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Mais il faut que ces ornemens soient tirés des mœurs et des objets champêtres. L'émail des prairies, les bocages paisibles, les moissons jaunissantes, les fleurs, les fontaines, les oiseaux, la fraîcheur du matin, le soir d'un beau jour, en un mot, la scène variée des campagnes doit seule fournir au poète le sujet de ses tableaux et de ses images. Encore même faut-il que dans ces images la distribution et l'assortiment des couleurs paroissent être, non l'effet de l'art, mais l'ouvrage de la nature. Gresset, dans son Ode à Virgile, parlant de l'églogue, veut,

Qu'en industricuse bergère,
Elle dépeigne les forêts,
Mais sur une toile légère,
Sans des coloris indiscrets ;
Et que jamais le trop d'étude
N'y contraigne aucune attitude,
Ni ne charge trop les portraits.

La nature sur chaque image

Doit guider les traits du pinceau;
Tout doit y peindre un paysage,
Des jeux, des fêtes sous l'ormeau :
L'oeil est choqué, s'il voit reluire
Les palais, l'or, et le porphyre,
Où l'on ne doit voir qu'un hameau.

Il veut des grottes, des fontaines,
Des pampres, des sillons dorés,
Des prés fleuris, de vertes plaines,
Des bois, des lointains aznrés:
Sur ce mélange de spectacles,
Ses regards volent sans obstacles,
Agréablement égarés.

Poètes br colistes.

Ces vers sont sur le véritable ton, dans le véritable style de l'églogue et de l'idylle.

On prétend que la poésie pastorale prit naissance en Sicile, bien long-temps avant l'ère chrétienne. Daphnis, diton, berger de cette contrée, fut le pre mier poète bucoliste, qui se rendit célèbre parmi les Grecs. Probablement ce berger Daphnis, né avec une imagination vive, occupa son loisir à composer, sur son état et sur les objets champêtres, des chansons qui, en lui attirant l'admiration de ses semblables, firent naître en eux le desir de l'imiter, et de se donner même réciproquement de ces espèces de défis poétiques. Car après sa mort, ces bergers conservèrent si précieusement sa mémoire, qu'ils appelèrent long-temps leurs propres chansons, chansons sur Daphnis ; et, suivant nos voyageurs modernes, les hergers de Sicile se disputent encore aujourd'hui le prix de la flûte et du chant; prix qui est une houlette, une panne

tière.

Quoi qu'il en soit, le plus ancien poète grec, connu par des ouvrages dans le genre pastoral, est Théocrite, né à Syracuse, et qui florissoit vers l'an 280 avant J. C. On lui reproche de n'avoir pas donné assez de délicatesse à quelques-uns de ses bergers, que Fontenelle

trouve (sans doute par rapport à nous, qui avons d'autres moeurs) plus rustiques, qu'agréables. Malgré cette critique, ses idylles seront toujours mises au nombre des plus beaux modèles qu'on puisse proposer. Elles sont remarquables par une douceur, une naïveté qui paroît presqu'inimitable. Ce poète a peint la nature simple, mais quelquefois négligée. Sa versification est d'ailleurs vive, harmonieuse, et pleine d'images.

Il nous reste quelques idylles de Moschus, né à Syracuse, et de Bion, natif de Smyrne, tous les deux presque contemporains de Théocrite. Celles du premier sont faites avec soin; il y a beaucoup d'agrément et de délicatesse. Mais la finesse et l'art n'y sont pas assez cachés, et le style en est un peu trop fleuri.

Quant aux idylles de Bion, elles offrent un coloris enchanteur, un style riche et brillant. Mais les jeux d'esprit et l'excès des ornemens qu'il a répandus dans quelques-unes, ne permettent guère qu'on les regarde comme des modèles dans le genre pastoral.

Longepierre publia vers la fin du dixseptième siècle, une traduction de ces trois poètes grecs. Mais à peine eut-elle vu le jour, qu'elle tomba dans l'oubli. Chabanon nous a donné une traduction en prose des idylles de Théocrite, avec

quelques imitations en vers de ce poète grec. Moutonnet de Clairfons a traduit Moschus et Bion en entier, et plusieurs idylles de Théocrite. Celles de Moschus ont été imitées en vers par Poinsinet de Sivry.

Le prince des poètes latins, Virgile, né à Andès près de Mantoue, l'an 70 avant J. C., a été l'heureux imitateur de Théocrite, et a mérité que tous les siècles éclairés le plaçassent à côté de lui. On a cependant remarqué qu'il est un peu moins doux et moins naif, mais d'un autre côté, plus fleuri et plus délicat. Ses églogues sont embellies de toutes les graces de la nature. Horace en a parfaitement exprimé le caractère: il consiste, suivant lui, dans une douceur naïve, ingénue, mais assaisonnée d'un certain piquant léger, qui, s'il est permis de parler ainsi, en relève le goût. Elles ont eu un grand nombre de traducteurs. Celui qui les a le mieux rendues en prose, est l'abbé Des Fontaines. Gresset les a mises en vers français : mais son ouvrage, comme il le dit luimême, est moins une traduction qu'une imitation hardie.

Racan a été en France, sous le règne de Louis XIII, le père de l'églogue. Au mérite d'un style aisé, simple et naturel, il joint le talent d'exprimer avec grace les plus petites choses.

Segrais est venu après lui; et au jugement de Boileau,il peut dans l'églogue enchanter les forêts. Il a le ton vraiment pastoral, et peint très-bien les passions tempérées, les moeurs ingénues des ber gers.

Madame Deshoulières occupe le premier rang parmi les bucolistes français. Ses idylles sont tout à-la-fois de vrais modèles de naïveté, de douceur, et de délicatesse. L'esprit y est toujours si bien ty allié au sentiment, qu'ils paroissent fondus, pour ainsi dire, l'un dans l'autre. On trouveroit bien difficilement une versification plus aisée et plus coulante, des tours dans les expressions plus henreux, des images plus gracieuses, des détails plus agréables et plus charmans.

Je ne parle point ici des vingt églogues que nous a laissées La Motte. Le raffinement et le bel esprit s'y font trop sentir.

Les prétendues églogues de Fontenelle sont encore moins exemples de ce défaut. Peut-on y reconnoître le ton, le langage, les moeurs pastorales? Ou n'y voit plutôt, ou n'y entend que des petits-maîtres, des courtisans spirituels el galans, déguisés sous l'habit de berger.

Deux poètes de nos jours, Léonard et Berquin, ont cultivé la poésie pastorale avec un succès distingué. Les idylles du premier se font remarquer par l'agrément, la délicatesse des pensées, et le

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