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grande et longue; et il y a de petites allées, où l'on va quelquefois se délas ser, qui tendent toutes à la grande. Cette comparaison me paroît juste, pourvu toutefois que ces allées ne soient pas en trop grand nombre: elles formeroient un labyrinthe dans lequel on pourroit s'égarer. Il en seroit de même des épisodes : ils noyeroient l'action principale, s'ils étoient trop multipliés.

On a comparé aussi le poème épique à un grand fleuve, qui se partage en rameaux, forme des îles qu'il embrasse, reçoit des torrens, des ruisseaux, des rivières dans son sein. Mais il faut que ce soit toujours le même fleuve qui, suivant la même impulsion, aille se jeter dans l'Ocean par une seule embouchure.

Enfin le poème épique a été comparé à un tableau où l'on voit une figure principale qui frappe par sa grandeur et sa beauté, et où il y en a aussi plusieurs autres dans une belle ordonnance et dans une juste proportion. Mais il faut que ces figures accessoires aient, par leurs différentes attitudes ou par leurs différentes expressions, rapport plus ou moins direct avec la figure principale.

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Toutes ces comparaisons peuvent donner suffisamment à entendre ce que

sont les épisodes dans l'épopée. Mais pour faire connoître en même temps et l'effet qu'ils doivent y produire, et la place qu'ils méritent d'y occuper, il est à propos de distinguer ici les épisodes qui n'y sont que par occasion, et ceux qui y sont pour le besoin de l'action. Ceux de la première espèce sont des épisodes de pur agrément : le poète ne les emploie que pour répandre dans son poème un ornement de plus, ou pour délasser et pour égayer le lecteur. En voici un exemple:

Enée va demander du secours au roi Evandre, contre les peuples d'Italie qui veulent l'empêcher de s'établir dans ce pays. Il le trouve faisant un sacrifice; et ce prince lui en raconte l'origine. Ce récit amené, comme on le voit, bien naturellement, n'étoit pas absolument nécessaire. Si la circonstance exigeoit qu'Evandre instruisît. Enée de l'événement qui avoit donné lieu à l'institution de ce sacrifice, il pouvoit lui dire, en quatre vers, que c'étoit la victoire remportée par Hercule sur Cacus, brigand qui ravageoit cette contrée. La description brillante et pittoresque de ce combat ne tient donc au poème que par occasion. Ce n'est ici qu'un ornement qu'on pourroit supprimer, sans que l'action fût moins bien nouée, moins bien conduite, et

sans qu'elle perdit le moindre degré d'intérêt.

Les épisodes qui sont dans l'épopée pour le besoin de l'action, y sont plus ou moins nécessaires, suivant la manière dont le poète les emploie. Ainsi distinguons 1°. celui qu'on nomme grand épisode, parce qu'il entre nécessairement dans la construction du poème; 2°. ceux qui servent à former ou à détruire un obstacle à l'accomplissement de l'action; 3°. ceux qui contribuent à l'intérêt d'une partie importante de l'action; 4°. ceux qui étant employés pour nouer plus fortement l'action, influent encore d'une manière prochaine sur le dénouement. Les exemples vont répandre une vive lumière sur cette distinction.

1o. Enée jeté par une tempête sur les côtes de Carthage, reçoit un accueil favorable de la part de Didon, reine de ce pays, à laquelle il fait le récit de la prise de Troie, et des revers qu'il a essuyés depuis son départ de cette ville saccagée. Voilà le grand épisode de l'Enéïde. Il y est nécessaire, pour que nous soyons instruits des événemens importans qui se sont passés avant l'action du poème.

2o. Le chef des Troyens, après avoir raconté à Didon la malheureuse histoire de la ruine de sa patrie, est retenu

auprès de cette jeune reine par un violent amour, qui lui fait oublier l'Italie, où il est appelé par les destins, pour fonder une nouvelle Troie. Voilà un épisode qui sert à former un obstacle à l'accomplissement de l'action ; obstacle que surmonte le héros, qui, informé par Mercure de la volonté de Jupiter, rompt courageusement ses liens, et abandonne Carthage.

3o. Dans le même poème, les Troyens, pendant l'absence d'Enée, se tiennent renfermés dans leur camp, suivant l'ordre qu'il leur en avoit donné. Mais l'armée de Turnus ne cesse de les insulter l'ennemi même se dispose à mettre le feu à leurs retranchemens. Réduits à cette extrémité, ils délibèrent sur les moyens de faire savoir à leur chef la situation où ils se trouvent. Deux jeunes guerriers, Nisus et Euryale, unis de la plus étroite amitié, se chargent de cette commission d'autant plus périlleuse, qu'il falloit s'ouvrir un passage à travers le camp des ennemis, et y périssent, après avoir fait plusieurs grands exploits. Le mauvais succès de cette expédition est un nouveau revers pour les Troyens, puisqu'il ne fait qu'accroître leur embarras et leur inquiétude, en leur ôtant l'espérance de recevoir un prompt secours, ou de nouveaux ordres de leur chef. Il est

clair que si vous supprimiez cet épisode, si vous supposiez que Nisus et Euryale ont passé tranquillement au travers des ennemis, et sont arrivés au lieu où étoit Enée, la situation des Troyens seroit moins fâcheuse, et nous intéresseroit moins vivement. Voilà donc un épisode qui contribue à l'intérét d'une partie importante de l'action.

4°. Dans la Jérusalem délivrée, Herminie, cédant à la vivacité des sentimens qu'elle a pour Tancrède, sé couvre des armes de Clorinde son amie, et sort de Jérusalem pendant la nuit, pour aller offrir au héros chrétien de le guérir de ses blessures. Elle envoie à la tente de Tancrède un écuyer, qui, cachant le nom de la princesse, lui dit qu'une dame vient lui rendre la vie. Dans cet intervalle, la fausse Clorinde est apperçue par celui qui commande une garde avancée, et qui lui lance un javelot. Herminie effrayée prend la fuite, et est emportée par son cheval dans une forêt. Au même instant, le bruit se répand dans le camp qu'on a vu Clorinde; il parvient aux oreilles de Tancrède, qui adore cette guerrière ah! dit-il, c'est elle-même qui venoit adoucir mes peines. Transporté d'amour et de joie, il prend une partie de ses armes, monte à cheval, vole, et suit les traces qu'il croit voir. Mais

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