commune, et presque toujours risible. Le merveilleux qu'il y emploie, consiste dans le ministère comique de quelque divinité païenne ou de quelque génie allégorique. Le Lutrin de Boileau est un poème parfait en ce genre. Un pupître d'une grosseur énorme, placé dans le choeur de la Sainte-Chapelle de Paris, déroboit le chantre à la vue des assistans. Celui-ci le fit abattre. Le trésorier voulut le faire remettre, et en vint à bout. Voilà le sujet du poème; voilà la grande entreprise que le poète a chantée. La Discorde qui, après avoir fait relever ce lutrin par les partisans du trésorier, et l'avoir fait ensuite renverser par ceux du chantre, inspire à ces deux rivaux le dessein d'aller consulter la chicane, les fait rencontrer à l'entrée du repaire de ce monstre, et excite alors un violent combat entre les chanoines et les chan tres; la Nuit, la Piété, la Justice personnifiées, qui interviennent dans l'action; la Mollesse, personnage épisodique, font le merveilleux de ce poème. La pompe du style, la hardiesse des figures, la vivacité des images, la noblesse des comparaisons, une foule de traits sublimes dans ce récit d'une action si commune, donnent à ce charmant ouvrage tout le sel, tout l'enjouement, toutes les graces piquantes du comique. Citons les premiers exemples qui se présenteront : il n'y a pas de choix à faire. Voici trois héros qui se mettent en marche pour aller placer le pupître dans le choeur. Les ombres cependant sur la ville épandues, Il sort au même instant, il se met à leur tête. Vous allez entendre sonner le tocsin pour éveiller les Chanoines, que le Chantre veut assembler au chapitre. Il dit. Du fond poudreux d'une armoire sacrée Poètes Ils sortent à l'instant, et par d'heureux efforts, L'autre encore agité de vapeurs plus funèbres, Pense étre au Jeudi-Saint, croit qu'on dit les ténèbres; En soi-même frémit de n'avoir point diné. Fait dans les champs de Mars déployer ses drapeaux ; Cette comparaison m'en rappelle une autre, qui produit un effet vraiment comique. C'est du Trésorier que le poète parle. Il veut partir à jeun, il se peigne, il s'apprête. Homère, qui florissoit en Grèce, vers épiques, l'an 980 avant J. C., est le plus ancien des poètes connus, et le père de la poésie épique. La critique a relevé dans son Iliade et dans son Odyssée des longueurs, des détails inutiles, des écarts multipliés. Mais malgré ces défauts, il y a près de trois mille ans que toutes les nations éclairées admirent ces deux poèmes, dont le premier offre plus d'élévation dans le génie, plus de vigueur et de feu dans le coloris, plus de variété dans les caractères, et le second plus d'invention, plus de régularité dans le plan, plus de variété dans les événemens. Ce poète sublime est généralement regardé comme le plus grand peintre qui ait paru. «On lui impute, dit Voltaire, l'extravagance de ses Dieux et la grossièreté de ses héros. C'est reprocher à un peintre d'avoir donné à ses figures les habillemens de son temps. Homère a peint les Dieux tels qu'on les croyoit, et les hommes tels qu'ils étoient... On peut rire tant qu'on voudra de voir Patrocle, au neuvième livre de l'Iliade mettre trois gigots de mouton dans une marmite, allumer et souffler le feu, et préparer le dîné avec Achille. Achille et Patrocle n'en sont pas moins éclatans. Charles XII, roi de Suède, a fait six mois sa cuisine à Demir-Tocca, sans perdre rien de son héroïsme; et la plu part de nos généraux qui portent dans un camp tout le luxe d'une cour efféminée, auront bien de la peine à égaler ces héros qui faisoient leur cuisine euxmêmes. On peut se moquer de la princesse Nausica, qui, suivie de toutes ses femmes, va laver ses robes et celles du roi et de la reine. Cela n'empêchera pas qu'une simplicité si respectable ne vaille bien la vaine pompe, la mollesse et l'oisiveté dans lesquelles les personnes d'un haut rang sont nourries ». Madame Dacier a fort bien traduit les deux poèmes d'Homère, et y a joint d'excellentes remarques, qui décèlent une grande connoissance de l'antiquité. Divers écrivains de nos jours les ont aussi rendus en notre langue, soit en prose, soit en vers, Nous en avons quatre ou cinq traductions, toutes très-estimées, et parmi lesquelles les connoisseurs n'ont pas unanimement marqué celle qui a une supériorité décidée sur les autres. Virgile n'est pas moins universellement admiré qu'Homère. Il l'a imité en beaucoup d'endroits; mais bien des censeurs éclairés trouvent qu'il ne l'a imité que pour le surpasser, et regardent même. l'Eneide comme le plus parfait des poèmes épiques. Il est certain qu'il est peu d'ouvrages aussi propres à former le goût. Le poète latin n'a pas toute la vigueur, toute la sublimité, tout le feu du génie du poète grec : mais il a plus d'art, plus de jugement, et sait bien mieux orner la raison. Son plan est exact, sa narration rapide et jamais interrompue, sa diction toujours pure et coulante, scs images toujours vives, son coloris toujours brillant. Le merveilleux qu'il em, |