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tores, et gregum pastores, sed tu tanto gloriosius, quanto differentius nomen hæreditasti.

DISCOURS XXXII.

De la seconde promesse faite à sainct Pierre : « Et je te donneray les clefs du royaume des cieux. »

TL fasche tant aux adversaires qu'on leur propose le siege de sainct I Pierre comme une saincte pierre de tousche à laquelle il faille faire l'espreuve des intelligences, imaginations, et phantaysies qu'ils font és Escritures, qu'ils renversent le ciel et la terre, pour nous oster des mains les expresses parolles de Nostre Seigneur par lesquelles Nostre Seigneur, ayant dit à sainct Pierre qu'il edifieroit sur luy son Eglise, afin que nous sceussions plus particulierement ce qu'il vouloit dire, il poursuit en ces termes: Et tibi dabo claves regni cælorum. On ne sçauroit parler plus clairement; il avoit dit : Beatus es, Simon Barjona, quia caro, etc. Et ego dico tibi, quia tu es Petrus, et tibi dabo, etc. Ce tibi dabo se rapporte à celuy-là mesme auquel il avoit dit, Et ego dico tibi; c'est doncques à sainct Pierre. Mais les ministres taschent tant qu'ils peuvent de troubler si bien la claire fontaine de l'Evangile, que sainct Pierre n'y puisse plus treuver ses clefs, et à nous degouster d'y boire l'eau de la saincte obeyssance qu'on doit au vicaire de Nostre Seigneur.

Et partant ils se sont advisez de dire que sainct Pierre avoit receu ceste promesse de Nostre Seigneur au nom de toute l'Eglise, sans qu'il y ayt receu aucun privilege particulier en sa personne. Mais si cecy n'est violer l'Escriture, jamais homme ne la viola. Car n'estoit-ce pas à sainct Pierre à qui il parloit, et comme pouvoit-il mieux exprimer son intention que de dire: Et ego dico tibi, dabo tibi? et puisqu'immediatement il venoit de parler de l'Eglise, ayant dit: Porta inferi non prævalebunt adversus eam; qui l'eust gardé de dire: Et illi dabo claves regni, s'il les eust voulu donner à toute l'Eglise immediatement? car il ne dit pas : Illi, mais: Dabo tibi. Que s'il est permis d'aller ainsi devinant sur des parolles claires, il n'y aura rien en l'Escriture qui ne se puisse plier à tous sens, quoyque je ne nye pas que sainct Pierre, en cest endroict, ne parlast en son nom et de toute l'Eglise, quand il fit ceste noble confession, non jà comme commis par l'Eglise ou par les disciples (car nous n'avons pas un brin de marque de ceste commission en l'Escriture, et la revelation sur laquelle il fonde sa confession avoit esté faite à luy seul, sinon que tout le college des Apostres eust nom Simon Barjona), mais comme bouche, prince et chef de l'Eglise, et des autres, selon sainct Jean Chrysostome et sainct Cyrille (In hunc loc.), et pour la permanence de son apostolat, comme dit sainct Augustin (ult. in Joan.). Si que toute l'Église parla en la personne de sainct Pierre, comme en la personne de son chef; et sainct Pierre ne parla pas en la personne de l'Eglise car le corps ne parle qu'en son chef, et le chef parle en luy-mesme, non en son corps; et bien que sainct Pierre ne fust pas encore chef et prince de l'Eglise, ce qui luy fut seulement confèré apres la resurrection

du Maistre, il suffit qu'il estoit desjà choysi pour tel, et qu'il en avoit les arrhes, comme aussi les Apostres n'avoient pas encore le pouvoir apostolique, cheminant toute ceste beniste campaigne, plus comme disciples avec leur regent, pour apprendre les profondes leçons qu'ils ont par apres enseignées aux autres, que comme apostres ou envoyez, ce qu'ils firent depuis par tout le monde, lorsque le son de leur voix retentit par tout le monde.

Et ne nye pas non plus que le reste des prelats de l'Eglise n'ayent eu part à l'usage des clefs, et quant aux Apostres, je confesse qu'ils y ont icy toute authorité. Je dy seulement que la collation des clefs est icy promise principalement à sainct Pierre, et à l'utilité de toute l'Eglise. Car, encore que ce soit luy qui les ayt receües, si est-ce que ce n'est pas pour son profict particulier, mais pour celuy de l'Eglise. Le manyement des clefs est promis à sainct Pierre en particulier et principalement, puis en apres à l'Eglise; mais principalement pour le bien general de l'Eglise, puis en apres pour celuy de sainct Pierre: comme il advient en toutes charges publiques. Mais on me demandera quelle difference il y a entre la promesse que Nostre Seigneur fait icy à sainct Pierre de lui donner les clefs, et celle qu'il fit aux Apostres par apres. Car, à la verité, il semble que ce n'estoit que la mesme, parce que, Nostre Seigneur expliquant ce qu'il entendoit par les clefs, il dit: Et quodcumque ligaveris super terram, erit ligatum et in cœlis, et quodcumque solveris, qui n'est autre que ce qu'il dit aux Ápostres en general : Quæcumque alligaveritis. Si doncques il promet en general ce qu'il promet à S. Pierre en particulier, il n'y aura point de rayson de dire que S. Pierre soit plus qu'un des autres par ceste promesse.

Je respons qu'en la promesse et en l'execution de la promesse, Nostre Seigneur a tousjours preferé S. Pierre par des termes qui nous obligent à croire qu'il a esté chef de l'Eglise.

Et quant à la promesse, je confesse que par ces parolles: Et quodcumque solveris, Nostre Seigneur n'a rien promis à S. Pierre qu'il ne fist aux autres par apres : Quæcumque alligaveritis super terram, etc. Car les parolles sont de mesme substance et signification en tous les deux passages.

Je confesse aussi que par ces parolles : Et quæcumque solveris, dites à S. Pierre, if explique les precedentes: Tibi dabo claves; mais je nye que ce soit tout un de promettre les clefs et de dire: Quodcumque solveris. Voyons voir doncques ce que c'est que de promettre les clefs du royaume des cieux. Et qui ne sçayt qu'un maistre partant de sa mayson, s'il laisse les clefs à quelqu'un, que ce n'est sinon luy en laisser la charge et le gouvernement? Quand les princes font leurs rentrées en ville, on leur presente les clefs, comme leur defferant la souveraine authorité.

C'est doncques la supresme authorité que Nostre Seigneur promet icy à sainct Pierre. A la verité, quand l'Escriture veut ailleurs desclarer une souveraine authorité, elle a usé de semblables termes. En l'Apocalypse, quand Nostre Seigneur se veut faire cognoistre à son serviteur, il luy dit: Ego sum primus, et novissimus, et vivus, et fui mortuus, et ecce sum vivens in sæcula sæculorum, et habeo claves mortis, et inferni (Apoc. 1). Qu'entend-il par les clefs de la

mort et de l'enfer, sinon la supresme puissance et sur l'un et sur l'autre? Et là mesme quand il est dit : Hæc dicit sanctus, et verus, qui habet clavem David, qui aperit et nemo claudit, claudit et nemo aperit (Apoc. 3), que pouvons-nous entendre que la supresme authorité de l'Eglise? Et ce que l'ange dit à Nostre-Dame: Dabit illi Dominus sedem David patris ejus, et regnabit in domo Jacob in æternum (Luc. 1), le Sainct-Esprit nous faysant cognoistre la royauté de Nostre Seigneur, ores par le siege ou throsne, ores par les clefs. Mais sur tout le commandement qui est fait en Isaïe pour Eliakim, s'apparie de toutes pieces à celuy que Nostre Seigneur fait à sainct Pierre; là doncques est descripte la deposition d'un souverain prestre et gouverneur du Temple: Hæc dicit Dominus exercituum: Vade, ingredere ad eum qui habitat in tabernaculo, ad Sobnam præpositum templi, et dices ad eum : Quid tu hic? et plus bas, deponam te (Is. 22). Voylà la déposition de l'un, voicy l'institution de l'autre : Ecce in die illa vocabo servum meum Eliakim filium Helciæ, et induam illum tunica tua, et cingulo tuo confortabo eum, et potestatem tuam dabo in manu ejus, et erit quasi pater habitantibus Jerusalem et domui Juda. Et dabo clavem domus David super humerum ejus; et aperiet et non erit qui claudat; et claudet, et non erit qui aperiat.

Y a-t-il rien de plus joignant que ces deux Escritures? Car, Beatus es, Simon Barjona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in cœlis est, ne vaut-il pas bien pour le moins : Vocabo servum meum Eliakim filium Helcia?

Et ego tibi dico, quia tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi, etc., ne vaut-il pas tout autant que Induam illum tunica tua, et cingulo tuo confirmabo eum, et potestatem tuam dabo in manu ejus, et erit quasi pater habitantibus Jerusalem, Et domui Juda? Qu'est-ce autre chose, estre le fondement ou pierre fondamentale d'une famille, que d'y estre comme pere, y avoir la surintendance, y estre gouverneur? Que si l'un a eu ceste asseurance: Dabo clavem David super humerum ejus, l'autre n'en a pas eu moins, qui a ceste promesse Et tibi dabo claves regni cælorum. Que si, quand l'un aura ouvert, personne ne fermera, quand il aura fermé, personne n'ouvrira aussi, quand l'autre aura deslyé, personne ne lyera; quand il aura lyé, personne ne deslyera.

L'un est Eliakim, fils d'Helcias, l'autre Simon, fils de Jonas; l'un est revestu de la robbe pontificale, l'autre de la revelation celeste; l'un a la puissance en sa main, l'autre est un fort rocher; l'un est comme pere en Hierusalem, l'autre est comme fondement en l'Eglise; l'un a les clefs du Temple de David, l'autre celles de l'Eglise evangelique quand l'un ferme personne n'ouvre, quand l'un lye personne ne deslye; quand l'un ouvre personne ne ferme, quand l'un deslye, personne ne lye.

Que reste-t-il plus à dire, sinon que si jamais Eliakim, fils d'Helcias, a esté chef au Temple mosaïque; Simon, fils de Jonas, l'a esté en l'Eglise evangelique. Eliakim representoit Nostre Seigneur comme figure; sainct Pierre le represente comme lieutenant; Eliakim le representa à l'Eglise mosaïque, et sainct Pierre à l'Eglise chrestienne.

Voylà que c'est qu'importe ceste promesse de donner les clefs à sainct Pierre, promesse qui ne fut oncques faite aux autres Apostres. Mais je dy que ce n'est pas tout un de promettre les clefs du royaume, et de dire quodcumque solveris, quoy que l'un soit explication de l'autre ; et quelle difference y a-t-il ? Certes, toute celle qu'il y a entre la proprieté d'une authorité et l'usage. Il se peut bien faire qu'un roy vivant, la reyne, ou son fils, ayt tout autant de pouvoir que le roy mesme à chastier, absoudre, donner, faire grace; il n'aura pourtant pas le sceptre, mais l'usage seulement. Il aura bien la mesme authorité, mais non pas quant à la proprieté, ains seulement quant à l'usage et l'exercice. Tout ce qu'il aura fait, sera fait; mais il ne sera pas chef ny roy, ains faudra qu'il recognoisse que son pouvoir est extraordinaire, par commission et delegation, au lieu que le pouvoir du roy, qui ne sera point plus grand, sera ordinaire, et par proprieté. Ainsi Nostre Seigneur, promettant les clefs à sainct Pierre, luy remet l'authorité ordinaire, et luy donne cest office en proprieté, duquel il desclare l'usage quand il dit: Quodcumque solveris, etc. Or, par apres, quand il fait la promesse aux Apostres, et ne leur donne pas les clefs, ou l'authorité ordinaire, mais seulement les authorise en l'usage qu'ils feront, et en l'exercice des clefs. Ceste difference est prinse des termes propres de l'Escriture, car solvere et ligare ne signifient que l'action de l'exercice; habere claves, l'habitude... Voylà combien est differente la promesse que Nostre Seigneur fit à sainct Pierre de celle qu'il fit aux autres Apostres. Les Apostres ont tous mesme pouvoir avec sainct Pierre, mais non pas en mesme grade, d'autant qu'ils l'ont comme deleguez et commis, et sainct Pierre comme chef ordinaire et officier permanent. Et à la verité il fut convenable que les Apostres, qui devoient par tout planter l'Eglise, eussent tous pleyn pouvoir et entiere authorité d'user des clefs, et pour l'exercice d'icelle; et fut tres-necessaire encore que l'un d'entre eux en eust la gardé par office et dignité, ut Ecclesia quæ una est, comme dit sainct Cyprien (Ep. ad Julian.), super unum qui claves ejus accepit, voce Domini fundaretur.

DISCOURS XXXIII.

De l'exhibition de ces promesses.

NOUS sçavons bien que Nostre Seigneur fit tres-ample procure et commission à ses Apostres de traitter avec le monde de son salut, quand il leur dyt (Joan. 20): Sicut misit me Pater, et ego mitto vos; accipite Spiritum Sanctum, quorum remiseritis, etc. Ce fut l'execution de sa promesse, qu'il leur avoit faite en general (Matth. 18). Quæcumque alligaveritis; mais auquel des autres dit-il jamais en particulier: Pasce oves meas (Joan. 21)? Ce fut le seul sainct Pierre qui eust ceste charge. Ils furent esgaux en l'apostolat, mais quant à la dignité pastorale, sainct Pierre seul en a eu l'institution: Pasce oves meas. Il y a des autres pasteurs en l'Eglise, chascun doit pascere gregem qui in se est, comme dit sainct Pierre (1. Pet. 5), où celuy in quo eum posuit Spiritus Sanctus Episco

pum, selon sainct Paul (Act. 20). Mais cui unquam aliorum sic absolute, sic discrete, dit sainct Bernard, commissæ sunt oves? Pasce oves meas.

Et que ce soit bien à sainct Pierre à qui ces parolles s'addressent, je m'en rapporte à la saincte parolle. Ce n'est que sainct Pierre qui s'appelle Simon Joannis ou Jona (car l'un vaut l'autre, et Jona n'est que l'abrégé de Joannah); et afin qu'on sçache que ce Simon Joannis est bien sainct Pierre, sainct Jean atteste que c'estoit Simon Petrus: Dicit Jesus Simoni Petro: Simon Joannis, diligis me plus his? C'est doncques sainct Pierre auquel en particulier Nostre Seigneur dit : Pasce oves meas.

Mesme que Nostre Seigneur, en ceste parolle, met sainct Pierre à part des autres, quand il le met en comparayson. Diligis me? voyla sainct Pierre d'un costé; Plus his, voylà les Apostres de l'autre. Et quoy que tous les Apostres n'y fussent pas, si est-ce que les principaux y estoient: sainct Jacques, sainct Jean (Joan. 21), sainct Thomas et autres.

Ce n'est que sainct Pierre qui fut fasché de ceste demande; ce n'est que saínct Pierre auquel la mort est preditte. Quelle occasion doncques y peut-il avoir de doubter si c'est à luy seul à qui ceste parolle: Pasce oves meas, s'addresse, qui est conjoincte à toutes

ces autres.

Or, que repaistre les brebis soit avoir la charge d'icelles, il appert clairement. Car, qu'est-ce avoir la charge de paistre les brebis, que d'estre pasteur et berger? et les bergers ont pleyne charge des brebis, et non-seulement ils les conduisent aux pasturages, mais les rameinent, les establent, les conduisent, les gouvernent, les tiennent en crainte, les chastient et deffendent. En l'Escriture, regir et paistre le peuple se prend pour une mesme chose, comme il est aysé à voir en Ezechiel (34), au second des Roys, et és Psalmes en plusieurs endroicts (Psal. 2 et 22), là où, selon l'original, il y a pascere, nous avons regere, et de fait, entre regir et paistre les brebis avec une houlette de fer, il n'y a pas difference. Âu psalme 22, Dominus regit me, c'est à sçavoir me gouverne comme pasteur (Psal. 77). Et quand il est dit que David avoit esté esleu, pascere Jacob servum suum et Israël hæreditatem suam, et pavit eos in innocentia cordis sui, c'est tout de mesme que s'il disoit regere, gubernare, præesse. Et c'est avec la mesme façon de parler que les peuples sont appellez brebis de la pasture de Nostre Seigneur (Psal. 94), si que avoir commandement de paistre les brebis chrestiennes, n'est autre que d'en estre le regent et le pasteur.

Maintenant il est aysé à voir quelle authorité Nostre Seigneur bailla à sainct Pierre par ces parolles : Pasce oves meas. Car à la verité, la charge est si generale qu'elle comprend tous les fidelles, de quelle condition qu'ils soient; le commandement y est si particulier qu'il ne s'addresse qu'à sainct Pierre. Qui veut avoir cest honneur d'estre brebis de Nostre Seigneur, il faut qu'il recognoisse sainct Pierre ou celuy qui tient sa place pour son berger: Si me amas, dit sainct Bernard (De Consid., 1. 2, 8), pasce oves meas. Quas non illius, vel illius populos civitatis aut regionis, aut certe regni: Oves meas, inquit; an non planum est non designasse ali

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