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CHAPITRE IL

Des petits Poèmes.

LES petits poèmes, ainsi nommés, parce qu'ils n'ont pas une étendue bien considérable, sont l'Apologue, l'Eglogue et l'Idylle, l'Epitre, la Satyre, l'Elégie, et l'Ode. On verra que, pour y exceller, il faut avoir reçu de la nature un grand talent poétique.

ARTICLE I.

De l'Apologue.

L'APOLOGUE est un petit poème spécialement consacré à plaire et à instruire tout à-la-fois. La Fontaine a très-bien dit:

Les fables ne sont point ce qu'elles semblent être : Le plus simple animal nous y tient lieu de maître. Une morale nue apporte de l'ennui.

Le conte fait passer le précepte avec lui.

En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire (1).

Il n'est point de genre de poésie qui réunisse aulant que celui-ci ce double avantage. Il n'en est du moins aucun qui parvienne à ces deux fins par une

(1) Le Pâtre et le Lion. Fabl. 1, liv. 6.

Définition

voie plus courte, plus agréable, et en même temps plus droite et plus sûre. Le but du poète est de corriger les mœurs, en y donnant aux hommes des leçons qu'il couvre du voile de la fiction; voile non moins léger qu'attrayant, à travers lequel on voit du premier coup-d'oeil les vérités qu'il enveloppe.

L'Apologue ou la fable n'est donc aude l'Apo- tre chose qu'une action qu'on raconte, logue. et du récit de laquelle résulte une iustruction utile pour les moeurs, appelée moralité. Cette action est attribuée tantôt aux Dieux, tantôt aux Hommes, et le plus souvent aux animaux, à des êtres même inanimés qu'on fait agir et parler; comme le chéne et le roseau, le pot de terre et le pot de fer, etc. Si cette action est attribuée aux premiers, la fable est appelée raisonnable. Si elle est attribuée à des animaux seulement, à des plantes, à des arbres, etc. la fable est morale. Elle est mixte, quand un animal et un être doué de la raison y agissent.

Action de L'action de l'apologue doit signifier l'Apolo- directement et avec précision la vérité

gue,

qu'on se propose d'enseigner; et cette vérité est le point où toutes ses parties doivent tendre et aboutir. C'est en quoi consistent la justesse et l'unité d'action dans la fable.

Il n'est pas moins essentiel que la vraisemblance s'y trouve; c'est-à-dire, que les animaux ou les différens êtres qui y sont introduits, parlent, agissent selon leurs caractères vrais ou présumés; qu'ils soient toujours peints d'après nature, d'après les instincts divers, et les inclinations compatibles on opposées que nous leur connoissons. Il paroît, par exemple, qu'il n'est pas vraisemblable que la Génisse, la Chèvre et la Brebis fassent société avec le Lion. On conçoit aisément que ce seroit bien pécher contre la vraisemblance, que d'attribuer la douceur au Tigre, la cruauté à l'Agneau, la foiblesse et la timidité au Lion et au Léopard; de peindre le Lièvre fier et courageux, l'Ane fin et rusé, le Renard simple et stupide, le Singe maladroit, etc.

La brièveté, la clarté, la naïveté sont les principales qualités qui doivent caractériser l'apologue. Ne point prendre les choses de trop loin, ne s'attacher qu'aux circonstances nécessaires, ne rien dire d'inutile, d'étranger à l'action, et finir où l'on doit finir, c'est le moyen d'être court.

On sera clair, si, en évitant d'introduire trop de personnages, et de surcharger son sujet d'incidens, on place chaque chose en son lieu, on met de l'ordre dans les idées et dans les expres

Qualités de l'Apo

logue.

sions, on n'emploie que des termes, des tours qui soient propres, justes, sans équivoque et sans ambiguité.

La naïveté consiste à dire ingénument tout ce que l'on pense, sans que rien ne paroisse en aucune manière être l'ouvrage de l'art ou le fruit de la réflexion. Ce sont, dans le style, de certaines expressions simples, pleines de douceur et de grace, qui paroissent n'avoir pas été choisies, mais être nées d'elles-mêmes ou du hasard. C'est, dans les pensées, un degré de vérité si frappant, si sensible, si exquis, que nous serions presque persuadés que le fabuliste a vu lui-même, et croit voir encore l'action qui nous est racontée, et qu'il ne fait que rendre mot pour mot les discours qu'il a entendus. En voici un exemple tiré de la fable du Savetier et du Financier par La Fontaine.

En son hôtel il fait venir

Le chanteur, et lui dit: Or çà, sire Grégoire,
Que gagnez-vous par an? -Par an! ma foi, monsieur,
Dit avec un ton de rieur

Le gaillard Savetier, ce n'est point ma manière
De compter de la sorte; et je n'entasse guère
Un jour sur l'autre : il suffit qu'à la fin
J'attrape le bout de l'année :

Chaque jour amène son pain.

Eh bien, que gagnez-vous, dites-moi, par journée ? Tantôt plus, tantôt moins : le mal est que toujours (Et sans cela nos gains seroient honnêtes),

Le mal est que dans l'an s'entremêlent des jours

Qu'il faut chommer: on nous ruine en fétes. L'une fait tort à l'autre ; et monsieur le curé De quelque nouveau saint charge toujours son prône.

1

Ne diroit-on pas que le poète a été présent à cet entretien? Voici encore un exemple de naïveté dans ce début de la fable des Femmes et du Secret.

Rien ne pèse tant qu'un secret.

Le porter loin est difficile aux dames.
Je connois même sur ce fait

Bon nombre d'hommes qui sont femmes.

Cette naïveté de l'apologue ne permet point de mettre sur la scène des êtres métaphysiques, et d'y présenter, comme l'a fait La Motte, Dom Jugement, Dame Mémoire, Demoiselle Imagination. Ces personnages sentent la finesse et l'affectation : ils sont de l'homme d'esprit, et non de l'homme naïf.

Qu'on ne s'imagine point que ces Ornemens trois qualités essentielles à l'apologue, de l'apoexclient les ornemens. Dans un genre de poésie où l'on doit instruire, il est nécessaire, pour faire goûter l'instruction, de lui prêter tous les charmes, tous les attraits possibles. C'est ce qu'a fait La Fontaine, le plus parfait modèle auquel on puisse s'attacher pour le style simple, familier, naturel, qui est propre à l'apologue, et en même temps pour le choix et la distribution des ornemens dont on doit l'embellir. Les couleurs les plus brillantes et les plus variées éclatent dans ses fables : tout y est image et peinture. Mais ces couleurs y sont placées avec une simplicité merveilleuse :

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