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» ordinaire des femmes, à ce que j'ai pu obser>>ver, est moins un repentir de leurs péchés, » qu'un regret de leurs plaisirs; en quoi elles » sont trompées elles-mêmes, pleurant amou>> reusement ce qu'elles n'ont plus, quand elles >> croient pleurer saintement ce qu'elles ont fait... » Quand elles étaient jeunes, elles sacrifiaient >> des amans; n'en ayant plus, elles se sacrifient >> elles-mêmes. La nouvelle convertie fait un » sacrifice à Dieu de l'ancienne voluptueuse.... » Quelquefois elles veulent s'élever au ciel de >> bonne foi, et leur faiblesse les fait reposer en » chemin avec les directeurs qui les conduisent. » La dévotion a quelque chose de tendre pour >> Dieu, qui peut retourner aisément à quelque >> chose d'amoureux pour les hommes. >>

Je ne citerai rien de plus sur ce chapitre des dévotes, qui devient un peu satyrique. Ce qu'il y a de mieux, c'est le titre : (La dévotion est le dernier de nos amours.) On en ferait une maxime digne de Larochefoucauld, qui, ei sa qualité de chrétien, aurait pu ajouter que cet amourlà sert à faire sentir le vide de tous les autres.

Voltaire, qui a tiré parti de tout, s'empare quelquefois des idées de Saint-Evremond, jusqu'à mettre sa prose en vers; témoin cet endroit « César profita des travaux de tous les » Romains; les Scipions, les Emiles, Marcel»lus, Marius, Sylla, et Pompée, ses propres » ennemis, avaient combattu pour lui: tout ce » qui s'était fait en six cents années fut le fruit » d'une heure de combat. »

Et dans la Mort de César :.

Nos imprudens aïeux n'ont vaincu que pour lui.
Ces dépouilles des rois, ce sceptre de la Terre,
Six cents ans de vertus, de travaux et de guerre,
César jouit de tout, et dévore le fruit

Que six siecles de gloire à peine avaient produit.

Il y aurait beaucoup à observer dans ce que Saint-Evremond écrit sur l'histoire. Quoique le jugement ne manque point chez lui, en général, il n'est ni assez sûr ni assez étendu; et nous verrons ailleurs qu'il en est de même de sa critique en littérature (1). Il n'a guere, sur tous les sujets qu'il traite, qu'un premier aperçu, quelquefois assez vivement saisi par un goût naturel, mais qui s'arrête ou s'égare là où il faudrait que la réflexion vint diriger où étendre ses vues. Quant à sa diction, quoique peu soutenue, quelquefois elle n'est pas au dessous de sa matiere. Il dit, en parlant d'Alexandre : « Il n'é>> tait proprement dans son naturel que dans les >> choses extraordinaires : s'il fallait courir, il >> voulait que ce fût contre des rois; s'il aimait » la chasse, c'était celle des lions. Il avait peine » à faire un présent qui ne fût digne de lui; >> jamais si résolu, jamais si gai que dans l'abat>>tement des troupes; jamais si constant, si as>>suré que dans leur désespoir; en un mot, il » commençait à se posséder pleinement où les >> hommes ordinaires, soit par crainte, soit par >> quelque autre faiblesse, ont accoutumé de ne » se posséder plus. »

Ce qu'on appelle les Euvres de Saint-Evremond, est en grande partie composé de Lettres, Il était alors à la mode de les écrire comme des 'ouvrages; et c'était le plus souvent un moyen pour qu'elles ne fussent bonnes, ni comme ouvrages, ni comme lettres. Les siennes sont, pour la plupart, très-médiocres. On y a joint jusqu'aux billets les plus insignifians, tant on était avide de tout ce qui sortait de sa plume. Mais heureusement il s'y rencontre aussi quelques lettres de la célebre Ninou de Lenclos: celles-là n'é

(1) Dans le nouveau commentaire de Racine.

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taient pas écrites pour le public, on le voit bien, et on les lit avec d'autant plus de plaisir, qu'elle y montre avec la même franchise, et son caractere et son esprit, et que tous deux la font aimer. C'est pour elle que Saint-Evremont fit ces quatre vers, à peu près les seuls qu'on ait retenus de lui:

L'indulgente et sage nature
A formé l'ame de Ninon
De la volupté d'Epicure
Et de la vertu de Caton.

On peut cependant y joindre ceux-ci, qu'il adresse à cette même Ninon:

Je vis éloigné de la France,
Saus besoin et sans abondance,
Content d'un vulgaire destin.
J'aime la vertu sans rudesse;
J'aime le plaisir sans mollesse;
J'aime la vie, et n'en crains pas la fin.

Si les Mémoires pour la duchesse de Mazarin, imprimés dans les Euvres de Sanit-Evremond, étaient de lui, il y aurait de quoi s'étonner; que eet homme qui professait la galanterie, écrivît mieux comme avocat que comme galant. Mais il est avéré qu'ils sont d'Erard, célebre avocat de ce temps, et qui méritait sa réputation, à n'en juger que par ces Mémoires. On les crut long-tems de Saint-Evremond, parce qu'ils étaient d'un style piquant et d'une tournure légere; ce qui prouvait seulement que l'avocat, homme d'esprit, avait quitté le style du barreau pour prendre celui de son sujet.

Il serait superflu de s'étendre sur les autres bagatelles de ce recueil; elles prouvent à tout moment l'extrême incertitude de son goût. Cependant les pieces réunies à ses œuvres, comme lui ayant été attribuées, prouvent aussi son mé

rite; et quand un abbé Pic et un la Valterie veulent faire du Saint-Evremond, ils sont encore fort loin de lui. Mais il n'en est pas de même de la conversation si connue du Pere Canaye et du maréchal d'Hocquincourt. Ce morceau, qui est de Charleval, est connu comme un modele de finesse, de gaîté et de bonne plaisanterie, et je ne serais pas surpris qu'on aimât mieux l'avoir fait, que tous les ouvrages de Saint-Evremond.

CHAPITRE IV.

Littérature mélée.

SECTION PREMIERE.

Romans.

Les bons romans sont l'histoire du cœur humain, et ce n'est pas ce qu'ils furent d'abord parmi nous. Les plus anciens, tels que le Roman de la Rose, ont pu n'être pas inutiles à notre langue naissante, dans un tems où on ne la croyait pas encore digne des ouvrages sérieux. J'avoue franchement que jamais je n'ai pu les lire, non plus que l'Astrée, quoique beaucoup plus moderne, et malgré la vogue prodigieuse qu'elle avait encore au commencement du dernier siecle. Quelques traits de naïveté, quelques images pastorales que l'on pouvait rechercher dans un tems où l'on manquait de meilleurs modeles, ne peuvent aujourd'hui faire supporter le verbiage et le galimathias, si ce n'est aux philologues de profession, aux érudits, aux étymologistes, qui

se font un plaisir d'habiter dans les ténébreuses antiquités de notre langue, de deviner notre vieux jargon, et qui se croient assez payés de leur patience quand ils ont déterré quelques origines ou qu'ils peuvent citer un mot heureux. Chacun se nourrit de ce qu'il aime on s'est même avisé de faire revivre ce vieil idiome dans des productions modernes, et d'écrire au dixhuitieme siecle comme on parlait au douzieme. On a employé dans des romans de nos jours le style de la belle Magulone et de Pierre de Provence. Il y a des gens qui trouvent dans cette sorte de pastiche une invention merveilleuse : moi, qui n'y entend pas finesse, je n'y vois qu'un moyen facile de se passer de style et d'esprit.

Je n'ai pas lu non plus, du moins jusqu'au bout, la Clélie ni le Cyrus, dont Boileau s'est tant moqué et avec tant de raison, ni l'Ariane de Desmarets, qui vaut encore moins, et qui n'eut pas moins de réputation: ce n'est pas faute de bonne volonté; mais il m'est impossible de lire ce qui m'ennuie.

Il faut toujours en revenir à ce que disait Voltaire: Oh! qu'il fait bon venir à propos! Mademoiselle Scudéry, avec ses grands romans, se fit une grande renommée, du moins jusqu'au moment où Despréaux les eut réduits à leur valeur. On avait alors la manie des portraits, et cette demoiselle ne manquait pas de faire celui de tous les personnages célebres de son tems, sous des noms anciens. On était flatté de se voir encadré dans cette galerie. Mademoiselle de Rambouillet y parut sous le nom d'Artenice, qu'elle conserva toujours, jusque dans l'oraison funebre que l'on fit en son honneur; et la modestie des solitaires de Port-Royal ne put résister à la petite vanité de se voir désignés avec éloge dans ces productions

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