» Argant va le frapper, et laisse lui» même son côté gauche sans défense. » Tancrède d'un seul coup repousse son » épée, le blesse, puis se retire, se remet » sous les armes et s'en couvre tout en» tier. Le Circassien voit couler son »propre sang plein d'horreur et de » trouble, transporté de douleur, il fré» mit, il soupire; il élève et l'épée et la » voix; il veut frapper, et lui-même est » frappé à l'endroit où finit l'épaule et > commence le bras. Tel que dans les » forèts qui couronnent le sommet des » Alpes, l'ours blessé par des chasseurs, » s'élance furieux au milieu des armes, > affronte avec audace les périls et la » mort; tel le Circassien percé d'une » double blessure, couvert d'une double » honte, tout à la colère et à la ven» geance, ne connoit plus le danger, et » oublie le soin de sa propre défense. I >> réunit toutes ses forces, et donne à » son épée un mouvement si impétueux, que la terre en tremble, et l'air en » étincelle. Tancrède ne peut plus atta» quer; il se defend, il respire à peine : » rien ne peut le garantir de l'impétuos » sité d'Argant ni de ses efforts. Ramassé » sous ses armes, il attend en vain que » l'orage cesse; il recule : mais le fier » Sarrasin le presse avec la mème furie. » Enfin, Tancrède forcé de s'abandon>>ner à ses transports, fond, et se » précipite sur son ennemi. La raison » et l'adresse cèdent à la colère; la fu>> reur entretient leurs forces et les ra»nime. Leurs bras ne portent pas un » coup qui ne perce, qui ne déchire : la » terre est couverte du débris de leurs >>> armes leurs armes sont teintes de » sang, et le sang coule avec la sueur : » leurs épées brillent comme l'éclair, » éclatent comme le tonnerre, et frap» dent comme la foudre. L'un et l'autre >> peuple interdit, incertain, contemple » un spectacle si atroce et si nouveau: >> partagé entre la crainte et l'espérance, > il en attend la fin: leurs regards suivent >> les mouvemens des guerriers: parmi » tant de spectateurs, on ne voit aucun » geste, on n'entend aucun mot; tous >> restent muets, immobiles, et l'agita>>tion n'est que dans leur cœur. Déjà les deux combattans étoient épuisés, et » peut-être la lassitude alloit décider la >> victoire : mais la nuit étend ses voiles >> obscurs ». dans le Homère excelle dans la description Des desdes batailles. La vigueur et la variété criptions du coloris en font le grand mérite. Je poème regrette de ne pouvoir rapporter ici épique. aucune de ces descriptions, qui, par leur longueur, occuperoient un trop grand espace. Virgile peint peut-être ces sortes d'objets avec moins de force et de feu mais il les peint avec plus de " sagesse et de goût. Il faut entendre Enée ( livre 2o.) racontant à Didon le siége du palais de Priam. Le héros qui parle, étoit au milieu des Grecs, affamés de carnage. Le poète qui le fait parler, s'y est transporté avec lui, et y transporte ses lecteurs. A ce chef-d'oeuvre de narration dans le genre terrible, le poète latin en a fait succéder un autre dans le genre touchant, et qu'on ne doit pas manquer de lire. C'est la mort du roi Priam. Le poème de la Henriade abonde en riches tableaux. La description de l'assaut livré à la ville de Paris, est en ce genre un des beaux morceaux de notre poésie. Voyez l'éclat et la vivacité de ces couleurs, l'harmonie et la rapidité de ce style. Du côté du levant bientôt Bourbon s'avance: Des mains des assiégeans, et du haut des remparts. Et loin d'eux dans les champs leurs membres dispersés. De leurs cruels enfans l'effort industrieux A dérobé le feu qui brûle dans les cieux. Dans ces globes d'airain, le salpétre enflammé, I es Ligueurs devant lui demeurent pleins d'effroi ; Se baigne dans le sang que l'on verse pour elle. Ce rempart teint de sang, théâtre de la mort. Du haut des murs fumans qu'il avoit emportés; Les tableaux ne sauroient être trop variés dans l'épopée. Tous les objets de la nature peuvent y être décrits. C'est cette variété, heureux fruit d'un génie riche et fécond, qui fait le charme du lecteur. Voyez dans le genre agréable (Enéïde, liv. 5) une description, à laquelle on ne peut rien ajouter de plus vif ni de plus piquant. C'est celle d'un combat simulé de cavalerie, par un nombreux escadron d'enfans Troyens. La plus grande justesse et la plus grande vérité font le mérite de la description suivante, tirée de la Jérusalem délivrée. On va y voir presque toute la |