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jours suivie de miracles; il n'y a point d'Eglise en nostre aage qui en soit la depositaire, sinon la nostre : la nostre donc seule et seulement est la vraye Eglise.

DISCOURS LV.

L'esprit de prophetie doit estre en la vraye Eglise.

TOUS croyons que la prophetie tient rang entre les grands miNOUS racles. Elle consiste en la certaine cognoissance que l'entendement humain prevoit des choses qui sont sans apparence, et sans autre science que l'inspiration surnaturelle; et partant, tout ce que j'ay dit des vrays miracles en general, doit estre employé icy en particulier. Le prophete Joël predit qu'au dernier tems, c'est-à-dire au tems de l'Eglise evangelique, comme l'interprete sainct Pierre, Nostre Seigneur respandroit sur ses serviteurs et ses servantes lá lumiere de son Sainct-Esprit, et qu'ils prophetiseroient. Nostre Seigneur dit cecy, comme il avoit dit: Ces signes suivront ceux qui croyront en moy. D'où s'ensuit que la prophetie doit tousjours estre en l'Eglise, où sont les serviteurs et servantes de Dieu, et où il respand tousjours en tout tems son Sainct-Esprit.

L'ange dit en l'Apocalypse, que le tesmoignage de Nostre Seigneur est l'Esprit de prophetie or, ce tesmoignage de l'assistance de Nostre Seigneur n'est pas seulement donné pour les infidelles, selon sainct Paul, mais principalement pour les fidelles: commé doncques diriez-vous que Nostre Seigneur l'ayant une fois donné à son Eglise, il le luy a levé par apres? Le principal motif pour lequel il luy a esté concedé est encore aujourd'huy; donc la concession dure tousjours. Adjoustez à cela, comme je l'ay dit des miracles, qu'en toutes les saysons, l'Eglise a eu des prophetes: ainsi nous pouvons dire que c'est une de ses qualitez et proprietez, et une excellente partie de son douayre.

Jesus-Christ, en montant aux cieux, a mené la captivité captive, il a donné des dons aux hommes: car il a donné les uns pour apostres, les autres pour prophetes, les autres pour evangelistes, les autres pour estre pasteurs et docteurs. L'esprit apostolique, evangelique, pastoral et doctoral est tousjours resté en l'Eglise, pourquoy luy levera-t-on l'esprit prophetique? C'est un parfum de la robbe de cest Espoux. Mais voicy un poinct de question entre vous et nous : L'EGLISE CATHOLIQUE A CHEZ ELLE L'ESPRIT DE PROPHETIE; LA PRETENDUE NE L'A POINT DU TOUT : CELLE-CY N'EST DONCQUES PAS LA VRAYE EGLISE.

Nous ne cognoissons presque point de saincts en l'Eglise de Dieu, qui n'ayt eu, qui plus, qui moins, l'esprit de prophetie. Je nommeray seulement ceux-cy, qui sont le plus receus: sainct Bernard, sainct François, sainct Dominique, sainct Anthoine de Padouë, saincte Brigitte, saincte Catherine, qui furent, certes, vrays catholiques; les saincts de qui j'ay encore parlé cy-dessus sont de ce nombre, et en nostre aage, Gaspard Barsée, et François Xavier ; la tradition generale de nos ayeulx nous recite tousjours asseurement quelque prophetie de Jean Bourg, plusieurs desquels l'ont

cogneu, veu et ouy : le tesmoignage de Nostre Seigneur est l'esprit de prophetie.

Produisez-nous quelqu'un des vostres, qui ayt prophetisé en vostre Eglise pour vostre Eglise. Nous sçavons que les sibylles furent en quelque façon les prophetesses des Gentils, presque tous les anciens nous en ont parlé; Balaam aussi prophetisa, mais c'estoit pour la vraye Eglise: toutesfois ces propheties n'authorisoient pas l'Eglise fausse en laquelle elles se faysoient, mais celle pour laquelle elles se faysoient. Je ne nye pas qu'entre les Gentils il n'y eust une vraye Eglise de peu de gens, ayant la foy interieure d'un vray Dieu, et l'observation des commandemens naturels en grande recommandation, par la grace divine, tesmoin Job en l'ancienne Escriture, et le bon Cornelius avec sept autres soldats craignant Dieu, en la nouvelle; mais de grace! où sont vos prophetes? Si vous n'en avez point, croyez que vous n'estes pas du corps de l'Eglise, pour l'edification duquel le Fils_de Dieu a laissé, au dire de sainct Paul, le tesmoignage de Nostre Seigneur en l'esprit de prophetie. Calvin a voulu, ce me semble, prophetiser, en la Preface sur son Catechisme de Geneve? mais sa prediction est tellement favorable pour l'Eglise catholique, que quand nous en aurions l'effect, nous sommes contens de tenir pour vray ce qu'il a prophetisé.

'DISCOURS LVI.

La vraye Eglise doit prattiquer la perfection de la vie chrestienne.

TOUT

OUT cela se confirme par ces rares enseignemens de Nostre Seigneur et de ses Apostres. Un jeune homme fort riche protestoit d'avoir observé tous les commandemens de Dieu dés sa tendre jeunesse. Nostre Seigneur, qui void l'interieur, le regardant, l'ayma, ce qui est un signe evident qu'il estoit tel qu'il avoit dit, et neantmoins il luy donna cest advis: Si tu veux estre parfaict, »va, vends tout ce que tu as, et tu auras un thresor dans le ciel, » et me suis. » Sainct Pierre nous invite à cela mesme par son exemple et celuy de ses compaignons : « Nous voicy, nous avons » tout laissé et t'avons suivy.» Nostre Seigneur respond avec ceste promesse solemnelle : « Vous qui m'avez suivy, serez assis sur douze chaires, jugeant les douze tribus d'Israël; et celuy qui » laissera sa mayson, ou ses freres, ou ses sœurs, ou son pere, ou » sa mere, ou sa femme, ou ses enfans, ou ses champs pour mon nom, il en recevra le centuple, et possedera la vie eternelle.. Voylà les parolles, voicy l'exemple : « Le Fils de l'homme n'a pas >> eu où il pust reposer sa teste, il a esté fait tout pauvre pour nous enrichir, il vivoit d'aumosnes, selon sainct Luc: Mulieres aliquæ ministrabant ei de facultatibus suis. En ces deux besoins qui touchoient sa personne sacrée, comme l'interpretent sainct Pierre et sainct Paul, il est appellé mendiant. Quand il envoya prescher ses Apostres, il leur enseigna, ne quid tollerent in via, nisi virgam tantùm ; qu'ils ne portassent ny pochettes, ny pain, ny argent, ny ceinture, mais des sandalles à leurs pieds, et qu'ils

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ne fussent point vestus de deux robbes. Je sçay que ces enseignemens ne sont pas des commandemens absolus, quoyque le dernier semble avoir esté un commandement pour un tems: aussi n'en veux-je rien dire autre chose, sinon que ce sont de tres-salutaires conseils et de bons exemples; mais en voicy d'autres semblables sur un autre subjet. « Il y a des eunuques qui sont nays ainsi du » ventre de leur mere; il y a aussi des eunuques qui ont esté faits » par les hommes; il y a des eunuques qui se sont chastrez eux» mesmes pour le royaume des cieux. Qui potest capere capiat. » C'est cela mesme qui avoit esté predit par Isaye: « Que l'eunuque » ne die point: Voicy, je suis un arbre sec, parce que le Seigneur >> dit ainsi aux eunuques : Ceux qui garderont mes sabbats, et qui » choysiront ce que je veux, et tiendront mon alliance, je leur » bailleray en ma mayson, et en mes murailles une place et un »> nom meilleur, que d'avoir des enfants et des filles; je leur baille» ray un nom eternel, qui ne perira point. » Qui ne void ici que l'Evangile va justement se joindre à la prophetie? En l'Apocalypse, ceux qui chantoient un cantique nouveau, qu'autre qu'eux ne pouvoit díre, c'estoient ceux « qui ne s'estoient point soüillez avec les » femmes, parce qu'ils estoient vierges, et ceux-là suivoient l'A»gneau où il alloit. » C'est icy où se rapporte l'exposition de sainct Paul « Il est bon à l'homme de ne point touscher la femme; or, je dy à celuy qui n'est point maryé, et aux veufves, qu'il leur sera » bon de demeurer ainsi, comme moy. Quant aux vierges, je n'ay point de commandement, mais j'en donne conseil, comme ayant >> receu la misericorde de Dieu d'estre fidelle. » Il y joinct la rayson: « Celuy qui est sans femme, est soigneux des affaires du Sei»gneur, et pense comme il playra à Dieu; mais celuy qui est avec » sa femme, a soing des choses du monde, et songe comme il » aggreera à sa femme, et est divisé : la femme non maryée, et la » vierge pensent aux choses du Seigneur, pour estre sainctes de corps » et d'esprit; mais celle qui est maryée, pense aux choses mon» daines, comme elle playra à son mary. Au reste, je dy cecy pour » vostre profict, non pas pour vous tendre des lacets, mais vous » conseiller ce qui est honneste, et qui vous facilite le moyen de >> servir Dieu, sans empeschement : ainsi, celuy qui joinct en ma»ryage sa fille vierge, il fait bien, et qui ne la joinct point, fait » encore mieux. » Puis parlant de la veufve: « Qu'elle se marye » avec qui elle voudra, pourveu que ce soit en Nostre Seigneur, » mais elle sera plus heureuse, si elle demeure ainsi, selon mon » conseil; or, je pense que j'ay l'Esprit de Dieu. » Voylà les instructions de Nostre Seigneur mesme, de Nostre-Dame, de sainct JeanBaptiste, de sainct Paul, de sainct Jean et de sainct Jacques, qui, tous, ont vescu en virginité; et en l'Ancien Testament, Hely et Helysée n'ont point eu de femmes, comme ont tres-bien remarqué les anciens.

Je mets en cest estat de perfection la tres-humble obeyssance de Nostre Seigneur, qui est si particulierement exprimée en l'Evangile, non-seulement à Dieu son Pere, auquel il estoit obligé, mais encore à sainct Joseph, à sa mere, et à Cesar, auquel il paya le tribut, et à toutes les creatures en sa passion, pour l'amour de nous. Humi

liavit semetipsum, factus obediens usque ad mortem, mortem autem Crucis. L'humilité qu'il fit paroistre, estoit pour nous enseigner, quand il dit : « Le Fils de l'homme n'est pas venu pour estre servy, mais pour servir; je suis entre vous comme celuy qui »sert.» Ne sont-ce pas là de perpetuelles leçons et expositions de ceste tant belle vertu? « Apprenez de moy que je suis debonnaire » et humble de cœur; » et en un autre lieu : « Si quelqu'un, dit-il » veut venir apres moy, qu'il renonce à soy-mesme, qu'il prenne sa » croix tous les jours, et qu'il me suive. »

Il est vray que celuy qui garde les commandemens, rènonce assez à soy-mesme pour estre sauvé: c'est bien assez de s'humilier pour estre exalté; mais d'ailleurs il reste une autre obeyssance, une autre humilité et renoncement de soy-mesme, auquel l'exemple de Nostre Seigneur et ses enseignemens nous invitent. Il veut que nous apprenions de luy l'humilité, et il s'humilioit, non-seulement en ce qu'il estoit inferieur, au tems qu'il portoit la forme de serviteur, mais encore dans les choses où il estoit superieur: il desire done que comme il s'est abaissé (non jamais contre son devoir, mais oultre son devoir), aussi nous obeyssions volontairement à toutes les creatures pour l'amour de luy; il veut, certes, que nous renoncions à nous-mesmes par son exemple, mais s'il a renoncé si fermement à sa volonté qu'il s'est sousmis à l'ignominie de la croix, et s'il a servy ses disciples et ses serviteurs (tesmoin celuy qui, lé treuvant estrange, luy dit: Non lavabis mihi pedes in æternum), que restet-il pour nous, sinon qu'en ces parolles et en ces actions nous recognoissions le devoir d'une douce imitation à une profonde sousmission et obeyssance volontaire, vers ceux auxquels d'ailleurs nous n'avons point d'obligation, ne nous appuyant ny peu ny point du tout sur nostre propre volonté et jugement, selon l'advis du Sage, mais nous rendant subjets et esclaves à Dieu, et aux hommes mesmes, pour l'amour de Dieu? Ainsi les Recabites sont loüez magnifiquement en Jeremie, parce qu'ils obeyrent à leur pere Jonadab, en des choses bien dures et bien estranges, auxquelles il n'avoit point d'authorité de les obliger, qui estoient de ne boire jamais de vin, ny eux ny les leurs; de ne semer, ny planter, ny posseder des vignes, ny de bastir des maysons. Les peres, certes, ne peuvent pas si fort restreindre les mains de leurs enfans, et de leur posterité, s'ils n'y consentoient volontairement; les Recabites, toutesfois, sont loücz et veus de Dieu avec approbation de ceste volontaire obeyssance, avec laquelle ils avoient renoncé à eux-mesmes, par une si extraordinaire et si parfaicte renonciation.

Or sus, revenons maintenant à nostre chemin. A qui, je vous prie, ces exemples et enseignemens si signalez de pauvreté, de chasteté, et d'abnegation de soy-mesme, ont-ils esté laissez? A l'Eglise, sans doubte; mais pourquoy? Nostre Seigneur le desclare: Qui potest capere capiat. Et qui le peut prendre? Celuy, certes, qui a le don de Dieu, et personne n'a le don de Dieu, que celuy qui le demande; mais comme invoqueront-ils celuy auquel ils ne croyent point? Comme croyront-ils sans predicateur? comme prescherontils s'ils ne sont envoyez? Il n'y a point de mission, sinon en l'Eglise; donc ce qui potest capere capiat ne s'addresse immediate

ment qu'à l'Eglise, et à ceux qui sont en l'Église, puisque hors de l'Eglise il ne peut estre en usage. Sainct Paul le monstre plus clairement: Hoc, dit-il, ad utilitatem vestram dico; Je dy cecy pour vostre profict, non point pour vous dresser des pieges et des lacets, mais pour vous inviter à ce qui est honneste, et qui vous donne la voie et la facilité plus grande de servir Dieu, et de l'honnorer sans empeschement. Et de fait, les Escritures, et les exemples qui sont chez elles, ne sont que pour nostre utilité et instruction. L'Eglise donc devoit prattiquer et mettre en œuvre de si bons et saincts advis de son Espoux; autrement c'eust esté en vain et pour neant qu'on les luy eust laissez et proposez aussi les a-t-elle bien sçeu prendre pour soy, et en faire son profict, et voicy en quoy.

Nostre Seigneur ne fut pas plustost monté au ciel, qu'entre les premiers chrestiens chascun vouloit son bien et en apportoit le prix aux pieds des Apostres. Sainct Pierre prattiquant la premiere regle, disoit Aurum et argentum non est mihi; Sainct Philippe avoit quatre filles vierges, qu'Eusebe tesmoigne estre toujours demeurées telles; sainct Paul reprend comme reprochables certaines jeunes veufves, Quæ cum luxuriatæ fuerint in Christo, nubere volunt, habentes damnationem, quia primam fidem irritam fecerunt. Le Concile 4 de Carthage (auquel se treuva sainct Augustin), sainct Epiphane, sainct Hierosme, avec tout le reste de l'antiquité, l'interpretent des veufves qui, s'estant voüées à Dieu pour garder la chasteté, rompoient leurs vœux, se lyant au maryage contre la foy qu'auparavant elles avoient donnée au celeste Espoux. Dés ce tems-là doncques, le conseil des eunuques, et l'autre que sainct Paul a donné, estoit prattiqué en l'Eglise.

Eusebe de Cesarée rapporte, que les Apostres instituerent deux sortes de vies: l'une selon les commandemens, et l'autre selon les conseils; et qu'il soit ainsi, il appert evidemment: car, sur le modelle de la perfection des vies conservées et conseillées par les Apostres, une infinyté de chrestiens formerent si bien la leur, que les histoires en sont pleynes d'exemples. Qui ne sçayt combien sont admirables les rapports que fait Philon le juif, de la vie des premiers chrestiens en Alexandrie, au livre intitulé: De Vita supplicum, où il traitte de sainct Marc et de ses disciples, comme le tesmoignent Eusebe, Nicephore, sainct Hierosme; entre autres, Epiphane, qui nous asseure que Philon escrivant des Jesseens, parloit des Chrestiens sous ce nom, qui, pour quelque tems apres l'Ascension de Nostre Seigneur, pendant que sainct Marc preschoit en Egypte, furent ainsi appellez, peut-estre à cause du nom de Jesus (nom de leur Maistre, qu'ils avoient tousjours en bouche). Celuy qui verra de pres les livres de Philon, cognoistra en ces Jesseens et Therapeutes, c'est-à-dire serviteurs, une tres-parfaicte renonciation de soy-mesme, de sa chair, et de ses biens.

Sainct Martial, disciple de Nostre Seigneur, dans une epistre qu'il escrit aux Tholosains, recite que, par sa predication, la bienheureuse Valleria, espouse d'un roy terrestre, avoit voüé sa virginité de corps et d'esprit au Roy celeste. Sainct Denys, en sa Hierarchie ecclesiastique, fait foy que les Apostres ses maistres, appelloient des religieux de son tems, Therapeutes, c'est-à-dire

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