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Item, vous mangez les bestes suffoquées et le sang; en quelle escriture treuvez-vous qu'il soit loysible? Le Sainct-Esprit et les Apostres l'ont expressement deffendu (Act. 15), et vous ne treuverez point que ceste prohibition ayt esté revoquée en l'Escriture car les permissions generales des viandes ne s'estendent point contre ceste prohibition particuliere pour mettre en usage le sang et le suffoqué, non plus que la chair humaine et le bien d'aultruy.

Davantage, le canon des Escritures, tel que les Lutheriens ou vous, le produisez (car en cecy le Sainct-Esprit des Lutheriens et le vostre ne sont pas d'accord), ne se treuve en aucune part de l'Escriture. Et tout cecy, le tenez-vous pour neant et chose nulle? Pour vray, vostre belle proposition vous rend faux chrestiens, puisqu'entre les vrays chrestiens, ce qui n'est pas escrit est tenu pour neant, et que vous observez tant de choses non escrites; ou elle vous rend imposteur, estant si fausse, comme vous la devez confes

ser.

Mais, pour Dieu, pensez un peu à cecy. Les Escritures anciennes ne faysoient aucune mention de la vertu de l'eau de la piscine; et toutesfois tant s'en faut que ceux qui y avoient recours ayent esté reprins et censeurez comme superstitieux, pour recognoistre une vertu en ceste eau, sans aucun tesmoignage de l'Escriture; qu'au contraire, Nostre Seigneur a honnoré leur creance d'un celebre miracle, et sainct Jean d'une tres-asseurée attestation. Item, ceux qui portoient leurs malades à l'ombre de sainct Pierre (Act. 5) et les mouchoirs de sainct Paul à leurs malades pour obtenir quelque miraculeuse guerison (Act. 19), et la femme qui touscha le bord de la robbe de Nostre Seigneur (Matth. 9), à mesme intention, où avoientils treuvé ces receptes en l'Escriture saincte, et neantmoins leur foy est loüée, et leur desir accomply. Si donc ces fidelles ont raysonnablement prisé la vertu de la piscine, de l'ombre, des mouchoirs et de la robbe saincte, sans aucune authorité de l'Escriture, pourquoy ne pourront les chrestiens, ains ne devront beaucoup esperer de la vertu de la croix de Dieu, quoyque l'Escriture n'en fist aucune mention?

Je treuve vostre proposition extresmement hardye et trop generale. « Ce qui n'est escrit, dites-vous, est tenu comme nul.» Ceux qui ont disputé devant vous les sainctes traditions ne sont pas si aspres au mestier. Chandieu, l'un des rusez escrivains pour vostre nouveauté, confesse que les choses qui ne sont pas necessaires au salut peuvent estre bonnes et recevables sans Escritures; mais non pas les choses necessaires à salut. C'est sa distinction perpetuelle qu'il a faite au traitté contre les Traditions humaines. Mais vous parlez absolument sans borne ny mesure.

Je sçay ce que vous respondez à l'exemple des mouchoirs de sainct Paul, c'est Que Dieu a voulu par tels miracles honnorer l'a» postolat de sainct Paul. » Et pourquoy, je vous prie, n'aura-t-il voulu honnorer de pareils miracles la majesté du Maistre de sainct Paul, à ce que ceux qui ne l'avoient point veu en face fussent persuadez que celuy que Dieu authorisoit par tels miracles estoit le vray Messie? Mais il y a ce que nous avons dit, respliquez-vous, à » sçavoir, que tels miracles des mouchoirs de sainct Paul sont testi

>> fiez par la parolle de Dieu. Ce qu'on ne peut dire du bois de la croix. » A quoy je dy que la vertu des autres reliques, et que plusieurs choses ne sont testifiées en l'Escriture, qui ne laissent d'estre tres-asseurées, ce que j'ay jusques icy preuvé.

Voyons maintenant quelle couleur d'honnesteté vous baillerez à ces inepties. Vous citez l'Epistre aux Hebrieux, où il est dit que Melchisedech estoit sans pere et sans mere, « Pour ceste seule ray» son ce dites-vous, que l'Escriture ne parle aucunement du pere » et mere d'iceluy, encore qu'il soit tres-certain qu'il a eu pere et » mere, comme les autres hommes. » Ce sont vos propres parolles sur lesquelles j'aurois beaucoup à dire.

1° J'admire ceste temerité, qui voulant rendre doubteuse la vertu de la saincte croix, parce que l'Escriture n'en dit mot, tient neantmoins que Melchisedech eut pere et mere; quoy que l'Escriture non-seulement n'en dit rien, mais dit au contraire qu'il n'avoit ny pere ny mere.

20 Je dy que sainct Paul ne dit pas que Melchisedech n'a jamais eu ny pere ny mere, mais seulement qu'il estoit sans pere et mere, ce qui se peut entendre du tems auquel il fit les choses qui sont touschées en l'Epistre aux Hebrieux, pour lesquelles il representoit Nostre Seigneur.

3o L'Apostre le produit comme la Genese l'a descrit; car c'estoit en ceste sorte qu'il representoit Nostre Seigneur or la Genese ne descrit point sa genealogie, pour tant mieux l'apparier à Nostre Seigneur; dont l'Apostre, qui veut monstrer que l'ancienne Escriture n'a pas obmis la genealogie de Melchisedech sans mystere, dit qu'il estoit sans pere et mere. Il applique donc le mystere de l'obmission de la genealogie de Melchisedech, sans tenir pourtant les pere et mere de Melchisedech pour nuls; ains seulement pour non escrits, et mysterieusement celez en l'Escriture. Et de fait, il explique ce qu'il veut dire, quand il escrit qu'il estoit sans pere et sans mere lorsqu'il adjouste: sans genealogie, comme s'il disoit : Ce que j'ay dit, qu'il estoit sans pere et sans mere, c'est en tant qu'on ne luy a point fait de genealogie, comme remarque tres-bien sainct Athanase sur ce lieu.

4o J'ay pityé de vostre aveuglement, qui voulez que sainct Paul tienne pour nul ce qui n'est pas escrit de Melchisedech, et ne voyez pas que sainct Paul, en ceste Epistre mesme, tient pour tres-importante une doctriné qu'il avoit à dire du sacerdoce selon l'ordre de Melchisedech, laquelle neantmoins vous ne me sçauriez monstrer estre escrite en aucun lieu, sinon dedans le cœur de l'Eglise. Certes, sainct Athanase ne peut entendre comme sainct Paul à peu sçavoir que dedans l'Arche du Testament il y eust la manne et la verge d'Aaron, puisqu'au livre des Roys et au Paralipomenon, il est dit que dans ceste Arche-là il n'y avoit autre chose que les Tables de la loy, sinon disant qu'il l'a apprins de Gamaliel et de la Tradition (Hebr. 9). Si vous en sçavez quelqu'autre chose, produisez-le; autrement confessez que sainct Paul ne tient pas pour nul ce qui n'est pas escrit.

Autant en diray-je de ce que sainct Paul dit: Que Moyse prenant le sang des veaux et des boucs avec de l'eau, et de la laine pour

prée, et de l'hysope, il en arrousa le livre et tout le peuple, le tabernacle, et tous les vaisseaux du service (Hebr. 9); car la pluspart de ces particularitez ne se treuvent point escrites, non plus que les pere et mere de Melchisedech.

Et quand sainct Paul diroit absolument que Melchisedech n'avoit jamais eu ny pere ny mere, la seule rayson n'en seroit pas, parce que l'Escriture n'en dit mot; car il en pourroit avoir d'autres, Comme seroit que ses pere et mere fussent incogneus. Quia ejus generatio subobscurior fuerit, dit sainct Athanase. Ainsi parlonsnous des enfans treuvez, ou qu'ils fussent payens, et de ceux desquels la memoire perit avec le son, et sont tenus pour nuls, non pour n'estre enroslez en l'Escriture saincte, mais pour ne l'estre pas au livre de vie. Ainsi sainct Irenée, Hippolyte, et plusieurs autres rapportez par sainct Hierosme en l'Epistre ad Evagrium, tiennent qu'il estoit de race cananeenne, et partant gentil et payen, quoy que sainct et fidelle de religion, aussy bien que le patriarche Job.

CHAPITRE IV.

Preuve troisiesme. De la vertu et honneur de la Croix, par un passage de l'Escriture, oultre ceux que le traitleur avoit alleguez.

ESTE maintenant à voir, pour le troisiesme, si ce traitteur a fi dellement rapporté tout ce que l'Escriture tousche de la Croix, pour pouvoir si resolument dire, comme il fait en sa premiere proposition, qu'oultre cela nous n'en lisons rien. Et pour vray, il est tres-ignorant, ou tres-impudent imposteur; car, oultre infinité de beaux poincts qui sont semez en l'Escriture, touschant la saincte croix de Nostre Seigneur, desquels une partie sera produicte cyapres, selon que nous les rencontrerons sur nostre propos, en voicy un si considerable, que mesme tout seul il pourroit suffire pour establir la creance catholique: C'est que la saincte croix est appellée Croix de Jésus; car que pouvoit-on dire de plus honnorable de ceste

croix ?

C'est icy où j'appelle le traitteur, pour luy faire voir s'il n'a point de honte d'avoir si indignement parlé de ceste saincte Croix, lorsqu'il la veut rendre semblable en saincteté aux cruelles mains des bourreaux qui fouetterent et crucifierent Nostre Seigneur, et à l'infasme et deloyable bouche de Judas qui le baysa. Sa rayson est, parce que si la croix a quelque vertu, c'est pour avoir tousché au corps de Nostre Seigneur or, ces mains et ces levres le touscherent aussi bien que la croix; elles en auront donc receu une vertu esgale! Ce qu'es» tant absurde, il l'est encore plus de dire que du bois n'ayant vie, ⚫ par un seul attouschement, ayt esté rendu susceptible de sainc»teté; car si ceste vertu a esté conferée au bois, parce que Christ » y a souffert, pareille vertu doit avoir esté en ceux par qui il a » souffert. »

Voylà son dire mais je luy oppose que la croix est la croix de Jesus, et que les mains et levres des ennemys de Nostre Seigneur ne sont ny mains ny levres de Jesus; mais de Malchus, de Judas, et tels autres garnemens, qui estant impies et meschans, ont randu

participantes de leurs meschancetez toutes leurs parties: si que la mauvaise ame dont elles estoient animées faysoit resistance aux precieux attouschemens de Nostre Seigneur, par lequel, sans cela, elles pouvoient estre sanctifiées, là où en la croix il n'y a point dé contrarieté à la sanctification. Et le traitteur est digne de compassion, quand il fait force en ce que la croix est inanimée, et les crucifieurs vivans, pour monstrer que la croix est moins susceptible de saincteté que les crucifieurs; car, puisqu'on traitte icy d'une vertu surnaturelle et gratuite, d'estre vivant n'y fait rien, mais bien souvent y nuict, par l'opposition que l'ame fait à la grace. Ainsi ne fut poinct sanctifié le diable, quoyqu'il portast Nostre Seigneur sur le faiste du Temple, et le touschast en certaine façon, par l'application de son operation (Matth. 4).

Or certes, tout ce qui a esté particulierement à Dieu, ou à JesusChrist son Fils, a esté doüé d'une speciale sanctification et vertu. Tous les coffres, tous les edifices, tous les hommes sont à Dieu, qui est le supresme Seigneur : neantmoins ceux qui luy sont specialement desdiez sont coffres de Dieu, maysons de Dieu, hommes de Dieu, tours de Dieu, et sont sanctifiez avec de particuliers privileges, non qu'ils soyent employez à l'usage de Dieu; car tout cela ne luy sert à rien, ouy bien à nous, pour l'honnorer tant mieux : mais les choses lesquelles le Fils de Dieu a employées pour le service de son humanité, et à faire nostre redemption, ont ce particulier avantage, qu'elles luy ont esté desdiées, non-seulement à son honneur, mais encore pour son usage, selon l'infirmité à laquelle il s'estoit reduict, pour nous tirer de la nostre. Et celles-cy, oultre la saincteté, ont eu de tres-grandes vertus et dignitez.

L'exemple de la saincte robbe de Nostre Seigneur fait extresmement à nostre propos n'eut-elle pas une grande vertu, puisqu'au touscher du fin bord d'icelle, ceste grande et si incurable maladie des hemorroïdes fut guerie? Aussi avoit-elle les conditions que je disois elle avoit tousché Nostre Seigneur, sans aucune resistance à sa grace; et non-seulement l'avoit tousché, mais elle estoit sienne, desdiée à son usage. Si je tousche le bord de sa robbe, disoit cesté pauvre femme, je seray guerie (Luc. 8). Elle ne dit pas le bord de la robbe qui le tousche, mais le bord de sa robbe : ainsi dy-je, que la croix est sanctifiée, non-seulement par l'attouschement de Nostre Seigneur, qui, comme un bausme precieux parfumoit tout ce qui le touschoit, quand il n'y avoit point de resistance au subjet, mais est encore beaucoup plus sanctifiée, pour avoir esté propre de Nostre Seigneur, son instrument pour nostre redemption, et consacrée à son usage, dont elle est dite Croix de Jesus (Joan. 19).

Et certes le traitteur voulant rire, est ridicule, quand il veut rendre comparable le falot à la croix; car, s'il n'est tout à fait ecervelé, il doit avoir consideré que le falot n'estoit pas à Nostre Seigneur, ny ne le touscha point: aussi ne le tiendroit-on pas pour relique, non plus que la lanterne, mais seulement pour une marque d'antiquité. Quant à la corde, l'esponge, le fouet, la lance, nos anciens, comme sainct Athanase, les appellent sainctes et sacrées, et nous les honnorons comme reliques et precieux instrumens de nostre salut, mais non en pareil degré que la croix; car ces choses

ne furent point rendues propres à Nostre Seigneur, et n'avoient rien que le simple attouschement d'iceluy, dont l'Escriture ne les appelle pas foüet et esponge de Jesus, comme elle fait la croix.

Cependant, c'est un traict de charlatan d'appeller le foüet, l'eschelle, la corde, l'esponge, le falot, saincts et sainctes, sans aucun article. Saincte corde, dit le traitteur, saincte esponge, » sainct foüet, sainct falot; car nostre langue ne permet pas que l'on traitte ainsi, sinon les noms propres et particuliers, comme sainct Pierre, Paul, Jean. Mais des noms generaux et communs, comme lance, fotiet, esponge, on ne s'en sert qu'avec l'article pour les determiner, le sainct fouet, la saincte corde, la saincte lance. Or le traitteur fait ce traict, pour faire croire, sans le dire à son simple lecteur desjà embaboüiné, que nous tenons le falot, ou le fouet de la Passion pour sainctes personnes; car ce sont les risées ordinaires des reformateurs, et veut ainsi surprendre l'imagination du pauvre peuple. Ou peut-éstre il a voulu (si d'adventure il estoit quelque ministre), canonizer lanterne, fouet, eschelle, falot, et comme il dit : « Ceux par lesquels Nostre Seigneur a enduré, » pour rendre sainct et canonizé, ministre; car entre les personnes racontées par les Evangelistes, qui tourmenterent Nostre Seigneur, il y avoit force ministres, c'est-à-dire sergens, sbires, bourreaux, tueurs. Voulant donc tirer la saincteté du foüet de la saincteté de la croix, il voudroit encore, par mesme moyen, joindre à la liste de ces saincts sainct ministre, qui seroit un sainct bien nouveau et incogneu. Mais redisons un mot de ce que nous avons deduict pour apparier la croix à la robbe de Nostre Seigneur.

Vous avez dit, traitteur, que ce qui n'est escrit est nul, entre les vrays fidelles. La devote malade n'avoit point leu qu'elle seroit guerie à l'attouschement de la robbe de Nostre Seigneur; neantmoins elle le croit, et sa foy est appreuvée: elle croit chose non escrite, et ne la tient point pour nulle, aussi la trouve-t-elle vraye; pourquoy donc reprendrez-vous en moy une pareille creance, sur un pareil subjet ? Que dites-vous donc? vous ne lisez rien de la croix, sinon que Nostre Seigneur l'a portée, y a rendu l'esprit? Qu'est-ce que ceste pauvre avoit veu de la robbe, sinon que Nostre Seigneur la portoit? Elle n'y vid point le sang du Sauveur respandu comme on l'a veu en la croix, et la consequence qu'elle en fit d'en pouvoir guerir fut si bonne, qu'elle luy donna la santé. Pourquoy me garderez-vous de faire, dire, et croire la mesme consequence de la tres-saincte croix?

Le traitteur pense bien nous arrester en ce discours, quand il dit : « Que c'est une erreur tres-pernicieuse d'attribuer au bois de » la croix ce qui est propre au seul Crucifié; et qu'és choses surna»turelles, Dieu y opere par une vertu miraculeuse, non attachée » à signe, ny à figure, » et semblables autres parolles respanduës en tout son traitté. Par où il veut faussement persuader que nous attribuons à la croix une vertu en elle-mesme independante et inherente; mais jamais catholique ne dit cela. Nous disons seulement que la croix, comme plusieurs autres choses, a une vertu assistante, qui n'est autre que Dieu mesme, qui, par la croix, fait les miracles, quand bon luy semble, et en tems et lieu, ainsi qu'il

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