison miraculeuse d'une » femme. » Voylà ce que dit le traitteur quant à ce poinct.

Or, qui vid jamais une rayson si deraysonnable, que pour l'incertitude du tems on tire en consequence l'incertitude de la chose mesme?

Combien de tems y a-t-il que le monde fut creé? Il n'y a chronologien qui n'en ayt son opinion à part: faut-il dire pourtant que le monde n'a pas esté creé? En quel aage mourut Nostre Seigneur? Qui dit à trente-un, qui dit à trente-deux, qui dit à trente-quatre ans, et ce grand Irenée passe jusques à cinquante: faudroit-il donc dire, pour ceste diversité d'opinions de l'aage auquel Nostre Seigneur souffrit, que sa mort fut incertaine? Autant en diray-je du baptesme d'iceluy, et des autres choses tesmoignées en l'Escriture, lesquelles, estant tres-certaines, ont la circonstance du tems tresincertaine. Chacun sçayt que sainct Clement fut pape, mais on ne sçayt si ce fut devant, ou apres Linus et Cletus. Combien de gens y a-t-il au monde qui ne sçavent ny le jour, ny l'an de leur nayssance?

Volaterran donc et le docte Onuphrius ne monstrent point que l'histoire de l'Invention de la Croix soit incertaine, quoy qu'ils produisent l'incertitude du tems auquel elle a esté faite. Il n'importe de sçavoir le jour, l'an, l'heure; il suffit que la chose soit advenue. Et quant à Panuinus, voyant Platine dire que ceste Invention fut faite sous Eusebe, il se resout, et dignement, à l'opinion contraire, ne laissant pas la chose indecise, comme presuppose le traitteur, qui s'enferre luy-mesme, quand laissant les autheurs d'accord, en l'Invention de la Croix, il allegue seulement leur discorde en l'aage et tems d'icelle; car c'est purement confesser ce qu'il avoit premierement nyé, à sçavoir, qu'il y a bon tesmoignage que Dieu a voulu que la croix de son Fils vinst à cognoissance.

Rien de bon, rien de sainct ne se fait que Dieu n'en soit autheur. Or, l'Invention de la Croix est celebrée par tant de graves et saincts Peres comme une œuvre pieuse et saincte, comme donc n'y a-t-il point de tesmoignage que Dieu l'ayt voulue? Tesmoigner qu'une œuvre est saincte, c'est tesmoigner que Dieu la veut.

Mais il y a plus; car tous les plus graves autheurs qui ont escrit de l'Invention de la saincte Croix, comme sainct Ambroise, sainct

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