l'armée que la nuit précédente, ne savoit pas qu'on eût consulté l'oracle, apprend la nouvelle de cette arrivée, et vient en témoigner sa joie à Agamemnon, qui ne lui fait que des réponses vagues. Ulysse même le blâme de songer à son amour, dans un temps, où les dieux irrités demandent du sang peut-être, et du plus précieux. Le fier Achille s'exprime ici avec toute son ardeur pour la gloire; et sans aucun délai, sans achever même son hymen, il veut voler à Troie, dût-il l'assiéger seul avec son ami Patrocle. Agamemnon gémit dans le sein d'Ulysse sur le sort d'Iphigénie, lorsqu'il apprend qu'elle vient d'arriver avec Clitemnestre sa nière, et Euriphile, jeune princesse de Lesbos, captive d'Achille, et qui vient interroger l'oracle sur son destin, dont elle n'a aucune connoissance. Ulysse presse alors Agamemnon d'immoler aux Dieux leur victime, puisqu'eux-mêmes ont pris soin de l'amener à Calchas. Agamemnon est déterminé à le faire après avoir écarté Clitemnestre de l'autel. Voilà le noeud commencé : il s'agit de voir si Iphigénie sera sacrifiée. Tout est préparé pour le complément de cette action, sans que cependant on puisse rien prévoir. La curiosité s'empare de l'ame du spectateur; mais c'est une curiosité qui n'est pas exempte d'inquiétude. Acte II. Eriphile dit à sa confidente, qu'un oracle effrayant lui annonce qu'elle ne peut, sans périr, connoître le sang dont elle sort; mais que le plus funeste de tous ses maux est l'hymen d'Achille et d'Iphigénie. Prisonnière de ce héros, elle l'aime ; et sa jalousie la porte à traverser le bonheur de cette même Iphigénie, qui lui a offert son appui auprès d'Achille. Agamemnon paroît, suivi d'Iphigénie, qu'il ne regarde qu'en soupirant, et dont il reçoit à peine les embrassemens. Ma fille, je vous vois toujours des mêmes yeux; IPHIGÉNIE. Hé mon père, oubliez votre rang à ma vue. Périsse le Troyen, auteur de nos allarmes ! AGAMEMNO N. Sa perte à ses vainqueurs coûtera bien des larmes. IPHIGÉNIE. Les dieux daignent sur-tout prendre soin de vos jours! AGAMEMNON. Les dieux, depuis un temps, me sont cruels et sourds. IPHIGÉNIE. Calchas, dit-on, prépare un pompeux sacrifice. AGAMEMNON. Puissé-je auparavant fléchir leur injustice! IPHIGÉNIE. L'offrira-t-on bientôt ? AGAMEMNO N. Plutôt que je ne veux. IPHIGÉNIE. Me sera-t-il permis de me joindre à vos vœux ? Que doit soupçonner Iphigénie de cet accueil? Mais que doit-elle penser d'Achille qui ne s'est pas encore offert à sa vue? Elle confie ses tristes pensées à Eriphile, lorsque Clitemnestre, à qui Arcas a remis la lettre d'Agamemnon, vient annoncer à Iphigénie qu'il faut se préparer à un prompt départ. Sauvons, lui dit-elle, notre gloire offensée. Pour votre hymen Achille a changé de pensée. Elle dit à Eriphile: Je ne vous presse point, madame, de nous suivre. Iphigénie soupçonnant Eriphile d'être la cause de ce changement, accable de reproches cette princesse, et ne fait qu'une très courte réponse à Achille, qui se présente en ce moment devant elle. Celui-ci ne sait que penser de cette fuite. Il adore plus que jamais Iphigénie. Mais il ne voit par-tout, dit-il, que des yeux ennemis. Calcas, Nestor, Ulysse combattent son amour, et paroissent lui dire qu'il faut qu'il y renonce. Est-il la fable de l'armée? C'est un secret qu'il veut leur arracher. Eriphile est furieuse, voyant qu'Iphigénie est aimée. Mais on se cache d'Achille, dit-elle; Agamemnon gémit: elle aime à se persuader que quelque orage est près d'éclater sur ces deux amans, et prend la résolution de ne pas mourir sans vengeance. Voilà le noeud formé : l'action commence à mar cher. Le spectateur est déjà dans le trouble et dans l'inquiétude sur le sort d'Iphigénie. Il n'a pu entendre ces paroles d'Agamemnon, en parlant du sacrifice, vous y serez, ma fille, sans trembler pour cette jeune princesse. Acte III. Clitemnestre ouvre la scène avec Agamemnon. Elle lui dit : Oui, seigneur, nous partions, et mon juste courroux Agamemnon feint de consentir à l'hymen de sa fille. Mais il ordonne à la reine de la laisser aller à l'autel, suivie de ses femmes seulement. Clitemnestre s'imaginant qu'Agamemnon rougiroit de montrer à l'armée la soeur d'Hélène, se résout à obéir; et le bonheur de sa fille la console de tout. Elle voit paroître Achille qui, au comble de la joie, lui dit: Tout succède, madame, à mon empressement. Il en croit mes transports, et sans presque m'entendre, Il invite Iphigénie, qui paroît dans ce même moment, à venir recevoir à l'autel un cœur qui l'adore. Cette princesse prête à l'y suivre, lui présente Eriphile, sa captive, dont elle le prie de briser les |