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dans la nature; soit pour la versification qui est correcte, riche dans ses rimes, élégante, nombreuse, harmonieuse; exact imitateur des anciens dont il a suivi scrupuleusement la netteté et la simplicité de l'action.....

:

Corneille nous assujettit à ses caractères et à ses idées; Racine se conforme aux nôtres celui-là peint les hommes comme ils devroient être; celui-ci les peint tels qu'ils sont. Il y a plus dans le premier de ce que l'on admire, et de ce que l'on doit même imiter: il y a plus. dans le second de ce que l'on reconnoît dans les autres, ou de ce que l'on éprouve dans soi-même. L'un élève, étonne, maîtrise, instruit; l'autre plaît, remue, touche, pénètre. Ce qu'il y a de plus beau, de plus noble et de plus impérieux dans la raison, est manié par le premier; et par l'autre, ce qu'il y a de plus flatteur et de plus délicat dans la passion. Ce sont dans celui-là des maximes, des règles et des préceptes; et dans celui-ci du goût et des sentimens. On est plus occupé aux pièces de Corneille : on est plus ébranlé et plus attendri à celles de Racine. Corneille est plus moral; Racine plus naturel. Il semble que l'un imite Sophocle, et que l'autre doit plus à Euripide.

Ceux qui voudront faire une comparaison entre ces deux grands hommes,

pourront donc conclure de celle-ci, ainsi que de toutes les autres qui ont été faites par plusieurs écrivains, que le duc de Bourgogne, père de Louis XV, jugeoit très-sensément et très-délicatement, lorsqu'il disoit que Corneille étoit plus homme de génie, et Racine plus homme d'esprit.

Il y avoit plusieurs années que la scène tragique avoit perdu Racine, lorsque Crébillon y parut. Les premiers essais de ce poète annoncèrent qu'il concevoit fortement la tragédie, et qu'il avoit un genre à lui. Les bonnes pièces qu'il donna ensuite, lui méritèrent la gloire de partager avec Corneille et Raine le sceptre de la scène. Si le premier nous retraçant Sophocle, élève l'ame par le sublime; si le second nous retraçant Euripide, l'attendrit par le touchant, celui-ci nous retraçant Eschyle, la déchire par le terrible. Il manie le ressort de la terreur avec autant de force que le tragique grec, mais avec plus d'art, de goût et de régularité. Le sombre pathétique et majestueux qui règne dans toutes ses tragédies, pénètre jusqu'au fond de l'ame, et lui fait éprouver les plus violentes secousses. Les reconnoissances qu'il a mises dans quelques-unes, sont toujours bien amenées et bien traitées; ses caractères toujours bien marqués et bien soutenus. Sa versification n'a pas

un certain éclat, une certaine harmonie, une certaine pureté : mais elle est. forte, mâle, vigoureuse et pittoresque. Crébillon avoit le défaut qu'ont ordinairement les hommes de génie, celui de trop négliger le style.

Les éloges que l'on a donnés aux tragédies de Voltaire, ont paru à l'homme de goût aussi outrés que les critiques qu'on en a faites. Les vrais connoisseurs, qui jugent sans prévention et sans partialité, ont reconnu que Voltaire, sans avoir aucun genre qui lui soit véritablement particulier, réunit, à un degré inférieur, ceux des trois tragiques dont je viens de parler. Il est tour-à-tour vigoureux et sublime, mais bien moins que Corneille; tendre et touchant, mais bien moins que Racine; sombre et terrible, mais bien moins que Crébillon. En admirant dans ses meilleures pièces, des détails d'une beauté frappante, des morceaux pleins de noblesse, de grandeur et d'intérêt, des scènes vraiment terribles ou attendrissantes, une peinture vive des grandes passions, l'élévation des sentimens, la dignité des personnages, un spectacle majestueux et imposant; on trouve qu'en général ses plans ne sont pas neufs, ou qu'ils manquent d'une certaine justesse et d'une certaine régularité; que ses intrigues sont quelquefois bâties sur des fondemens peu solides;

que son dialogue n'est pas toujours juste et direct; que les maximes, les sentences sont trop prodiguées dans ses pièces ; que les situations vraiment tragiques y sont quelquefois amenées par des invraisemblances; que l'action y est aussi quelquefois entassée, et la pompe théâtrale étalée au préjudice du sentiment et de la passion. Mais son style est toujours pur, coulant et enchanteur, sans avoir cependant l'élégance, la douceur et l'harmonie de celui de Racine. En un mot, on peut dire que Voltaire, quoiqu'il n'ait point égalé ses trois prédécesseurs dans le genre qui est propre à chacun d'eux, est, dans ses bonnes tragédies, assez sublime, assez touchant, assez terrible pour faire un très grand honneur à notre scène, tant que le goût du beau subsistera parmi nous.

Thomas Corneille, frère du grand Corneille, suivit la même carrière que lui, et mérita de le remplacer à l'académie française. Parmi le grand nombre de tragédies qu'il a laissées, Ariane, et le Comte d'Essex l'ont fait placer à côté de nos bons tragiques. Ces pièces ne sont pas écrites avec une certaine force; mais elles sont très bien conduites. La première est presqu'un chef-d'oeuvre dans le genre touchant le rôle d'Ariane, quoiqu'un peu long, est de la plus grande beauté. Aussi eut-elle un succès prodi

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gieux

gieux aux premières représentations. L'autre pièce est remarquable par la grandeur du sujet, la simplicité de l'intrigue et la vérité soutenue des caractères.

Campistron, contemporain et ami de Racine, est un tragique du second ordre, qui mérite bien d'être distingué. Les plans de ses tragédies sont, en général, réguliers, l'intérêt, touchant, et les caractères, soutenus, ainsi que le dialogue il y a même du pathétique dans certaines scènes. Le style en est doux

et

pur, mais foible et sans coloris. Les comédiens depuis assez long-temps ne jouent aucune de ses pièces. On peut cependant assurer que les amateurs de la bonne tragédie verroient avec le plus grand plaisir Arminius, Andronic, Alcibiade, Tiridate. Ces tragédies furent reçues dans leur nouveauté avec les plus vifs applaudissemens; et c'étoit dans les beaux jours de la littérature, sous le règne du goût le plus épuré.

Les tragédies de du Belloy annoncent une assez grande connoissance de l'effet local du théâtre : elles ne manquent pas même d'une certaine force, d'une certaine élévation. Mais les grandes passions n'y sont pas bien peintes; le spectateur n'y est pas assez intéressé par des développemens, assez ému par des situations pathétiques. Il y a quelques

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