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grêle, des orages : il arrivoit quelquefois qu'un souffle mortel desséchoit leurs fruits; que des maladies contagieuses frappoient leurs troupeaux. Dans leurs amours, ils trouvoient quelquefois des bergères insensibles, ou ils étoient supplantés par un rival qui venoit de remporter le prix de la lutte, de la course ou du chant. Quoique libres dans leurs hameaux solitaires, ils n'étoient pas indépendans. Soumis à des souverains, ils devoient donc s'intéresser à la mort ou à la naissance de leurs princes, et en faire le sujet de leurs entretiens. Par la même raison qu'ils avoient des rois, leurs champs étoient exposés aux malheurs que la guerre entraîne. Il étoit donc naturel qu'ils se plaignissent entre eux des ravages de ce fléau, et qu'ils célébrassent par des fêtes le retour de la paix.

C'est dans ces divers états de la vie champêtre, dont on admire la douceur et la tranquillité, malgré les revers que les bergers essuyoient quelquefois; c'est dans les différentes causes de leur joie et de leurs plaisirs, ou de leurs peines et de leur douleur, que doit être choisi le sujet d'une églogue ou d'une idylle. Mais voici ce qui peut distinguer l'une de l'autre.

L'églogue parmi nous a le plus ordinairement une action, et peut avoir la

tinguer

forme dramatique ou la forme épique, Ce qui c'est-à-dire, être en dialogue ou en ré- peut discit. J'ai dit le plus ordinairement, parce rEglogne que nous avons des églogues, soit de de l'idylVirgile, soit de Segrais, soit de madame le. Deshoulières, qui sont purement lyriques le seul sentiment en fait tout le fond. L'idylle peut avoir une action, ou n'en pas avoir. Si elle en a une, il faut qu'elle soit mise en récit. Mais bien souvent elle n'en a point, et ne peint que le sentiment. Si elle exprime une passion, c'est une passion modérée qui éclate par des expressions pleines de douceur. Le poète y fait quelquefois une comparaison de nos travaux, de nos vices, de notre condition, avec les plaisirs, le repos et l'innocence des bergers.

Enfin l'idylle peut rouler sur une allégorie soutenue, tirée de l'instinct des animaux ou de la nature des choses insensibles, telles que les fleurs, les ruisseaux, les fontaines, etc.; comme on va le voir dans ce morceau de l'idylle des Oiseaux de madame Deshoulières.

Vous paroissez toujours sous le même plumage;
Et jamais dans les bois on n'a vu les corbeaux
Des rossignols emprunter le ramage.
Il n'est de sincère langage,

Il n'est de liberté que chez les animaux,
L'usage, le devoir, l'austère bienséance,
Tout exige de nous des droits dont je me plains;
Et tout enfin du cœur des perfides humains
Ne laisse voir que l'apparence.

Contre nos trahisons la nature en courroux,

res des

Ne nous donne plus rien sans peine,

Nous cultivons les vergers et la plaine,

Tandis, petits oiseaux, qu'elle fait tout pour vous.
Les filets qu'on vous tend sont la seule infortune
Que vous avez à redouter.

Cette crainte nous est commune;

Sur notre liberté chacun veut attenter:
Par des dehors trompeurs on tache à nous surprendre.
Hélas! pauvres petits oiseaux,

Des ruses du chasseur songez à vous défendre :
Vivre dans la contrainte, est le plus grand des maux.

Si l'on donne à l'églogue la forme du dialogue, on aura soin de ne pas y introduire plus de trois interlocuteurs: il seroit bien difficile d'en occuper, commo il faut, un plus grand nombre. Cette action étant champêtre, le lieu de la scène ne peut être qu'à la campagne. Mœurs et On a dû juger qu'il faut que les mœurs caractè- des des personnages soient simples, pures et bergers. exemptes de crimes. Les bergers peuvent avoir le desir de plaire, l'émulation dans les jeux; l'ambition d'entretenir un troupeau nombreux et fécond; des passions douces, tendres et modérées; mais jamais de ces passions violentes et cruelles, qui sont les fléaux de la société. Formés des mains de la nature, qu'ils ignorent entièrement l'art de dissimuler et l'art de tromper: que le mensonge, l'imposture, la duplicité, la fourberie, la trahison, leur soient inconnus. Ils doivent être toujours vrais, naïfs, sincères, ingénus, pleins de candeur; el ce seroit un défaut, que leurs

passions, même les plus gaies ou les plus tristes, n'eussent pas un caractère de modération. Un berger vainqueur dans les jeux, ou à qui une bergère aura donné la préférence, pourra chanter son bonheur et sa gloire. Mais il n'insultera point, par son orgueil et sa fierté, à la douleur de ses rivaux. L'amant malheureux pourra se plaindre de l'insensibilité de celle qui l'a charmé; mais toujours avec une douceur touchante et sans emportement. Il pourra briser de dépit ses chalumeaux: mais il ne se portera jamais aux excès de la vengeance. Ces traits ne seroient pas moins opposés au vrai caractère des bergers, qu'à une certaine délicatesse de sentimens qu'on doit leur supposer.

des ber

gers.

Dans leurs entretiens, point de ces Langage disputes vives ou l'aigreur domine, point de reproches amers et mordans, point de paroles injurieuses et grossières. Leur langage doit être toujours poli, mais jamais raffiné: le raffinement et la grossiè reté sont deux excès qui s'éloignent également de l'objet de la poésie pastorale. Les bergers peuvent montrer de l'esprit, mais un esprit toujours naturel, ennemi de l'affectation et de tout ce qui peut paroître recherché. Cet esprit peut même être orné de certaines connoissances mais toutes relatives à l'art champêtre,

Style de

pastorale.

à la culture des terres et des fruits, aux maladies des troupeaux, à la qualité des pâturages, à l'influence des vents et des astres. On les suppose toujours païens; et il est bien naturel qu'on les suppose en même temps instruits de leur religion. Il ne sera donc pas surprenant qu'ils parlent de leurs dieux, et sur-tout des divinités champêtres, de Pan, de Diane, de Palès, de Flore, de Pomone, de Cérès, des Satyres, des Faunes, des Sylvains, etc.

Il est aisé maintenant de se former a poésie une idée juste du ton et du style de la poésie pastorale. On sent qu'il seroit ridicule de donner aux bergers une imagination bardie et fougueuse, des pensées brillantes et profondes, des expressions pompeuses et magnifiques. Dans leurs discours, tout doit être simple, naïf, riant et gracieux. Voyez le commencement du deuxième chant de l'Art poétique de Boileau. Le caractère et les règles particulières de l'idylle et de l'églogue y sont tracés dans des vers qui sont un vrai modèle du style propre à ce genre de poésie: ils offrent le précepte et l'exemple tout à-la-fois.

Lorsque le poète lui-même raconte, il peut prendre un ton plus élevé que celui sur lequel il fait parler ses bergers: il peut employer un style plus fleuri, et répandre plus d'ornemens.

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