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parlement le desir de couvrir du nom d'un chef de parti les vices d'un archevêque. Ainsi, en dernier résultat, il fut cause de quatre années de guerre civile, parce qu'il avait du goût et du talent pour la faction, et parce qu'il voulait être moins obligé de cacher ses débauches; et le reste de sa vie fut sacrifié à l'expiation de ces quatre années d'un pouvoir employé à faire du mal. Certes, il n'y a là rien de grand, ni dans les principes ni dans les effets: il n'y a de louable que le repentir.

La seule gloire qui lui soit restée, est celle à laquelle il songeait le moins, celle d'écrivain supérieur. Ce n'est pas que je le compare comme on l'a fait un peu légèrement, à Tacite, dont il n'a ni la profondeur de vues ni la force de pinceau; à Salluste, dont il n'égale ni la précision originale ni l'expression heureuse. Son style est comme son génie, plein de feu et de hardiesse, mais sans regle et sans mesure. On peut reprocher à quelques-uns de ses portraits des antitheses accumulées et forcées; mais ce défaut, qui est rare chez lui, n'empêche point que le naturel de la vérité ne domine dans sa diction : de même ses inégalités n'en diminuent point l'éclat elles sout évidemment les négligences d'un homme qui adresse ses Mémoires à une amie intime comme une confidence épistolaire. Il sait raconter et peindre; mais on voit par les témoignages de ses contemporains, que sa mémoire le trompe assez souvent sur les faits et les dates, et que ses prétentions le rendent quelquefois injuste sur les personnes. Il a beaucoup de franchise sur ce qui le regarde, moins pourtant qu'il n'en veut faire paraître, et son amourpropre, qui le conduisait dans ses écrits comme dans ses actions, avoue quelques fautes, pour faire croire plus aisément à une suite de combi

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naisons qu'il est trop facile d'arranger après les événemens, pour que l'on puisse toujours les attribuer à la prudence. Malgré cet artifice, qu'il peint le mieux dans ses ouvrages, c'est lui-même, et l'on peut dire de lui, comme de César, qu'il a fait la guerre civile et l'a écrite avec le même esprit (1). Ses inclinations et ses principes percent de tous côtés; sa politique est tournée toute entiere vers les dissentions domestiques; toutes ses maximes sont adaptées à des tems de cabale et de discorde, et il ne juge presque les hommes que par ce qu'ils peuvent être dans les factions; c'est-à-dire, sur le modele qu'il est plus que personne en état de fournir d'après lui. Enfin, ces Mémoires, pleins d'esprit, d'agrément, de saillies, d'imagination, de traits heureux, laisseront toujours l'idée d'un homme fort au dessus du commun. Il n'y a guere de défauts que ceux qu'il était capable d'éviter en composant avec plus de soin, comme dans sa conduite, ce qu'il y a de plus vicieux n'empêche pas qu'on aperçoive ce qu'il aurait pu être si la fortune l'avait autrement placé.

(1) Eodem animo scripsit quo bellavit.

CHAPITRE III.

Philosophie.

SECTION PREMIERE.

Métaphysique.

Descartes, Pascal, Fénélon, Mallebranche, Bayle.

La philosophie eut le même caractere de l'éloquence; elle fut presque toute religieuse, c'està-dire, toujours appuyée sur ces bases premieres et universelles, la croyance d'un Dieu et l'immortalité de l'ame immatérielle : idées meres, dont les conséquences pour les esprits justes et les cœurs droits s'étendent infiniment plus loin qu'on ne l'a cru de nos jours, puisque, bien saisies et bien développées, elles vont jusqu'à la nécessité d'une révélation. C'est en ce sens que la religion entre dans toute bonne philosophie; et c'est pour cela que celle du dernier siecle fut souvent sublime, et s'égara fort peu, presque saus danger, et toujours sans scandale.

Hors les athées, qu'il ne faut jamais compter quand on raisonne, d'ailleurs tout le monde convient que l'idée d'un premier être est le principe de toutes nos connaissances métaphysiques, comme elle est en même tems le fondement et la sanction de toutes les vérités morales, puisque sans un Dieu il ne peut y avoir dans les actions des hommes de moralité réelle. Elle est aussi la seule explication satisfaisante de tous les phénomenes physiques, puisque leur premiere cause

est le mouvement, et que le mouvement en luimême, de l'aveu de Newton qui en a expliqué les lois, est inexplicable sans un premier moteur. Il s'ensuit que la vraie philosophie est inséparable de la religion, au moins de celle qui est pour ainsi dire le premier instinct des hommes les plus bornés, comme elle a été la doctrine des esprits les plus transcendans, de Platon, de Socrate, d'Aristote, de Cicéron, chez les Anciens, et parmi les Modernes, de Descartes, de Leibnitz, de Locke et de Fénélon, qui ont fait voir que cette religion primitive que rejettent les athées, conduit à la nôtre que rejettent les incrédules; et c'est ce qui fait que les philosophes du siecle passé les ont souvent fait marcher de front, et se sont servis de l'une pour appuyer l'autre.

Mais aussi la curiosité est inséparable de la raison humaine; et c'est parce que celle-ci a des bornes, que l'autre n'en a pas. Cette curiosité en elle-même n'est point un mal; elle tient à ce qu'il y a de plus excellent dans notre nature; car s'il n'est donné de tout savoir qu'à celui qui a tout fait, l'homme s'en rapproche du moins autant qu'il le peut en desirant de tout connai tre, et l'on sait que ce grand et beau desir a été dans les sages de tous les tems le sentiment de leur noblesse et le pressentiment de leur immor talité.

Sans doute ce desir, qui ne peut être rempli que dans un autre ordre de choses, sera toujours trompé dans celui-ci; mais du moins nous lui devons ce que nous avons pu acquérir de connaissances spéculatives; et les illusions qui ont dû s'y méler, sont celles de l'amour-propre, et prouvent seulement que la raison a besoin d'un guide supérieur qui lui trace la carriere, hors de laquelle elle ne peut que s'égare r.

C'est en méconnaissant ce guide que la curiosité en tout genre devient fanatisme; et le fanatisme, soit religieux, soit philosophique, n'est, quoi qu'on en ait dit, ni l'enfant de la religion, ni celui de la philosophie : il est l'enfant de l'orgueil, puissance violente et terrible. La raison, au contraire, même quand elle se trompe, est par elle-même une puissance tranquille qui ne se passionne point, et pour laquelle les hommes ne se battent pas. Le fanatisme ment quand il parle au nom du ciel ou de la raison : la philo sophie et la religion le désavouent également : il les outrage et les dénature toutes les deux, et toutes les deux le détestent. Il preud de l'une des argumens dont il fait des sophismes, et de l'autre des dogmes dont il fait des hérésies; et de cet alliage impur sont sortis tous les maux qui ont désolé le Monde, depuis l'arianisme qui ensanglanta les conciles, jusqu'au philosophisme (1) de ce siecle, qui a fait de la France le théâtre de tous les crimes.

A la tête de tous ceux qui, dans le dernier siecle, out vraiment mérité le nom de philosophes, il faut sans doute placer Descartes. Sa dioptrique et l'application de l'algebre à la géométrie, découverte qui l'a mis au rang des inven

(1) On est obligé d'adopter ce mot, devenu nécessaire pour prévenir toute méprise, et qui signifie l'amour du sophisme, l'amour du faux, comme philosophie veut dire amour de la sagesse, amour du vrai. Dans le génie de la langue grecque, les mots de sophisme et de sophistes suffisaient pour marquer l'abus; dans la nôtre, ce n'est pas assez, parce que nos sophistes ne ressemblent point à ceux de l'antiquité. Ceux-ci n'ont jamais troublé la terre; les autres ont voulu l'asservir, et ont été au moment de ramener le chaos. Il a donc ici amour du mal, et par conséquent beaucoup plus qu'erreur ; c'est ce qui doit faire admettre le mot de philosophisme.

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