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olympiques. Que votre Majesté nous permette un peu d'orgueil et d'audace: comme elle, Sire, quoique non autant qu'elle, nous serons justes, vaillans, prudens, tempérans, libéraux même; mais comme elle, nous ne saurions être clémens. Cette vertu, toute douce, toute humaine qu'elle est, plus fiere, qui le croirait? que toutes les autres, dédaigne nos fortunes privées, d'autant plus chere aux grands et aux magnanimes princes, tels que votre Majesté, qu'elle ne se donne qu'à eux; qu'en toutes les autres, quoiqu'au dessus des lois, ils suivent les lois, et qu'en celleci ils n'ont point d'autre loi qu'eux-mêmes. Je me trompe, Sire, je me trompe s'il y a tant de lois de justice, il y a du moins, pour votre Majesté, une générale, une auguste, une sainte loi de clémence qu'elle ne peut violer, parce qu'elle l'a faite elle-même, pour elle-même, comme le Jupiter des fables faisait la destinée, comme le vrai Jupiter fit les lois invariables du Monde, je veux dire en la prononçant. Votre Majesté s'en étonne sans doute, et n'entend point encore ce que je lui dis: qu'elle rappelle, s'il lui plaît, pour un moment en sa mémoire ce grand et beau jour que la France vit avec tant de joie, que ses ennemis, quoiqu'enflés de mille vaines prétentions, quoiqu'armés et sur nos frontieres, virent avec tant de douleur et d'étonnement; cet heureux jour, dis-je, qui acheva de nous donner un grand roi, en répandant sur la tête de votre Majesté, si chere et si précieuse à ses peuples, l'huile sainte et descendue du ciel. En ce jour, Sire, avant que votre Majesté reçût cette onction divine, avant qu'elle eût revêtu ce manteau royal qui ornait bien moins votre Majesté qu'il n'était orné de votre Majesté même, avant qu'elle eût pris de l'autel, c'est-à-dire, de la propre main de

Dieu, cette couronne, ce sceptre, cette main de justice, cet anneau qui faisait l'indissoluble mariage de votre Majesté et de son royaume, cette épée nue et flamboyante, toute victorieuse sur les ennemis, toute puissante sur ses sujets, nous vîmes, nous entendîmes votre Majesté, environnée des pairs et des premieres dignités de l'Etat, au milieu des prieres, entre les bénédictions et les cantiques, à la face des autels, devant le Ciel et la Terre, les hommes et les anges, proférer de sa bouche sacrée ces belles et magnifiques paroles, dignes d'être gravées sur le bronze, mais plus encore dans le cœur d'un si grand roi Je jure et promets de garder et faire garder l'équité et miséricorde en tous jugemens, afin que Dieu, clément et miséricordieux, répande sur moi et sur vous sa miséricorde.

» Si quelqu'un, Sire (nous ne le pouvons penser), s'opposait à cette miséricorde, à cette équité royale, nous ne souhaitons pas même qu'il soit traité sans miséricorde et sans équité. Mais pour nous, qui l'implorons pour M. Fouquet, qui ne l'implore pas seulement, mais qui y espere, mais qui s'y fonde, quel malheur en détournerait les effets? Quelle autre puissance si grande et si redoutable dans les Etats de votre Majesté l'empêcherait de suivre, et ce serment solennel, et sa gloire et ses inclinations toutes grandes, toutes royales, puisque, sans leur faire violence et sans faire tort à ses sujets, elle peut exercer toutes ces vertus ensemble? L'avenir, Sire, peut être prévu, réglé par de bonnes lois. Qui oserait encore manquer à son devoir quand le prince fait si dignement le sien? Que personne ne soit plus excusé : personne n'ignore maintenant qu'il est éclairé des propres yeux de son maître. C'est là que votre Majesté fera voir avec raison jusqu'à sa sévérité même, si ce n'est pas

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assez de sa justice. Mais pour le passé, Sire, il est passé, il ne revient plus, il ne se corrige plus. Votre Majesté nous avait confiés à d'autres mains que les siennes persuadés qu'elle pensait moins à nous, nous pensions bien moins à elle; nous ignorions presque nos propres offenses, dont elle ne semblait pas s'offenser. C'est là, Sire, le digne sujet, la propre et véritable matière, le beau champ de sa clémence et de sa bonté. »

Que l'on songe a ce qu'étaient Louis XIV Fouquet, et Pélisson; et si l'on veut se faire une idée de la différence des tems, et de ce que peut devenir une nation d'un siecle à l'autre, que l'on considere que, s'il s'était agi, de nos jours, de défendre, non pas un Fouquet, réellement coupable de malversation et même de crime d'Etat, puisqu'il avait projeté de se fortifier contre son roi dans Belle-Isle, mais quelqu'un de ces inno· cens proscrits, sans aucune espece de jugement quelconque, par des décrets conventionnels,ilne se serait trouvé personne qui eût osé adresser à la tyrannie qu'on appelait gouvernement, une apologie publique en faveur de celui-là même dont la cause eût été la plus favorable, et que s'il se fût élevé un défenseur de ces infortunés, la seule réponse à ses écrits eût été le même arrêt de proscription. Aussi dans ces malheureux jours l'infamie du silence a été égale à celle des paroles, et cette nation, si fiere auparavant et si genéreuse, semble avoir mérité ses maux inouis par un avilissement sans exemple (1).

(1) Prononcé en 1794.

SECTION II.

Du genre démonstratif, ou des panégyriques discours d'apparat, etc. Du genre deliberatif et des assemblées nationales.

Quant au genre démonstratif, qui comprend les panégyriques de toute espece, les harangues de félicitation, de remercîment, d'inauguration, Patru cite sa harangue à la reine Christine, prononcée à la tête de l'Académie, et qui est, dit-il, un panégyrique mélé d'action de grâces, comme le discours de Cicéron pour Marcellus. Ce n'est pourtant, comme toutes les pieces semblables du même tems, qu'une amplification de rhétorique. On n'y aperçoit autre chose que le soin laborieux de construire et cadencer des périodes, et d'entasser des hyperboles. On s'extasiait alors sur la noblesse des expressions et le nombre de la phrase, sans s'occuper assez du fond des idées, parce que la formation du langage était encore une affaire capitale. Les complimens de réception à l'Académie, contenant l'éloge de ses membres, n'étaient pas non plus examinés sous un autre point de vue, et la plupart de ceux du dernier siecle sont dans le même goût. Les meilleurs, ceux qui sont au moins purgés de toute déclamation, n'offrent rien de plus que de l'esprit et de l'élégance, si l'on excepte celui de Racine à la réception de Thomas Corneille. Les discours sur des points de morale, d'après un texte choisi dans l'Ecriture, proposés pour sujet de prix, étaient de froids traités ou de mauvais sermons; et ce qu'il y avait de plus passable, comme par exemple un discours de Fontenelle sur la Fatience, qui fut couronné, n'était pas au dessus au médiocre pour le style, et ne ressem

blait en rien à l'éloquence. Les panégyriques des Saints, ceux même dont les auteurs ont mérité d'ailleurs le plus de réputation; ceux qui nous restent de Bourdaloue, de Bossuet, de Fléchier, sont au nombre de leurs plus faibles compositions. Les mieux faits sont encore ceux de Fléchier, le premier des rhéteurs de son siecle. Mais quand même ils seraient aussi bons qu'ils peuvent l'être, Patru aurait encore de la peine à nous persuader que ces sortes de sujets pussent avoir autant d'effet sur l'imagination, que Pline parlant à la tête du sénat de Rome, et remerciant le maître du Monde d'en être le bienfaiteur, ou Cicéron félicitant César d'avoir rendu Marcellus au sénat, ou faisant devant le peuple romain l'éloge de Pompée, vainqueur des na

tions.

Patru n'a pas assez senti que la différence des lieux, des choses et des hommes est de quelque poids dans l'éloquence. Comme il avait été chargé plus d'une fois de faire la harangue de présentation lorsqu'un avocat-général était reçu au parlement, il compte aussi ces sortes de discours parmi les sujets d'éloquence moderne. Mais dans le fait, comme ces discours ne sont et ne peuvent guere être autre chose que des politesses et des exagérations convenues, et que le récipiendaire doit toujours être, en vertu de son office et de la cérémonie, le modele de tous ceux de sa profession, ces complimens ne sont jamais sortis de l'enceinte où ils ont été débités.

Il convient du moins que le troisieme genre, le délibératif, est plus en usage dans les républiques, que dans les monarchies. Cependant il revendique, pour les Modernes, les discours que l'on peut faire dans les délibérations des corps de magistrature. Ce genre, dit-il, pouvait étre de saison dans le tems de la Fronde; ce qui veut

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