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toire, on apprend les origines de la législation nationale, son cours à travers les âges et les révolutions, les formes nouvelles qu'elle a prises, les anciennes qu'elle a dépouillées; on restitue à chaque siècle ce qui lui appartient; on ne s'imagine plus que tout est d'hier, et que les lois qui nous gouvernent sont tombées du ciel comme les boucliers saliens; et alors, s'il y a des changemens à tenter, des réformes à poursuivre, l'histoire ayant fait son enquête, la philosophie peut prononcer.

C'est avec une grande sagacité que M. de Savigny choisit le sujet de son histoire : en effet, il était capital pour l'école historique de démontrer l'importance du droit romain par le tableau de ses destinées et de son histoire, de raconter sa durée en Europe, son éternelle présence dans les moeurs et dans la civilisation du moyen âge, et comment, sans interruption, il avait constitué jusqu'à nos jours avec le christianisme et les établissemens germaniques le droit européen. Malheureusement, à ces vues si profondément historiques (1) M. de Savigny ne joignit pas le jugement rationnel du philosophe : on dirait que c'est comme un parti pris par cet illustre jurisconsulte de fuir tout ce qui ressemble à une idée philosophique, qu'il craint la philosophie comme quelque chose de révolutionnaire et de funeste à la jurisprudence; mais c'est précisément cette préoccupation qui a fait de M. de Savigny l'expression la plus tranchée, la plus nette et la plus brillante de l'école historique; il en est le chef, l'écrivain à la fois profond et populaire, et le représentant. De là aussi la vive réaction de la philosophie à laquelle nous allons bientôt assister.

Cependant la science s'enrichissait de précieuses découvertes. Les Institutes de Gaïus, des fragmens nombreux du code Théodosien, les fragmens dits du Vatican, la République de Cicéron, plusieurs fragmens de ses discours, les oeuvres de Fronton, les Lettres de Fronton et de Marc-Aurèle, la Rhétorique de Julius-Victor, des fragmens de Symmaque, de Denys d'Halicarnasse, de Lydus sur les magistratures de la république romaine, furent pour la jurisprudence et la philologie d'inestimables conquêtes (2).

ges produits par les chefs d'école; mais, à côté et au-dessous d'eux, il y a d'innombrables ouvrages et opuscules d'érudition historique produits sur tous les points par l'inépuisable Allemagne. C'est seulement par la lecture attentive de sa littérature périodique, et la comparaison des journaux de ses différentes universités, qu'on peut connaître cette fécondité intarissable qui, surtout en philosophie, en jurisprudence et en histoire, ne permet pas à une opinion, à une théorie, d'être un instant sans contradicteur. Sans doute, dans cette mobilité infinie de la science, tout n'est pas également riche et précieux : n'importe, vaut mieux à l'esprit humain l'exubérance que la pauvreté.

(1) Voyez, à l'Appendice, notre analyse raisonnée.

(2) Voyez le tableau de ces découvertes dans les deux premiers numéros du Kritische Zeitschrift für Rechtswissenchaft, rédigé par le professeur Schrade à Tubingue..

C'est ainsi que, depuis 1790 jusqu'à nos jours, la jurisprudence historique, régénérée dans ses sources, poursuit ses études; mais l'érudition ne s'est pas uniquement occupée du droit romain. Dès 1770, vingt ans avant l'apparition de Hugo, Michaëlis, théologien rationnel, avait publié son Droit mosaïque (Mosaisches Recht), et ouvrait ainsi l'ère nouvelle des saines études de la théologie historique. Eicchorn lui succéda en le réfutant sur plusieurs points. Son fils fit, sur le droit germanique, Deutsche Staats und Rechtsgeschichte, un ouvrage capital, avec lequel il faut citer les travaux de Moeser, de Rogge et de Grimm. Ce n'est pas tout la législation des Grecs et le droit attique furent profondément explorés par Hullmann, Platner, Bunsen, Meier et Heffter.

A côté de ce développement général de la science historique il ne faut pas oublier les jurisconsultes criminalistes qui procédaient en ligne directe de la philosophie rationnelle de Kant. L'école de Voltaire, avec sa philanthropie ardente et mobile, avait inspiré Beccaria, ame pure, esprit médiocre. Kant et son criticisme imprimèrent aux jurisconsultes qui cherchèrent le fondement de la pénalité, un caractère rationnel et scientifique. Sans doute depuis Kant, et à commencer par Fichte, de profonds dissentimens séparent les criminalistes allemands, notamment de nos jours MM. de Feuerbach et de Grolman. Les systèmes se sont développés et combattus dans une variété infinie (1). Le sensualisme même s'est montré quelquefois dans les théories des jurisconsultes; mais toujours c'est de l'étude de l'homme, de la psychologie, que procèdent les systèmes. Ajoutez aussi que la science et l'histoire du droit fortifient en Allemagne les théories et les spéculations abstraites (2), et vous concevrez quelle opposition vive, quel contraste tranché, forment avec l'école philanthropique de Voltaire les criminalistes allemands, les systèmes divers de Fichte, Feuerbach, Grolman, Henke, Schulze, Hegel, Spangenberg, qui tous s'appuient à différens degrés sur la connaissance de l'homme et de l'histoire, et dont l'origine dans la chronologie de la science remonte à l'avénement de Kant.

L'Allemagne méridionale, voisine de la France, qui pendant plusieurs années lui communiqua ses mœurs et ses lois, incline sensiblement aujourd'hui à des projets de réforme dans la législation par la voie de la science. Recherches historiques, plans de code, idées dogmatiques, semblent concourir à ce but. Cette année même deux célèbres

(1) M. de Feuerbach donne, au commencement de son Lehrbuch des peinlichen Rechts, une liste de criminalistes; 10e édit., 1828.

(2) Voyez les Archives du droit criminel de M. Mittermaier, et le projet de code pénal rédigé par M. Zachariæ.

jurisconsultes d'Heidelberg, MM. Mittermaier et Zachariæ (1), ont fondé un journal critique de jurisprudence et de législation étrangères, où les jurisconsultes des différens pays auront un centre commun de communication et de doctrine, espèce d'enquête européenne sur les théories et les faits.

Dans cette richesse et cette variété de la jurisprudence en Allemagne, on sent la vie et le progrès. Depuis 1790 la théorie y continue ses paisibles agitations; et cependant nous, en France, nous faisions de la pratique à la tribune et sur les champs de bataille.

(1) Ces deux savans ont depuis long-temps bien mérité de la science par d'importans travaux. M. Mittermaier a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire et la théorie de la procédure criminelle; il est un des principaux rédacteurs du recueil intitulé : Archiv für die civilistiche Praxis, Archives pour l'application du droit civil; ainsi que d'un autre, spécialement consacré au droit criminel : Neues Archiv des criminalischen Rechts, Nouvelles archives du droit criminel. M. Zachariæ a écrit plusieurs ouvrages sur le droit public, un projet de code pénal, et un excellent Manuel de droit civil français, composé d'après notre code, que nous regrettons infiniment de ne pas voir traduit.

CHAPITRE XVIII.

NOUVELLE ÉCOLE PHILOSOPHIQUE.

M. GANS.. · ESQUISSE DU SYSTÈME

DE M. HEGEL.

Kant avait donc réveillé le sentiment du droit; par sa psychologie morale il avait exalté dans l'homme le sentiment exclusif de sa personnalité, de sa nature propre, et des lois subjectives de sa conscience et de sa pensée. Fichte vint après lui poursuivre cet idéalisme et le pousser à bout. A ses yeux non-seulement l'homme imprime ses lois au monde, mais il l'absorbe, et ce qui semble hors de lui n'est plus qu'une façon d'être de sa propre nature. De cette apogée de l'idéalisme, Fichte étudia tout ce qui relève de la conscience, et par conséquent le droit. Nous ne pouvons ici examiner son Droit naturel, et nous exposerons ailleurs (1) ses théories, où, tout en marchant dans les voies de Kant, il le laisse derrière lui, et dépose l'empreinte durable d'une observation sagace, subtile et profonde.

Cependant, arrivée aux dernières limites de l'idéalisme, la philosophie se retourna, et de l'homme revint à la nature. Schelling dans sa vaste pensée embrassa tout ce qui existe hors de l'homme, tout ce qui est extérieur, objectif, le monde physique et le monde moral. Ses disciples se partagèrent le panthéisme de leur maître : les uns se jetèrent dans l'étude de la nature, les autres portèrent la main sur l'histoire. A la tête de ces derniers nous rencontrons M. Hegel.

La philosophie de la nature, appliquée au droit par M. Hegel, a maintenant, dans la jurisprudence positive et dans l'histoire même du droit, un représentant, M. Gans. Nous ne saurions donc renvoyer à un autre temps de parler du système même, dont la profondeur et l'étendue, la rédaction brève, les formules tranchées, rendent l'intelligence et l'expo

(1) Nous nous sommes fait une loi, dans cette Introduction, de ne pas nous arrêter aux philosophes qui n'ont point exercé d'influence sur la science du droit proprement dite. Voilà pourquoi nous n'avons point parlé des doctrines de Hobbes, contemporain de Grotius. Par la même raison, nous mentionnons seulement le système de Fichte, successeur de Kant; mais ailleurs et plus tard nous nous occuperons de l'histoire spéciale de la philosophie du droit, et nous exposerons alors les systèmes qu'aujourd'hui nous devious omettre.

PHILOSOPHIE DE LA NATURE, APPLIQUÉE A LA JURISPR. 163 sition difficiles : car nous sommes séparé de la pensée de l'auteur par une langue et une civilisation étrangères; nous ne l'avons point entendu; et nous n'avons, pour entrer en commerce avec lui, qu'un livre court, sans développemens, muet.

M. Hegel, dans son Encyclopédie (1), met la science du droit dans le domaine de la philosophie. Il partage son Encyclopédie en trois parties principales: la science de la logique, la philosophie de la nature, la philosophie de l'esprit. Dans la science de la logique, il examine les lois de l'être, de la substance et de l'homme, en tant que sujet qui conçoit et qui connaît. La philosophie de la nature se partage en mécanique, physique et organique. La philosophie de l'esprit s'occupe d'abord de l'esprit subjectif; là anthropologie, phénoménologie, psychologie: ensuite de l'esprit objectif; là, théorie du droit : enfin de l'esprit absolu; là, théorie de l'art, de la religion révélée et de la philosophie. En 1821, M. Hegel publia séparément les principes de sa philosophie du droit (2). En voici les traits principaux.

La science philosophique du droit a pour objet l'idée, la conception et la réalisation du droit.

L'idéal du droit est l'objet de la science; cet idéal tombe dans la conception subjective et les développemens individuels; en d'autres termes, dans la science du droit il y a à la fois l'idéal objectif de la science, puis la perception subjective de la science même.

La science du droit est une partie de la philosophie.

Le droit est positif, surtout par la forme, c'est-à-dire par la vigueur qu'il a dans l'État, et cette force de loi dont il est revêtu est le principe même qui conduit à sa connaissance, c'est-à-dire à la science positive du droit.

Mais quel est le sol sur lequel le droit prend racine ? C'est l'intelligence, et son point de départ est la volonté, qui est libre: c'est par la volonté que nous pratiquons le droit, que nous lui donnons une forme, que nous l'amenons à la vie, à la réalité, au drame.

Si le droit est à la fois la forme et la substance de la liberté, qui a conscience d'elle-même, il doit suivre nécessairement que le droit est quelque chose de sacré.

Le droit posé comme développement de la volonté, la volonté est immédiate, spontanée, sort d'elle-même, et se produit dans le monde exté

(1) Encyclopaedie der philosophischen Wissenschaften im Grundrisse. 2o Ausgabe. Heidelberg, 1827. La première édition date de 1817.

(2) Il a intitulé son ouvrage : Grundlinien der Philosophie des Rechts, et Naturrecht und Stratswissenschaft im Grundrisse.

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