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il s'égare pendant la nuit, arrive à un château habité par Armide, tombe entre les mains de cette enchanteresse, et les Chrétiens, privés alors du plus vaillant de leurs guerriers, essuyent de plus grandes pertes et de plus grands désastres, qui retardent encore davantage l'exécution de leur entreprise. Cette même Herminie se trouvant ensuite dans le camp des Egyptiens, ennemis des chrétiens, reconnoît Vafrin, écuyer de Tancrède, et l'espion des Croisés. Elle se confie à lui pour retourner à Jérusalem, et lui révèle un secret complot tramé contre Godefroy. Huit guerriers déguisés en Français, vêtus et armés comme les gardes du général chrétien, doivent se jeter dans la mélée, et enfoncer dans son sein un fer empoisonné. Sur cet avis, Godefroy fait changer à ses gardes d'habillement et d'armure; et, dans ce dernier combat, qui, décidant de l'empire d'Asie, termine entièrement ce poème, il échappe au danger qui le menaçoit. Voilà un épisode qui sert d'abord à nouer plus fortement l'action, et qui ensuite influe d'une manière prochaine sur le dénouement.

Telles sont à peu près toutes les différentes espèces d'épisodes qui conviennent à l'épopée. Cette notion suffit sans doute pour faire juger de la manière

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et de la

dont on doit les placer et les lier à l'action, soit pour répandre des ornemens dans le poème, soit pour y ajouter un nouveau degré d'intérêt. Il faut observer que les épisodes de pur agrément ne tenant pas essentiellement à l'action, doivent être plus ou moins courts, selon que la matière est plns ou moins éloignée du sujet.

On n'est pas obligé dans le poème sonnages épique, comme dans le dramatique, morale, d'annoncer dès le commencement tous dans le les personnages qui doivent y paroître. poème Mais ces deux poèmes ont cela de épique.

commun, qu'ils n'en souffrent point d'inutiles. Dans l'épopée, tous doivent faciliter ou traverser plus ou moins l'exécution de l'entreprise. Ainsi c'est le besoin de l'action qui en détermine le nombre. Il faut d'abord leur donner les mœurs de leur temps et de leur pays ce seroit choquer le bon sens que de leur en donner d'autres. Certains critiques ont donc eu tort de trouver les héros d'Homère défectueux, parce qu'ils ne ressemblent pas aux nôtres. Pouvoient-ils raisonnablement les juger par le goût de notre siècle et de notre nation? Le poète grec les a peints tels qu'ils étoient de son temps: il le devoit ; et il mériteroit aujourd'hui même les reproches de la critique, s'il ne l'avoit point fait

Les

Les mœurs des personnages, dans l'épopée, doivent être, comme dans le poème dramatique, bonnes, convenables, ressemblantes et égales: on a vu en quoi consistent toutes ces qualités. Il est surtout essentiel de les varier et de les faire contraster ensemble. Cette différence, cette opposition de moeurs ou caractères est une des choses qui attachent le plus le lecteur; qui jettent le plus d'éclat et le plus d'intérêt dans le poème épique, parce que ces contrastes frappent agréablement l'esprit, et de plus affectent vivement le coeur, qui se livre alors sans réserve aux mouvemens d'amour ou de haine qui l'entraînent. Je répéterai ici qu'Homère est un des plus parfaits modèles en ce genre. Le Tasse l'a suivi de très-près.

Les descriptions oratoires, les portraits brillans, ne sont pas ce qui fait le mieux connoître ces divers caractères. Ce sont les propres discours des person-. nages mêmes, leurs actions, leur con duite. Attachez-vous donc principalement à les faire agir ou parler. C'est par les différentes passions, que leurs caractères doivent se manifester. L'épopée les admet toutes sans exception, les bonnes et les mauvaises. Il ne s'agit que de les peindre sous les traits qui leur sont propres ; celles-ci, avec tout ce qu'el les peuvent avoir de funeste et d'odieux;

celles-là avec tout ce qu'elles peuvent avoir d'utile et d'attrayant. Ce sont ces tableaux divers ou opposés entr'eux, et que le poète expose à nos yeux comme dans une vaste galerie, qui, nous montrant lavertu dans tout son éclat,nous en faisant sentirtout le prix et toute l'excellence,excitent en nous cette grande admiration, qui est la dernière fin de l'épopée.

Si le poème épique est l'action de plusieurs hommes, même de tout un peuple, comme il peut fort bien l'ètre, il faut toujours qu'il y ait un acteur qui domine sur tous les autres, qui soit le chef de l'entreprise. On juge d'avance que ce principal personnage doit être vertueux, puisque l'action qu'il entreprend doit être bonne, louable et digne d'être admirée. Ainsi il est inutile de dire qu'un homme souillé de forfaits, venant à bout d'une entreprise criminelle quelque glorieuse qu'on la supposât (si toutefois la véritable gloire pouvoit s'allier avec le crime), ne pourroit pas être le héros d'un poème épique. Ce n'est pas que ce premier personnage doive nécessairement être tout-à-fait vertueux comme Godefroi. Il peut avoir des foiblesses, des défauts, même une passion vive et funeste, comme Enée, Ulysse et Achille. Mais il faut que ses foiblesses soient éclipsées par de grandes vertus ; qu'il triomphe de sa pas

sion; qu'une ame élevée et peu commune soit le principe de ses défauts.

Voulez-vous long-temps plaire et jamais ne lasser ? Faites choix d'un héros propre à m'intéresser, En valeur éclatant, en vertus magnifique : Qu'en lui, jusqu'aux défauts,tout se montre héroïque(1). Ce héros doit toujours avoir une vertu dominante qui le caractérise particulièrement telle est la piété dans Enée, la prudence dans Ulysse, la valeur dans Achille. C'est cette grande vertu dont il est constamment animé, qui nous le fait admirer dans les obstacles qu'il rencontre, dans les revers qu'il essuie, dans ses malheurs, ses périls, ses combats; et notre admiration est portée à son comble, à l'aspect de cette vertu couronnée par le succès de l'entreprise.

La morale n'est pas une des parties les moins importantes de l'épopée. C'est dans ce genre de poésie, peut-être plus que dans aucun autre, que le poète est obligé de faire de son art le noble et digne usage qui lui est propre ; de cet art consacré, dès son berceau, autant à l'instruction des hommes qu'à leur plaisir. D'ailleurs qui peut nier que nous n'aimions naturellement le vrai, que nous n'aimions naturellement la vertu? Notre esprit cherche sans cesse le vrai, parce que nous trouvons notre satisfac

(1) Boileau. Art Poét. ch. 111.

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